David Madore's WebLog: 2020-02

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en février 2020 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in February 2020: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in February 2020 / Entrées publiées en février 2020:

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(vendredi)

Quelques pensées supplémentaires sur Covid-19

Cette entrée fait suite à celle de lundi, pour ajouter, préciser ou rectifier quelques choses qui me semblaient trop longues pour constituer de simples notes ajoutées aléatoirement, mais toujours sur le même sujet — qui semble un peu être le seul sujet dont on peut parler en ce moment — et pour râler encore une fois d'être apparemment le seul à spéculer sur la valeur de certains paramètres.

Voir à la fin de cette entrée pour des mises à jour supplémentaires.

Mise à jour () : Comme je commence à avoir trop de liens d'information sur le sujet, je crée un fichier pour les rassembler.

Il est très difficile de se préparer mentalement à affronter un sujet (a) sur lequel il y a énormément d'inconnu, et (b) qui mérite une réaction située quelque part à mi-chemin (mais ce n'est justement pas clair où) entre ce n'est pas plus vraiment préoccupant que la grippe saisonnière et oh par Pluton c'est la fin du monde. Ces deux extrêmes seraient plus faciles à appréhender, mais là on est dans une teinte de gris délicate à cerner, surtout qu'on ne sait justement pas ce qu'elle sera. (Notez que je ne suis bien sûr pas en train de dire que je préférerais des nouvelles plus catastrophiques et plus certaines comme il y a un astéroïde de 50km qui va heurter la Terre de façon sûre ! Mais c'est un fait que je suis du genre d'esprit qui déteste l'incertitude.) On est dans le domaine de ce qui est trop grave pour être ignoré mais pas assez grave pour baisser complètement les bras : donc (on se dit qu')il faut faire quelque chose et ce n'est pas très clair quoi. Et avec ça la tentation de se réjouir de n'importe quelle annonce (par exemple sur l'efficacité de tel ou tel médicament).

Un certain nombre de gens va mourir, donc, ça c'est certain. Combien, c'est une grande inconnue. On est vraisemblablement dans le terrain intermédiaire suivant : vous n'allez probablement pas mourir (en notant bien que probablement n'est pas certainement, justement), mais vous connaissez probablement quelqu'un qui va mourir (mais on ne sait pas combien ni s'il faudra chercher loin cette connaissance). Peut-être que c'est ce qui frappera surtout les esprits : pas le nombre absolu de morts (qu'il se compte en centaines de milliers, en millions, ou en dizaines de millions) mais la mort de telle ou telle connaissance plus ou moins lointaine, ou de telle ou telle célébrité (les gens célèbres étant nettement plus âgés qu'un échantillon aléatoire, il y aura sans doute plus de morts chez eux en proportion : au hasard, peut-être que le pape, qui n'est pas un jeunot, qui a eu des problèmes de santé au poumon, et qui n'est pas du genre à s'isoler, succombera, ou bien la reine du Royaume-Uni, et cela donnera un visage à la pandémie).

Un peu comme les astronomes qui ont décomposé leur ignorance sur la vie extra-terrestre en produit de facteurs tous inconnus dans l'équation de Drake, je faisais pareil dans mon entrée de blog précédente : le nombre de morts sera f·r·N, où N est la population mondiale (ou celle de la région à laquelle on s'intéresse), ce nombre-là au moins est bien connu, il vaut à peu près 8 milliards, où r (taux d'infection — je ne sais pas si c'est le bon terme) est la proportion des gens qui seront infectés le virus (pendant l'intervalle de temps considéré, disons, l'année qui vient), c'est-à-dire que r·N est le nombre total de gens qui seront infectés, et où f (taux de létalité) est la proportion de ceux-ci qui en mourront (ou qui en mourront de complications directes). Ou, dans une interprétation probabiliste, r est votre probabilité d'être infecté, et f est votre probabilité d'en mourir sous (c'est-à-dire conditionnée par) cette hypothèse que vous ayez été infecté ; enfin, bien sûr, ça c'est pour un individu « générique », parce que pour un individu particulier, il faudrait parler d'un r et d'un f individuels, chacun pouvant avoir des facteurs personnels pour que l'un ou l'autre soit plus élevé (si vous êtes un hermite qui vit en autarcie complète, votre r individuel sera très bas, tandis que si vous êtes une personne âgée diabétique et qui respire mal votre f individuel sera très élevé, mais les deux peuvent être vrais en même temps et se compenser dans le produit f·r). Bref.

Mise à jour () : on me souffle en commentaire que r (et pas f !) s'appelle en français le taux de morbidité, encore que ce n'est pas clair à la lecture de l'article Wikipédia si taux de morbidité est le rapport du nombre de cas en cours sur la population totale ou le total cumulé du nombre de personnes ayant eu la maladie (au moins une fois), sachant que c'est de ce dernier que je veux parler, donc peut-être taux de morbidité cumulé ? On aurait alors f = taux de létalité, r = taux de morbidité (cumulé) et f·r = taux de fatalité, termes un peu inventés par le Club Contexte (et peut-être en faisant l'hypothèse que les personnes tombant malade deux fois sont très rares, sinon on ne sait pas si et où on doit les compter pour 1 ou 2). ⁂ Re-mise à jour () : je trouve aussi le terme de taux d'attaque pour le taux d'incidence cumulé. Ces termes sont vraiment très confus !

Évidemment, on ignore à la fois f et r ; en fait, même pour une maladie comme la grippe saisonnière dans un terrain bien observé comme la France, on ignore f et r (on connaît un peu mieux leur produit) : je trouve des valeurs allant de 0.05% à 0.5% pour le taux de létalité f de la grippe saisonnière. Pour Covid-19, j'écrivais dans l'entrée précédente qu'une estimation préliminaire (je pense que cet article de China CDC Weekly détaillant les cas jusqu'au 2020-02-11, est la source primaire) semblait donner f≈2% (proportion des cas conduisant à un décès) : mais en fait, peut-être est-ce un peu pessimiste. Notamment, dans la province du Guǎngdōng en Chine (celle qui enregistre le 2e plus grand nombre de cas après celle du Húběi), il y a à l'heure où j'écris 1348 cas rapportés, 7 morts et 935 rétablis, ce qui place le taux de létalité entre 7/1348 ≈ 0.5% et 7/935 ≈ 0.7% (l'intérêt de diviser par les rétablis est qu'on évite de sous-estimer la létalité parce que des gens ne seraient pas encore morts) : on n'est pas tellement loin de l'estimation haute pour la grippe saisonnière. On attire aussi mon attention sur le cas du bateau Diamond Princess qui a 634 cas recensés et 4 morts, soit 0.6% de létalité (sur une population qu'on peut pourtant soupçonner de ne pas être toute jeune), mais concernant ce bateau il y a deux nuances à apporter : 1º que je divise par le nombre total de cas (or le nombre de morts pourrait très bien croître encore ; ici il est trop tôt pour diviser par le nombre de personnes rétablies), et 2º les cas sont détectés par des tests systématiques, et incluent 328 cas asymptomatiques (si j'en crois l'article Wikipédia) alors qu'en Chine on n'a probablement pas détecté les asymptomatiques. Ce bateau est au moins intéressant parce qu'il nous permet de savoir qu'environ un tiersla moitié des cas sont asymptomatiques. Quoi qu'il en soit, à la louche, on peut estimer que f, dans un pays qui a un système de soins pas trop défaillant, est plutôt entre 0.5% et 1% qu'autour de 2% comme dans le foyer primaire d'infection (peut-être parce que le virus a muté pour devenir moins létal comme je le spéculais à la fin de mon autre entrée ; mais ça peut être pour d'autres raisons, comme un système de santé un peu mieux préparé). • Mise à jour () : une analyse mathématiquement soigneuse du taux de létalité et des cas asymptomatiques sur la base des données de ce bateau.

Si la proportion f des cas fatals est révisée à la baisse, c'est sans doute également vrai pour la proportion g des cas graves (quelle que soit la définition précise de grave), initialement estimée à ~15%. Mais là, les stats sont encore plus difficiles à trouver, et je ne me hasarderai pas à avancer un chiffre.

Mais la grande inconnue reste évidemment r (proportion des gens qui seront infectés le virus). Je tanne tout le monde pour essayer de savoir ce que les modèles épidémiologiques disent à son sujet, sans succès. Je n'arrive même pas à savoir comment on est censé l'appeler : je dis taux d'infection sur la base de cet article Wikipédia mais je ne suis pas certain que ce soit le bon terme. Tandis que f dépend surtout du mode d'action de l'infection et du système de santé, r dépend surtout du mode de transmission de l'infection et du système social : manifestement, si on s'isole tous dans des petites bulles hermétiques, la pandémie sera finie en trois semaines avec r proche de zéro, tandis que si on ne prend aucune mesure d'isolement, de quarantaine, ou de formes de prophylaxie, r sera beaucoup plus élevé… mais je sais pas ce qui joue ni si on peut espérer le prédire ou l'estimer à l'avance. Bien sûr, le fait que la population soit plus ou moins vaccinée (ce n'est pas le cas ici), ou ait des immunités préexistantes (c'est peut-être partiellement le cas ici) l'empêchant de contracter l'infection, va jouer sur r (pas juste parce que ces gens ne seront pas infectés mais aussi parce qu'ils bloqueront la propagation à d'autres).

