Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut).
Cette page-ci rassemble les entrées publiées en
juillet 2010 : il y a aussi un tableau par
mois à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque
entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le
texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top).
This page lists the entries published in
July 2010: there is also a table of months
at the end of this page, and
an index of all entries. Some
entries are classified into one or more “categories” (indicated at the
end of the entry itself), but this organization isn't very coherent.
The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
J'arrive un peu en avance ; j'attends en admirant la vue. Je
comprends pourquoi ils viennent ici, entre terre et mer.
La clameur enfle. La ville s'anime peu à peu. Les commerçants
ouvrent boutique. Les rues s'emplissent. Les derniers noctambules
finissent de rentrer, les flâneurs et les coursiers les remplacent.
Deux amoureux se donnent la main. Un chat miaule. Une mouette passe.
L'odeur d'embruns semble s'intensifier.
Fidèles à leur habitude, ponctuels, l'enfant et le vieillard
apparaissent sur la corniche. Ma présence ici les surprend : je sens
leur inquiétude. Je m'approche, esquisse un signe amical.
— Que nous voulez-vous ?
J'observe attentivement l'enfant. Je fixe la chaîne qu'il porte au
cou. Elle pourrait passer inaperçue. Je souris. Je ne me suis pas
trompé.
— Je sais qui vous êtes…
Pour le prouver, j'ajoute en murmurant : …votre
Majesté.
Le vieil homme tourne vivement la tête vers l'escalier. Il calcule
— je le devine — qu'il n'arrivera pas à fuir. Il avance
d'un demi-pas, place sa main sur l'épaule de l'enfant. Il réitère sa
question.
— Je voudrais vous aider. Je voudrais vous proposer
ceci.
Histoire d'écrire non pas trois mais quatre entrées datées
d'aujourd'hui, je signale
cette transcription
d'un débat (tenu en 2005) sur laquelle je suis tombée,
entre Antonin
Scalia
et Stephen
Breyer, deux juges de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique,
le premier étant classé comme notoirement conservateur, l'autre comme
notoirement libéral. Le thème du débat est de savoir s'il est
souhaitable que les juges (américains) fassent référence, dans leurs
opinions, à des jugements de cours étrangères et s'en inspirent. Mais
à travers ce débat, il y en a un autre, plus fondamental, qui surgit
çà et là : sur la conception même de ce qu'est un juge, et de sur quoi
il doit se baser pour juger.
Scalia a une position très stricte : un juge ne doit pas avoir de
rôle politique, il ne doit pas se laisser influencer par son sens de
la morale et ce n'est pas non plus à lui de présupposer des évolutions
de la société, et donc il doit appliquer la Loi telle qu'elle est
écrite, et notamment la Constitution avec le sens (immuable) qu'elle
avait pour ceux qui l'ont écrite (la doctrine
dite originaliste). En particulier, il ne voit rien dans
la Constitution des États-Unis
qui protège le
droit à l'avortement ou
qui interdise
aux États de pénaliser des pratiques sexuelles entre adultes
consentants (deux célèbres décisions de la Cour où il s'est retrouvé
en minorité) : si on croit ses arguments, ce n'est pas lui qui est
conservateur
(un autre
juge proche de ces thèses a d'ailleurs qualifié la loi texane
interdisant la sodomie d'étrangement ridicule, tout en la
trouvant conforme à la Constitution), c'est juste qu'il ne considère
pas qu'il soit son rôle de faire de la politique — selon lui, ce
sont aux législateurs de passer les lois qui correspondent aux
évolutions de la société. (On se doute aussi qu'il est opposé à ce
que les juges fassent référence à des jugements de cours étrangères :
c'est, selon lui, au législateur de s'inspirer de ce qu'il y a de bien
dans les juridictions étrangères, ce n'est pas au juge de mettre son
nez dedans.) Quant à l'interprétation immuable de la Constitution,
elle est, selon Scalia, importante pour des raisons de stabilité
juridique : si on l'interprète selon les progrès de la société, rien
ne dit que ces progrès iront toujours dans le même sens ; pour la même
raison, Scalia est un fervent défenseur du stare
decisis (s'en tenir à la jurisprudence établie par la Cour).
C'est une position qui ne manque pas de cohérence. Là où on
l'attaque souvent, c'est en demandant comment Scalia aurait voté dans
les
affaires Plessy
v. Ferguson (celle qui a ouvert la voie à la discrimination
raciale)
et Brown
v. Board of Education (celle qui y a mis fin), cette
dernière, qu'il est maintenant inimaginable de critiquer, étant
incontestablement « politique », et par ailleurs un revirement de
jurisprudence, deux choses que Scalia décrie. Il m'a l'air important
que le juge sache parfois appeler de la souveraineté du peuple à la
souveraineté du genre humain (donc éviter la tyrannie de la
majorité), pour reprendre les mots de Tocqueville que j'avais déjà
cités en présentant la façon dont je
conçois la démocratie.
On comprend qu'il ne soit pas très souhaitable que les juges à la
Cour suprême des États-Unis aient des positions politiques. Surtout
qu'ils sont nommés à vie et risquent de devenir des super hommes
politiques, responsables devant personne, rédigeant des opinions, et
même des opinions minoritaires, où ils ne manquent pas d'étaler des
convictions idéologiques, démissionnant au moment où ils prévoient
qu'un président pourra nommer un successeur de la même couleur
politique, bref, je ne suis pas sûr qu'on doive envier cette Cour.
Ceci dit, a contrario, le Conseil constitutionnel français est nommé
par un processus éminemment politique, et je ne suis pas sûr que
l'opacité complète qui l'entoure (ses décisions sont à peu près
illisibles pour le non-juristes, contrairement à celles de la Cour
suprême des États-Unis, qui se lisent souvent comme un roman,
récapitulant clairement les faits, expliquant le raisonnement et les
règles appliquées, etc. ; les membres du Conseil constitutionnel ne
disent pas pour quoi ils ont voté ni pour quelles raisons, on ne
connaît que la décision finale), je ne suis pas sûr que cette opacité
soit très souhaitable ni soit un gage de neutralité politique.
L'ennui, comme d'habitude, c'est que ces institutions se retrouvent
avec des modes de fonctionnement hérités de l'histoire, et que
personne n'a vraiment rationnellement choisi : personne ne s'est
demandé au juste, quelle est la bonne façon d'avoir une Cour suprême
pour appliquer les normes fondamentales en évitant les écueils à la
fois de la tyrannie de la majorité et celle de la dictature des juges.
(En général, les juristes français vous expliquent que le système
français est le meilleur possible dans le meilleur des mondes
possibles, et les juristes américains vous expliquent à peu près la
même chose, mutatis mutandis.)
Je tombe sur ce
micro-documentaire de l'AFP, qui, s'il est vrai,
m'apprend d'une part que la Turquie interdit aux homosexuels de servir
dans son armée, et d'autre part que les jeunes homos qui veulent
invoquer cette clause pour échapper à leur service
militaire[#] (la Turquie ne
reconnaît pas, apparemment, l'objection de conscience) doivent fournir
des preuves de leur homosexualité.
Il y a tellement de choses qui me heurtent — et de
façon imbriquée — que je ne sais même pas par où
commencer.
Le niveau un, c'est le service militaire obligatoire. Déjà, un
service national obligatoire,
j'ai tendance à considérer
(apparemment je suis le seul, mais bon) que c'est une violation de
l'acticle 4 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, mais
bon, quand la France pratiquait encore cette forme-là de servitude il
n'y a même pas quinze ans, et quand l'Allemagne la pratique encore, il
paraît qu'il ne faut pas le dire trop fort. C'est encore pire quand
le service est militaire, évidemment, et qu'il n'y a pas de provision
pour les objecteurs de conscience. (Après, s'agissant de la Turquie,
ce n'est pas le seul problème qu'elle a avec les droits de l'homme,
notamment pour ce qui concerne son armée — qu'il est par exemple
interdit de critiquer.)
