David Madore's WebLog: 2005-11

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en novembre 2005 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in November 2005: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in November 2005 / Entrées publiées en novembre 2005:

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(mercredi)

Un peu de pub pro domo

Samedi (dans trois jours), dans le cadre de l'opération envie d'amphi, mon alma mater, comme d'autres établissements d'enseignement supérieur, ouvre ses portes, avec notamment une présentation grand public par mon collègue (et néanmoins ami) David Monniaux sur les risques logiciels ainsi qu'une visite des locaux du 45 rue d'Ulm. Venez nombreux !

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(mardi)

All About Eve

Je viens de revoir All About Eve (Ève) au ciné-club de l'ENS ce soir : je connaissais bien ce film (je l'ai vu cinq ou six fois, même si la précédente remonte à assez loin), mais c'est toujours un plaisir de le redécouvrir. En tout cas, je suis tout à fait conforté dans mon idée que c'est un de mes préférés, et je suis admiratif de la manière dont jouent Bette Davis, Anne Baxter et George Sanders (les autres rôles sont, il faut l'admettre, moins bons, sauf peut-être pour l'hilarante — et vaguement prophétique ? — apparition de Marilyn Monroe). D'ailleurs, jouer une actrice qui joue elle-même un rôle ne doit pas être facile ! (Surtout quand il faut à la fois faire comprendre au public ce qui se passe et néanmoins montrer que l'actrice en question joue très bien.)

Il y a aussi que je me reconnais dans un des personnages. (Saurez-vous deviner lequel avant de lire la suite ?) Il ne s'agit bien sûr pas de l'héroïne-titre — Eve Harrington — mais plutôt de Margo Channing. Pas pour son talent d'actrice ☺️ mais simplement pour la façon dont elle pique une colère de diva (et de gamine), incompréhensible pour ses ami(e)s, quand elle se sent menacée. Mais je me donne le beau rôle, comme ça, puisque, au final, elle a bien raison. 😉

Bref, si vous ne connaissez pas, c'est à découvrir absolument. Un chef d'œuvre.

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(lundi)

Stupide machine à laver

Ce matin j'ai perdu un temps invraisemblable à cause des fonctions de sécurité de ma machine à laver. J'avais démarré un cycle de lessive et, quelque chose comme une demi-seconde après avoir appuyé sur le bouton démarrer, je me suis rendu compte que j'avais oublié de rajouter un vêtement dans le tambour. Je mets donc le sélecteur en position annulation, mais apparemment la machine a considéré qu'elle avait rempli d'eau le tambour (ou qu'il était trop chaud, je ne sais pas), et dans certaines circonstances que je ne comprends pas bien, une fonction de sécurité à la con interdit qu'on l'ouvre. Je ne savais même pas si elle allait revenir en état normal (ouvrable) d'elle-même au bout d'un certain temps ou s'il fallait faire quelque chose. Finalement, je m'en suis sorti en lançant un cycle rincage + vidange. Mais quelle idiotie !

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(vendredi)

Séminaires mathématiques

Le séminaire Variétés rationnelles (le séminaire mathématique où je suis le plus assidu[#]) a repris ses activités, mais il a maintenant[#2] lieu à Orsay et non plus à l'ENS. J'espère que cela n'entraînera pas un changement de style pour converger vers le SAGA (Séminaire d'Arithmétique et de Géométrie Algébrique) d'Orsay, un séminaire très prestigieux mais où le commun des mortels ne comprend souvent pas grand-chose aux exposés ; parce que le séminaire Variétés rationnelles, lui, est beaucoup plus compréhensible pour quelqu'un comme moi (évidemment, j'ai fait ma thèse dans le domaine).

Les deux exposés de cet après-midi étaient d'ailleurs tous les deux d'une clarté remarquable. Le second, notamment, m'a beaucoup impressionné : l'orateur (Arnaud Beauville) a réussi, tout en tenant les temps (c'est assez rare pour être mentionné…) à expliquer avec à la fois une grande précision et une grande simplicité un résultat[#3] qui n'avait rien d'évident. Il a fait le modeste en disant que son résultat n'avait pas d'autre intérêt que de répondre à une question que Serre lui avait posée. Serre étant dans l'assistance, d'ailleurs.

C'est bien quand il y a quelques grands mathématiciens dans l'assistance : je ne parle pas pour le prestige du séminaire, mais simplement parce qu'ils osent poser des questions parfois tout à fait terre-à-terre. Je veux dire, quand un petit jeune comme moi a une question dans un séminaire, il ose rarement la poser, par peur que ce soit une bêtise, et pour ne pas passer pour un idiot devant l'assemblée de pontes (même quand il n'y a pas deux médailles Fields dans la salle, il y a toujours des gens devant qui on ne veut pas avoir l'air plus bête que nécessaire…). Serre, lui, il sait que la question n'est pas idiote, et quand bien même elle le serait il n'aurait pas peur de demander. Il y a une certaine satisfaction, quand on pense très fort mais pourquoi est-ce que machin ? et que quelqu'un d'autre (dont la compétence mathématique n'est pas à remettre en cause) demande à haute voix mais pourquoi est-ce que machin ?, à se dire qu'on avait au moins une question qui montre qu'on a suivi. (Il ne s'agit pas forcément de questions qui impliqueraient un manque de clarté de la part de l'orateur, d'ailleurs : souvent, en fait, ça porte sur un énoncé adjacent à celui qui vient d'être affirmé.) Enfin, c'est encore plus satisfaisant quand on trouve soi-même la réponse avant que quelqu'un d'autre pose la question, évidemment.

Mais globalement je me rends compte qu'il y a quelque chose de vraiment commun entre l'entrée dans le monde de la recherche mathématique et l'apprentissage d'une langue étrangère : au début, quand les gens parlent, ça a l'air d'être du charabia, ils vont beaucoup trop vite, etc. Puis progressivement des automatismes se mettent en place comme des règles de grammaire, on voit venir les choses, on sait que telle situation doit inciter à se poser tel type de question, à rechercher tel type de méthode… Et à force, on arrive à s'efforcer à mentalement précéder un peu ce que les gens vont dire.

Il y a une personne extraordinaire dans l'assistance (à la fois au séminaire Variétés rationnelles et au SAGA), c'est le génial Ofer Gabber, sans doute le mathématicien le plus vif d'esprit que je connaisse. Il est du genre, quand un orateur énonce un théorème, à lever immédiatement la main pour dire quelque chose comme : là, vous allez démontrer ce théorème en passant par cette étape-ci, puis celle-là, puis celle-là, mais je ne comprends pas comment, dans votre conclusion, vous allez faire pour traiter le cas suivant… (Modulo la formulation ; en fait, il pose généralement la question en anglais.) Bref, il n'a souvent même pas besoin qu'on lui donne la démonstration pour voir immédiatement quels sont les points difficiles ; parfois c'est ce sur quoi l'orateur voulait insister (et alors il arrive qu'il s'agace parce qu'il voulait y venir en temps utile), parfois c'est ce qu'il voulait cacher sur le tapis (et alors il s'excuse de devoir admettre ce point ou ne faire qu'esquisser la technique), et parfois il n'avait pas vu du tout la difficulté. Depuis que j'assiste à ce séminaire, j'ai vu au moins deux fois Gabber démolir en direct une démonstration (trouver une erreur dedans, je veux dire), et une fois réfuter du tac au tac une conjecture que l'orateur énonçait. Tout à fait impressionnant (et du coup, on tremble à l'idée de faire un exposé devant lui). Un ami me disait même qu'il y avait une notion plus forte que le « vrai », en mathématique, il y avait « Gabber-vrai » (autrement dit, le résultat a été suggéré à lui et il a répondu que ça marchait). Au cours du premier exposé de cet après-midi, le monde mathématique a tremblé, donc, parce que Gabber a plaisanté : but then there's a contradiction in mathematics, puisqu'il avait émis une objection à un énoncé formulé par l'orateur, et que l'orateur a répondu à l'objection, et les deux semblaient avoir raison. Toute l'assistance a bien ri. Il faut dire que l'exposé tournait autour du fait que 240 n'est pas égal à 248, ce qui est déjà original.

