David Madore's WebLog: 2014-02

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en février 2014 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in February 2014: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in February 2014 / Entrées publiées en février 2014:

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(jeudi)

Mes douleurs cardiaques imaginaires

Ça fait un moment (au moins deux ou trois jours ?) que je n'ai pas évoqué un chapitre de ma vie de Ruxor hypocondriaque[#]. Je vais peut-être en profiter pour raconter un peu mes douleurs imaginaires au cœur.

Elles ont commencé quand j'avais environ 12 ans, et à l'époque on m'a expliqué que c'est certainement des douleurs intercostales, pas de raison de s'inquiéter : et il est sans doute vrai qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, mais il ne s'agit certainement pas de douleurs intercostales.

Il n'est évidemment pas facile de décrire la nature d'une douleur. Disons que celles-ci sont modérées : la sensation est plus inconfortable que vraiment gênante, parfois très légère, mais elle est néanmoins parfaitement distincte ; elles surviennent et disparaissent assez soudainement, sur des intervalles pouvant varier entre quelques minutes et quelques heures, avec une fréquence et une durée moyenne très variables (j'ai des épisodes où j'en ai tous les jours, et je peux ensuite ne plus en avoir pendant des mois), peut-être un peu plus souvent la nuit ; je n'ai pas réussi à corréler ça avec quoi que ce soit (ni mon activité physique, ni mon alimentation, ni mon niveau d'anxiété, ni quoi que ce soit d'autre). La douleur ne change guère avec la position, elle augmente peut-être quand j'inspire mais ce n'est pas certain. La sensation est située dans la région générale du cœur, centrées un peu en-dessous du sein gauche, mais de façon plutôt diffuse ; la douleur n'irradie pas du tout dans le bras, le cou ni la machoire. La qualité de ces douleurs évoque plus une courbature, ou une sensation de fatigue musculaire, à la limite une légère sensation d'oppression, qu'un « poing de côté ». (De fait, il m'est arrivé d'avoir des courbatures aux pectoraux, et la ressemblance est assez forte, sauf que bien sûr les courbatures aux pectoraux touchent normalement les deux côtés symétriquement, et sont moins profondes.)

Je n'éprouve aucune gêne respiratoire pendant ces épisodes, ni aucune fatigue générale particulière. (La réaction un peu instinctive que j'ai pour tenter de les soulager est de souffler profondément, mais je ne peux certainement pas dire que j'étouffe.) Mon pouls n'est pas non plus affecté, sauf évidemment si je me mets à angoisser. Ma tension est normale (en général, ma tension tourne autour de 125mmHg/70mmHg, elle varie assez facilement, mais pas spécialement plus pendant ces épisodes qu'autre chose).

Vers mai 2003, j'ai eu des passages plus forts que d'habitude, et qui m'ont réveillé plusieurs jours de suite : j'ai consulté un généraliste, qui n'a pas du tout eu l'air affolé, il m'a dit essentiellement « c'est l'angoisse » ; mais comme il m'a diagnostiqué un petit souffle au cœur (1/6), il m'a adressé à un cardiologue pour faire une échographie cardiaque. Comme plus tard j'ai fait plusieurs épisodes de tachycardie assez importante (mais a priori totalement décorrélés des problèmes dont je parle ici, et certainement causés par une angoisse auto-amplifiée), je suis effectivement allé voir un cardiologue. Je lui ai plus parlé de la tachycardie que de ces douleurs qui duraient depuis 15 ans, mais je les ai au moins un peu évoquées. Il m'a fait un ECG et une échographie cardiaque, tous normaux, il a juste été assez étonné de la facilité avec laquelle mon rythme cardiaque s'élève à la moindre anxiété ; il m'a aussi affirmé que le léger souffle diagnostiqué par le généraliste était simplement le son du flux turbulent de mon sang à travers mes artères et pas le reflet d'une valvulopathie (je dois dire que je ne trouve pas ça spécialement rassurant que le nombre de Reynolds de mon aorte soit particulièrement élevé, mais passons).

Bref, avec tout ça, je prends des quantités homéopathiques de propranolol pour éviter les crises de tachycardies, mais les douleurs que je ressens depuis que je suis ado, elles, persistent. (On m'a proposé de prendre du magnésium, ce qui est une façon de dire « ce n'est rien, prenez un placébo », en tout cas ça n'a pas aidé.)