Maintenant, il y a une discrimination qui rend le service militaire
en général encore plus scandaleux, c'est le fait qu'il ne s'applique
qu'aux garçons (i.e., n'est obligatoire que pour eux, du moins en
Turquie, et aussi en Allemagne, et, en fait, je crois, dans tous les
pays sauf Israël, qui a quand même une discrimination entre hommes et
femmes sur la longueur du service et qui a d'ailleurs plein d'autres
discriminations scandaleuses rien que là-dessus sur lesquelles je ne
m'étendrai pas parce que ce n'est pas mon sujet immédiat). Personne
ne m'a jamais fourni une explication de pourquoi c'était le cas,
d'ailleurs : pourquoi les garçons et pas les bruns ou je ne sais quoi
— c'est hallucinant que l'Allemagne ou la Suisse tolèrent encore
de nos jours une règle aussi révoltante. Soit dit en passant, toute
personne qui, en France, a pu s'exprimer avant 1996 sur l'égalité des
sexes et « oublier » de parler de ça, disqualifiait son propre
discours (je pense notamment à des gens que je me rappelle avoir
entendu se féliciter du fait que les filles aient le droit de
faire un service national mais oublier de hurler que les garçons
n'avaient pas le droit de ne pas le faire !).
Alors évidemment, la question qui n'est pas du tout évidente pour
quelqu'un qui, comme moi, trouve (a) que le service militaire
obligatoire est une forme de servitude forcée qui n'a pas sa place
dans une société moderne et (b) que les hommes et les femmes devraient
avoir exactement les mêmes droits (et, plus précisément, que l'État ou
la Loi ne devraient jamais, en aucune circonstance ni pour aucune
raison, avoir connaissance du genre d'un individu, ni évidemment
l'égalité ou non du genre de deux individus), c'est : supposant que je
ne puisse pas supprimer le service militaire obligatoire (dans un pays
donné), vaut-il mieux le laisser pour les seuls garçon (ce qui
constitue une discrimination sur le sexe), ou vaut-il
mieux étendre ce mal à tout le monde mais au moins faire
cesser la discrimination ? C'est la question générale des maux
imbriqués qui se compensent partiellement (vaut-il mieux supprimer le
mal imbriqué, quitte à étendre le mal extérieur, ou le laisser le
compenser un peu ?), et il est difficile d'y répondre en général ;
même dans ce cas particulier, je ne sais pas bien quoi dire.
(S'agissant de maux imbriqués, il y a d'ailleurs
des gens qui sont opposés au mariage des couples de même sexe sur
cette ligne de raisonnement-là : ils considèrent que le mariage en
soi, tel qu'il est reconnu par l'État et trop subventionné, est un
mal, et que le fait de le réserver aux couples de sexes différents est
un mal dans un mal, mais qu'il vaut mieux laisser le mal dans le mal
qu'étendre, ne serait-ce que de ∼5%, le mal extérieur.)
Deuxième discrimination, donc : les homosexuels turcs n'ont pas le
droit de servir dans l'armée. Ce n'est pas seulement une règle
complètement gerbante en soi (et
dont on
ne comprend pas du tout la raison), comme aux États-Unis : c'est
aussi une violation de la Convention européenne des Droits de l'Homme,
cf. les jurisprudences Lustig-Prean & Beckett
c. Royaume-Uni et Smith & Grady
c. Royaume-Uni (celles qui ont obligé le Royaume-Uni de mettre
un terme à une discrimination semblable dans son armée) de la Cour
européenne des Droits de l'Homme (la Turquie n'a pas ratifié les
protocoles 4 et 7 de la Convention, mais j'imagine que la
jurisprudence de la Cour ne se base pas sur ceux-ci parce qu'ils n'ont
pas du tout l'air de parler de ça). Remarquez, il paraît que la Grèce
est dans une situation semblable, ce qui est encore plus honteux
puisque la Grèce est aussi liée par le droit communautaire,
et si elle interdit aux homosexuels de servir dans son armée elle
contrevient certainement à
la directive
2000/78/EC du Conseil du 27 novembre 2000.
Alors, si on écarte le cas de ceux qui voudraient faire carrière
dans l'armée, pour qui cette règle est clairement un problème, pour
ceux qui ne veulent pas faire leur service militaire, c'est
peut-être plutôt une bonne chose (du moins si le fait de se faire
exempter n'apporte pas un lot de tracas, par exemple quand on veut se
faire embaucher après) : comme je le dis plus haut, quand un mal en
compense partiellement un autre, on ne sait pas bien s'il faut s'en
réjouir ou s'en désoler. Mais quand là-dessus s'ajoute la
complication que les autorités demandent des preuves de
l'homosexualité de celui qui se ferait exempter, on est au troisième
niveau d'imbrication des maux (je commence à penser
à Inception) : cela
semble compenser la discrimination, mais en fait probablement pas (a
priori, un jeune homo turc a le choix entre faire ou ne pas faire son
service militaire — mais c'est un faux choix, parce que d'un
côté il doit subir une procédure humiliante pour ne pas le faire, et
de l'autre on peut facilement s'imaginer que, s'il ne fournit pas
les preuves demandées et qu'il subit ensuite l'homophobie de
ses co-recrues, il trouvera peu de sympathie de la part de sa
hiérarchie pour s'en plaindre).
Mais alors là où mon cerveau explose complètement par l'imbrication
des maux les uns dans les autres, c'est s'il est vrai, comme le
reportage semble le dire, que la Turquie exclut de son armée
spécifiquement les homosexuels passifs, et donc ajoute aux
conneries déjà énumérées l'idée que ceux qui sont uniquement actifs ne
sont pas vraiment homos. (Et au passage, cela casse complètement
l'argument déjà complètement débile qu'il faut interdire aux homos de
servir dans l'armée pour éviter que les soldats aient à avoir peur
pour leur c**.) Je ne sais plus quoi dire, à un niveau de crétinisme
aussi abyssal.
Ajout () :
La BBC a écrit
un petit article
à ce sujet, et je continue à avoir la tête qui me tourne de tant
de connerie.
[#] Je me demandais
justement, récemment, s'il arrive que (et sinon, pourquoi pas) des
soldats américains, imprudemment engagés dans des guerres dont ils
voudraient sortir (en Iraq, en Afghanistan), parfois au point
d'en préférer
fuir au Canada, se fassent passer pour homosexuels (voire, aillent
vraiment faire quelque chose avec un autre homme, devant témoins),
pour obtenir d'être déchargés de leur service (et sans punition ni
blâme, contrairement à s'ils désertent). À ce
propos, ce comic
(édité par l'armée américaine elle-même) est à la fois hilarant et
bien triste. Heureusement, ce sera bientôt du passé — ou
pas.
Dans la série des livres pour enfants Monsieur
(Mr. Men
en VO) écrite par Roger Hargreaves, et qui me plaisait
beaucoup quand j'étais petit, mon poussinet m'a
offert M. Inquiet.
Les premières pages sont exactement une description de moi : Pauvre
monsieur Inquiet ! Il était continuellement, perpétuellement inquiet.
Quand il pleuvait, monsieur Inquiet se demandait s'il n'y avait pas de
fuites dans le toit de sa maison. Quand il ne pleuvait pas, monsieur
Inquiet se demandait si les fleurs n'allaient pas se faner. Quand il
partait faire ses commissions, il se demandait si ce n'était pas
l'heure de fermeture des magasins. Quand il trouvait les magasins
ouverts, il se demandait s'il aurait assez d'argent pour payer ses
achats. Quand il rentrait chez lui, il se demandait s'il n'avait pas
oublié quelque chose. Ou s'il n'avait pas perdu quelque chose en
chemin. Quand il avait vérifié qu'il n'avait rien oublié et qu'il
n'avait rien perdu, il se demandait s'il n'avait pas acheté trop de
choses. Et puis il se demandait où il allait ranger toutes ses
provisions. Il n'en finissait pas de s'inquiéter. Pauvre monsieur
Inquiet ! C'est tout moi (même
si je me serais plutôt appelé M. Anxieux que M. Inquiet).