Et ce week-end, je vais à (certains exposés du) séminaire Bourbaki.

[#] Il est vrai qu'il est mensuel : ça doit aider.

[#2] La raison est qu'un des trois organisateurs, auparavant chargé de recherche au CNRS en poste à l'École, a été recruté professeur à Paris XI — où sont déjà les deux autres. Il n'y a donc plus de prétexte pour que ça ait lieu rue d'Ulm.

[#3] Si p est un nombre premier ≥7 alors tout sous-groupe abélien de p-torsion du groupe de Crémona du plan (sur un corps algébriquement clos de caractéristique ≠p), i.e. tout groupe de la forme (Z/pZ)r d'automorphismes birationnels du plan projectif, est de rang r≤2 et contenu dans un tore standard. (Et il y a des résultats un petit peu plus techniques pour p valant 2, 3 ou 5.) Bon, la formulation peut paraître effrayante au non mathématicien, il me faudrait un petit peu de temps pour expliquer les termes, mais cet énoncé n'est pas très compliqué : c'est de la « vraie » géométrie (il s'agit d'un énoncé sur les transformations du plan, après tout ; d'ailleurs, j'ai déjà décrit ici ce qu'était le groupe de Crémona — dans le cas de R, certes), d'une façon que l'école italienne n'aurait pas reniée, et je trouve ça très beau.

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(mercredi)

Résistance au froid

J'ai une bien mauvaise résistance au froid. C'est peut-être parce que je suis plutôt maigre, en tout cas cette fin d'automne s'annonce rude. Il faut dire que les températures sont nettement en-dessous des normales saisonnières en ce moment à Paris (on est à la limite du gel) ; cf. d'ailleurs ce site consacré spécialement à la météo à Paris qu'on m'a fait découvrir et qui a l'air très intéressant (pour les parisiens, bien sûr).

Le paradoxe, c'est qu'en fait j'aime bien ces journées belles mais froides, où le ciel est impeccablement bleu mais l'air mordant. Je trouve que cela donne au beau temps une qualité bien plus appréciable encore que les journées belles et douces.

Toujours est-il que je m'étonne que l'homme ait pu survivre dans les siècles passés : j'habite dans un pays tout de même assez tempéré, dans une époque où on connaît des matériaux efficaces (et bon marché) pour se protéger contre le froid, je ne suis pas trop pauvre pour m'acheter des vêtements convenables, et je suis convenablement nourri. Et j'ai froid. Alors comment les paysans russes pouvaient survivre il y a quelques siècles sans avoir 90% de mortalité à chaque hiver, ça me dépasse complètement. Bon, je suppose que les gens réagissent très différemment au froid. D'ailleurs, je croise encore des gens en tee-shirt dans la rue, ou presque, ce qui me semblerait complètement inconcevable : et je suppose que les gens comme moi, avant, ben ils mouraient bêtement.

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(mardi)

Échec électoral, et diplômes pour s'inscrire à l'Agreg

Je n'ai pas été élu, finalement : j'ai recueilli 23 voix (oui, le taux de participation est minable) et mon adversaire (un maître de conf' au département de physique), 33. Ça me déçoit beaucoup, parce que je pense vraiment que j'aurais pu y faire du bon boulot : là, on est repartis pour avoir un représentant totalement inexistant comme ça a toujours été le cas. (Bon, je peux essayer de prétendre que c'est parce que le département de maths — notoirement connu comme une bande d'irréductibles Gaulois — n'est vraiment pas apprécié des autres départements scientifiques à l'École.)


D'autre part, on se rend compte aujourd'hui que personne ne sait exactement quelles sont les conditions (de diplôme) nécessaires pour avoir le droit de se présenter à l'Agrégation. Autrefois, c'était simple : avoir une maîtrise. Maintenant, avec la réforme LMD, plus personne ne sait ce que c'est qu'une maîtrise et elles tendent à ne plus être délivrées : les 1ères années de master (qui en tiennent vaguement lieu) ne sont pas des vrais diplômes qui pourraient servir de critère d'inscription.

Notamment, le site du ministère vous sort un charabia juridico-administratif du genre (et ceci n'est qu'un extrait) :

attestation d'inscription sans réserve en cinquième année d'études postsecondaires pour la délivrance d'un diplôme national ou d'un diplôme délivré au nom de l'État, obtenue le cas échéant après une décision de validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels prise en application de l'article L613-5 du code de l'éducation,

(ça nous éclaire vachement, ça), l'article L613-5 du Code de l'éducation stipulant que

Les études, les expériences professionnelles, les acquis personnels peuvent être validés par un jury, dans des conditions définies par décret, en vue de l'accès aux différents niveaux de l'enseignement supérieur.

— ce qui est bien beau, mais je ne sais pas comment faire pour trouver, sur Legifrance, tous les décrets pris en application de l'article en question (la partie réglementaire du Code de l'éducation se limitant, apparemment, aux deux premiers livres sur six, donc le reste n'est pas codifié). Et avec ça, personne n'est capable de dire, par exemple, si l'inscription en 3e année du magistère de maths de l'ENS constitue une inscription sans réserve en cinquième année d'études postsecondaires pour la délivrance d'un diplôme national ou d'un diplôme délivré au nom de l'Etat blablabla.

Le résultat du charabia, c'est qu'un de nos agrégatifs risque de ne pas pouvoir passer le concours. Jusqu'à l'an dernier, ils se contentaient de contrôler a posteriori (au moment des oraux) le titre justifiant l'inscription ; cette année, apparemment, ils demandent de fournir les pièces justificatives (avec un délai ridiculemen court : quelque chose comme deux semaines) par courrier à l'avance. Gros souci.

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(lundi)

Quels sont mes films préférés ?

On m'a demandé d'établir une liste de mes films préférés comme j'en ai déjà fait une (par ailleurs hautement approximative) de mes livres préférés. Je me rends compte que c'est encore plus difficile pour les films que pour les livres, je ne sais pas bien pourquoi : trop de titres me viennent à l'esprit, aucun ne sort du lot de façon vraiment spectaculaire. Il y a aussi que, les livres que j'ai lus, je les ai tous (je n'emprunte jamais un livre), donc quand j'aime je vais avoir tendance à relire souvent (des passages seulement : je ne relis presque jamais un livre de la première à la dernière page — je préfère l'ouvrir au hasard et lire quelques pages, puis éventuellement me rappeler un autre passage qui m'a beaucoup plu, le relire, etc.). Les films, au contraire, il y en a beaucoup que je n'ai pas (en DVD ou autrement), et quand je revois un film, pour le coup, c'est presque toujours du début à la fin (tout le contraire des livre, donc). Donc il y a une barrière de volonté plus importante à franchir que pour les livres (disons que j'ai plus de mal à me motiver pour lire un livre une première fois que pour aller voir un film, alors que pour relire un livre ça va tout seul alors que revoir un film il faut que je sois dans le bon état d'esprit, que j'aie deux heures devant moi, etc.). Bref, je connais peut-être plus de films que de livres, mais je les connais moins bien, et ces deux facteurs contribuent à rendre le classement plus difficile.