Alors je veux bien croire qu'il n'y a rien de grave, à la limite je ne me plains même pas des douleurs elles-mêmes, qui ne sont pas franchement gênantes, au pire elles me réveillent un peu ou m'empêchent de m'endormir ou encore me causent des cauchemars dans lesquels je fais une crise cardiaque. Mais je trouve l'explication « c'est l'angoisse » fort peu satisfaisante : certes, je suis hyper-ultra-anxieux de façon générale, mais les douleurs dont je parle ne se produisent pas spécialement aux moments où je le suis le plus. D'ailleurs, il y a d'autres symptômes que je ressens et pour lesquels on m'a dit, après examens, « c'est juste l'angoisse », par exemple une sensation d'essoufflement (léger mais net), qui n'est corrélée ni à mon impression d'angoisse ni aux douleurs dont je parle ici : pourquoi l'angoisse provoquerait-elle parfois le symptôme X et parfois le symptôme Y ? C'est peut-être vrai, mais ça ne satisfait pas mon esprit scientifique.

[#] Rendez-vous compte : mon poussinet a eu la grippe la semaine dernière, et je ne l'ai même pas attrapée !

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(mardi)

Quand et comment la formule E=mc² est-elle devenue si célèbre ?

J'ai déjà évoqué cette idée : quand on a affaire à une chose célèbre, il faut faire attention à bien distinguer l'histoire et la genèse de la chose de l'histoire et la genèse de sa célébrité — car une chose peut devenir célèbre très longtemps après avoir été inventée ou découverte. Et la deuxième histoire, celle de la célébrité, est généralement beaucoup plus difficile à retracer, car elle n'est souvent pas associée à des faits bien identifiables. (Pour certaines choses, il y a cependant un outil merveilleux, et dont je dois faire la pub, c'est Google Ngrams, qui permet de tracer les graphiques de la fréquence de telle ou telle suite de mots sur un large corpus de textes — dans différentes langues — et retrouver ainsi la popularité de telle ou telle expression à travers le temps : par exemple, s'agissant du canon de Pachelbel, on peut voir qu'on en parlait très peu, ou en tout cas pas sous ce nom, avant le début des années '70. Si quelqu'un doit écrire un roman historique se passant au XIXe ou XXe siècle, Google Ngrams sera sans doute d'un secours inestimable pour éviter les anachronismes.)

Bref, je voudrais juste discuter d'un exemple concret, pour lequel Google Ngrams n'est d'aucun secours, à travers la formule E=mc² décrivant l'équivalence masse-énergie et qui est sans doute la formule scientifique la plus célèbre auprès du grand public.

Si on cherche l'histoire scientifique de cette formule, donc en fait l'histoire scientifique de la relativité, elle est facile à trouver, et quoiqu'elle ne soit pas exempte de controverse, on peut globalement dater de l'année 1905 (l'annus mirabilis d'Einstein) une version plus générale telle que E²=m²c⁴+p²c² (où m est la masse au repos d'une particule relativiste, p sa quantité de mouvement, et E l'énergie totale) ou E=mc²/√(1−v²/c²), même s'il est possible que les notations aient été différentes, que la partie de passe au repos ait été justement soustraite (comme c'est le cas dans l'article d'Einstein sur l'électrodynamique des corps en mouvement), etc.

Seulement, la perception que le grand public pouvait avoir de la relativité avant la seconde guerre mondiale est tout à fait différente de celle qu'il a pu en avoir après : je crois que dans les années '20 on avait surtout cette idée de la relativité générale, perçue de façon assez farfelue comme une théorie invraisemblablement difficile que seules trois personnes au monde pouvaient comprendre (et il y a cette anecdote, sans doute apocryphe ou du moins enjolivée, selon laquelle on aurait fait cette description à Eddington, qui aurait demandé qui est la troisième ?). La question de l'équivalence masse-énergie n'avait sans doute pas attiré grande attention ; et même dans la communauté scientifique l'équivalence en énergie de la masse au repos devait paraître plus comme une constante un peu arbitraire qui simplifie les calculs de la relativité que comme un vrai phénomène physique : pour dire les choses autrement, la quantité phénoménale d'énergie représentée par la formule E=mc², si on veut bien l'exprimer sous cette forme, n'apparaissait pas spécialement libérable ou exploitable.