Mais, dans le livre, M. Inquiet rencontre un gentil magicien qui
lui épargne tout un tas de tracas. Si c'est prophétique, voilà une
bonne nouvelle, mais, tout de même, cela m'inquiète : et si le
magicien ne me reconnaît pas ? Et si je le rate parce je n'ai pas
pris le bon chemin ? Comment savoir ?
J'ai
vu Inception
avant-hier. (Je suis stupéfié par le succès de ce film, d'ailleurs :
pour une séance à 20h10 dans un grand multiplexe, nous avons acheté
nos places à 19h30, et à 19h35 la séance affichait complet. Certes,
le film est bon, certes Di Caprio est une star, et certes il y
a apparemment eu un peu de tapage médiatique à son succès, mais j'ai
du mal à comprendre que ça ait peu atteindre un tel niveau, surtout
fin juillet.)
Ça m'a beaucoup plu. Mais je dois dire que je suis bon public :
aimant les labyrinthes dans les
rêves, la récursion des mondes,
n'ayant rien contre
les heist
movies, et ayant énormément
apprécié Le Prestige
du même réalisateur, j'étais prédisposé. Je recommande le film à ceux
qui aiment le dialogue Little Harmonic
Labyrinth dans Gödel, Escher, Bach (dialogue
précédant le chapitre V, et inspiré de l'œuvre pour
orgue BWV591, Kleines harmonisches
Labyrinth de Bach) ; je suis d'ailleurs persuadé que le
réalisateur-et-scénariste s'en
est inspiré, et
que les clins d'œil
aux escaliers
impossibles de Penrose et autres fantasmagories eschériennes est
un hommage au livre de Hofstadter.
Pour critiquer un peu, l'exposition est peut-être un peu longue et
fastidieuse (on passe tout le film à apprendre, pour ainsi dire, les
« règles du jeu »), le suspens dans les scènes d'action vers la fin
est peut-être inutilement étiré, les labyrinthes qu'on nous avait
promis ne sont pas vraiment livrés, et j'ai relevé quelques
incohérences internes. Mais globalement, c'était très bien, et
psychologiquement astucieux.
Et c'est le genre de films sur lequel on peut faire
des théories à n'en plus
finir pour savoir comment il faut le comprendre au juste
(malheureusement je doute qu'il y ait une explication complètement
satisfaisante, c'est-à-dire qui relie tous les indices dont
on peut raisonnablement penser qu'ils ne sont pas une erreur du
scénario). Voici quelques éléments que j'aimerais qu'une bonne
théorie arrive à prendre en compte de façon satisfaisante :
La séquence de chasse à Mombasa est très suspecte : on ne voit pas
Cobb arriver à cet endroit (même si, pour être honnête, on ne le voit
jamais arriver nulle part — ce n'est pas forcément la preuve que
tout est un rêve, c'est un procédé cinématographique typique), il se
fait chasser par des forces de sécurité qui ressemblent
suspicieusement à celles qu'il rencontre dans les rêves, et surtout,
la ville semble être un dédale de petites rues comme les architectes
des rêves sont censé en imaginer, jusqu'à cette scène complètement
bizarre où il se faufile entre deux immeubles extrêmement serrés.
Puis Saito apparaît comme un deus ex machina, on
se demande ce qu'il fait là, tout cela est complètement bizarre et
inexpliqué : est-ce une faiblesse du scénario, ou un indice ?
La scène dans le sous-sol du chimiste. Prise au premier degré,
elle semble ne pas apporter grand-chose au film. Beaucoup de gens qui
ont des théories sur le film suggèrent qu'à partir de ce point-là tout
est en rêve : c'est consistant avec la remarque qui suit, mais ça ne
s'intègre pas bien avec celle qui précède.
La scène dans la salle de bain où Saito empêche Cobb de faire
tourner la toupie. Après ce moment-là, on ne voit jamais la toupie
tourner et s'arrêter — ça ne peut pas ne pas être volontaire de
la part du scénariste.
Parlant de la toupie, il y a peut-être trop de gens qui savent
quel en est le principe. À l'origine, c'est le totem de Mal, pas de
Cobb. Les acolytes de ce dernier savent comment elle fonctionne.
Mais Saito, probablement, ne le sait pas. Pourtant, c'est lui qui
interrompt Cobb (cf. remarque précédente), et c'est aussi lui qui la
contemple quand ils se retrouvent dans les Limbes.
Saito, quand Cobb le retrouve dans les Limbes, prononce une phrase
que Mal avait dite (to take a leap of faith),
alors qu'il n'est pas du tout clair que Cobb lui ait dite.
Les deux enfants, quand Cobb les retrouve à la fin,
ont exactement la même apparence que dans son souvenir
(notamment, ils n'ont pas vieilli). C'est peut-être un effet
cinématographique, évidemment, ce n'est pas forcément un indice. Mais
un autre point bizarre est qu'on ne voit pas leur grand-mère, dont on
connaît l'existence par le coup de téléphone (un peu bizarre) que Cobb
passe au début.
Cobb et Mal sont censés avoir vieilli ensemble dans les Limbes,
mais dans la scène où ils se suicident pour s'en échapper, ils ne sont
pas vieux. C'est probablement une simple faute de cohérence, mais
peut-être pas.
Ariane, évidemment, porte le nom de celle qui donne à Thésée le
fil pour sortir du labyrinthe. Probablement il n'y a rien de plus à
comprendre (elle est celle qui construit des labyrinthes), mais
peut-être quand même que si.
Un des problèmes avec les clichés, c'est qu'on marche souvent sur
des œufs quand on veut les combattre : d'une part, parce qu'on
est obligé de leur donner voix pour les combattre (et donc de
s'entendre répondre : ah mais non, personne ne croit ça ! ce n'est pas
ça du tout !), d'autre part parce qu'un cliché fait souvent référence
à d'autres clichés (et eux-mêmes, et ainsi de suite en s'insérant dans
toute une Weltanschauung d'idées reçues), enfin simplement
parce que la seconde loi de Newton prévoit qu'à tout cliché il
correspond un contre-cliché qui n'est pas forcément plus reluisant ou
plus correct. (Heureusement et hélas, la réalité est tout en
nuances ; et une nuance subtile, ce n'est pas la hache bénie +3 qu'on
voudrait pour démolir les clichés et enfoncer les portes
ouvertes.)
Prenons l'idée suivante : les hommes homosexuels sont souvent
efféminés. S'il y a un préjugé véhiculé par la société, une forme
d'homophobie, qui m'a gêné dans la construction de mon identité, qui
m'a blessé profondément, et je me
répète en le disant, c'est bien celle-là. (Je ne dis pas que
l'idée l'homosexualité est une abomination ne m'aurait pas plus
blessé, évidemment !, mais j'ai eu la chance de grandir dans un
environnement extrêmement protégé contre une haine frontale.) J'ai su
relativement tôt que j'étais attiré par les garçons (vers 13 ans, je
sais qu'il y a des gens qui s'en rendent compte beaucoup plus jeunes
— mais il y en a aussi qui le découvrent très tard), et je n'ai
pas spécialement eu de réticence à me l'admettre : mais
l'identification de cette attirance avec
l'étiquette homosexualité a été beaucoup moins évidente parce
que l'idée qu'on me présentait de cette étiquette (un on
indistinct qui désigne la socété encore à la fin des années '80, je
suppose) était quelque chose comme le rôle de Michel Serrault
dans La Cage aux folles, quelque chose avec quoi je
n'arrivais pas du tout à m'identifier. Jamais je n'aurais eu l'idée
de porter une robe ou de jouer à la poupée. Et si je me masturbais en
regardant des icônes de masculinité qu'on pouvait trouver dans les
magazines pour ado que je lisais, j'étais trop innocent pour
m'imaginer faire l'amour avec eux — je fantasmais plutôt sur le
fait d'être eux. Mais je digresse.