Néanmoins, voici une tentative (l'ordre de classement est très grossier, et j'ai parfois préféré aligner plusieurs films de même genre que de chercher à établir un ordre total de préférence — et en tout cas je serais incapable de dire quel est mon film préféré) :

Bon, on va arrêter là… De toute façon, ce classement n'a guère de sens : comment pourrais-je comparer un chef d'œuvre classique comme Citizen Kane ou Blade Runner (j'ai hésité à les mettre dans la liste : mais je ne les ai vu qu'une fois, et il y a assez longtemps, donc je ne sais plus bien), ou un film culte comme l'ancienne trilogie Star Wars, que j'ai pu admirer respectivement comme chef d'œuvre ou comme film culte et trouver effectivement « à mon goût », avec un petit film sans grande prétention que j'ai trouvé absolument excellent comme c'est le cas de George Lucas in Love (probablement le film que j'ai le plus souvent revu, je dois en être à plus de vingt fois, mais il faut dire qu'il ne dure que huit minutes !). Sans parler d'un court métrage complètement obscur comme Le Cas d'O (je ne l'ai pas trouvé digne de figurer sur la liste, mais pas très loin). Et puis, il y a des films que j'aurais envie de revoir mais je ne l'ai pas fait et mon souvenir est donc flou, ce qui fait que je ne peux pas vraiment les classer, comme Long Island Expressway ou France Boutique ou encore Bullworth (je sais que j'ai vraiment adoré ce dernier quand je l'ai vu, mais c'est trop loin pour que je sache précisément si je serais encore de cet avis maintenant). D'autes, comme 8 Mile ou La Virgen de los sicarios (La Vierge des tueurs), que je ne sais pas bien juger. D'autres que j'ai appréciés quand je les ai vus, mais que je n'aurais pas envie de revoir (Charlie's Angels, par exemple : un moment très distrayant, mais c'est tout). Sans compter, enfin, tout ce que j'oublie (certainement plein de classiques du cinéma français, parce qu'ils étaient peu présents dans les diverses listes que j'ai écumées pour retrouver des titres) !

Quoi qu'il en soit, on peut prendre chacun des titres mentionnés dans cette entrée (y compris dans le paragraphe précédent) comme une recommandation de voir ce film. Et inversement, j'aimerais bien avoir une grosse base de données qui prendrait cette liste de films et me sortirait des recommandations (j'avais déjà trouvé un cite de ce genre, mais il était très orienté USA, malheureusement).

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(dimanche)

Les visionnaires et le futur

Je viens de lire Paris au XXe siècle de Jules Verne (une œuvre de jeunesse, écrite vers 1863, qui imagine Paris cent ans plus tard). Tout le monde m'avait fait croire, quand j'étais petit, que Jules Verne était un visionnaire génial, qu'il avait prévu tellement de choses avant leur jour, et dans ce livre-là[#] spécialement. Eh bien je suis complètement déçu : non, sa vision de Paris au XXe siècle ne m'a pas paru spécialement impressionnante de justesse. Il est même complètement à côté de la plaque, en fait. D'accord, il avait prévu le métro, mais enfin, en 1863, ce n'était vraiment pas un exploit (le métro de Londres date de 1863 et le premier métro — aérien — de New York de 1868), et d'ailleurs il se trompe beaucoup sur les détails ; il avait aussi prévu, si on veut, l'ascenseur, l'éclairage électrique, l'extension de l'urbanisation de Paris, l'augmentation du nombre de fonctionnaires, la recherche effrénée du profit (quoique sous une forme différente), la diminution du prestige des humanités, et la perte d'importance de l'harmonie en musique, au moins dans une certaine mesure, et encore, seulement dans les grandes lignes : rien de cela n'est spécialement difficile à concevoir quand on regarde le monde de 1863. A contrario, il n'a pas du tout imaginé les changements les plus importants de la structure de la société, il n'a pas pensé que la technologie pourrait apporter des améliorations dans des domaines tels que l'enregistrement des informations et les (télé)communications (il évoque bien le télégramme, mais il imagine un héros dont le travail est d'écrire à la main dans un énorme livre…), et sa thèse principale, viz., qu'on aurait, au XXe siècle, tout oublié des arts et des lettres (et même de la politique), est non seulement fausse mais assez ridicule (je pense que le tempérament artistique n'est pas uniquement culturel mais aussi profondément ancré dans la nature de l'homme — donc il y aura toujours, de tout temps et dans n'importe quelle société, un nombre important d'artistes, fussent-ils déconsidérés). Le problème est qu'il place le XXe siècle dans la continuation directe du XIXe, ce qu'il n'a pas été : par exemple, pour Jules Verne, la technologie va dans le sens « plus gros, plus fort, plus envahissant », alors que son slogan au XXe siècle a plutôt ressemblé à « plus petit, plus sophistiqué, plus discret ». Et sa vision de la place de la femme (idéale !) est celle du XIXe, ce qui, quand on pense à la femme de 1960 ou, plus encore, à celle de 2005, fait plutôt rire. Bon, je dois reconnaître qu'il est possible qu'il y ait des choses qu'il ait tellement bien vu que je ne me suis même pas rendu compte qu'il ne pouvait pas connaître ceci ou cela à son époque (mais je ne crois pas).

Mais je ne veux pas me moquer de Jules Verne. Déjà, il n'est même pas certain qu'il ait cherché à voir juste : son roman (qui n'est pas du tout bien écrit, il faut le dire honnêtement) peut passer plus pour une critique sociale de son époque que comme une tentative de voir exactement ce que serait la nôtre. Et quand bien même il aurait honnêtement cherché à voir juste, je ne sais pas si c'était vraiment possible (sauf par hasard, bien entendu).

Y a-t-il d'ailleurs quelque visionnaire que ce soit, du passé, qui ait prévu de façon assez exacte le monde de cinquante ou cent ans plus tard ? Il me semble que non, sinon cela se saurait (cf. la loi fondamentale ci-dessous). Les plus doués savent rester suffisamment vagues pour ne pas se mouiller, ou se placer dans un avenir tellement lointain qu'on ne pourra pas vérifier avant bien longtemps. (Par exemple, la merveilleuse histoire[#2] de H. G. Wells sur la machine à remonter le temps n'a certainement pas pris une ride depuis son époque : il faut dire qu'il envoie son héros en l'an 802701.)

Dans un certain sens, c'est un bon signe : ça voudrait dire que le catastrophisme général des prétendus visionnaires de notre époque qui voient dans l'avenir (cf. n'importe quel film hollywoodien sur le sujet) des catastrophes écologiques majeures, comme un monde où l'air est devenu irrespirable (tiens, Jules Verne voit vaguement la même chose), etc., ou encore des sociétés dystopiques façon dictature cinglée (1984 à toutes les sauces), serait aussi infondé que l'optimisme béat des mêmes visionnaires. Hum…