Une digression mathématique pour présenter quelque chose qui me laisse perplexe. Je ne connais pas grand-chose aux probas, mais il y a une idée que j'ai retenue des phénomènes de percolation et de graphes aléatoires, c'est qu'il y a généralement un seuil critique de percolation : typiquement, et sans chercher à faire un énoncé précis, au-dessus d'un certain seuil de connexion (nombre ou proportion d'arêtes présentes), un graphe aléatoire a une composante connexe géante dans laquelle se trouvent presque tous les sommets. En prenant comme graphe aléatoire celui qui a comme sommets les personnes et comme arêtes les contacts qui pourraient conduire à une transmission infectieuse, je m'attendrais donc, en laissant naïvement mon intuition sur les graphes aléatoires s'exprimer, à prédire qu'une infection touche essentiellement tout le monde (r extrêmement proche de 1) si elle percole, c'est-à-dire, si elle ne s'arrête pas tout de suite. Or manifestement c'est faux. Ce que je disais dans mon billet de blog précédent : je ne comprends pas ce qui fait qu'une épidémie/pandémie s'arrête avant d'avoir touché essentiellement tout le monde. La meilleure piste d'explication que je voie est que le graphe ne serait pas du tout homogène : certains sommets sont intrinsèquement beaucoup plus connectés que d'autres (i.e., le bon modèle serait un modèle où la probabilité de présence d'une arête dépend fortement du sommet qu'on cherche à relier : peut-être qu'on commence à tirer au hasard un niveau de connexion pour chaque sommet et ensuite on tire au hasard les arêtes selon le niveau de connexion), si bien que l'épidémie pourrait percoler uniquement au sein des sommets les plus connectés, ceux-ci ayant une proportion strictement comprise entre 0 et 1 — ou quelque chose comme ça. Mais de nouveau, je ne connais rien aux probas, et je veux bien qu'on me corrige ou qu'on me donne de meilleures idées.

En tout état de cause, chercher à limiter ses contacts et à avoir une hygiène aussi bonne que possible n'est pas du tout inutile pour limiter la valeur de r, fût-ce la valeur « individuelle ».

La grippe saisonnière a l'air de toucher autour de 10% à 20% de la population chaque année. On pourrait s'imaginer que ça n'en touche pas plus parce que les autres sont immunisés d'une manière ou d'une autre, mais je ne pense pas : dans le cas de la grippe H1N1 « espagnole » de 1918, elle semble avoir touché une proportion comparable (peut-être 25%), et la pandémie de H1N1 de 2009, on estime aussi à 10% à 20% la valeur de r (si j'en crois l'article Wikipédia). Dans ce dernier cas, le taux de létalité n'était pas du tout élevé, donc on n'a pas pris beaucoup de précautions une fois passée la panique initiale. Comme Covid-19 a un taux de reproduction de base R₀ et un mode de transmission comparables à la grippe (encore une fois, le rapport entre r et R₀ m'échappe assez [mise à jour : dans le modèle le plus simpliste, r = 1 − 1/R₀, voir à la fin pour quelques explications supplémentaires] : R₀ est une base d'exponentielle alors que r est plutôt en rapport avec la percolation, mais le fait qu'ils soient comparables aide au moins à comparer les situations), on peut imaginer que r sera dans le même ordre de grandeur si on ne prend pas de mesure exceptionnelle. Pour ce qu'on peut faire, on a un point de données important : le fait que la Chine semble partie pour avoir réussi à stabiliser les cas autour de r≈0.15% (à savoir (66k+29k+3k) cas (actuels+rétablis+décédés) pour 59M habitants) dans la province du Húběi à l'origine de l'infection indique que c'est possible… au prix de mesures draconiennes. Mais je doute que tous les pays puissent ou veuillent appliquer de telles mesures, ce qu'il faudrait ensuite maintenir jusqu'à ce que la pandémie soit complètement endiguée au niveau mondial. Or les mesures draconiennes n'ont pas empêché la pandémie de s'exporter vers d'autres pays où elles ont créé de nouveaux foyers. Maintenant, si des mesures draconiennes stabilisent à r≈0.15% et que pas de mesures spéciales conduisent à r≈20% (chiffre pifométrique par comparaison avec la grippe comme je l'explique ci-dessus), qu'obtient-on avec des mesures seulement demi-draconiennes ou quart-de-draconiennes ? 5% peut-être ? Je n'en sais rien, mais j'ai peut-être été trop pessimiste dans l'entrée précédente en tablant sur 15%.

Mise à jour () : Cette simulation suggère que des mesures d'hygiène (en l'occurrence, se laver les mains plus soigneusement) auraient un impact pas seulement sur la vitesse de propagation de l'épidémie mais sur le taux d'infection r (taux d'attaque) final. Mais je ne suis pas du tout certain d'interpréter correctement.

Parlant de pessimisme excessif, je note en passant que je suis tombé sur ce podcast du New York Times dans lequel Donald G. Mcneil Jr. affirme : If you have 300 relatively close friends and acquaintances, six of them would die in a 2.5 percent mortality situation. Autrement dit, en utilisant la valeur de 2.5% de mortalité, il ignore complètement la valeur de r (ou la suppose implicitement égale à 1, ou confond f et f·r, je ne sais pas), comme si tout le monde attrapait une maladie, ce qui est manifestement faux. Dans le cas de la grippe de 1918, à peu près 2% ou 3% de la population mondiale est morte (mais plutôt 15% des malades) ; là on parle de maximum 2% des personnes infectées, ce qui n'a rien à voir, parce que même si on ne prend aucune mesure exceptionnelle, tout le monde ne l'attrapera pas !

Ajout (2020-03-05) : Parlant de la grippe de 1918, on trouve des chiffres assez contradictoires à son sujet, certains donnant un taux de létalité de ≲5% voire ≲2.5% ce qui a conduit à des affirmations selon lesquelles Covid-19 lui serait comparable. Mais il semble que les bons chiffres soient vraiment plus proches de 10% voire 20% de taux de létalité et autour de 2% ou 3% de la population mondiale (voir aussi cet article pour d'autres données à son sujet).

Bref, si je devais absolument me mouiller à sortir une estimation, compte tenu des données que j'ai actuellement, je dirais f≈0.7% et r≈5% (je pense plutôt aux pays européens, mais en fait, il y a des facteurs qui me suggèrent qu'il n'y aura pas tant d'inégalité que ça entre pays, par exemple les pays qui ont les meilleurs systèmes de santés ont aussi des chances d'avoir le plus de personnes âgées), ce qui fait f·r ≈ 0.04% ou 3 millions de morts dans le monde. Mais je garde quand même comme estimation haute (au sens on ne dépassera probablement pas ça, mais il est possible qu'on s'en approche) f≈2% et r≈15% soit f·r ≈ 0.3% ou 20 millions de morts. A contrario, s'il y a moins de 500 000 morts (niveau typique de la grippe saisonnière), on pourra dire qu'on a eu de la chance et/ou que la pandémie a été très bien gérée.

Mise à jour () : Ici sur Twitter un virologue évoque le fait que r n'atteindra probablement pas 70% et suggère plutôt autour de peut-être 30% ou moins. ⁂ Ah, Marc Lipsitch semble être la source des 70% : il suggère en fait 40%≲r≲70% et précise qu'il aurait dû ajouter, en l'absence de mesures de contrôle efficaces ; mais le reste de ce qu'il dit rend clair que c'est une estimation au doigt mouillé. ⁂ Re mise à jour () : Voir les additions à la fin de ce billet pour le rapport entre r et R₀.

L'autre question importante à se poser (et que, de même que la valeur de r, personne ne semble discuter), c'est quand tout ça va se produire. Pour l'instant, si on écarte la Chine, on est sur une croissance exponentielle de pente β valant autour de 0.15/j, c'est-à-dire de temps caractéristique 1/β en gros une semaine ; si on regarde les rétablissements en Chine (ce qui donne des informations sur l'état de l'épidémie environ 17j plus tôt et permet donc de savoir ce qui se passait avant que soient prises les mesures d'isolation), la pente la plus élevée était autour de 0.25/j. Donc, livrée à elle-même, l'épidémie multiplie par 10 le nombre de malades en environ 10 jours, tandis qu'avec les mesures prises par les différentes autorités, cela passe à plutôt 15 jours (log(10)/β). Actuellement, en Europe, on est à un petit millier de cas : c'est-à-dire que pour environ un mois, donc jusque vers début avril, le grand public peut essentiellement ignorer cette épidémie : il y aura moins de 0.1% de la population infectée, ce n'est pas la peine de s'affoler (ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse rien faire, cf. ci-dessous). Savoir combien de temps ça durera ensuite, évidemment, est une tout autre paire de manche, mais une chose est sûr, c'est que r ne peut pas dépasser 1, donc une croissance exponentielle de pente 0.15/j ne peut pas durer plus que quelques mois : fin mai, on y verra forcément plus clair (je ne dis pas que ce sera « fini », de toute façon le virus ne va pas disparaître, mais je ne vais pas redire encore une fois que je ne comprends pas comment les épidémies s'arrêtent à une certaine valeur de r).