Ce qui a changé les choses, évidemment, c'est la découverte de la fission nucléaire lorsqu'en 1938 Lise Meitner et son neveu Otto Frisch ont interprété les résultats des expériences d'Otto Hahn et expliqué l'énergie libérée lors de la fission par la différence entre la masse de l'atome fissionné et la masse des atomes produits. C'est ainsi que la relativité (restreinte) s'est retrouvée liée à l'idée de la bombe atomique : en un certain sens, c'est une erreur scientifique, parce que les phénomènes de fission ne sont pas si spécialement relativistes, et toute réaction exothermique convertit de la masse en énergie (c'est juste que cette conversion, quasiment indétectable pour les réactions chimiques ordinaires, devient mesurable dans le cas de réactions nucléaires).

Bref, ce qui a vraiment popularisé la formule E=mc², c'est d'une part un article de semi-vulgarisation publié par Einstein lui-même en avril 1946 et intitulé E=mc²: the Most Urgent Problem of our Time (Science illustrated, 1, 16–17), où il explique le sens de sa formule et conclut en évoquant la menace que représente la disponibilité de cette énergie énorme :

But the part given to the community, though relatively small, is still so enormously large (considered as kinetic energy) that it brings with it a great threat of evil. Averting that threat has become the most urgent problem of our time.

Et surtout, c'est la couverture du 1er juillet 1946 de Time représentant la tête d'Albert Einstein avec, en fond, un champignon de bombe atomique sur lequel est écrit la formule en question.

C'est ainsi que la formule E=mc² (qui n'a, dans le fond, pas grand-chose à voir) s'est retrouvée, plus de quarante ans après la découverte de la relativité restreinte, associée à la menace d'un armageddon nucléaire dans le climat de la guerre froide. (Et elle a été ensuite assez galvaudée pour ne plus évoquer grand-chose d'autre que la formule emblématique de n'importe quelle physique.)

Soit dit en passant, les physiciens qui font de la relativité travaillent à peu près toujours — sauf peut-être pour enseigner — dans un système d'unités où c=1, auquel cas la formule devient tout simplement E=m, et il n'y a pas trop de raison de l'écrire, c'est juste dire qu'on connaît le même concept sous deux noms différents (la masse au repos et l'énergie qui lui correspond — ou bien l'énergie totale et la masse apparente qui lui est associée ; du coup, on utilisera plutôt m pour la masse au repos et E pour l'énergie totale, auquel cas elles ne sont pas égales mais reliées par une formule du genre E²=m²+p² ou E=m/√(1−v²) comme je l'ai écrit plus haut). Cet article en dit plus sur l'histoire de la formule, même si je trouve qu'il pinaille un peu en insistant qu'on n'aurait pas le droit de parler de masse pour l'équivalent de l'énergie totale (et qu'on devrait donc écrire E₀²=mc²).

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(mercredi)

TODO sur la physique des particules

J'aurais beaucoup plus à raconter sur la physique des particules que je n'ai fait dans la dernière entrée[#]. Vu que je n'ai vraiment pas le temps de m'y mettre, je peux au moins (comme je le fais souvent) jeter quelques idées sur ce que je voudrais pouvoir raconter, à charge pour moi-même de m'en occuper un jour plus tard si j'en ai à la fois le temps et l'énergie[#2].

D'abord, j'aimerais écrire un petit résumé de la question simple suivante : combien y a-t-il de particules élémentaires ? — on peut y répondre de façon naïve s'agissant des particules connues (dire qu'il y a douze fermions élémentaires, à savoir six quarks et six leptons, regroupés en trois familles comportant chacune deux quarks et deux leptons, et quelque chose comme six bosons élémentaires, à savoir le photon, le W, le Z, le gluon, le graviton même si on ne l'a jamais « vu », et le boson de Higgs), mais comme on ne sait pas bien, par exemple, si les antiparticules devraient compter pour une particule à part dans ce recensement, il s'agirait surtout d'expliquer qu'en fait la question qui a vraiment un sens, c'est de compter les dimensions de champs, ou degrés de liberté, et j'en compte 126 (avec le graviton et en faisant l'hypothèse que les neutrinos sont des particules de Dirac comme tous les autres fermions). J'avais commencé il y a longtemps à écrire quelque chose à ce sujet, que je peux recopier ici si quelqu'un veut vérifier mon calcul :