Pour revenir à ce cliché, le problème est qu'à vouloir le
combattre, on s'expose à autant de chausse-trapes qu'il y a de
réponses évidentes au cri du cœur mais ce n'est pas vrai du
tout ! — par exemple, à se faire qualifier de misogyne
(c'est vrai, c'est quoi le problème, à être efféminé ?),
« follophobe », voire transphobe… On s'expose à présenter une
vision de la masculinité pas moins caricaturale que la vision de
l'homosexualité qu'on veut dénoncer (et à être très embarrassé, en
fait, pour répondre à la question : c'est quoi, au juste, être
efféminé ? et le contraire ?). On s'expose à ouvrir la porte à
plein d'autres clichés (du style : d'abord, il y
a plein d'homos dans l'armée
— ah, et depuis quand est-ce que l'armée est la
négation de la féminité ? merci pour les femmes militaires). Soit
dit en passant, pour une définition de la masculinité qui dépasse un
peu les clichés pour arriver au stade ô combien exigeant de la nuance
et de la subtilité, je recommande la lecture de l'excellent livre
d'Élisabeth Badinter, XY —
de l'identité masculine.
Pour continuer à rabâcher les choses que j'ai déjà
dites cent fois, ma théorie est
que le cliché en question est un biais d'observation : à la fois du
fait qu'on identifie plus facilement quelqu'un comme homo quand
justement il se conforme à ce cliché, et inversement qu'il soit plus
difficile de s'assumer ouvertement comme homo quand on ne s'y conforme
pas du tout (là aussi, insérer d'évidents contre-clichés sur les mecs
de banlieue et les militaires qui n'assument pas). Plus, évidemment,
un effet d'émulation (pour les gens qui veulent s'afficher comme
manifestement homos, c'est plus évident de se conformer aux clichés
pré-établis), et l'effet des médias, notamment la présentation de
l'homosexualité au cinéma.
Ce n'est pas tellement le côté efféminé, en fait : c'est
surtout que le spectre des types, de codes de conduite ou
vestimentaires, sur lesquels on peut coller l'étiquette mec
homo est incroyablement réduit. En fait, à Paris, on a parfois
l'impression qu'il y en a exactement deux : le look branchouille style
je-m'habille-au-BHV-homme (qui serait le efféminé
du cliché précédent), et le look
clientèle-du-Cox
(tout le contraire de efféminé) ; certes, il y a des sous-types
et peut-être un ou deux cas hybrides (style
sportif-soigné-propre-sur-lui, ou
qui-essaie-de-se-faire-passer-pour-une-racaille-mais-sans-grand-succès),
mais ça reste ridiculement étroit. Le titre de cette entrée souligne
un point anecdotique, mais néanmoins illustratif : je n'ai jamais
rencontré (ni en réalité, ni même en fiction, d'ailleurs) un seul mec
ouvertement/ostensiblement homo, à part moi, qui ait les cheveux
longs.
La vérité derrière le fait que je dis tout ça, en faisant passer ça
pour de la socio vachement sophistiquée (mais mon lectorat n'est pas
dupe), est juste que je suis terriblement frustré.
Frustré, parce que les mecs de mes fantasmes vestimentaires — le
skater, le punk, le un-peu-goth-mais-pas-trop, ou d'ailleurs parfois
le look acheté au Vieux Campeur — ils ne rentrent
pas du tout dans ce spectre. Alors je ne vois jamais deux jolis
garçons au look urban grunge ou jah-jah se faire des bisous dans la
rue : ça me frustre. Et tant que je serai frustré comme ça, je prends
sur moi de m'habiller comme j'aimerais
le voir et de faire des bisous à mon poussinet dans la rue :
peut-être qu'à force, ça prendra. Et sinon, j'ai au moins la
satisfaction de faire quelque chose d'inhabituel.
Qui invente les règles de la paperasse administrative ?
Je me
suis déjàsouvent
plaint de l'absurdité, de l'incohérence, et de l'incompréhensibilité
des règles qui régissent les tracasseries administratives et
bureaucratiques. En l'occurrence, je voudrais faire renouveler ma
carte d'identité (j'ai un passeport valable, mais je trouverais mieux
d'avoir aussi une carte d'identité valable pour toute la durée de
mon séjour à Berlin, celle que j'ai
actuellement expirant en plein milieu). J'arrive à l'antenne de
police avec toutes les
pièces listées
ici, et quelques unes en plus… Un acte de naissance de
moi-même et un autre de ma mère, en prévision de la possibilité qu'on
mette en doute ma nationalité, trois justificatifs de domicile pour
multiplier les probabilités qu'au moins un soit acceptable (facture
d'assurance de l'appartement, relevé de charges syndicales, et avis de
taxe d'habitation : je soupçonne vaguement qu'on va me dire que rien
de tout ça ne convient et qu'il faut obligatoirement une
facture EDF ou téléphone). Évidemment, un problème
informatique (sic : l'excuse qui marche à tous les coups) faisait
qu'on ne pouvait pas recevoir ma demande, et de toute façon on a
trouvé à redire à tout ce que j'avais (les photos n'étaient pas bonnes
— apparemment le format demandé a changé depuis la dernière fois
que j'en ai fait faire —, et on me demande de fournir deux
photocopies recto-verso de mon ancienne carte d'identité en plus de la
carte elle-même, et aussi des photocopies de mes justificatifs de
domicile en plus des originaux).
Il y a plein de problèmes avec la façon dont ce genre de démarches
se fait. D'abord, il y a la façon dont l'administration demande à ses
administrés d'accomplir de menues tâches de secrétariat à sa place.
Le fait de demander un document et sa photocopie est
archétypique en la matière : on se demande pourquoi les agents qui
reçoivent la demande (et qui sont assermentés) ne peuvent pas
contrôler les pièces présentées sur place, mais en tout état de cause,
s'ils veulent une photocopie, ils peuvent très bien la faire à partir
des documents présentés. Je peux dire la même chose des demandes
d'acte d'état-civil : pourquoi diable est-ce au demandeur de faire la
communication entre l'administration française et l'administration
française, au lieu que ce soit directement l'autorité délivrant la
pièce d'identité qui aille vérifier l'état-civil si elle en ressent le
besoin ? Je passe sur les renseignements qu'on doit
fournir n fois : vous savez, la date de naissance de mon
père, elle ne va pas bouger, si je vous l'ai donnée pour établir la
précédente demande, c'est insupportablement crétin de me la redemander
pour un renouvellement de la même pièce d'identité. (A
contrario, la taille indiquée sur ma carte d'identité est un peu
surestimée, je ne sais plus d'où elle sort, j'hésite à donner une
valeur plus correcte vu que je ne sais pas s'ils comparent les données
fournies à celles de la précédente demande.)
Ensuite, il y a les documents dont on ne sait pas ce que c'est
exactement, et qui ne prouvent en fait rien. Notamment les
justificatifs de domicile : personne ne sait au juste ce que c'est
qu'un justificatif de domicile, ce qui est admis ou pas change
au gré du bon vouloir du bureaucrate, et dans le cas de
l'établissement d'une pièce d'identité c'est totalement stupide d'en
demander un vu qu'il n'est pas obligatoire de déclarer les changements
d'adresse. C'est juste une connerie qui ne prouve rien du tout et
qu'on demande à chaque fois, probablement pour pouvoir emmerder un peu
plus les SDF.
Il y a évidemment les conneries administratives qui viennent des
conneries sous-jacentes de la loi qui est appliquée : la loi sur la
nationalité française est un tissu d'absurdités
(récapitulé
ici par un blogueur célèbre) tricoté par des générations d'hommes
politiques pas assez déterminés pour tout remettre à plat mais tout de
même assez pour ajouter leur petite crotte de ragondin à l'édifice. À
cause d'elle, quand on fait une demande, il faut mettre une croix à
côté de la raison pour laquelle on est Français. Il y a par
exemple vous êtes né(e) en France et l'un au moins de vos parents
est né en France versus vous êtes né(e) en France et l'un au
moins de vos parents est français et vous n'êtes pas né(e) en
France et l'un au moins de vos parents est né en France :
remarquez que les deux premières conditions ne sont pas exclusives
(mais il faut quand même choisir entre elles), et que les deux
dernières introduisent une dichotomie bizarre (si le fait qu'un parent
soit français suffit à donner la nationalité française, pourquoi se
soucier de distinguer selon que le demandeur est lui-même né en
France ?). Mes neurones à calcul propositionnel sont tout retournés
par tant de stupidité.