Que peut-on faire de ce temps, à part espérer que les pouvoirs publics prennent la mesure du phénomène ? Peut-être des choses comme ceci :

  • s'habituer à appliquer des règles d'hygiène (comme : arrêter de serrer la main ou de faire la bise spontanément aux gens qu'on croise, se laver régulièrement les mains, noter mentalement toutes les fois qu'on touche une surface possiblement contaminée et qu'on se touche le visage après pour essayer de le faire le moins souvent possible, etc.) qui sont utiles en général et pourraient l'être encore plus dans quelques semaines, mais dont on n'a pas forcément la pratique ;
  • faire progressivement des réserves (d'aliments, de médicaments utiles, etc.) en prévision de possibles pénuries mais sans se ruer ni tomber dans l'excès (il ne s'agit pas de survivre à un hiver nucléaire) ;
  • annuler ce qui peut être annulé en matière de déplacements, réunions de groupes, etc., surtout pour tout ce qui tombe entre début avril et fin mai, ou prévoir ce qu'on fera si c'est annulé, et plus généralement prévoir tout ce qu'on peut pour minimiser les contacts notamment sur cette période ;
  • chercher à vérifier que les amis et proches se préparent aussi (et se renseigner sur ce qu'ils font et échanger des idées) ;
  • écrire des élucubrations dans son blog pour se donner l'impression qu'on fait quelque chose et pour se plaindre que personne ne donne les chiffres qu'on voudrait voir donnés ;
  • ne pas se ruer sur la chloroquine dont on n'a au mieux que quelques indications suggérant une possible efficacité et certainement pas une solution miracle, ni à plus forte raison vers n'importe quelle autre solution miracle ;
  • relire le roman dont est tiré la citation qui suit et qui, malgré son sens métaphorique assez transparent, peut aussi se lire au premier degré.

Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l’étaient nos concitoyens, et c’est ainsi qu'il faut comprendre ses hésitations. Quand une guerre éclate, les gens disent : Ça ne durera pas, c'est trop bête. Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l'empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s'en apercevrait si l'on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n'est pas à la mesure de l'homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c'est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes, en premier lieu, parce qu'ils n'ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n'étaient pas plus coupables que d'autres, ils oubliaient d'être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages, et ils avaient des opinions. Comment aurait-ils pensé à la peste qui supprime l'avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu'il y aura des fléaux.

— Albert Camus, La Peste

Mises à jour et compléments () : Je croule un peu sur les informations à ajouter, alors j'ai surtout créé un fichier pour les rassembler. Néanmoins, je peux ajouter quelques points supplémentaires en lien avec ce que j'ai évoqué plus haut :

  • Il semble bien que le bon terme pour r soit taux d'attaque (taux d'attaque final, peut-être ? en tout cas quelque chose en rapport avec ces mots). La terminologie épidémiologique est incroyablement merdique avec des mots comme taux qui désignent des choses sans aucun rapport (certains sont essentiellement une probabilité, d'autres sont essentiellement un nombre de personnes, d'autres sont homogènes à l'inverse d'un temps). Ceci (extrait du livre Principles of Epidemiology in Public Health Practice du CDC), notamment les sections 2 & 3, est encore ce que j'ai trouvé de moins mauvais pour les expliquer.
  • [Essentiellement recopié de ce fil Twitter :] Une amie m'a expliqué le rapport que je cherchais à comprendre entre le taux de reproduction de base R₀ (= nombre de personnes que chaque personne infectée infecte à son tour) et le taux d'attaque final r (= proportion de la population qui sera infectée à terme pendant l'épidémie) : dans le modèle le plus simpliste, c'est r = 1 − 1/R₀ ; en effet, tant que le taux de reproduction est >1, l'épidémie croît exponentiellement ; mais si une proportion r a déjà été infectée, le taux effectif de reproduction est ramené à R₀·(1−r) parce que, en supposant que les personnes déjà infectées sont immunisées et sont également réparties dans la population (j'ai bien dit, modèle simpliste !), seule une proportion 1−r est encore susceptible d'être contaminée ; donc l'épidémie cesse de progresser lorsque R₀·(1−r) redescend à 1, c'est-à-dire r = 1 − 1/R₀. C'est probablement la raison pour laquelle certains ont prédit r ~ 70% en l'absence de contre-mesures efficaces pour réduire R₀ qui a été initialement mesuré à R₀ ~ 3. Encore une fois, ceci est un modèle extrêmement simpliste. • Re mise à jour : voir l'entrée suivante pour un modèle moins simpliste (mais pas forcément plus juste pour autant !).
  • On peut encore analyser le nombre de reproduction (= nombre de personnes que chaque personne infectée infecte à son tour) comme produit d'un taux d'attaque secondaire (= probabilité qu'un « contact » avec une personne infectée cause une infection ; j'ai bien dit que la terminologie était merdique !) par un nombre de contacts pendant la période infectieuse, ce qui suggère deux pistes pour diminuer le nombre de reproduction : diminuer les contacts ou diminuer la probabilité qu'ils soient contaminants. (Si R₀~3, il s'agit pour endiguer l'épidémie d'avoir trois fois moins de contacts, ou qu'ils soient trois fois moins souvent contaminants, ou peut-être 1.7 fois moins de contacts qui soient 1.7 fois moins contaminants, ou quelque chose comme ça.) A priori j'ai tendance à dire que la Chine a pris des mesures largement excessives (voir ce documentaire d'Arte pour un reportage « de l'intérieur » à Pékin ; cela me donne l'impression de diminuer par un facteur largement plus que trois le nombre de contacts, sans même parler des mesures de non-contamination qui ont été prises en plus !) ; mais a contrario, le fait que le nombre de cas hors de Chine semble maintenant progresser selon une croissance exponentielle de pente β valant autour de 0.20/j, c'est-à-dire de temps caractéristique 1/β en gros 5j, pas tellement différente de ce qu'elle était en Chine avant que la moindre mesure soit prise, suggère que le monde hors de la Chine n'a vraiment pas pris des mesures suffisantes.
  • Ce rapport du CDC décrit un taux d'attaque secondaire (probabilité d'infecter lors d'un contact, donc) de 0.45% lors des contacts « proches » et 10.5% pour les membres de la maisonnée. Pour arriver à R₀ de l'ordre de 2 ou 3, faut-il vraiment croire qu'on ait ~500 contacts « proches » pendant une période d'incubation du virus ? Je trouve ça assez extraordinaire. À creuser, donc.
  • Pour ce qui est des mesures d'hygiène individuelles, comme on a encore environ un mois pour se préparer à une épidémie de grande ampleur, je suggère de s'habituer dès maintenant à jouer au petit jeu suivant dans le but de faire attention à toutes les fois où nous nous touchons le visage sans y prendre garde : il y a trois états dans le jeu, « mains propres », « mains sales » et « perdu » ; quand on se lave les mains (soigneusement !), on passe de « mains sales » à « mains propres » ; si on touche quoi que ce soit qui aurait pu être touché par quelqu'un d'autre, on passe de « mains propres » à « mains sales » ; si on se touche le visage dans l'état « mains sales », on a perdu. Le but du jeu est de voir combien de temps on arrive à tenir sans perdre !

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(lundi)

Quelques pensées sur Covid-19

Depuis la fin janvier je répète à qui veut l'entendre que je ne crois pas du tout aux chances d'arriver à contenir une épidémie dont le taux de reproduction est nettement supérieur à 1 dès lors que celle-ci a pris un peu d'ampleur : il s'agit littéralement d'essayer d'arrêter une réaction en chaîne, et plus le temps passe plus ça devient difficile à cause du nombre de malades qui augmente (donc il est naïf de se dire hum, les choses vont peut-être s'améliorer si elles ne s'améliorent pas immédiatement suite aux mesures qu'on prend). Mais désormais je n'ai plus de doute : vu le nombre déjà assez important de cas de Covid-19 en-dehors de la Chine, et les mises en garde pas très rassurantes de l'OMS, à moins de croire que tous ces pays soient capables d'appliquer immédiatement des méthodes d'isolement encore plus efficaces que la Chine et que la Chine soit capable de rendre les siennes encore beaucoup plus efficaces, deux hypothèses qui ne me semblent complètement impossibles à croire, le mauvais génie s'est échappé de la bouteille et on ne pourra plus l'y faire rentrer. Si le seuil de pandémie n'est pas encore franchi, il le sera. La question est de savoir quelles conséquences elle aura, et ce qu'on peut y faire. (Les mesures d'isolement, notamment, même si elles n'ont plus de chances d'empêcher une pandémie, peuvent tout à fait avoir un intérêt s'il s'agit de la ralentir, c'est-à-dire de gagner du temps, si on arrive à savoir quoi faire du temps ainsi gagné.)