Pour les fermions, je compte 4 dimensions pour un champ de Dirac (une pour la particule gauchère, une pour la particule droitière, une pour l'antiparticule gauchère et une pour l'antiparticule droitière ; on pourra me dire que le champ de Dirac est complexe donc ça devrait faire 8, mais comme l'équation est du premier ordre et que pour les champs du second ordre je ne compte pas séparément le champ et sa dérivée, il est logique de mettre un facteur ½ sur le champ de Dirac qui, après tout, décrit 4 et non pas 8 particules) : ceci fait 4 dimensions pour chacun de l'électron, du muon et du tau, encore 4 dimensions pour chacun des trois types de neutrinos si je suppose qu'ils sont des particules de Dirac (s'ils ont des masses de Majorana ce n'est que 2 par type) ; pour les quarks, c'est 6×3×4=72 dimensions, 6 étant le nombre de saveurs, 3 le nombre de couleurs, et toujours 4 pour Dirac : on a donc au total 12+12+72=96 dimensions fermioniques. Pour les bosons, il faut se rappeler que le photon, étant sans masse, n'a que deux degrés de liberté, correspondant aux deux polarisations possibles d'une onde électromagnétique (il y a quatre composantes dans le potentiel qui définit l'électromagnétisme, mais il faut soustraire une contrainte due au fait que la composante temporelle de ce potentielle n'est pas dynamique et une liberté de choix de jauge, ce qui laisse 4−1−1=2 dimensions) ; le gluon a 8×2=16 degrés de liberté, le 8 étant le nombre de couleurs, c'est-à-dire la dimension de SU(3), et 2 le même que pour le photon ; le Higgs est un scalaire donc n'a qu'un degré de liberté (avant brisure spontanée de la symétrie il en a 4, mais il y en a trois qui deviennent les polarisations longitudinales du W et du Z vu que ceux-ci acquièrent une masse) ; le W+, le W et le Z0 ont chacun trois degrés de polarisation ; et si on ajoute la gravitation, le graviton a 2 modes de polarisation (+ et ×) : au total on arrive donc à 16+1+2+9+2=30 dimensions bosoniques. Bref, 96 fermions et 30 bosons, 126 au total.

Une autre chose dont je voudrais discuter, et qui intéresse forcément le mathématicien, c'est ce que sont les symétries de la physique quantique, et des différentes choses qui peuvent arriver à une symétrie (notamment, être exacte, être « anormale » — c'est-à-dire valide classiquement mais non vérifiée au niveau quantique parce que cassée par la renormalisation, ou encore valide de façon perturbative mais détruite par des effets non-perturbatifs comme des instantons[#3] —, ou bien, être « spontanément brisée », c'est-à-dire valable pour la théorie mais pas pour le vide de la théorie) ; de plus, à chaque symétrie doit être associée, d'après le théorème de Noether ou plutôt sa version quantique une quantité conservée (qui qui-serait-conservée si la symétrie n'était pas anormale ou brisée). J'ai récemment demandé sur physics.stackexchange.com si quelqu'un avait un petit résumé synthétique, mais personne n'a répondu, donc j'ai peur de devoir moi-même faire le boulot de synthèse, bien que je n'aie pas les idées complètement claires. (Éventuellement, si quelqu'un a une idée d'un physicien spécialiste du Modèle standard que je pourrais aller embêter, ça m'intéresse.)

Enfin, à propos de brisure spontanée de la symétrie, je voudrais essayer d'expliquer, surtout pour m'éclaircir moi-même les idées, ce que c'est qu'un condensat (et dans quelle mesure cette notion de condensat de Bose-Einstein est « la même » entre ce qui se produit pour l'hélium-4 à basse température et ce qui arrive au champ de Higgs et au vide de la chromodynamique quantique). Quand le boson de Higgs a été découvert expérimentalement par le CERN, il y a eu toutes sortes d'affirmations un peu maladroites comme quoi le boson de Higgs « est partout » (ce qui est vaguement vrai, mais il s'agit surtout d'essayer de donner un sens à cette valeur de 246 GeV du champ de Higgs dans le vide), et comme quoi il donne sa masse à toute la matière (ce qui est plutôt faux : il donne la masse à l'électron et aux quarks « nus », mais à peu près 1% de la masse des objets qui nous entourent est due à l'interaction avec le boson de Higgs, les 99% restants étant dus aux différents condensats de quarks et de gluons).