Il y a aussi les exigences gratuites et vexatoires, comme celles
sur les photos d'identité : format exigé très précis, surtout ne pas
sourire même un tout petit peu, ne pas porter des lunettes de peur
qu'il y ait le moindre début de commencement de reflet dedans, etc.
Celui qui a décidé toutes ces règles est un petit connard qui voulait
probablement faire valoir son importance, en faisant passer ces règles
pour de la sécurité, et en imposant de fait ses caprices débiles à des
millions de gens (voire des dizaines ou des centaines de millions de
gens, car je n'exclus pas que des règles aussi stupides et arbitraires
soient décidées au niveau international).
Car enfin, il y a tout le théâtre totalement pipo pour faire croire
qu'il y a de la sécurité dans l'histoire. Car on met toutes sortes de
mesures de sécurité débiles, on demande des documents à n'en plus
finir pour prouver que les gens sont bien de nationalité française, on
met des mesures anti-contrefaçon dans les pièces d'identité
elles-mêmes, mais, finalement, une chose qu'on ne vérifie
essentiellement pas, pour établir une pièce d'identité, c'est
l'identité du demandeur ! J'ai l'impression que si je voulais obtenir
une pièce au nom de Pierre Dupont (un Monsieur qui existe vraiment,
qui aurait vaguement mon âge, et dont je connais la date et le lieu de
naissance), avec ma photo dessus, ce serait excessivement facile : il
faut une copie intégrale d'acte de naissance de ce Monsieur (qu'il est
illégal mais néanmoins très facile de demander sans être lui), des
justificatifs de domicile à son nom (c'est encore plus facile), et
c'est tout. Il est vrai qu'il y a un problème pas du tout évident, et
presque philosophique, qui est d'établir ce que c'est, au juste, que
l'identité d'une personne (après tout, il doit bien recevoir
un premier papier prouvant son identité, et avant ça, par définition,
il n'en a aucun), et on peut se poser la question de ce que doit faire
quelqu'un qui serait soudainement frappé d'amnésie et qui n'aurait
aucun papier, aucun nom connu, rien de la sorte. Mais même si la
question est un peu épineuse, aucun commencement de début de tentative
n'a été faite pour la résoudre.
Toujours est-il que je me demande : qui, au juste, invente
les règles de ce genre ? Quel est le petit con qui décide qu'il
faudra fournir une photocopie recto-verso de la carte d'identité ?
Qu'il faudra des photos de telle ou telle taille ? Juridiquement,
tout ceci est décidé par des lois, des décrets, des arrêtés, voire des
circulaires du ministère de l'Intérieur. Mais ce n'est pas ce qui
m'intéresse : j'imagine que ce n'est pas le ministre lui-même qui
prend les petites décisions vexatoires et débiles (de
minimis non curat prætor) : j'aimerais vraiment
savoir qui (ou quel comité), au juste, a vraiment pris la
décision soumise à la signature du ministre, comment elle a été
élaborée, comment ces gens sont formés, et comment il est possible
qu'ils arrivent à pondre des règles dont la seule fin apparente est de
rendre les choses gratuitement pénibles.
Le poussinet et moi partirons dans deux semaines pour dix jours à
Berlin (du 2010-07-30 au 2010-08-09, en train évidemment,
CO2 et passion de
poussinet obligent). Je préviens en avance, comme ça, si
quelqu'un me
voit par hasard à Berlin, il pourra
m'identifier.
Je suis d'ailleurs déjà en train d'angoisser en me rendant compte
que mon niveau d'allemand a l'air d'être vraiment parti dans les
toilettes (et ce n'est pas comme le
ski, les langues, ça s'oublie vraiment) : du coup, j'essaie de me
persuader de faire une révision intensive. Bon, d'accord, les
Berlinois parlent certainement tous l'anglais, mais ce serait vraiment
trop la honte d'en arriver là. (Pour mon poussinet, le
problème est différent : il n'a jamais appris l'allemand, donc il n'a
pas de scrupule à avoir.)
Si quelqu'un a des suggestions de choses à voir (pas complètement
évidentes, i.e., pas déjà contenues dans tous les guides touristiques
imaginables), qu'il n'hésite pas à les donner en commentaire.
Sinon, je me disais : tiens, on pourrait essayer de profiter de ce
voyage pour faire des rencontres — essayer de mettre à profiter
le pouvoir censément extraordinaire de rassembler les gens des réseaux
sociaux, visagelivres et autres webforums en ligne, mettre une petite
annonce ou quelque chose comme ça de façon à trouver un(e)
Berlinois(e) avec qui nous pourrions sympathiser et qui serait prêt(e)
à nous faire un peu visiter la ville. Peut-être plutôt (mais pas
forcément) un homo d'à peu près nos âges, ou ayant d'autres points
communs avec nous. OK, l'idée est excellente, mais par
où commencer ? Sur le Web on trouve facilement des myriades de forums
désertés
(genre,
ça), le référencement d'un webforum par les moteurs de recherche
n'a pas l'air vraiment corrélé à sa fréquentation ou à sa vivacité :
je suis globalement peu convaincu par l'utilité du Web social pour
rencontrer des gens qu'on ne connaît pas déjà (sauf peut-être s'il
s'agissait d'un but explicitement matrimonial, ce qui n'est pas le
cas). Ah, peut-être
que ce
site Web est un bon point de départ.
(Ouais, c'est un peu con, c'est juste en même temps que
les Gay
Games à Cologne.)
Le foot et le hasard (et les homos de l'équipe d'Allemagne)
J'ai du mal à comprendre comment on peut trouver le foot
intéressant. Ce n'est pas que je n'aime pas regarder des sports en
général (enfin, surtout pas le sport
professionnel[#]), mais
c'est qu'en plus ce sport est franchement
chiant, il ne s'y passe rien, et
le résultat est vraiment dû au hasard.
Je ne dis pas ça parce que je suis déçu que l'équipe de France se
soit ridiculisée : je suis parfaitement ravi que l'équipe de France se
soit ridiculisée, ça a été rigolo d'écouter les détails sordides se
déverser dans le caniveau et ça a fait qu'on nous a beaucoup moins
saoulé avec le foot après ça (les supporters des équipes étrangères ne
sont peut-être pas plus civils, mais en tout cas ils sont moins
nombreux, c'est déjà ça de gagné). Je dis ça parce que c'est le cas.
Le fait que les deux pays finalistes de la dernière coupe du monde
aient été éliminés au premier tour n'est qu'un symptôme comme un
autre, mais il est assez emblématique.
Quand en 1h30′ de match le nombre moyen de buts marqués est
(si j'en crois Wikipédia, au niveau des compétitions professionnelles
de plus haut niveau) autour de 2.5, décider quelle équipe est la plus
forte sur la base d'un tel score a un sérieux du même niveau que si un
sondeur politique prétendait déterminer le gagnant de la prochaine
présidentielle en France en interrogeant trois personnes tirées au
hasard. Au moins certains sports décident la victoire d'un match sur
une douzaine, voire une centaines d'événements. Au moins certains
sports ont compris qu'il était bon, pour départager des joueurs ou
équipes de niveau proche, d'exiger pour arrêter le match qu'il y ait
un écart minimum entre les scores de ces joueurs : évidemment, ça peut
donner
des matchs
fort longs, alors le foot ne veut pas faire comme ça — on
arrête quand le temps est fini, point ; et s'il n'y a pas de
vainqueur, lorsqu'il en faut un, on utilise un
procédé encore
plus aléatoire où, de nouveau, on ne demande même pas un écart
minimum entre les scores, et où on rend la procédure encore plus
aléatoire après dix tirs parce qu'on s'impatiente vraiment trop
(autrefois on tirait carrément à pile ou face, ce qui, finalement,
était plus honnête). OK, je veux bien croire que quand
le Brésil joue contre la Corée du Nord, le Brésil ne va pas gagner que
par hasard, mais en général, entre deux équipes de bon niveau, c'est
exactement ça qui se passe.