Et moi, je vois quoi, dans l'avenir ? Au pif, je me dis qu'un des courants qui pourraient continuer à se développer c'est le phénomène général que ce qui est possible à la société au temps t devient possible à l'individu au temps t+1 (on l'a déjà vu pour l'imprimerie, les communications rapides à longue distance, et je ne sais quoi encore). Peut-être, par exemple, que les nanotechnologies nous donneront un contrôle accru sur la matière, y compris de façon personnelle : genre, des générateurs à objets (tout le monde en aurait) capables de fabriquer plein de choses : au lieu d'aller acheter des fourchettes au magasin, vous achèteriez en ligne les plans d'une fourchette (plans, évidemment, soumis à des droits très stricts de propriété intellectuelle, et que vous ne pourriez pas recopier, parce que la fourchette est brevetée, copyrightée et fournie sousdes licences cinglées et que votre ordinateur est totalement contrôlé par « gestion des droits numériques ») et autant de licences que nécessaire pour fabriquer des fourchettes. Plus la matière première. Je me demande aussi s'il est possible que la médecine finisse par rendre l'homme essentiellement immortel sauf par accident (du style : si vous avez un virus quelconque ou une tumeur, on fait le prélévement de l'ADN viral ou cancéreux, on le séquence immédiatement, on met ça dans un gros ordinateur — quantique — qui calcule exactement ce que fait ce virus, quelle est la façon la plus efficace de le combattre, avec des protéines ad hoc, on écrit les gènes qui vont bien pour produire ces protéines, on les met dans un virus vecteur et on vous l'inocule, et hop, vous êtes guéri à toute vitesse, bref, faire en ordinateur le boulot du système immunitaire ; et si vous perdez votre bras, ou si votre cœur est mal formé, on vous prélève quelques cellules et on fait pousser l'organe en question sur support artificiel et on vous l'(auto)greffe). Immortalité, qui, évidemment, coûterait la peau du c** (non greffable), et ne serait donc réservée qu'aux riches Chinois (les Européens et Américains ayant sombré dans la misère post-décadente, donc on les laisse se débrouiller avec les cyclones, ères glaciaires, voitures qui brûlent et grippes aviaires). En fait, je ne crois pas un mot de tout ça, à cause de la

Loi fondamentale de la futurologie : Toute tentative pour prévoir l'avenir donne des résultats faux, même en tenant compte de la loi fondamentale de la futurologie.

— en revanche, j'attends avec impatience les papiers muraux intelligents qui sont une de mes prévisions plus sérieuses pour l'avenir.

[#] Sauf que je suis un peu perplexe : Wikipédia me dit que ça n'a pas été publié avant 1994 (!), donc je ne vois pas bien comment on aurait pu m'en parler quand j'étais petit. Pourtant, j'en ai le net souvenir. Bizarre.

[#2] J'ai aussi le souvenir d'avoir lu une nouvelle tout à fait remarquable — il me semblait que c'était aussi de H. G. Wells, mais apparemment je me trompe — qui raconte l'histoire de quelqu'un qui, « par erreur », trouve au lieu de son journal matinal habituel, un journal de 1980 ou quelque chose comme ça (alors que l'histoire doit se passer une cinquantaine d'années plus tôt). Mais l'auteur est assez rusé pour ne pas dire grand-chose du contenu. Comme je viens de faire sans succès un demi million de recherches Google pour essayer de retrouver la référence de cette histoire, qui s'appelle, j'en suis presque sûr, The Remarkable Newspaper, il faut croire que j'ai rêvé. [Ajout () : en fait, je pensais à la nouvelle The Queer Story of Brownlow's Newspaper.]

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(samedi)

Structure, ordre, règles, et mentalités

J'ai, il n'y a pas longtemps, mentionné la fascination pour la « conservation de l'information » comme un trait typique des geeks, puis le « droit théorique ». Je voudrais maintenant évoquer une autre fascination, mais sur laquelle il est difficile de mettre un nom : c'est une forme de recherche d'ordre et de structure, une façon d'aborder certains ensembles de règles…

Prenons au hasard l'exemple des études et de la pratique de la médecine actuellement en France — c'est quelque chose d'assez compliqué (je parle de la situation administrative, pas de la médecine elle-même !, qui est effectivement « assez compliquée »), notamment parce qu'il y a (en gros) une triple autorité : celle de la Faculté de médecine, qui dépend des Universités, celle des hôpitaux, et celle de l'Ordre des médecins. Pour la première, les médecins sont docteurs en médecine (comme je suis docteur en mathématiques) et éventuellement maîtres de conférences, professeurs, ou quelque chose comme ça (s'ils enseignent à l'Université), pour la seconde ils sont externes (et, le plus souvent — maintenant c'est obligatoire, je crois —, internes) des hôpitaux, et pour la troisième ils sont inscrits au tableau de l'Ordre des médecins (ce qui est essentiellement le critère pour pouvoir exercer la médecine). Bon, ça c'est très simple (et sans doute excessivement simplifié, même), mais j'ai longtemps été agacé de ne rien y comprendre dans cette histoire, parce que ce n'est jamais expliqué de façon claire (probablement aussi parce que les gens qui ne sont pas médecins et qui ne sont pas geeks se moquent assez de comprendre ces choses clairement). Ensuite, bien entendu, il y a des complications : les médecins militaires, par exemple, ne sont pas inscrits à l'Ordre des médecins (en gros, parce que les militaires n'ont pas le droit d'adhérer à un syndicat professionnel) ; des exceptions et des exceptions dans les exceptions, et c'est bien ça qui est rigolo (ceci dit, au final, du coup, je n'ai toujours pas bien compris ce que voulait dire médecin).

Ce qui est amusant, c'est de poser plein de questions bizarres. Un autre exemple de cadre qui donne des catégories compliquées mais amusantes, c'est l'Église[#] catholique (romaine), que ce soit dans sa structure (droit canon) ou dans son dogme (théologie). Ainsi, on apprend en première approximation que les niveaux de la hiérarchie catholique sont : diacre, prêtre, évêque, archevêque, cardinal et pape. Sauf qu'en fait, ce n'est pas si simple : les trois premiers sont des ordres tandis que les suivants sont des dignités ; le pape est, par définition, l'évêque de Rome, et les cardinaux sont de plusieurs sortes, les cardinaux-évêques, les cardinaux-prêtres, et les cardinaux-diacres (par ordre hiérarchique décroissant), selon la nature de la charge dont ils sont titulaires (diocèse autour de Rome, ou paroisse ou diaconie romaine). Donc les cardinaux ne sont pas forcément évêques : ils peuvent être simples prêtres, ou diacres ; sauf qu'en fait, tout en étant cardinaux-prêtres ou cardinaux-diacres, ils peuvent être évêques par ailleurs, et, de fait, le Code de droit canon précise que celui qui est élevé à la dignité de cardinal doit être consacré évêque — mais cela n'a pas toujours été respecté. Il y a d'ailleurs aussi plein de subtilités très rigolotes sur la façon dont les évêques sont sacrés et sur la filiation apostolique, ce qui permet à des schismatiques de se livrer à toutes sortes de coupages de cheveux en quatre sur la présence du mot ut dans la formule rituelle depuis Paul VI, mais je digresse. Concernant le dogme catholique, on en trouve sur le Web une présentation hilarante, Le Catéchisme pour les mules (à lire au moins si, comme beaucoup de gens, vous confondez l'immaculée conception avec la virginité perpétuelle), qui montrera assez bien, je crois, ce que je veux dire.

Cependant, mon propos n'est ni les études de médecine ni le droit canon : ce ne sont que des exemples pour illustrer l'angle d'approche qui est celui que je tente de mettre en lumière. Dans toutes les branches du droit ou du cérémonial, ou de tout ce qui y ressemble, ou même, en fait, dans n'importe quelle sorte d'organisation ou de structure créée par l'homme (ou pas forcément — mais la nature des problèmes posés, par exemple, par la biologie, est globalement différente), on pourrait trouver d'autres exemples. Malheureusement, quelle que soit le domaine choisi, on constatera souvent que les choses ne sont pas expliquées de la manière dont on (nous, geeks, ou moi, spécialement) le voudrait : il manque clairement des manuels du type le monde expliqué aux geeks.

Je pense notamment que toutes les branches du droit souffrent du fait qu'elles ont été confiées à l'origine à des gens ayant une toute autre culture et une toute autre forme de mentalité — et cette caste s'est perpétuée, et, maintenant, pour comprendre le droit, il faut s'imprégner de cet état d'esprit et éventuellement faire l'effort laborieux de retraduire les explications dans des formulations plus claires. Lorsque je pose des questions de droit à des amis juristes, ils mettent souvent une éternité à comprendre la question ou à admettre qu'elle n'est pas stupide, et encore plus longtemps à comprendre comment faire une réponse intelligible par moi. Si la culture initiale du droit avait été une culture de systèmes et de logique, il serait actuellement très différent (peut-être pas plus accessible à celui qui n'a ni la mentalité tordue des juristes actuels ni la mentalité tordue des geeks, certes), et, je le soupçonne, beaucoup plus efficace ; hélas, personne n'est aujourd'hui en mesure de provoquer une telle révolution.