Mise à jour () : on me signale ce texte (publié avant-hier) écrit par un virologue et qui formule un certain nombre de conseils et méta-conseils sur la communication au public : il explique clairement, notamment, qu'il pense qu'il est temps d'arrêter de laisser croire le public qu'on pourra contenir la pandémie et qu'il faut maintenant lui donner des conseils sur comment s'y préparer et comment la gérer.

Je reconnais néanmoins ne pas bien comprendre la dynamique des épidémies. Les raisons, notamment, pour lesquelles la grippe saisonnière reste saisonnière, et pourquoi elle n'est pas permanente, m'échappent assez. (Certainement cela a un rapport avec le fait que l'aérosolisation du virus fonctionne plus ou moins bien selon l'humidité de l'air donc selon les saisons, d'une part, et d'autre part avec l'immunité déjà installée dans la population, mais les rapports précis ne sont pas clairs.) Qu'est-ce qui fait, notamment, qu'une épidémie reste contenue à un pays, et qu'une pandémie ne touche pas toute la population ? Qu'est-ce qui fait qu'elle s'arrête dans le temps ? Je n'ai pas les idées claires. Et notamment, quantitativement, je ne sais pas ce qui permet de prédire, i.e., de quels facteurs dépend, la proportion r des personnes qui seront finalement infectées. J'aimerais qu'on interroge un peu plus les épidémiologistes qui doivent avoir des modèles sur cette question (et doivent avoir essayé de fitter ces modèles sur les observations des dernières semaines !), parce qu'actuellement c'est vraiment le nombre crucial : essentiellement, votre probabilité d'attraper cette maladie.

Je vais quand même essayer de synthétiser quelques informations que j'ai pu glaner çà et là en ligne (dans des sources forcément très douteuses et souvent contradictoires, donc caveat lector), en pestant sur le fait que les choses ne soient pas présentées comme je le voudrais.

La grippe « espagnole » de 1918 (qui n'a d'espagnol que le nom, parce qu'elle venait probablement de Chine ou en tout cas d'Asie) a touché r≈25% de la population mondiale et a tué f≈15% de ces ~25% (si on compte les complications), c'est-à-dire f·r≈3% (chiffres hautement imprécis, les sources varient énormément, mais l'ordre de grandeur doit être raisonnable), représentant un nombre hallucinant de quelque chose comme 50 millions de morts. Pour la grippe saisonnière, de nos jours, le taux d'infection r (annuel) semble tourner autour de 10%, et le taux de létalité f parmi ces cas semble tourner autour de 0.05%, donc f·r≈0.005% de la population mondiale, ce qui représente quand même quelque chose comme 400 mille morts (par an). Dans le cas de Covid-19, une estimation préliminaire semble donner f≈2% (proportion des cas conduisant à un décès), même s'il y a espoir que ce soit surévalué ou que ça baisse ; quant à r, je viens de dire que je ne comprends pas de quoi il dépend, mais il restera certainement inférieur à celui de la grippe « espagnole » (le taux basique de reproduction semble comparable, et on peut quand même espérer que les mesures pour éviter la contamination soient plus efficaces qu'en 1918) : s'il est dans les 15%, on peut craindre que décède au cours de cette pandémie f·r≈0.3% de la population mondiale. Ça représente quand même quelque chose comme 20 millions de morts !

Ça m'agace un petit peu de me retrouver à faire ces calculs tout seul sur un coin de blog alors que ça devrait être les chiffres dont on discute (au lieu de compter les cas et les morts en Chine ou ailleurs, qui n'ont d'intérêt que comme entrée à un modèle qui permettrait d'estimer r et f), et alors qu'il y a des gens infiniment plus compétents que moi pour faire de telles estimations.

Ceci étant, si la mort de entre 0.1% et 1% de la population mondiale représente des dizaines de millions de morts, ce qui est gigantesque, on peut se dire que c'est parce que la population mondiale est gigantesque : finalement, ça veut dire que 99% voire 99.9% des gens ne meurent pas (soit parce qu'ils ne tombent pas malades, soit parce qu'ils tombent malade et guérissent), et dit comme ça c'est peut-être moins effrayant ; après tout, 0.8% de la population mondiale meurt chaque année de toutes causes confondues.

Mais bien sûr, les conséquences de la pandémie ne s(er)ont pas uniquement dans les morts qu'elle cause(ra). J'ai dit ci-dessus que je ne savais rien sur quoi penser du taux d'infection r, mais si on regarde le taux de létalité f de Covid-19, sa valeur estimée à ~2% cache beaucoup de chose. D'abord, il y a de grandes inégalités selon l'âge : sur la même base, pour un adulte de <50 ans en bonne santé dans un pays développé (si le système de santé n'est pas totalement submergé), il serait plutôt de l'ordre de grandeur de 0.2%, tandis que pour quelqu'un de ≥70 ans, ce serait plutôt dans les 15% (et il peut être énorme pour quelqu'un souffrant de conditions préexistantes comme diabète, problèmes cardiaques ou respiratoires). (Ceci étant, les retraités, par exemple, peuvent sans doute prendre plus de précautions pour s'isoler, ce qui donnerait un produit f·r moins inégal.)

Ensuite, « ne pas mourir » n'est pas la seule chose qu'on peut vouloir, et, par exemple, souffrir le martyr pendant deux-trois semaines sur un lit d'hôpital improvisé par un système de santé surchargé, en étant tenu en isolement et considéré comme un paria à cause de la peur de la contamination, ce n'est pas quelque chose que je souhaite à qui que ce soit. Les informations sur le tableau clinique sont assez sommaires, mais je lis qu'il y a g≈15% des cas qui sont graves (qu'est-ce que ça veut dire précisément ? et quel serait le chiffre correspondant pour la grippe saisonnière ?) et ~5% qui sont critiques : si on a chacun g·r≈3% de chances de tomber « gravement » malade (toujours en tablant sur r≈15% mais je n'en sais rien), c'est aussi assez inquiétant. Dans les cas typiques, la maladie semble durer 17 jours (entre les premiers symptômes et le rétablissement), autre information qu'il est étonnamment difficile de trouver en ligne.

Évidemment, un facteur significatif d'ignorance tourne autour du nombre de cas très mineurs (qui ne seraient pas diagnostiqués) voire complètement asymptomatiques : pour les estimer correctement, il faudrait que les autorités chinoises fissent des tests aléatoires dans la population des zones infectées, ce qu'elles n'ont pas fait, ou alors pas communiqué à ce sujet. On doit pouvoir avoir des estimations indirectes grossières (et/ou des bornes), cependant : soit par un raisonnement bayesien (en cherchant quelle est la probabilité que quelqu'un ayant des symptômes légers soit identifié comme ayant cette maladie précise), soit en extrapolant la proportion de cas à différents niveaux de gravité en comparant à des maladies analogues (je veux dire, je suppose que la proportion des cas fatals et critiques sur les cas graves doit donner une certaine estimation de la proportion des cas graves sur les cas bénins), soit en essayant de reproduire les observations dans des modèles épidémiologiques. (Ce texte écrit par l'équipe de John Hopkins responsable de l'outil graphique impressionnant déjà lié ci-dessus suggère, si je comprends bien, que le nombre réel de cas serait 5 à 10 fois plus élevé que le nombre de cas signalés ; mais cela date d'il y a un mois, et ils n'ont pas mis à jour leur modèle depuis, donc je ne sais pas s'ils maintiennent cette conclusion.) En un certain sens ce serait une bonne nouvelle, parce que cela signifie que le taux de létalité f serait plus faible qu'estimé (puisque les cas graves et a fortiori mortels se détectent bien mieux que les cas légers et a fortiori asymptomatiques), et pour autant le taux final d'infection r n'a pas spécialement de raison d'être plus élevé ; mais la contrepartie, c'est que cela rend encore plus difficilement crédible d'arriver à arrêter la réaction en chaîne.

Mise à jour () : Je vois passer cet article (Characteristics of and Important Lessons From the Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Outbreak in China — Summary of a Report of 72 314 Cases From the Chinese Center for Disease Control and Prevention) qui donne quand même des données un peu précises sur la répartition des cas par niveau gravité et d'autres données statistiques du même genre.

Ce qui est aussi très préoccupant, c'est de savoir comment les sociétés, des pouvoirs publics aux individus en passant par les autres structures de la société, vont réagir à une pandémie de cette nature. J'ai déjà parlé de mes inquiétudes quant à l'instabilité de nos sociétés. Or les dysfonctionnements à prévoir dus aux mises en quarantaine, aux fermetures (de frontières et autres structures), à la panique généralisée, et les problèmes en cascade que cela va causer, avec leurs répercussions économiques, sociales et politiques, tout ça m'inquiète énormément. Je ne crois pas que le monde va s'effondrer pour autant : mais si le taux de létalité f tournait autour de 20%, je serais vraiment très inquiet (en plus des chances de mourir directement, bien sûr), et il n'est pas du tout invraisemblable qu'un tel virus émerge dans les quelques décennies à venir ; peut-être que des historiens peuvent en dire plus sur la manière dont la grippe de 1918 a impacté la société (je suppose que c'est difficile à démêler de la première guerre mondiale), mais je pense que le monde d'un siècle plus tard est beaucoup plus interdépendant et que les conséquences sociétales seraient plus énormes.