Et si ce n'était pas assez aléatoire comme ça, la structure de
tournoi empire encore les choses. Admettons très généreusement que
l'équipe la plus forte, dans un match donné, ait deux chances sur
trois[#2] de l'emporter sur
l'équipe la moins forte ; et admettons aussi que l'équipe la plus
forte du tournoi se qualifie forcément (c'est relativement
raisonnable, puisque les poules sont un peu moins aléatoires que le
tournoi en pyramide) : il reste que la probabilité que l'équipe la
plus forte gagne effectivement le tournoi est la probabilité qu'elle
gagne quatre matchs d'affilée, soit, à deux chances sur trois à chaque
fois, un peu moins de 20%. C'est dire si c'est significatif !
Mais ce que je trouve amusant (et horripilant pour ce qui me
restait d'espoir dans l'esprit scientifique de mes contemporains), en
période de mondial, c'est à quel point un peu tout le monde se
transforme en expert de foot, formule ses pronostics, évalue tel ou
tel joueur, critique les décisions des entraîneurs et des
joueurs… Dites, vous savez que les joueurs de foot sont des
professionnels ? Vous iriez voir un professionnel du bâtiment, par
exemple, pour lui dire qu'il a mal fait son béton, qu'il devrait s'y
prendre autrement ? Autant faire prédire les résultats des matchs par
un poulpe
extralucide, ça aura tout de suite plus de sérieux.
'Fin voilà pourquoi que je pensais que le foot avait autant
d'intérêt que la coupe du monde de
pile-ou-face[#3], à quoi la
maman de mon poussinet m'a rétorqué : mais tu es bien bête de ne
pas regarder, ils sont vachement beaux, les joueurs de foot !
J'ai juste grommelé sans trop faire attention que, pour ce qui est de
l'équipe de France, certainement pas, et que de toute façon les
terrains étaient systématiquement filmés de très loin donc qu'on ne
les voyait pas du tout.
Bon, puis je suis tombé sur de
la presse
de caniveau (non, non, vraiment, c'était un hasard, je ne lis
normalement pas ce genre de
trucs… par
ici, plutôt, disons), sur la rumeur sur laquelle il y
aurait plein d'homos dans l'équipe d'Allemagne. Pas très
intéressant tout ça. Mais, eh, mais c'est vrai qu'il y en a qui ont
l'air pas mal du tout, sur cette photo : voyons de plus
près… Bof… Mouais… Bon… D'accord… Moui… Tiens,
oui… Ah
oui, quand
même ! Argh ! Re-argh ! Oh
par Saint-Sébastien !
Mince, j'aurais dû regarder la télé plus attentivement, le mois
dernier…
[#] Les tournois de foot
entre pays me semblent un poil moins ridicules, en fait, qu'entre
villes, où les joueurs n'ont aucun rapport avec la ville du club pour
lequel ils jouent, et ce n'est que par un acte de foi complètement
artificiel qu'on décide que tel groupe de gus « représente » telle
ville. Déjà que j'ai du mal à comprendre ce qui fait qu'un supporter
sportif se prend de passion pour les résultats sportifs de gens qui
n'ont de commun avec lui que la nationalité, la région ou la ville,
mais c'est encore plus mystérieux quand ce lien est un
pur fiat.
[#2] Deux chances
sur trois est complètement tiré de mon chapeau, bien sûr, mais
compte tenu de ce que j'ai dit ça me semble bien généreux envers le
foot. Si vous voulez des chiffres un peu moins pipotés : dans les
tournois de ligue, je vois des
statistiques qui montrent que l'équipe qui joue à domicile gagne
environ dans 50% des cas, fait match nul dans environ 25% des cas, et
perd dans environ 25% des cas. S'il fallait prouver que le foot est
du hasard, ces chiffres sont frappants : l'équipe qui joue à domicile
ne devrait logiquement pas avoir d'avantage ; mais admettons que ce
soit effectivement la plus forte, et que cette différence de force
soit représentative des différences entre équipes au niveau du
mondial. En écartant les 25% de nuls, ça donne effectivement une
victoire de l'équipe la plus forte dans 2/3 des cas : voilà d'où je
sors mon chiffre (qui, je le répète, doit largement sous-estimer la
part de hasard dans le foot si les équipes ne sont pas violemment
différentes).
[#3] Soyons gentils :
pierre-papier-ciseaux.
Voire singe-ninja-pirate-robot-zombie.
Il y a un grand élément de psy-cho-lo-gie dans le foot.
Les lecteurs de longue date de ce blog se rappellent que je m'étais
acheté un pointeur laser vert il y
a quelques années. Ces choses sont autrement plus fascinantes que les
bêtes pointeurs laser rouges : à puissance égale, ils sont
incomparablement plus brillants, on voit même la tache sur une surface
ensoleillée, et la nuit le rayon lumineux lui-même est visible. Ce
n'est pas seulement plus amusant : la luminosité en plus a vraiment
son intérêt et quand il s'agit d'attirer l'attention d'un auditoire,
le point vert ultra-brillant d'un laser de 532nm fonctionne beaucoup
mieux que la tache d'un laser rouge.
Quelques mots de plus sur la différence entre les
pointeurs laser verts et les rouges. D'abord, les pointeurs laser
verts (en tout cas, ceux qu'on trouve de nos jours à des prix
raisonnables un peu partout) ne sont pas des vrais lasers verts : ce
sont des lasers infrarouge qu'on fait passer par un milieu
non-linéaire pour doubler sa fréquence ; c'est même encore plus
compliqué que ça (une diode laser AlGaAs de 808nm est utilisée pour
pomper un deuxième milieu Nd:YAG ou Nd:YVO4 qui lase à
1064nm, et c'est cette lumière-là dont la fréquence est doublée par un
cristal KTP pour descendre à 532nm) : le résultat est qu'on perd pas
mal en puissance et j'imagine en qualité optique, et que le dispositif
peut chauffer (il ne faut pas laisser le laser allumé en permanence,
sous peine de l'abîmer). Il y a
des recherches
en cours pour fabriquer une vraie diode laser verte, mais
pour l'instant ça semble très difficile et exorbitant en prix. En
tout état de cause, tous les pointeurs laser verts qu'on trouve dans
le commerce sont d'une longueur d'onde de 532nm,
soit un vert très
légèrement bleuté, dont l'efficacité lumineuse est de
606lm/W,
ce qui signifie qu'un laser de ≲5mW (la limite entre les
classes IIIa et IIIb, donc ce qu'on vous vend habituellement) fait du
3lm, ce qui n'est pas énorme en soi (une ampoule à incandescence de
100W, le genre qu'on ne trouve plus en Europe, émet environ 1500lm),
mais concentré dans une tache de peut-être 3mm² ça fait un éclairement
d'autour de 1000000lx,
soit quelque chose comme dix fois l'éclairement solaire direct en
plein jour.
Les pointeurs laser rouges, eux, sont des vrais
lasers : ils émettent une longueur d'onde entre 630nm et 680nm. Il
doit exister plusieurs variantes, une à 635nm (probablement la plus
chère), une à 645nm et une à 671nm, mais je ne suis pas très sûr de
ces histoires ; il y a
d'ailleurs des
pages qui ne se mouillent pas et qui décrivent leur produit en
donnant un intervalle assez large, probablement parce que le vendeur
lui-même ne sait pas quelle est la longueur d'onde de son produit
(s'il mérite le nom de laser, a priori, il n'y en a qu'une seule).
Quoi qu'il en soit, dans cet intervalle-là, la longueur d'onde ne
change quasiment pas la couleur qui sera perçue par l'œil
humain, un rouge légèrement
vineux : ce qui change énormément avec la longueur d'onde,
c'est l'efficacité, entre 11lm/W et 190lm/W dans l'intervalle
630nm–680nm, comme quoi on a intérêt à chercher la longueur
d'onde la plus faible possible pour faire un pointeur rouge assez
brillant. Si j'en crois l'étiquette, le mien est à 650nm, c'est
76lm/W, donc 0.4lm pour ≲5mW, soit environ 8× moins brillant
que le vert, ce qui semble coller au moins vaguement avec ce que
j'observe.