[#] Sans doute d'autant plus qu'on est soi-même athée, parce que cela rend la question complètement gratuite. Ceci dit, j'ai eu d'innombrables discussions (électroniques) de geeks sur la question avec une amie qui, elle, était catholique.

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(vendredi)

Le temps et l'inspiration

Une blague de physiciens raconte que Heisenberg avait de grosses difficultés sexuelles, parce que quand il avait la position il n'avait pas l'impulsion et quand il avait le temps il n'avait pas l'énergie.

J'ai souvent l'impression qu'il y a un principe de ce genre pour l'écriture : l'inspiration me vient le plus facilement après une journée bien chargée, pleine de potentialités, qui fait fermenter les mèmes dans mon esprit — mais c'est souvent après ça que je n'ai pas le temps d'écrire. J'ai l'impression qu'un fragment littéraire gratuit se perd, là, donc… Même si j'essaie de garder l'idée pour plus tard, je ne suis pas du tout sûr que je retrouve le bon état d'esprit, plus tard.

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(jeudi)

La dent : suite de la saga

Je suis allé chez le dentiste, aujourd'hui, qui m'a fait un plombage définitif sur la 2e molaire inférieure gauche (ça a l'air bien fait : ça peut vraiment passer pour la surface naturelle de la dent). Sur la 1ère molaire inférieure gauche (celle qui portait l'essentiel du trou entre les deux), elle a refait un pansement provisoire, et il faut que je retourne encore une fois la voir pour finir de s'occuper de cette dent-là. Tout est pour le mieux, donc, sauf qu'en fait non : toutes ces opérations ont modifié le profil (vertical) de ma dentition et, du coup, si je ferme la mâchoire à gauche il reste un minuscule intervalle à droite — ou, inversement, pour fermer aussi du côté droit (ce que je fais par réflexe) c'est en forçant à gauche, et ça appuie je ne sais où et ça me fait mal (je ne m'en vraiment suis aperçu, évidemment, qu'une fois que l'anesthésie locale s'était dissipée, donc une fois sorti du cabinet ; enfin, quand j'étais chez le dentiste elle m'a demandé si j'étais gêné ou pas pour serrer les dents, j'ai dit que oui, elle a un peu retravaillé, mais apparemment pas assez, et je ne m'étais pas rendu compte à quel point c'était embêtant). Pourtant, ce sont des différences très fines : en fait, je n'arrive même pas à trouver où, au juste, est le point de contact premier, du côté gauche.

Pour résumer, je peux de nouveau manger du côté gauche sans que la nourriture se coince entre deux dents, mais maintenant je ne peux plus fermer correctement la mâchoire. J'ai tendance à trouver que c'est encore pire, parce que la gêne, là, est permanente, plus seulement quand je mange.

Si mes histoires de dents vous gonflent, dites-vous qu'elles me gonflent encore beaucoup plus. ☹️

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(mercredi)

Débordé

J'ai de nouveau en ce moment l'impression d'avoir des millions de choses à faire à la fois et de n'avoir aucun temps pour m'en occuper. Je déteste ça autant que de m'ennuyer (et d'autant plus que ce n'est, justement, souvent pas exclusif de l'ennui).

En revanche, ma gorge va mieux.

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(mardi)

Mal à la gorge, suite

En fait, je crois que c'est surtout un aphte que j'ai (en plus du rhume et du mal de gorge, mais ça doit vraiment être l'aphte qui me fait le plus mal). Je suis habitué des aphtes (surtout pendant ou juste après un rhume), mais je n'en ai jamais eu d'aussi profond dans la bouche. Et l'ennui, c'est qu'il n'y a rien qui fasse le plus petit effet contre les aphtes (le Pansoral semble être encore ce qu'il y a de mieux, pour moi, mais ce n'est vraiment pas terrible). Heureusement, ils disparaissent d'eux-mêmes en quelques jours, donc déjà demain soir ça devrait aller beaucoup mieux.

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(lundi)

Mal à la gorge

Mon rhume a viré en angine : mon nez n'est pas vraiment atteint, mais qu'est-ce que j'ai mal à la gorge ! J'ai fait venir un médecin ce soir, et me voilà sous antibiotiques (et bains de bouche d'Éludril)… J'espère que ça ira vite mieux, parce qu'en ce moment déglutir m'est assez pénible (sans compter ma dent qui n'est toujours pas rebouchée : c'est jeudi que je vais chez le dentiste). Et après-demain j'ai un dîner avec des amis, où il était prévu de manger chinois et épicé : vraiment pas terrible pour une gorge enflammée. ☹️

Sans aucun rapport, un ami me signale une anagramme amusante, dans la lignée de celles qui servent en ce moment de publicité au Monde : en réordonnant les lettres de TRESOR PUBLIC vous obtiendrez CORRUPTIBLES.

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(Sunday)

Gratuitous Literary Fragment #64 (life of Brian)

I was born on that thoroughly unmomentous day in the summer of 1928 when fifteen nations sought to outlaw war forever: my father—who was a pacifist—read this as a sign and named me Brian. The irony of it, which became so painfully obvious on my eleventh birthday, has never ceased to pursue me. Blood, toil, tears, and sweat, the new Prime Minister soon offered us. A faithful promise indeed: both my parents died in the Blitz. Was this the love that asks no question, the love that stands the test, that lays upon the altar the dearest and the best? Still, some bitter years later, we were victorious: so on V-day along with all others I cheered the royal couple and Winston Churchill at Buckingham Palace, and along with all others I chanted God Save the King. We were victorious, I thought as the first A bomb exploded, but who exactly were we and what did this victory mean? So I resolved to find out. To find out whether anything in human history ever made the slightest bit of sense.

I watched as the Cold War broke out, and I travelled to various places. The death of George VI somehow triggered me to leave the country. I visited India in 1952, when Jawaharlal Nehru was at his peak. A year later, I went to Jerusalem, which was then Jordanian—to be admitted access I had to prove that I was in no way Jewish. And in '55, I was in Bandung to learn whether this was indeed the new centre of the world. Apparently it wasn't: so I settled in Berlin—I guess as part of an unconscious attempt to fight the evil memories of my childhood. Well, a couple of years later, as we know, a wall was built across it (although it wasn't much more than barbed wire at first, the iron curtain metaphor couldn't possibly ring truer), and we felt rather closed in during the Cuban missile crisis; then the American president came in person to Rudolph-Wilde-Platz and told us that all free men, wherever they may live, are citizens of Berlin: which I felt was something of a cheat because I had been in that city for seven years and I still dared not consider myself worthy of the title. Maybe that is the reason why I left, despite my admiration for Willy Brandt. Kennedy's assassination made me strangely desirous to visit the United States.

I moved to Boston in '64, and almost against my will found myself getting entangled with the rising student opposition against the Vietnam war and with civil rights activism: the youngsters found my past history oddly fascinating, and I became something of a guru in their eyes. The American authorities threatened to expel me from the country, but eventually they let me stay. I certainly had some interesting experiences during that time: Woodstock was among them, or Judy Garland's funeral in Manhattan; but I also met Professor Chomsky of MIT (who was—is—just my age). However, the conquest of the moon made me yearn for some more travelling and I decided to return to Europe. After some time in Rome, which wasn't the best place to be in at that time, I left for Paris in '73, where I learned in brief succession of the Chilean coup, the Kippur war, Pompidou's death, the Carnation Revolution, Chancellor Brandt's demise, the collapse of the Greek military dictatorship, and Nixon's resignation: events that I viewed with various degrees of happiness, but indeed it was a busy year and it is at that point that I came to the definite conclusion that there was no sense or logic in human affairs. Then I remained four years in London—except for a summer-long trip to Kenya and a short stay in Canada—and finally I went to live in San Francisco. I vowed never to set foot on British soil again so long as the Iron Lady ruled.