Il y aura évidemment une saturation du système de santé déjà au bord de l'apoplexie faute de moyens (en France et dans de nombreux autres pays). Cette saturation veut dire qu'en plus des morts directement liés à l'épidémie il faudra compter ceux qui n'auront pas pu recevoir de traitement pour des problèmes de santé sans aucun rapport. (Sans parler de ceux qui, au cours d'un traitement pour de tels problèmes, contracteront Covid-2019 parce que le manque de moyens empêchera une isolation satisfaisante des malades. Et des surinfections nosocomiales.) Le silver lining pourrait être de persuader les politiques de l'importance de mettre de l'argent dans les hôpitaux, mais je ne sais pas si j'y crois vraiment, malheureusement.

Il y aura aussi peut-être des problèmes de ravitaillement. Je ne sais pas jusqu'où cela peut aller. Comment les choses se passent-elles à Wuhan ? Ajout () : il est donc probablement sensé de recommander au public de faire dorénavant des stocks de denrées non-périssables et de médicaments généralement utiles (et peut-être de masques chirurgicaux, cf. ci-dessous), mais sans se ruer pour éviter de créer déjà des pénuries (on peut juste prendre l'habitude d'acheter quelques aliments de réserve supplémentaires à chaque fois qu'on va faire les courses).

Au-delà de ça, on peut craindre des effets à plus long terme sur la société.

Je crains notamment un regain d'autoritarisme. Les démocraties occidentales sont déjà lourdement attirées par l'autoritarisme dès qu'on agite une peur même complètement irrationnelle (le terrorisme, par exemple, suscite des réactions complètement disproportionnées en France par rapport à sa dangerosité réelle de quelques centaines de morts en vingt ans) : alors une maladie qui peut faire des centaines de milliers de morts en France pourra bien servir à justifier tout ou n'importe quoi (vous savez, l'article super dangereux qu'on a laissé en numéro 16 de la Constitution française comme une espèce de mine prête à exploser l'état de droit ?). Une fois que quelqu'un prend un pouvoir, même pour une raison légitime, il ne veut jamais le lâcher (voyez la manière dont l'état d'urgence a été rendu permanent en France suite à quelques attentats vite érigés en tragédie nationale).

Et la panique va venir avec son propre lot de conséquences terrifiantes (insérer ici une citation célèbre de FDR) : on a déjà vu un déferlement de racisme contre les asiatiques, les choses changeront peut-être un petit peu quand la maladie sera installée dans le monde entier (encore que certains rappelleront toujours que ça a commencé en Chine), mais il faut s'attendre à toutes sortes de théories du complot (il y en a déjà), mouvements de rejet de la science, que sais-je encore. Tout ça laissera des traces durables, même quand la pandémie sera finie (ou qu'elle sera devenue saisonnière et qu'on s'y sera habitués — encore une fois, je ne sais pas ce qui fait qu'on tombe dans tel ou tel scénario).

Bon, si au moins la peur incite les gens à quelques mesures d'hygiène et à porter des masques… Là aussi, j'aimerais en savoir plus. J'ai cru comprendre quelque part (mais je veux bien plus d'information !) que ceux-ci offrent une protection à peu près nulle dans le sens de protéger celui qui le porte des virus qui pourraient venir de l'extérieur, par contre ils fournissent une protection assez sérieuse dans le sens de protéger l'extérieur si celui qui le porte est contagieux (noter qu'il peut très bien être asymptomatique, et donc l'ignorer lui-même). (Ajout () : c'est ce que confirme plus ou moins ce passage d'une FAQ mise en ligne par une virologue vulgarisatrice.) Si c'est correct, ça pose des questions intéressantes : les gens (qui sont globalement égoïstes) vont croire que les masques vont les protéger, mais peut-être vaut-il mieux les laisser croire ça pour qu'ils en portent et que ça peut effectivement contribuer à limiter la pandémie. Dans la mesure où les masques sont inefficaces, d'ailleurs, c'est apparemment parce qu'ils sont mal employés : il serait peut-être temps de mettre en ligne des vidéos expliquant comment les positionner correctement sur le visage, alors ! (Ajout : il y a quelques recommandations de l'OMS ici.)

Ajout () : En matière de conseils d'hygiène, outre les choses qu'on répète toujours (se laver les mains souvent ! éternuer dans son coude et pas dans sa main, et porter un masque si on tousse ou on éternue, cf. ci-dessus), et des choses de bon sens mais qu'il serait peut-être utile de dire un peu plus fort (éviter toutes sortes de rassemblement, arrêter de serrer la main et de faire la bise aux gens (ah, si ça pouvait être l'occasion de mettre fin à cette pratique sociale de se saluer par contacts physiques !)), il y en a un que je trouve intéressant, c'est de prendre l'habitude de remarquer mentalement toutes les fois qu'on se touche le visage (dans le but de minimiser ces occurrences).

J'avais une autre question à évoquer sur laquelle je n'ai pas les idées claires : j'ai tendance à imaginer qu'en prenant des mesures d'isolement et de quarantaine, on ne se contente pas de ralentir la propagation de la maladie, on introduit un mécanisme de sélection sur le virus, parce que les souches ou variantes les moins virulentes, donc les moins facilement détectables (et dont les malades seront le moins probablement mis à l'isolement), parviendront à se reproduire le plus facilement ; les mesures sanitaires introduiraient donc une pression sélective sur le virus pour causer les symptômes les plus légers possibles (et ce, pour n'importe quelle maladie, mais particulièrement dans ce cas où la maladie est nouvellement passée chez l'homme et où on prend des mesures vraiment exceptionnelles). Je serais donc tenté de prédire que la létalité devrait décroître avec le temps (pas juste qu'on la mesure plus faible parce qu'on découvrirait de nouveaux cas bénins, mais parce qu'objectivement ils deviendraient plus nombreux en proportion). Mais ce raisonnement est-il correct ? Il y a plusieurs hypothèses sous-jacentes qui ne sont pas forcément vérifiées : l'une est qu'il est effectivement physiologiquement possible, voire facile, pour le virus d'évoluer vers des formes moins virulentes (je n'ai aucune idée de si c'est le cas) ; une autre, plus subtile, est que les formes moins virulentes seraient effectivement en concurrence avec les plus virulentes (c'est-à-dire qu'elles seraient assez semblables pour conférer une immunité mutuelle) ; mais il y a peut-être d'autres hypothèses dont je ne me rends pas compte ou bien des fautes de raisonnement dans ce que j'ai écrit. Peut-être que l'effet est bien trop faible pour être détectable. Je n'en sais rien. • Mise à jour () : cet article (On the origin and continuing evolution of SARS-CoV-2) publié dans National Science Review semble confirmer que le mécanisme que j'évoque ci-dessus se produit. • Re mise à jour : On me signale que la notion de virulence (et donc la conclusion sur le mécanisme de sélection) utilisée dans cet article est à prendre avec des pincettes.

Mise à jour : une sorte de suite à cette entrée de blog ici.

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(vendredi)

Nouvelles en vrac (lassitude, énervement, déménagements, moto, Fourier et Mandelbrot)

Voilà maintenant un mois que nous avons déménagé du rez-de-chaussée vers le 2e étage, et je ne me sens toujours pas « chez moi » dans ce nouvel appartement (au contraire, presque : plus le temps passe plus je ressens l'envie de rentrer « chez moi »). Nous avons certes réglé quelques uns des N problèmes qui se posaient (comme le robinet de la cuisine complètement déglingué que nous avons fait remplacer, et la salle de bain était insuffisamment chauffée où nous avons mis un petit chauffage d'appoint que nous allumons pour prendre nos douches), mais d'autres problèmes sont apparus ou devenus manifestes comme un voisin qui joue du piano quasiment tous les jours et qui commence sérieusement à me taper sur les nerfs[#]. Et en tout état de cause, même si nous avons déménagé les affaires vraiment importantes, il reste beaucoup de choses à faire ou à déplacer (ou des choses un peu pénibles, comme la machine à laver), et je suis vraiment fatigué[#2] de toute cette histoire.

[#] Il va falloir que je m'achète un casque à compensation de bruit avant de devenir fou (en ce moment, je « compense » en mettant ma propre musique assez fort pour couvrir la sienne, ce qui n'est pas une bonne idée pour plein de raisons, notamment parce que souvent je n'ai pas envie d'écouter de la musique, juste du silence). Je me demande ce que ces choses valent, et notamment ① si elles sont efficaces si je veux juste écouter du silence et ② si elles sont efficaces pour couvrir les sons faibles (le piano n'est pas trop fort, il est juste au-dessus de mon seuil d'audition — ce qui ne l'empêche pas de devenir insupportable à la longue — et je me demande si les casques à compensation de bruit ne seraient pas juste inopérants dans ce domaine, étant plutôt prévus pour couvrir des bruits importants).