(Ceci impliquerait aussi de discuter de la question un peu byzantine de savoir si l'accouplement de Yukawa avec le Higgs doit être considéré comme une force fondamentale à côté des forces forte, électrofaible et gravitationnelle, ou non ; et, si on le considère comme une force, quel est son effet et pourquoi son condensat s'apparente à donner une masse aux particules.)

Il y a aussi toutes sortes d'expériences de pensées sur lesquelles je voudrais réfléchir (dans le style de xkcd what if), par exemple : si on prend deux neutrinos au repos, ce qui est permis maintenant qu'on sait qu'ils ont une masse, [à quelle condition] est-ce qu'ils s'attirent ou est-ce qu'ils se repoussent ?, d'ailleurs, à quoi ressemblerait une assiette de 100g de neutrinos froids ?, ou encore quel serait l'effet d'une instabilité du vide du modèle standard (ou de la rencontre d'une région de l'univers où le vide aurait un champ de Higgs légèrement déphasé par rapport à nous) ? — si quelqu'un se sent compétent pour répondre à ce genre de question (ou n'importe laquelle du même calibre et qui peut avoir un intérêt), surtout, qu'il n'hésite pas à me faire signe.

[#] Certains pourraient ironiser sur le fait que j'aie beaucoup de choses à raconter sur un domaine dont non seulement je ne suis pas spécialiste mais je prétends moi-même ne rien y comprendre. Même si je reconnais que cette dernière affirmation est un chouïa exagérée, ce n'est pas forcément si paradoxal : c'est justement parce que je ne suis pas physicien que j'ai peut-être la possibilité de mieux comprendre ce qu'il y a à ne pas comprendre, donc ce qu'il y a à expliquer, en physique — parce que je suis parti avec le regard un peu plus ingénu du mathématicien qui ne cherche pas à faire de la physique mais à comprendre le monde qui m'entoure. Il n'est pas sûr que la meilleure vulgarisation soit toujours faite par les spécialistes du domaine.

[#2] Ce qui, d'après le principe d'incertitude de Heisenberg, est évidemment impossible. ☺️

[#3] Autre chose à raconter, donc : ce que c'est qu'un instanton, et comment, par exemple, le sphaléron peut (très rarement !) violer la conservation des nombres leptonique et baryonique — avec la question sous-jacente de comment on « verrait » des particules apparaître du vide. Note : concernant les instantons dans le secteur fort du modèle standard, ce texte est vraiment excellent.

Ajout : voir cette entrée ultérieure pour quelque chose d'apparenté.

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(lundi)

Quelques méditations sur la physique fondamentale

Avertissement : Mon intention initiale dans cette entrée était de dresser un petit bilan de l'état de la physique fondamentale tel que je le comprends (en tant que mathématicien qui voit ça de loin comme de la culture générale scientifique), avant de partir dans quelques méditations philosophiques voire métaphysiques à ce sujet, et notamment sur la question des constantes fondamentales (sans dimension) de la physique et de la « raison » de leur valeur (et sur le principe anthropique). Comme d'habitude, j'ai écrit, au cours de plusieurs week-ends, quelque chose de beaucoup plus long que ce que je pensais (et, j'en ai bien peur, un peu vaseux). J'espère néanmoins que cette entrée plutôt décousue se lit assez bien « en diagonale », c'est-à-dire que le fait de sauter un passage qu'on trouve ennuyeux et/ou incompréhensible ne devrait pas empêcher de passer à la suite.

Structure : Pour dire les choses sommairement, la physique fondamentale est celle qui cherche à trouver les lois fondamentales qui gouvernent l'Univers, c'est-à-dire celles qui déterminent, au niveau le plus intime, tous les phénomènes physiques — ce qu'on appelle aussi familièrement la théorie du tout. Mon but est ici d'exposer un petit peu quelles facettes on connaît d'une éventuelle théorie du tout à travers un cube de théories physiques (dont les trois axes sont la gravitation, les phénomènes quantiques et les vitesses proches de la lumière) : je dois m'attarder sur la théorie quantique des champs avant de pouvoir décrire le « sommet manquant » du cube, la gravitation quantique (relativiste) ; mais le sujet auquel je voulais surtout arriver avec cette présentation, à propos de la « théorie du tout » c'est celui des constantes fondamentales, autrement dit, combien de nombres sans dimension admet-on dans une théorie censée décrire l'Univers ? — et ceci amène forcément à parler un peu du principe anthropique.