But then, for the next ten years, I completely lost my interest in politics, which even the Falklands War was unable to kindle. I had a motto at the time: The era of politics is dead; now we enter the era of policies. However, the policies of that time, in retrospect, do not seem to have taken the test of time as well as the world politics which I had dismissed as devoid of meaning. Then 1989 came, and two earthquakes rocked me. The first was a real seismic event along the San Andrea fault. The second, a month later, was the fall of the Berlin wall.

You are already acquainted with the rest of the story. You probably know better than I do the full list of cities that I visited in the last decade and a half, and of course I need not tell you what my self-prescribed mission was. But the time has come for me to succumb to old age's plea for rest. I will retire here in Barcelona: and I would like you to take my place.

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(Saturday)

Tales of the City

I finally got around to reading Armistead Maupin's Tales of the City (I had been sort of “dragging it along” for a month, but when I really got to it, I went throught the latter half of the book in just a couple of hours): contrary to what I initially thought, it's pretty easy to read, in fact (even though I must have missed zillions of cultural references of all sorts). It starts out as a set of rather disparate stories, but, as one proceeds through the book, the characters interact in many ways (perhaps too many, even: it gives the idea that San Francisco is a very very small world!) and there's a true plot and dénouement[#]. It's quite brilliantly done, actually. So, while I'll probably wait some time before getting started on the second volume (More Tales of the City) because I'm weary of multi-volume sagas (or, for a slightly more adequate comparison, multi-season sitcoms ☺️), I'm certainly not disappointed with the first.

[#] But I must admit I haven't understood what the final pages' deeper meaning: or rather, are we supposed to guess what Mrs Madrigal's secret is? Or is it meant to remain a mystery? Because I don't have a clue.

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(vendredi)

Un sentiment de déjà vu ?

Encore un rhume ? Mais c'est vraiment impossible ! J'aurais pensé qu'à force j'aurais fini par avoir les défenses immunitaires contre toutes les souches virales qui circulent (en France, au moins)‽ À moins que ce soit la grippe aviaire ?

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(mercredi)

Nouvelles de l'ENS : élections, ascenseur, cuisine, etc.

Aujourd'hui je me suis enfin décidé à déposer ma candidature pour les élections du Conseil d'administration de l'ENS (comme délégué du collège des — tenez-vous bien — personnels d'enseignement et de recherche non assimilés aux professeurs d'Université, disciplines scientifiques). Je ne sais pas du tout comment se passe ce genre d'élections : je soupçonne que le taux d'abstention avoisine les 90%, mais je ne sais pas combien il y a de candidats sur le poste (pour les représentants élèves le nombre de candidats a tendance à être inférieur ou égal au nombre de postes, je ne sais pas si c'est le cas là aussi), il est possible que ça soit trusté par les syndicats (mais je ne pense pas) ou que ça soit le concours de celui qui a le plus de copains (le problème étant qu'il faut avoir des copains dans le bon collège électoral). Je fais faire une petite campagne sur le thème de je connais bien l'École (ça c'est incontestable…) et je vais au moins rendre compte fidèlement de ce qui passe en CA (parce que le délégué auquel je succéderais si je suis élu, je ne peux pas dire qu'il se manifeste beaucoup).


Mon bureau est au quatrième étage (enfin, depuis la rue Rataud c'est même le sixième, et sur ces six étages il y en a deux qui sont très hauts donc c'est plutôt un septième en fait) ; normalement il y a un ascenseur qui devrait me permettre de monter presque jusqu'en haut (pas que je sois trop peu sportif pour monter six étages, mais quand je veux juste chercher un livre à la bibliothèque ça m'agace un peu de devoir escalader tout ça), mais il est en panne un jour sur deux. En fait, c'est assez impressionnant : il a fonctionné pendant des années et un jour il s'est mis à ne plus marcher (en gros, je retrouve l'ascenseur bloqué porte ouverte à un étage et qui ne veut ni monter ni descendre ni se laisser appeler d'un autre étage), puis après un ou deux mois comme ça (ça devait être vers décembre 2004), l'ascenseur est réparé et il fonctionne une un mois puis il retombe en panne, puis il est de nouveau réparé et il fonctionne cette fois une semaine ; là, quelqu'un doit se rendre compte qu'il faut une révision sérieuse, l'ascenseur reste en panne pendant des mois (mars à août, environ), on nous informe que le moteur de traction est hors service (sans blague), apparemment ils font de sérieux travaux dessus, et il est remis en service à la rentrée… sauf que le 22 octobre il est de nouveau en panne, et depuis ce moment-là il fonctionne en gros les jours impairs. Ce que je ne comprends vraiment pas, c'est comment leur réparation en profondeur de l'été a pu être à ce point mal faite qu'elle n'a rien résolu : s'ils ont changé le moteur pour rien, c'est vraiment malin…

En tout cas, aujourd'hui l'ascenseur marchait, mais je n'osais pas le prendre parce que j'ai trop peur de me retrouver bloqué dedans, avec toutes ces âneries.


Ah, et sinon, toujours pour aller dans mon bureau, je passe devant la cuisine d'un des internats de l'École, et chaque soir il s'en échappe des odeurs de nourriture tellement délicieuses que c'est décourageant. Sûrement un complot destiné à retarder le progrès des mathématiques. Faut dire que la cantine n'est pas fameuse. Et je ne peux pas vraiment passer ailleurs, parce qu'aller d'un point A à un point B dans cette École devient de plus en plus difficile : il y a des travaux de mise aux normes de sécurité dans tous les couloirs (et dans la journée ça fait un boucan invraisemblable).

En revanche, le nouveau bâtiment qui longe la rue Rataud, lui, il est quasiment fini (ce n'est plus qu'une question de jours, apparemment, pour les derniers fignolages). Nous avons d'ailleurs un projet de canular, qui consiste à baptiser à notre façon une des salles (l'amphithéâtre) du bâtiment : poser une plaque sur la porte et espérer que le nom s'imposera à la faveur de la confusion due au changement de direction (l'actuel directeur, Gabriel Ruget, n'a pas été reconduit, et c'est l'helléniste Monique Canto-Sperber qui le remplace).

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(Tuesday)

Gratuitous Literary Fragment #63 (circles of power)

Three men ruled the Empire.

Or, as the usual belief went, only one of them did, the other two being mere puppets in his hands. Historians centuries later could never agree, however, as to which wielded the actual power.

Was it the Minister of the Provinces, the formidable Sir Ishgur-Sal, whose secret intelligence service, or so rumor had it, was everywhere and knew everything? The “Iron Minister” was a man before whom even the prime prefects trembled, a man who never smiled, a man whose name inspired terror throughout the Realms.

What about the Prime Minister, Lord Aden, the old and wise? Here was a shrewd politician, who had served three monarchs, who survived every coup in the troubled times of his youth, a gifted orator who could always coax the Senate into voting whatever bill needed to be voted and the Emperor into signing the bill into law. He was a man who smiled at all times. Certainly Lord Aden left ample proof of his adroitness at administering the Empire: but was that where the power lay?