[#2] J'ai plus ou moins renoncé à (ou au moins, reporté sine die) l'idée que j'avais de faire imprimer des cartes de Paris et de sa région pour mettre aux murs, par exemple : j'ai tellement de choses à faire avant et je manque d'énergie pour ce genre de trucs.

Et il reste surtout à vendre l'appartement du rez-de-chaussée, ce qui promet d'être aussi une opération fatigante. (Une voisine est intéressée, pour y loger sa mère, mais elle nous fait une offre très inférieure à ce que les agents immobiliers nous disent être le prix du marché.) Au minimum, il nous faut faire faire de petits travaux de peinture (il y a une trace d'un ancien dégât des eaux, maintenant réparé et complètement sec, mais qui ne fait pas très joli dans la cuisine). Ensuite, nous hésitons entre passer par une agence (qui prendra une commission assez énorme), ou bien essayer de trouver un acheteur nous-mêmes (par relations, par réseaux sociaux, ou par une petite annonce). Si par hasard quelqu'un est intéressé, ou connaît quelqu'un d'intéressé, par un deux-pièces de 40.24m², avec une terrasse de 13.90m² et un jardin de 45.53m² (si j'en crois les plans), en rez-de-chaussée d'un immeuble parisien de 5 étages datant de 1991, sur la Butte-aux-Cailles, il peut toujours se dénoncer. (La situation de l'immeuble est idéale, dans une rue tranquille mais très proche à la fois du centre Italie 2 et des restaurants et bars du quartier, à 10min à pied des stations Corvisart et Place d'Italie. La copropriété marche bien. L'appartement est un peu sombre mais très calme. Il faut prévoir quelques travaux de peinture et de changer une moquette, mais rien de substantiel n'est nécessaire.)

Du côté du déménagement de mon bureau à Palaiseau, la situation n'a guère évolué : il y a eu des progrès les quelques premiers jours mais, depuis, on ne sait pas bien ce qui se passe. Des ouvriers continuent d'arpenter les couloirs, et manifestement ils font des choses : mais ce que sont ces choses m'échappe totalement[#3], parce de ce que je vois rien ne bouge.

Pourtant, il y a plein de choses sur lesquelles j'aimerais bien voir du progrès ! On nous a promis une solution temporaire en attendant la pose de stores sur la façade sud (où est mon bureau, et où le soleil en journée empêche vraiment de lire un écran d'ordinateur orienté contre lui), mais même la solution temporaire ne se matérialise pas. L'allumage des lumières (qui est généralement automatique : la plupart des salles n'ont pas le moindre interrupteur ; mais même dans celles qui en ont, leur effet est, disons, incertain) reste très souvent aléatoire. Je réclame à qui veut l'entendre l'installation de tableaux blancs (ou mieux, noirs, mais ne rêvons pas) dans les salles de réunion qui sont dotées d'un équipement vidéo ultra-moderne mais pas de bêtes tableaux, parce que manifestement un crétin de décideur a pensé que les chercheurs, quand ils se réunissent pour discuter, ils se montrent juste des présentations PuissancePoints sur un écran (comme je soupçonne le crétin en question de faire à longueur de journée) : pour l'instant, tout ce que j'ai obtenu est que l'item « tableau blanc » figure dans le catalogue informatique des salles (avec la valeur « absent » pour les salles de réunion, donc…). Je me demande si le système d'ouverture des portes marchera un jour correctement (actuellement, nous devons « mettre à jour » nos badges d'accès tous les jours en arrivant, en bippant à un point de mise à jour, mais parfois la mise à jour ne fonctionne pas ; cf. ce fil Twitter). Je peste aussi contre les psychorigides du genre « hygiène et sécurité » (j'ai une dent contre cette catégorie particulière de nuisibles) qui ont décidé que certaines portes d'accès vers l'extérieur seraient sous alarme et donc interdites d'usage en circulation normale[#4]. Et même si ça ne concerne pas vraiment le bâtiment de Télécom, j'attends avec impatience la fin de la réalisation de la place qui se situe en face, la place Marguerite Perey (nommée en l'honneur de la découvreuse du francium), qui, pour l'instant, n'est qu'un champ de boue où, là aussi, des gens s'activent et font manifestement des choses, mais je ne vois pas de progrès détectable ; j'attends ça surtout parce que, quand la place sera finie, ce sera une source de boue importante en moins quand je viens en moto (cf. ci-dessous).

[#3] Il y a deux semaines, quelqu'un est rentré dans mon bureau (sans frapper, et alors que j'étais en slip parce que je me changeais de mes affaires de moto), il a fait deux secondes de peinture et il est reparti. Je me demande bien à quoi ça rime.

[#4] À l'ENS, il y avait une porte de sortie sur la rue Rataud que je mettais un point d'honneur à emprunter régulièrement, en déclenchant l'alarme à chaque fois, pour protester contre la décision complètement aberrante de mettre cette porte sous alarme. J'encourage vivement ce type d'action de désobéissance civile : surtout, n'hésitez pas à déclencher les alarmes des portes de sortie utiles, si ce mouvement prend de l'ampleur les imbéciles finiront peut-être par comprendre qu'il faut arrêter de fermer des portes à la circulation normale.

[Mise à jour sur ce sujet : dans cette entrée écrite trois ans et demi plus tard où je parle très longuement de Paris-Saclay.]

Ce n'est peut-être pas l'endroit idéal pour le mentionner, après m'être plaint incessamment que le transport entre Paris et Palaiseau était nul et que le bâtiment était mal foutu, mais l'équipe dont je fais partie ouvre un poste de professeur en cryptographie [il doit bien y avoir une version en français de l'annonce, mais je ne la trouve pas] : les personnes intéressés, ou les personnes qui connaissent des personnes susceptibles de l'être, peuvent se mettre en contact avec mon collègue et néanmoins amis Bertrand Meyer, comme indiqué dans l'offre d'emploi que je viens de lier.

Pour l'instant, j'ai dû faire à peu près ¾ de mes trajets domicile-travail en moto et ¼ en transports en commun. Mon idée initiale était de viser plutôt des proportions contraires (parce que j'aime certes beaucoup rouler en moto, mais je n'aime pas trop l'idée de risquer inutilement ma vie pour aller enseigner la transformée de Fourier), mais, même en écartant la grève historique de décembre-janvier, il faut avouer que c'est déprimant à quel point les transports en commun sont vraiment mauvais[#5]. De ce que j'ai observé pour l'instant, le plus mauvais, ce n'est pas tellement le RER B, mais l'espèce de bus navette pourri qui relie la gare de Massy-Palaiseau au plateau de Saclay en passant par un itinéraire improbablement inefficace que j'imagine censé plaire à tout le monde et qui, en fait, ne doit faire que des mécontents : il faudrait au minimum doubler ou tripler la fréquence de cette navette (ou mieux, doubler la fréquence et en même temps prévoir plusieurs lignes avec des trajectoires plus directes) pour obtenir une desserte correcte et adaptée à la densité du plateau. L'autre solution, consistant à rester dans le RER quelques arrêts de plus pour en descendre au Guichet et monter sur le plateau à pied par les escaliers, est plus satisfaisante comme promenade, mais prend encore plus de temps[#6]. (Finalement, j'ai tendance à prendre la navette pour aller au bureau et les escaliers pour en revenir : pas par flemme de monter les escaliers — d'ailleurs, les descendre est plutôt plus pénible pour les articulations — mais parce que je suis plus pressé à l'aller et qu'au retour monter dans le RER au Guichet augmente les chances d'avoir une place assise.)

[#5] Insérer ici un rant sur le fait que les grands génies qui ont cru bon de chercher à créer une Silicon Valley française sur le plateau de Saclay ont repoussé à plus tard le problème d'avoir des transports qui marchent, et les gens qui ont été exilés sur ledit plateau en font les frais. Et qui croit une seule seconde à l'idée que la ligne 18 du métro, censée desservir le plateau, sera vraiment construite un jour ? Elle a déjà été repoussée à une date mal spécifiée, et il faut être bien naïf pour penser que ce n'est pas une annulation qui ne se dit pas.

[#6] Je devrais peut-être envisager de m'acheter une trottinette électrique ou une roue électrique ou quelque chose comme ça, qui soit transportable dans le RER, et qui rendrait acceptable le temps de trajet entre le Guichet et mon bureau. Mais comme il y a un passage dans les bois, ce n'est pas évident que ce soit vraiment faisable.

On m'avait vendu les transports en commun en me disant mais tu verras, dans le RER, tu pourras bosser, donc ce ne sera pas du temps perdu. Le problème avec ça, c'est que d'une part, on est tellement serrés dans le RER que même si j'ai une place assise, je rechigne à déranger mes voisins en farfouillant dans mon sac pour y trouver un article de maths à lire, et d'autre part, de toute façon, le trajet en RER proprement dit ne prend qu'environ 20min sur un trajet d'environ 65min de porte à porte (énormément de temps est perdu à attendre le métro, changer du métro au RER, attendre le RER, changer du RER à la navette de bus, attendre la navette… et ce temps est fractionné de manière qu'il est difficile de s'en servir pour travailler). En fait, le temps pendant lequel je ne peux pas travailler dans le trajet en transports en commun reste supérieur à la durée du trajet en moto, donc l'argument de pouvoir travailler dans les transports est assez foireux. (En revanche, l'argument de moindre dangerosité, lui, est beaucoup plus convaincant.)