Je voudrais aussi en profiter pour signaler cette vidéo (suite ici) d'une conférence grand public tenue assez récemment à Cornell par Nima Arkani-Hamed (qui est très bon vulgarisateur) sur la philosophie de la physique fondamentale : je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter complètement, mais ce que j'en ai entendu semble très intéressant, et rejoindre beaucoup des questions que j'évoque ici.

[Voir aussi l'entrée suivante au sujet des choses dont j'aurais voulu parler mais pour lesquelles je n'ai pas eu le temps et on pourrait rêver que j'en aie le temps un jour.]

Ajout : voir cette entrée ultérieure pour quelque chose d'apparenté.

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(samedi)

И радужному знамени всех стран мы будем всегда беззаветно верны!

Une initiative que je trouve très touchante et très belle : pour protester contre les lois russes homophobes (qui interdisent toute représentation publique favorable de l'homosexualité — pour plus de détails, voir le documentaire de Stephen Fry que je mentionnais récemment), sans pour autant être suspects de russophobie, environ 2000 Suédoises et Suédois se sont rassemblés dans le stade olympique de Stockholm paré de drapeaux arc-en-ciel pour chanter l'hymne national russe (qui est d'ailleurs, à mon avis, musicalement, le plus beau de tous les hymnes nationaux).

Tu vaux mieux que ça, éternelle Russie !

(Pour éviter à mes lecteurs qui ne seraient pas des « lecteurs idéaux souffrant d'une insomnie idéale » de chercher ce que signifie le titre de cette entrée : les deux derniers vers du dernier couplet de la version soviétique de l'hymne sont И красному знамени славной Отчизны мы будем всегда беззаветно верны!, c'est-à-dire quelque chose comme Et à l'étendard rouge [ou bien : beau] de notre célèbre Patrie nous serons toujours sans réserve fidèles ! — ce que je modifie en : Et à l'étendard arc-en-ciel de tous les pays [etc.] ; всех стран étant aussi une référence à la formule finale du Manifeste du parti communiste qui était aussi la devise de l'URSS.)

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(samedi)

Un exemple de rêve mathématique

Je parlais avant-hier des maths qui peuvent apparaître dans mes rêves, et j'ai justement eu un exemple intéressant la nuit dernière. Je ne peux pas donner tous les détails, mais ce que je me rappelle nettement, c'est que (dans ce rêve, donc) mes parents avaient fait faire des travaux chez eux et que l'entrepreneur avait promis de pouvoir traiter tous les G-ensembles ; ce qui ne veut essentiellement rien dire, et par ailleurs je suis convaincu que par G-ensembles il fallait comprendre espaces homogènes sous G parce que j'y ai réfléchi ces derniers temps — pas que ça ait plus de sens de faire des travaux pour les traiter, bien sûr. Toujours est-il que mon père se disputait avec l'entrepreneur, une fois les travaux finis, en se plaignant que tous les groupes G n'avaient pas été traités, tandis que l'autre prétendait qu'il avait bien respecté son contrat ; je finis par comprendre que l'astuce était que le contrat parlait de tous les G-ensembles, mais sans que la donnée d'un G-ensemble contienne la donnée de G ! — et je trouvais que c'était effectivement une arnaque parce que c'est contraire à l'usage mathématique. Je répète que tout ceci ne veut pas dire grand-chose (surtout si on comprend vraiment G-ensembles, parce que je vois mal comment le G pourrait ne pas être donné), mais il y a une idée sous-jacente qui n'est pas absurde, à savoir que quand on quantifie sur une structure mathématique, il faut faire bien attention à ce qu'est la structure en question et quelles données elle renferme (ce n'est pas pareil de quantifier sur tous les couples (G,X) tels que blabla que de quantifier sur tous les X tels qu'il existe un G tel que blabla). Je n'ai pas le souvenir d'avoir eu cette pensée avant (qui n'est d'ailleurs pas très intéressante, et difficilement problématique dans l'usage mathématique), donc je suis bien tenté de dire que je l'ai eue en rêve — et c'est intéressant de voir comment le rêve arrive à mettre un (tout petit) bout de raisonnement qui veut dire quelque chose et à l'entourer dans un tas de choses absurdes ou surréalistes.

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