J'ai bêtement perdu ce laser vert il y a trois semaines : je
l'avais apporté pour faire passer les oraux (lors d'une présentation
de TIPE, il y a un dialogue constant entre le
candidat et les examinateurs, et il est très pratique de pouvoir
désigner facilement un emplacement au tableau pour poser une question,
signaler une erreur ou attirer l'attention pour toute autre raison),
je l'ai bêtement laissé dans la salle où nous interrogions en pensant
que, comme elle était fermée à clé, il n'y avait aucun risque, et
pourtant il a disparu. C'est un peu contrariant vu qu'il avait coûté,
quand même, une grosse centaine d'euros (et qu'indépendamment de ça je
m'étais vaguement attaché à l'objet). J'ai dû finir les oraux au
pointeur laser rouge (d'où la confirmation expérimentale de ce que je
dis ci-dessus : c'est beaucoup moins efficace).
Je m'en suis racheté un
(chez
ThinkGeek parce que l'endroit où j'avais acheté le précédent
traite un peu ses clients non-US comme de la merde), et
j'ai profité de l'occasion pour acheter
un pointeur
laser violet, à 405nm (le laser des blu-ray, en fait), à
l'extrémité de ce que l'œil humain peut percevoir (en-dessous de
390nm, on considère qu'on est dans l'ultra-violet). C'était un peu
cher et il fallait des piles à la con (deux CR2), mais c'est très
intéressant : certes, ce n'est vraiment pas très lumineux
(l'efficacité à cette longueur d'onde est de 3.4lm/W — on voit
qu'on est vraiment à la limite de la détection humaine —, donc
mon laser doit faire dans les 0.015lm), mais d'une part la couleur est
très belle (c'est le violet
profond inimitable de ce qu'on voit des lampes
à UV et des pétunias violets). Et d'autre part elle est
assez loin dans le spectre pour causer la fluorescence de toutes
sortes de choses (comme quoi il n'y a pas que
les UV stricto sensu qui causent la
fluorescence[#]) : notamment,
quand on éclaire une feuille de papier blanc, ou un vêtement blanc
(blanchi aux azurants optiques), la tâche passe du violet au bleu ; et
j'imagine qu'éclairer un verre de Schweppes doit être intéressant
aussi (le Schweppes fluoresce dans le bleu à cause de la quinine qu'il
contient : c'est pour ça que le Gin&Tonic est populaire en boîte
de nuit quand il y a des lampes à UV). Du coup, malgré
sa faible luminosité, ce laser doit pouvoir fonctionner pas mal comme
pointeur laser.
Il existe d'autres couleurs de pointeur
laser : le bleu-vert de
473nm, par exemple, mais il
est vraiment
cher, ou même le le
orange de 594nm, mais il
n'est pas
du tout donné non plus. J'attendrai que ça baisse en prix avant
d'investir là-dedans.
[#] En fait, j'ai aussi
observé de la fluorescence au laser vert : Quiès vend des petits
bouchons pour oreilles en mousse de trois couleurs fluo (rouge, orange
et vert), et les rouges et les orange, quand on les éclaire avec le
laser vert, s'illuminent en jaune (ce n'est pas qu'un effet de
rouge+vert=jaune, puisque si on éclaire n'importe quel autre objet
rouge ou jaune avec le laser vert, il apparaît, fort logiquement, vert
— il faut vraiment un effet non-linéaire pour faire naître une
couleur différente à partir d'une lumière monochromatique).
Strasbourg était une des villes où
j'avais candidaté comme maître de
conférences il y a trois ans (argh, déjà ?), et qui m'avait fait
une impression très agréable. (J'aime les centre-villes piétonniers
et commerçants, pittoresques et ombragés, et c'est exactement ça.)
Comme mon poussinet est fou de
trains, c'était une destination tentante pour une escapade d'un
week-end par le TGV Est. Escapade un petit peu
contrariée par la chaleur insupportable (surtout samedi) et par
mes crises d'angoisse qui
continuent (moins intenses, mais pas vraiment moins fréquentes), mais
néanmoins fort plaisante.
Nous avons surtout bien mangé : samedi midi
à La Corde à
Linge, place
Benjamin Zix (filet de cabillaud et crumble aux amandes avec sauce
au Riesling, accompagné d'un peu de choucroute au goût presque sucré,
et en dessert un assortiment de glaces, notamment au yaourt et à la
violette, avec de la chantilly et des chamallows, ce n'était pas très
léger mais c'était un régal), samedi soir
au Caveau
Gurtlerhoft, place
de la Cathédrale (tarte aux oignons, poulet au Riesling et
Spätzle, que j'ai malheureusement eu du mal à finir parce qu'une crise
d'angoisse m'a noué l'estomac), et même dimanche midi dans un
restaurant (Le Pilier des
Anges, rue
mercière) qui de loin faisait un peu piège à touristes mais où
finalement j'ai mangé une bonne flammekueche pour pas cher. Comme le
poussinet et moi ne buvons pas d'alcool, on n'a pas profité des bières
d'Alsace, ni de ses vins (autrement qu'en sauce), mais c'était déjà
très intéressant.
Nous nous sommes aussi beaucoup promenés, sur la Grande Île et
en-dehors. Je n'avais encore jamais vu le bâtiment du parlement
européen, notamment, et je dois dire que c'est vraiment très
impressionnant :
les photos
ne rendent pas du tout compte à quel point ce bâtiment est colossal.
Je ne savais pas non plus que le siège du Conseil de l'Europe était
immédiatement à côté (juste de l'autre côté d'un de ces nombreux bras
de la rivière Ill qui sillonnent Strasbourg), ainsi que la Cour
européenne des Droits de l'Homme. Nous n'avons fait qu'admirer tout
ça de l'extérieur, bien sûr (je ne sais pas si le vulgum pecus
a le droit d'y mettre les pieds, mais de toute façon c'était un
dimanche, et d'ailleurs il n'y avait pas un chat en vue). Par contre,
quelque chose qu'on peut visiter à proximité, c'est
le parc
de l'Orangerie, un jardin à l'anglaise (qui m'a fait penser aux
Buttes-Chaumont à Paris ou, encore plus,
au Englischer Garten de Munich)
délicieusement aménagé
et vraiment
joli. Et nous avons pu y constater qu'il y a effectivement des
cigognes en Alsace, ce n'est pas une blague.
Dans le centre-ville, rien que de très classique : nous avons
visité
la cathédrale,
qui est frappante pas tellement par sa
hauteur[#] (même s'il paraît
qu'elle est restée l'édifice le plus haut du monde de l'achèvement de
sa flèche jusqu'en 1874) mais surtout par son aspect tout en dentelle
de pierre et presque labyrinthique ; j'ai vu la
fameuse horloge
astronomique que j'avais ratée la dernière fois, et nous avons
cherché à monter sur la plate-forme, mais j'ai eu le vertige donc le
poussinet y est allé seul. Nous avons aussi visité le musée
historique de la ville de Strasbourg, où on nous a fait la faveur de
nous laisser entrer gratuitement parce que nous sommes arrivés juste
avant la fermeture. Mais nous avons surtout marché au hasard dans les
petites rues piétonnes du centre-ville, et sur les berges de la
rivière. Et nous avons fait un pèlerinage au premier restaurant
MacDonald's ouvert en France
(en 1979,
il y a même une plaque pour le signaler).
Beaucoup de touristes allemands, ou en tout cas beaucoup plus qu'à
Paris et probablement plus que d'Américains, et tous les commerçants
avaient l'air de bien parler l'allemand. Nettement plus de supporters
de l'Espagne que des Pays-Bas en ce jour de la finale de la Coupe du
monde. Enfin, nous avons cherché sans succès des traces d'une vie gay
strasbourgeoise.
(À part ça, c'est mon poussinet qui a pris les photos, je
rajouterai peut-être un lien vers son album Picasa s'il les met en
ligne.)