Or was it perhaps with Quentin VI himself? To all appearances, the young monarch was a frivolous figure, entirely unconcerned with the well-being of his people, who cared only about the magnificent celebrations ordained in his palace. But some had speculated that the carefree semblance that he projected publicly was deliberately arranged so as to hide from his enemies (and perhaps his own ministers) the true manner in which the Empire was ruled: and certainly there were aspects to Quentin's reign which would seem oddly incongruous unless explained by such a theory.

However, the truth is at once simpler and stranger. For nothing of the relations—and the balance of power—between Quentin, Lord Aden and Sir Ishgur-Sal can make any kind of sense unless a very small fact is taken into account, which never made its way into the history books.

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(lundi)

Exposition mathématique

Aujourd'hui j'assistais à un exposé (dans le cadre du séminaire de théorie des nombres de Chevaleret) sur Model Theory of the Witt Frobenius, with Emphasis on an Ax-Kochen-Eršov Principle : le titre peut paraître barbare, mais en fait c'était remarquablement clair et bien présenté. Peut-être justement parce que c'était de la logique (de la théorie des modèles, comme le titre de l'exposé le dit) exposée à des non-logiciens (des théoriciens des nombres, comme le titre du séminaire le dit) : je soupçonne que quand un mathématicien s'adresse à des spécialistes d'autres disciplines que la sienne il fait un effort particulier dans la clarté de sa présentation, il ne s'embarrasse pas de détails techniques encombrants (et là, apparemment, la démonstration en regorge, même si l'énoncé final — ou bien un corollaire fondamental — est tout à fait simple et beau).

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(vendredi)

La Beauté et la douleur

J'ai écrit le texte qui suit il y a presque trois ans, et je le retrouve maintenant en m'étonnant de voir à quel point je suis toujours parfaitement d'accord avec ce que j'y disais. C'est la conclusion de mon récent fragment qui m'incite à dénicher ce petit essai ; mais aussi le fait que, quand a débarqué hier soir à la K-fêt de l'ENS un garçon que je considère comme un des plus beaux que je connaisse, j'ai trouvé presque douloureuse la contemplation de ce visage et de ce corps si parfaits.

Je n'ai jamais bien compris ce qu'on appelait un esthète, et quelque part il est absurde d'envisager une seule seconde que je puisse en être un vu à quel point j'ai des goûts de chiotte, tout le monde le sait bien. Néanmoins, je me suis livré à quelques (embryons de) réflexions sur mon rapport au Beau et à la Beauté.

Et ma principale constatation (parfaitement banale, au demeurant, je pense) est que le Beau est pour moi constamment une source à la fois de désir et d'insatisfaction (souffrances est trop fort — mais cela va plus loin que de l'insatisfaction, ou en tout cas celle-ci n'est pas sans conséquences).

La forme de beauté qui me touche le plus en ce sens, et à partir de laquelle j'ai commencé à me poser la question, c'est la beauté humaine —et dans mon cas plus spécifiquement (mais pas uniquement) masculine. Quand je déambule dans la rue, systématiquement, je mate — euh, pardon, on va prendre un terme plus recherché — je dévisage avec concupiscence, donc, tous les garçons un peu mignons qui croisent mon chemin. (Bon, il est vrai que j'ai tendance à faire ça avec une certaine discrétion, en fait, malgré moi, et que j'évite plutôt les regards, donc ça ne se voit pas forcément trop.) Je peux me dire que c'est de la frustration sexuelle de plus haut niveau, mais en fait, je ne crois pas. C'est plutôt de la tristesse que je ressens, et chaque beau visage croisé me fait mal : tristesse de ne pas posséder cette beauté — dans les deux sens que cela a (de ne pas être aussi beau, et de ne pas avoir aussi beau). Je pourrais coucher tous les jours avec les plus beaux éphèbes de la Terre, et me savoir moi-même aussi beau qu'eux, ça ne comblera pas, je crois, mon insatisfaction par rapport à cette beauté, parce qu'elle est par essence insaisissable. (Hum, je ne dis pas que je cracherais sur cette proposition, non plus ! Ça me satisferait pour d'autres choses, indubitablement.) On aura beau prendre dans ses bras les créatures les plus parfaites, ou regarder inlassablement tel Narcisse son propre reflet parfait dans l'eau d'un fleuve, ce n'est pas la Beauté elle-même qu'on attrapera ainsi — et il y aura toujours plus beau et plus séduisant au coin de la rue pour vous rendre désireux ou jaloux. Même : la beauté qu'on peut avoir dans les bras rappelle celle qu'on n'a pas dans le miroir, et celle qu'on peut voir dans le miroir celle qu'on n'a pas dans les bras, l'une et l'autre se rient de mon incapacité à la fixer.

Et je ne parle même pas de la beauté particulière, si moqueuse dans son innocence, de la jeunesse, qui crie cruellement : Et toi, qu'as-tu fait de ton adolescence ? pourquoi n'est-tu pas, toi, à cette place ? Celle-là peut causer une véritable souffrance.

Mais, comme je le disais, mon appréciation de la beauté humaine ne se limite pas à ceux que je vois avec une arrière-pensée éventuellement sexuelle. Je peux aussi m'étonner — mais c'est plus rare — de la beauté d'une jeune femme quand je vois un visage lisse et un regard clair. Ou la beauté d'un enfant. Ou même d'un vieillard (c'est encore plus rare, mais c'est parfois d'autant plus frappant). Et toujours il y a quelque chose dans le spectacle de cette beauté qui me rend, sinon triste ou malheureux, du moins pensif, méditatif, déçu.

Il en va de même lorsque je contemple la photo, disons, d'un majestueux tigre du Bengale. Évidemment je n'ai aucune envie d'être un tigre — je ne pense pas que ce soit là une vie heureuse ou agréable, et les tigres n'ont sans doute pas, et en tout cas n'ont évidemment pas dans notre sens, conscience de leur beauté. Je n'ai pas non plus envie d'avoir un tigre comme animal de compagnie (c'est dangereux, c'est encombrant, et on a du mal à le caresser affectueusement). Et pourtant cette beauté féline m'appelle distinctement, de son chant de Sirène, mais m'appelle où ? Je ne sais pas.

Je peux ensuite multiplier les exemples.

La musique… Rien de plus insaisissable que la musique ! Par essence, elle est temporelle : elle ne peut pas se figer ou se laisser attraper en un instant arrêter. Je ne sais ni la composer ni l'interpréter — je ne peux que l'écouter. Si un morceau me plaît, je l'écoute, je le réécoute, je le réécoute encore à l'infini, jusqu'à ce qu'à un moment il cesse de me plaire : à vouloir en attraper la beauté, je l'ai mise en fuite, et je me retrouve avec plus rien. Avec le temps, la beauté reviendra dans le morceau, mais jamais comme au départ. De plus, pendant un moment, quand j'ai trop écouté un même morceau en boucle, je ne peux apprécier plus aucune musique : ni celle que j'ai abusivement répétée car je ne la supporte plus, ni les autres car je ne plus rien entendre d'autre.

La littérature et la poésie ? Au moins je peux en écrire moi-même, et même si elles valent ce qu'elles valent, c'est-à-dire guère mieux que ça, c'est un progrès par rapport à la musique pour ce qui est de la « saisissabilité » de la beauté. Pourtant ! Quand je lis un roman, soit il ne me plaît pas et alors ce n'est pas la peine d'en parler ici, soit il me plaît et alors je le dévore le plus vite possible : mais une fois qu'il est fini, je reste forcément sur ma faim. C'est insupportable : avant la fin, je suis pressé d'arriver à celle-ci (surtout si le roman est long) — et dès que j'y suis je suis triste qu'il ne me reste plus rien à lire. Et c'est à peu près pareil (en plus lent) quand j'écris moi-même. Pour ce qui est de la poésie, je peux trouver très beaux des vers (et enrager de ne pas pouvoir écrire de telles choses moi-même…), mais à force de les répéter, je finis par les vider de leur substance, et je lève les bras au ciel en m'exclamant comme le tragique héros qu'on sait : Words, words, words !