En moto, je mets entre 25min et 30min de porte à porte. C'est un peu trompeur de compter de porte à porte, parce que la moto fait perdre pas mal de temps à s'équiper avant, justement, de franchir la porte, mais j'ai réussi à optimiser un peu les choses jusqu'à ce que le changement d'appartement me fasse perdre cette optimisation ; d'ailleurs, quel que soit mon mode de transport, je perds pas mal de temps à rassembler tout mon attirail avant de sortir de l'appartement. Il faut peut-être plutôt compter quelque chose comme 45min pour la moto (contre 65min par les transports en commun, donc). J'ai la chance que le trajet aller pour moi (Paris→Palaiseau, donc) est dans quasiment n'importe quelle circonstance beaucoup plus fluide que le trajet retour (Palaiseau→Paris), sur lequel j'ai moins de contraintes et plus de flexibilité.

Il y a quand même au moins deux circonstances où je ne préfère clairement ne pas prendre la moto : l'une est quand je sais que je rentrerai à une heure de pic de circulation (ce qui me forcerait soit à faire de l'inferfile, et j'ai déjà expliqué que je n'aime vraiment pas ça, soit à prendre beaucoup de temps[#7] à rentrer) ; l'autre est quand il fait vraiment moche. Le problème du « vraiment moche » ce n'est pas juste la pluie en elle-même, c'est aussi la quantité hallucinante de boue sur le plateau à cause de tous les travaux partout : il suffit qu'il tombe quelques gouttes pour que, même en roulant très lentement et en faisant attention où je pose mes roues, j'arrive crotté comme si j'avais fait des heures de motocross à travers les bois (voir ici et là).

[#7] Bon, beaucoup de temps est relatif : même quand la circulation est très chargée, le pire temps de trajet renvoyé par Google pour une voiture n'atteint quasiment jamais les 65min typiques si je prends les transports en commun (en fait, il ne l'a dépassé essentiellement que pendant les grèves où il n'y avait, justement, pas de transports en commun).

Mais quand il n'y a ni circulation pénible ni mauvais temps ni boue ☺️ je continue à aimer énormément la moto[#8]. J'ai dépassé les 3000km au totaliseur du joujou que je me suis acheté en septembre (en cinq mois, ce n'est pas énorme, et en plus ils sont très inégalement répartis : 1200 + 700 + 500 + 200 + 400 ; mais bon, il paraît que c'est à peu près la moyenne annuelle du motard français) ; et quand le temps est beau je n'hésite pas à rentrer du bureau par un chemin plus long à travers la vallée de Chevreuse ou celle de la Bièvre, ou de faire une escale à la Vallée-aux-Loups à Châtenay-Malabry. (Il m'est d'ailleurs arrivé de croiser les élèves du mon ancienne auto-école.) L'an dernier je pestais contre le froid surtout que j'ai les doigts très fins et qui se refroidissent facilement, mais je me suis acheté des gants chauffants (des Five HG1 WP, modèle 2019 — je précise, parce que ce n'est pas évident, que Five est la marque, HG1 est le modèle, et que WP signifie quelque chose comme waterproof ; c'est mon seul bout d'équipement qui ne soit pas de Dainese, d'ailleurs), et, même si c'est un peu plus pénible à enfiler que des gants normaux, c'est vraiment incroyable à quel point ces choses marchent bien, au moins sous le froid relativement modéré qu'on a à Paris (ils ont trois niveaux de chauffe, mais je n'ai jamais eu besoin du plus élevé). Une mention aussi pour la sous-combinaison Dainese D-Core Thermo, qui est un peu ridicule à porter mais tellement efficace pour garder le chaud que ça ressemble à de la magie noire.

[#8] Aveu : j'ai même commencé à me poser la question de si je voudrai acheter une nouvelle moto (et le cas échéant, quoi) dans deux ans quand j'aurai le permis A complet. (C'est idiot pour plein de raisons, j'en suis conscient, la première étant que je n'ai encore jamais tourné la poignée des gaz à fond sur ma bécane. Mais bon, le poussinet s'est acheté un joujou à quatre roues puissant qui ne lui sert à rien, alors comment je suis censé vivre ma midlife crisis, moi ?)

Ça fait tout juste deux ans[#9] que j'ai eu le permis (voiture), et il faut avouer que, depuis environ trois mois, j'ai essentiellement arrêté de conduire la Tuture. Je l'ai prise une fois pour aller au bureau (un jour où il faisait trop moche pour que j'eusse envie de prendre la moto et j'étais parti trop tard pour avoir le temps de prendre le RER), j'ai abîmé le pare-choc contre un plot du trottoir à peu près cinq secondes après avoir pris le volant, le poussinet a tenu à faire réparer, ça lui a coûté quelques centaines d'euros, et ça m'a traumatisé, et maintenant je n'ose plus la conduire du tout. Surtout que je n'ai plus la motivation de devoir passer une épreuve de circulation au permis. Et plus le temps passe plus je me dis que si je conduis une voiture je vais avoir des mauvaises habitudes de motard dans la manière de passer les vitesses, d'oublier que le gabarit n'est pas le même, etc., donc plus le temps passe moins j'ose prendre un volant.

[#9] Je suis encore en permis probatoire, cependant (il dure trois ans maintenant). Aveu : je ne mets pas le disque A sur la moto (je ne sais même pas où je pourrais le mettre, d'ailleurs).

En ce moment, j'enseigne trois cours en parallèle : un cours d'Analyse de base aux élèves de première année de l'école (en gros la définition des espaces Lp, la notion de base de Hilbert, et quelques éléments de séries et de transformée de Fourier, surtout dans le cadre L²), et, pour des élèves de deuxième année dans des cursus spécialisés, un cours de théories[#10] des jeux (celui-là est rigolo à enseigner ; j'en ai déjà dit un mot et les notes de cours sont ici en PDF) et un cours de « courbes algébriques », c'est-à-dire une mini introduction à la géométrie algébrique (je n'ai actuellement pas de notes de cours écrites, parce que chaque année j'essaie une approche différente dans l'espoir d'en trouver une qui me satisfasse et qui ne noie pas les étudiants). Les années précédentes, ces cours étaient situés dans l'année de manière à ne pas se chevaucher (le cours d'Analyse avait lieu plus tôt), mais cette fois-ci je dois les mener tous les trois de front et c'est assez fatigant. (Des bizarreries d'organisation de l'école font que les cours de 2e année ont lieu de façon complètement périodique, en l'occurrence tous les lundi et mercredi matins pour ce qui est des miens, mais les cours de 1re année sont cadencés de façon totalement irrégulière, et je peux très bien avoir quatre séances du même cours la même semaine.)

[#10] Le s à théories, que j'ai dû me battre pour obtenir dans l'intitulé officiel du cours (parce que personne ne vérifie ce qui se fait comme contenu d'un cours, mais l'intitulé, lui, doit passer par environ douze commissions avant d'être approuvé), est là pour souligner le fait que je parle à la fois de théorie classique des jeux en forme normale (à la von Neumann, Morgenstern, Nash, — que beaucoup de gens appellent théorie des jeux tout court) et de théorie combinatoire des jeux (à la Sprague, Grundy, Berlemamp, Conway), en passant par une évocation des jeux de Gale-Stewart qui servent en logique, et un long interlude sur les ordinaux et les questions de terminaison. Ce que je trouve intéressant, c'est que personne ne met dans un même cours tous ces sujets différents qui ont quand même une thématique commune (et qui ont chacun une façon différente de pouvoir se relier à l'informatique théorique).

Je défends l'idée que les chercheurs devraient enseigner des sujets qui sont toujours un minimum écartés de leurs domaines de recherche (à nuancer, évidemment, selon le niveau de l'enseignement), pour que l'enseignant, tout en restant suffisamment expert pour répondre à toutes les questions des étudiants, garde en même temps assez de distance par rapport au sujet pour ne pas être tenté de trop étaler ses marottes, et de curiosité pour avoir lui-même quelque chose à y apprendre : je pense qu'on ne peut enseigner correctement que lorsqu'on a soi-même à apprendre. C'est peut-être pour cette raison que mon cours de géométrie algébrique me pose le plus de problème ! (Bon, en vrai, c'est parce que c'est un domaine hautement technique et qu'il est vraiment ardu d'y enseigner quelque chose sérieusement à des élèves qui n'ont jamais vu ni de géométrie projective élémentaire, ni de théorie de Galois, et qui n'ont pas forcément une intuition très développée de ce qu'est un idéal dans un anneau.) S'agissant de Fourier, non seulement c'est un vaste programme mais même en s'en tenant à des considérations d'Analyse (sans chercher à généraliser à d'autres Fourier) sur ℝ ou ℝ/ℤ, j'ai déjà expliqué que j'avais appris plein de choses[#11] en me renseignant sur le sujet dans la préparation de ce cours.