[#] L'hôtel où nous
logions (L'Hôtel de
l'Europe, rue
du Fossé des Tanneurs, on peut difficilement faire plus central,
et je le recommande au passage), a d'ailleurs dans son lobby une
réplique de la cathédrale, faite dans la même pierre, qui est
intéressante à voir en elle-même.
Je suis d'un naturel anxieux. Maladivement anxieux, même : la
moindre contrariété, la moindre mauvaise nouvelle, me mettent dans un
état d'agitation tel que je peux en perdre le sommeil (surtout si la
contrariété arrive le soir, ou si j'attends quelque chose d'angoissant
pour le lendemain). Ajoutez à cela que je
suis notoirement hypocondriaque :
j'ai fait par le passé des crises de tachycardie nocturnes qui se
sont, après examen, avérées être uniquement dues à l'angoisse, et qui
ont quasiment complètement disparu maintenant que j'ai dérangé un
cardiologue pour être convaincu que mon cœur était en bonne
santé ; je me réveille parfois en sursaut panique (la cause la plus
fréquente étant simplement que je m'endors sur un de mes bras et que
l'engourdissement finit par percer mon sommeil) ; il suffit qu'un
médecin me prenne la tension pour que celle-ci (qui est de base autour
de 115\70mmHg) monte à un point qu'on me demande si je fais de
l'hypertension. Même mon cardiologue a été impressionné par mon
niveau d'anxiété.
Malgré cela (et malgré ma tendance à me plaindre au sujet de mon
sommeil), en général, je ne dors pas du tout mal : notamment, quand je
n'ai pas de raison de mettre un
réveil pour le lendemain, et que je n'ai pas de souci immédiat, je
m'endors plutôt sans problème. Et je n'avais jamais fait de réelle
crise d'angoisse, le genre qui tourne à la panique, jusqu'à
maintenant. Mais depuis dix jours, j'en ai fait plusieurs, plus ou
moins aiguës.
Je ne sais pas pourquoi ça me prend maintenant. J'ai fait passer
ces dernières deux semaines, comme les trois
années précédentes, des oraux
(de TIPE) pour le concours des ENS, ce
qui est à la fois fatigant et stressant, mais ce n'est pas la première
fois, justement, et je ne vois pas ce qu'il y aurait de différent
cette année. Il est aussi vrai qu'il y a des soucis dans notre
appartement (un volet coincé et,
surtout, une fuite d'eau chez les voisins d'au-dessus dont le syndic
ne trouve pas bien la source), et dernièrement que mon père a un
problème de santé. Tout ceci doit peut-être jouer.
Vendredi (), j'ai eu la première crise, la plus forte.
J'étais en train de déjeuner dans un restaurant avec un collègue et
j'ai commencé à me sentir mal : j'ai eu un moment d'étourdissement ou
de vertige passager, et aussi une sensation d'engourdissement dans la
main droite (de l'auriculaire au poignet). Au début je me suis dit
que ce n'était rien, mais ça s'est reproduit plusieurs fois, de plus
en plus fort : à un moment j'ai eu une sensation de froid glacial dans
tout le corps et l'impression d'étouffer, et même quand c'est passé
j'avais l'estomac complètement noué et je ne pouvais plus rien avaler,
et l'impression d'avoir la main engourdie était de plus en plus forte.
Je me suis dit qu'en marchant ça irait peut-être mieux, alors nous
avons quitté le restaurant, mais mon oppression a plutôt empiré, et en
plus j'avais l'impression d'avoir la bouche complètement sèche. J'ai
fini par faire appeler les pompiers (et par me faire remplacer au
concours).
Les pompiers ont été laissés perplexes par les symptômes (ils ne
sont pas médecins, bien sûr, ils ont une sorte de grand cahier avec
plein de conditions « si symptôme + symptôme + symptôme alors faire
ceci »). Ils m'ont mis sous O2 et, après consultation avec
leur médecin, emmené aux urgences de Cochin. Quand j'étais allongé
dans le véhicule des pompiers je me suis mis à aller un peu mieux,
sauf un moment où j'ai eu une douleur terrible à l'arrière de la tête,
comme si elle allait exploser, mais qui est passée en quelques
minutes.
Aux urgences, évidemment, j'ai attendu très longtemps avant de voir
quelqu'un, et pendant ce temps ça allait mieux, sauf pour la sensation
de bouche sèche et l'engourdissement dans la main droite (et un peu la
gauche aussi). Un externe m'a fait un examen neurologique
(c'est-à-dire en gros il passe un crayon sur le chemin de différents
nerfs à gauche et à droite du corps et demande si on ressent la même
chose), complètement normal. Puis j'ai vu (très brièvement) le
médecin en charge, qui m'a expliqué qu'ils pensaient en gros que
c'était une crise d'angoisse aiguë et que mes symptômes n'étaient pas
bien inquiétants, sauf peut-être l'engourdissement à la main et la
douleur à la tête quand j'étais avec les pompiers : à cause de ça, ils
m'ont fait passer un scanner et un ECG pour être sûrs.
Les deux étaient complètement normaux, donc on m'a relâché, en me
conseillant quand même de consulter un neurologue mais pas de façon
urgente. (Sur le compte-rendu hospitalier ils ont
marqué : hypothèses : épilepsie partielle ou crise d'angoisse
aiguë.)
La nuit qui a suivi, j'ai très mal dormi. Les suivantes, ça
allait, mais je me suis quand même réveillé à chaque fois dans les
deux heures suivant mon coucher avec une sensation de fourmillement
dans le bras droit et la main (plutôt du côté de l'annulaire cette
fois). Le jour, pas de problème. Il faut dire que j'avais trois
jours de pause au milieu des oraux (dimanche, lundi, mardi).
La nuit de mardi () à mercredi () a été
vraiment horrible : j'ai eu beau me coucher à 22h pour me lever à 7h,
j'ai dormi à peine cinq heures, en me réveillant sans arrêt en
panique, sans raison précise, juste avec une impression de nervosité
extrême. J'avais aussi des spasmes un peu partout, surtout dans le
biceps droit. Enfin, j'ai réussi à atteindre un sommeil à peu près
convenable vers 6h du matin, mais à cause du réveil il n'a vraiment
pas duré longtemps.
Du coup, mercredi, j'étais dans un sale état ; le matin, j'ai
encore à peu près tenu le coup, mais j'étais complètement zombie, à la
fois mort de fatigue et hyper-tendu (comme si je n'avais pas dormi
depuis quatre jours et que j'avais pris douze tasses de café pour me
tenir éveillé), et le midi j'ai eu du mal à avaler quoi que ce soit
parce que j'avais l'estomac complètement noué. De nouveau, j'ai dû
demander à être remplacé, et je suis allé à l'infirmerie de
l'ENS (cette fois j'avais quand même compris qu'il ne
fallait pas déranger les pompiers). Là, j'ai pu me détendre un peu,
et l'infirmière m'a recommandé un médecin (qui, de surcroît, a
l'habitude des normaliens).
Le médecin avait l'air de bien comprendre ce genre de symptômes, et
de bien connaître les gens angoissés comme moi, il m'a dit que je
devais être surmené ; il m'a prescrit de
l'Atarax et des
placébos (Euphytose, magnésium), une prise de sang pour vérifier que
je n'ai pas de problème à la thyroïde, et surtout de me reposer.
Depuis, les oraux sont finis, mais j'ai encore fait deux ou trois
petites crises (essentiellement la nuit), moins importantes, mais
pendant lesquelles je me sens tout agité et tout tremblant (sans pour
autant être capable de trouver raison précise à mon angoisse), parfois
avec de petits spasmes et globalement un état qui correspond assez
bien à la description de certains sympômes mineurs faite
dans cet
article
ou celui-ci ;
donc, même à mon niveau d'hypocondrie, j'arrive à peu près à me
convaincre que je ne souffre pas d'un problème réellement médical
(neurologique, par exemple), et j'imagine que je vais finir par faire
disparaître ces crises comme j'ai fait disparaître celles de
tachycardie. En attendant, ça reste assez gênant.