Les arts graphiques, alors ? J'avoue pourtant que j'ai du mal à rester plus de quelques minutes devant un tableau ou une image, aussi beau que je le trouve. Et pourtant dès que je m'en écarte, j'éprouve le besoin d'y revenir, car je n'ai aucune mémoire visuelle. Pendant que je contemple l'image, je suis attristé de voir qu'elle reste toujours la même : le monde qui est derrière n'est qu'un regard sur une scène précise, et je ne peux ni changer le point de vue ni voir le passé ou le futur de cette scène. La beauté est derrière le tableau, et me nargue dans mon incapacité à m'en rapprocher. Le problème est assez semblable quant au cinéma : l'image, cette fois, bouge, et j'ai l'impression de ne jamais avoir le temps d'attraper cette beauté au vol — mais si on fait une pause le résultat est ridicule, car la beauté est aussi dans le mouvement.

Quant aux spectacles de la nature… Je me suis réveillé récemment en pleine nuit, j'ai ouvert ma fenêtre et regardé le ciel : juste devant moi, la constellation d'Orion brillait d'une clarté magnifique, d'une netteté incomparable. Mais quelle moquerie ! C'est là me rappeler que je suis coincé sur cette planète et que, de toute façon, cette beauté que je vois dans les cieux, ce sont des boules de plasma incandescent qu'il ne ferait pas bon voir de plus près. Le problème, c'est que ce ne sont pas les étoiles d'Orion elles-mêmes, mais bien la Beauté derrière la constellation, que je veux observer de plus près.

C'est toujours pareil : il y a clairement un motif commun à tous ces exemples, que je résume à chaque fois en je n'arrive pas à saisir la Beauté, même si c'est peut-être un peu simpliste (et un peu un cliché) de dire ça.

Tiens, je vais citer Méphisto disant autre chose, pour une fois, que une partie de cette force… : cette fois, c'est Faust qu'il définit, et c'est à Dieu qu'il parle :

Vom Himmel fordert er die schönsten Sterne
Und von der Erde jede höchste Lust,
Und alle Näh und alle Ferne
Befriedigt nicht die tiefbewegte Brust.

Je sais déjà quelle est la réponse Zen à ma question comment peut-on apprendre à être en paix avec la Beauté et à ne plus souffrir par elle ?. C'est de se rappeler que la Beauté n'est pas dans ce qu'on observe : elle est dans l'oeil proverbial du proverbial spectateur. C'est de se rappeler que le plaisir de la Beauté est par définition dans son observation et non dans sa capture qui la détruit. Qu'au lieu de me laisser obséder par la dualité entre le Beau et le Laid et d'essayer de figer le Beau je dois créer la Beauté dans tout ce qui m'entoure en comprenant mon propre regard. Trouver la Beauté c'est comme trouver le Bonheur : la recherche peut tuer l'objet recherché tant qu'on s'obstine à ne pas le voir en soi, créé par soi, là où on le veut.

Malheureusement, parfois, il est bien plus facile de prodiguer les bonnes leçons de Maître Zen que de les appliquer à soi-même.

Je pense tristement à Oscar Wilde. Cet homme, toute sa vie, a passionnément vénéré la Beauté. Parfois, il l'a produite ; parfois, il l'a trouvée, autant qu'on peut la trouver, c'est-à-dire éphémère et effarouchée. Il est mort seul, brisé, et abandonné de tous et surtout de cette Beauté qu'il adorait. Laissons-lui le dernier mot :

We are all in the gutter. But some of us are looking at the stars.

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(jeudi)

J'apprends à écrire

Aujourd'hui, j'ai débuté un cours d'égyptien hiéroglyphique. (Il est vrai que c'est désespérément banal d'apprendre l'égyptien hiéroglyphique : le sumérien, ou le maya, au moins, ce serait un peu original, pour rester dans la catégorie des langues mortes à l'écriture pénible, et dont la grammaire est au moins aussi intéressante et riche, mais bon, je m'efforce d'apprendre des choses simples et utiles.) Le prof est intéressant (même s'il a un peu tendance à digresser). Aujourd'hui il nous a surtout résumé l'histoire de l'Égypte ancienne et de son langage et donné quelques rudiments sur l'écriture (surtout les signes phonétiques unilitères), et nous avons appris à écrire, par exemple, Anubis (enfin, Jnpw ou quelque chose de ce goût-là) en hiéroglyphes. L'ennui, c'est que comme c'est bien de l'écriture hiéroglyphique et pas hiératique qu'il s'agit, prendre des notes est un peu difficile ; il nous dit qu'il faut que nous nous formions une véritable écriture et que nous ne fassions pas des dessins, mais j'ai du mal à écrire, par exemple, un percnoptère (le hiéroglyphe représentant un son dont la valeur n'est d'ailleurs pas claire). Faire des tables grammaticales risque d'être un petit peu pénible.

Vivement que les hiéroglyphes (au moins les plus simples) soient dans Unicode ! Ce qui, malheureusement, n'est pas trop près d'arriver, malgré la proposition (à mes yeux ignares tout à fait bien convaincante) faite par le phénoménal Michael Everson. Comme une des choses qui font que la question n'avance pas est le manque d'égyptologues pour évaluer les problèmes (et notamment juger la proposition en question), je vais sans doute aborder le prof qui nous fait le cours pour lui demander s'il connaît des gens qui seraient prêts à se mettre en contact avec le consortium Unicode.

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(mardi)

Fragment littéraire gratuit #62 (méchanceté ?)

— Regarde celle-là. Il y a une trentaine d'années, elle se serait engagée contre la guerre au Vietnam, elle déclarerait son admiration pour Germaine Greer, elle parlerait de faire un pèlerinage à Katmandou, elle aurait dans sa bibliothèque un Petit Livre rouge — et bien sûr elle ne verrait aucune contradiction dans tout ça. Et maintenant ? Elle s'est engagée contre la guerre en Iraq, elle mange bio et végétarien, elle fait de la céramique dans sa cuisine parce qu'elle est une artiste, et elle met en évidence sur sa table de chevet la Condition de l'homme moderne de Hannah Arendt parce qu'elle a lu dans Télérama que c'était une philosophe importante. Elle pratique le yoga et écoute de la musique New Age, se croit rebelle parce qu'elle a fait une licence de lettres modernes à l'époque où papa-maman la voyaient en école de commerce, et s'habille au Bon Marché en faisant croire qu'elle trouve ça dans des friperies. Pour apaiser sa culpabilité à l'idée d'être trop bourgeoise, elle fait des achats commerce équitable. Elle se dit sexuellement ouverte parce qu'elle a plein d'amis homos et qu'elle a entendu parler de SM ; elle disserte sur la littérature russe parce qu'elle a lu un Pouchkine, un Tolstoï et trois nouvelles de Tchékhov ; et elle s'imagine au courant de tout ce qui se passe dans le monde parce qu'elle achète le Courrier international.

— Vous êtes toujours désagréable, comme ça, avec les gens ?

— Toujours. La méchanceté est le privilège de la vieillesse comme l'arrogance est celui de la jeunesse. Je ne compte pas me laisser déposséder de mes droits chèrement acquis.

— Et sur moi, vous diriez quoi de méchant ?

— Sur toi je ne dis rien. Les anges sont hors de la portée des crapauds baveux comme moi. De tout point de vue. Mais les comme toi, la contemplation de votre corps est l'inspiration permanente de mon aigreur frustrée. Car c'est en regardant les étoiles qu'on dit et qu'on fait les plus vilaines choses : donc ne reste pas trop près de moi.

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