[#11] Un autre exemple dont je n'ai pris conscience qu'assez récemment : si je ne m'abuse, les séries de Fourier permettent d'identifier les distributions (à valeurs complexes) sur ℝ/ℤ aux suites (complexes) indicées par ℤ et à croissance au plus polynomiale, tandis que les hyperfonctions à la Satō (toujours sur ℝ/ℤ) s'identifieront aux suites indicées par ℤ et dont la partie indicée par ℕ ainsi que celle indicée par −ℕ sont toutes les deux les coefficients d'une série entière de rayon de convergence 1 : je trouve que ceci permet de bien comprendre en quoi, et dans quelle mesure, une hyperfonction est quelque chose de plus général qu'une distribution.

En « jouant » avec Fourier (j'ai déjà dit plein de fois que les maths sont faites pour qu'on joue avec et qu'on ne comprend les choses que si on y prend un peu plaisir), je suis retombé (ici et ) sur un calcul que j'avais déjà fait il y a longtemps et dont je me demande s'il a un nom classique : en utilisant la formule d'inversion de Möbius, on peut transformer la série de Fourier qui exprime une onde carrée ou triangulaire (disons) comme superposition d'ondes sinusoïdales de différentes périodes, en une série (au moins au sens L² — je ne sais pas bien quoi dire de la convergence ponctuelle[#11b]) qui exprime une onde sinusoïdale comme superposition d'ondes carrées ou triangulaires. Ce procédé est forcément très classique et a certainement un nom, mais je ne le connais pas, mais c'est rigolo (quoique pas entièrement plaisant) à entendre : voir les deux fils Twitter que je viens de lier pour une illustration sonore et visuelle.

[#11b] Correction () : En fait, je ne suis même pas sûr de pourquoi il y aurait convergence L² dans le cas d'un signal carré. La question est, donc, si s est la fonction 1-périodique qui vaut 1 entre 0 et ½ et −1 entre ½ et 1, pourquoi la somme des μ(ks(kx)/k, où k parcourt les entiers naturels impairs, tend vers (4/π)·sin(2πx) dans L²(ℝ/ℤ) (ce qui pose problème n'est pas la valeur mais la convergence). J'avais fait l'erreur de penser que les s(kx) sont deux à deux orthogonaux, j'avais même une « preuve » de ce fait utilisant le théorème chinois, or c'est juste faux ; ça n'empêche pas la valeur de la somme d'être la bonne « en un certain sens » et il est fort possible qu'il y ait convergence L², peut-être même presque partout, mais c'est beaucoup plus subtil : si on passe aux coefficients de Fourier, justement, cela dépendrait par exemple d'estimations sur ∑d|ndB (μ(d)) en fonction de n et indépendantes de B, qui ont elles-mêmes l'air possiblement liées à des bornes sur la fonction de Mertens. Bref, je retire cette affirmation : je crois juste pouvoir affirmer la convergence faible dans L².

Ajout () : Il y a certainement des choses intéressantes à dire (et à illustrer graphiquement et/ou acoustiquement) sur la comparaison entre cette écriture d'une onde sinusoïdale (ou d'un signal plus général) comme composition d'ondes carrées de différentes fréquences (non orthogonales !), avec la transformée de Hadamard qui utilise aussi des sortes d'ondes carrées, mais prend 2r ondes de fréquence 2r et s'arrange pour qu'elles soient orthogonales. À méditer.

Mais de fil en aiguille, à partir de Fourier, j'ai réactivé d'autres vieilles marottes : en fait, c'est parti de cette animation (qui n'a pas de rapport avec le fait que j'enseignais un cours sur le sujet, c'est juste une coïncidence) illustrant le concept de séries de Fourier, que j'ai un peu mal comprise (je pensais que la courbe était paramétrée avec uniquement des coefficients de Fourier d'indices positifs), ce qui m'a amené à me poser des questions sur la possibilité du paramétrage des courbes de cette façon (j'ai dumpé ça sur MathOverflow, et il faut encore que je trouve le temps de réfléchir à la réponse qui m'a été faite !) en lien avec le théorème de l'application conforme de Riemann, puis j'ai repensé au cas particulier du bord de l'ensemble de Mandelbrot car il s'avère que l'uniformisation conforme du complémentaire de l'ensemble de Mandelbrot se fait très bien, j'ai lu un article qui expliquait comment calculer les coefficients (John H. Ewing & Glenn Schober, The area of the Mandelbrot set, Numer. Math. 61 (1992) 59–72), j'ai implémenté le calcul et joué avec les coefficients obtenus (et au passage soumis une suite à l'OEIS), et tout ça m'a amené à me replonger dans toutes sortes de questions autour de l'ensemble de Mandelbrot que je n'avais jamais pris le temps de bien comprendre depuis l'époque (douze ans déjà ! <U+1F631 FACE SCREAMING IN FEAR>) où j'avais généré toutes sortes de vidéos de zooms.

J'ai notamment calculé toute une série d'animations d'évolutions d'ensembles de Julia lorsque leur paramètre se déplace dans le plan où vit l'ensemble de Mandelbrot (il est prévu que j'explique tout ça mieux Un Jour®, mais Zeus sait si ce Jour arrivera vraiment) : voir cette playlist YouTube (qu'il faut vraiment regarder en plein écran HD/1080p, ne serait-ce que parce que sinon on ne voit pas du tout le point rouge dans l'encadré en bas à gauche qui montre où est le paramètre…).

Mais surtout, j'essaie de comprendre (un peu mieux) la structure combinatoire de l'ensemble de Mandelbrot et des ensembles de Julia : il y a un très joli modèle, l'ensemble de Mandelbrot abstrait qui permet (au moins dans certains domaines ou sous une hypothèse conjecturale standard à savoir la connectivité locale) de décrire la manière dont est foutu l'ensemble de Mandelbrot, quelles lignes d'argument aboutissent où, comment sont agencés les bébés ensembles de Mandelbrot et tout ça, sans aucun calcul flottant/approximatif, uniquement en manipulant des objets combinatoires. L'ennui, c'est que le principal livre de référence sur le sujet (Invariant factors, Julia equivalences, and the (abstract) Mandelbrot set de Karsten Keller) est très difficile à lire (il empile des tonnes de notations qu'il ne daigne jamais rappeler pour le lecteur distrait, et ne donne quasiment aucun exemple ni aucun algorithme). Un lecteur de mon blog (enfin, un ancien lecteur, je ne sais pas s'il me suit encore) est l'auteur d'un algorithme qui permet de déterminer si les lignes d'arguments donnés par deux rationnels de dénominateur impair aboutissent au même point de l'ensemble de Mandelbrot (ce point est alors la racine d'une composante, et ce sont les deux façons d'y arriver depuis l'extérieur) ; mais je n'arrive pas à comprendre si on connaît un algorithme analogue pour les rationnels de dénominateur pair (qui aboutiront alors en un point de Misiurewicz) et je me noie un peu dans le livre de Keller.

On pourrait me reprocher d'écrire toutes sortes de choses sur Twitter au lieu de les écrire sur ce blog, mais je me noie complètement dans les entrées de blog que je dois écrire, que je commence à écrire, et qui prennent systématiquement des dimensions complètement démentielles. Parfois je m'exaspère moi-même avec ma capacité invraisemblable à tout transformer en un roman (d'autant plus que moi-même je déteste les romans interminables) : Twitter, au moins, m'oblige à faire court, mais apparemment n'a pas réussi à m'apprendre à faire court de façon plus systématique. J'avais commencé à écrire une entrée sur Game of Thrones (que le poussinet et moi avons récemment regardé — enfin, récemment au moment où j'ai commencé à écrire ladite entrée, ce n'est plus si récent maintenant), mais même un sujet aussi peu inspirant a quand même réussi à me faire aligner des kilomètres de mots, à tel point que je n'ai pas réussi à la finir (il faut dire qu'elle avait l'air un peu maudite, cette entrée : à chaque fois que je commençais à m'y remettre, quelque chose m'interrompait). Donc j'ai commencé une entrée de vulgarisation sur l'ensemble de Mandelbrot en me disant que j'allais vraiment en dire le strict minimum, et… mais comment est-ce que j'arrive à être assez con pour me dire que je pourrais réussir à écrire un texte court sur un sujet pareil ? Alors voilà, il a mis un pied dans le cimetière des entrées que je n'arrive décidément jamais à finir, et si je me lasse du sujet avant de l'avoir fini, il aura mis les deux pieds dedans.

Mais même cette entrée-ci, je pensais que j'allais juste écrire quelques phrases pour expliquer pourquoi je n'avais rien écrit ici depuis une éternité, et cette entrée elle-même a pris une taille complètement invraisemblable, je suis complètement crevé, je voulais me coucher il y a au moins deux heures, le poussinet en a marre de m'attendre pour aller au lit, bref, je me trouve moi-même vraiment insupportable et je termine en queue de poisson.

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