Ça fait un moment (au moins deux ou trois jours ?) que je n'ai pas évoqué un chapitre de ma vie de Ruxor hypocondriaque[#]. Je vais peut-être en profiter pour raconter un peu mes douleurs imaginaires au cœur.
Elles ont commencé quand j'avais environ 12 ans, et à l'époque on
m'a expliqué que c'est certainement des douleurs intercostales, pas
de raison de s'inquiéter
: et il est sans doute vrai qu'il n'y a
pas de raison de s'inquiéter, mais il ne s'agit certainement pas de
douleurs intercostales.
Il n'est évidemment pas facile de décrire la nature d'une douleur. Disons que celles-ci sont modérées : la sensation est plus inconfortable que vraiment gênante, parfois très légère, mais elle est néanmoins parfaitement distincte ; elles surviennent et disparaissent assez soudainement, sur des intervalles pouvant varier entre quelques minutes et quelques heures, avec une fréquence et une durée moyenne très variables (j'ai des épisodes où j'en ai tous les jours, et je peux ensuite ne plus en avoir pendant des mois), peut-être un peu plus souvent la nuit ; je n'ai pas réussi à corréler ça avec quoi que ce soit (ni mon activité physique, ni mon alimentation, ni mon niveau d'anxiété, ni quoi que ce soit d'autre). La douleur ne change guère avec la position, elle augmente peut-être quand j'inspire mais ce n'est pas certain. La sensation est située dans la région générale du cœur, centrées un peu en-dessous du sein gauche, mais de façon plutôt diffuse ; la douleur n'irradie pas du tout dans le bras, le cou ni la machoire. La qualité de ces douleurs évoque plus une courbature, ou une sensation de fatigue musculaire, à la limite une légère sensation d'oppression, qu'un « poing de côté ». (De fait, il m'est arrivé d'avoir des courbatures aux pectoraux, et la ressemblance est assez forte, sauf que bien sûr les courbatures aux pectoraux touchent normalement les deux côtés symétriquement, et sont moins profondes.)
Je n'éprouve aucune gêne respiratoire pendant ces épisodes, ni aucune fatigue générale particulière. (La réaction un peu instinctive que j'ai pour tenter de les soulager est de souffler profondément, mais je ne peux certainement pas dire que j'étouffe.) Mon pouls n'est pas non plus affecté, sauf évidemment si je me mets à angoisser. Ma tension est normale (en général, ma tension tourne autour de 125mmHg/70mmHg, elle varie assez facilement, mais pas spécialement plus pendant ces épisodes qu'autre chose).
Vers mai 2003, j'ai eu des passages plus forts que d'habitude, et qui m'ont réveillé plusieurs jours de suite : j'ai consulté un généraliste, qui n'a pas du tout eu l'air affolé, il m'a dit essentiellement « c'est l'angoisse » ; mais comme il m'a diagnostiqué un petit souffle au cœur (1/6), il m'a adressé à un cardiologue pour faire une échographie cardiaque. Comme plus tard j'ai fait plusieurs épisodes de tachycardie assez importante (mais a priori totalement décorrélés des problèmes dont je parle ici, et certainement causés par une angoisse auto-amplifiée), je suis effectivement allé voir un cardiologue. Je lui ai plus parlé de la tachycardie que de ces douleurs qui duraient depuis 15 ans, mais je les ai au moins un peu évoquées. Il m'a fait un ECG et une échographie cardiaque, tous normaux, il a juste été assez étonné de la facilité avec laquelle mon rythme cardiaque s'élève à la moindre anxiété ; il m'a aussi affirmé que le léger souffle diagnostiqué par le généraliste était simplement le son du flux turbulent de mon sang à travers mes artères et pas le reflet d'une valvulopathie (je dois dire que je ne trouve pas ça spécialement rassurant que le nombre de Reynolds de mon aorte soit particulièrement élevé, mais passons).
Bref, avec tout ça, je prends des quantités homéopathiques de propranolol pour éviter les crises de tachycardies, mais les douleurs que je ressens depuis que je suis ado, elles, persistent. (On m'a proposé de prendre du magnésium, ce qui est une façon de dire « ce n'est rien, prenez un placébo », en tout cas ça n'a pas aidé.)
Alors je veux bien croire qu'il n'y a rien de grave, à la limite je ne me plains même pas des douleurs elles-mêmes, qui ne sont pas franchement gênantes, au pire elles me réveillent un peu ou m'empêchent de m'endormir ou encore me causent des cauchemars dans lesquels je fais une crise cardiaque. Mais je trouve l'explication « c'est l'angoisse » fort peu satisfaisante : certes, je suis hyper-ultra-anxieux de façon générale, mais les douleurs dont je parle ne se produisent pas spécialement aux moments où je le suis le plus. D'ailleurs, il y a d'autres symptômes que je ressens et pour lesquels on m'a dit, après examens, « c'est juste l'angoisse », par exemple une sensation d'essoufflement (léger mais net), qui n'est corrélée ni à mon impression d'angoisse ni aux douleurs dont je parle ici : pourquoi l'angoisse provoquerait-elle parfois le symptôme X et parfois le symptôme Y ? C'est peut-être vrai, mais ça ne satisfait pas mon esprit scientifique.
[#] Rendez-vous compte : mon poussinet a eu la grippe la semaine dernière, et je ne l'ai même pas attrapée !