Table des matières
Introduction
Ça fait un moment que je résiste à l'idée d'écrire un billet de
blog sur l'intelligence artificielle en général, et sur
ChatGPT en particulier (notamment au motif que je suis
largement ignorant du sujet, cf. ci-dessous), mais à force d'en
discuter avec toutes sortes de gens (des amis, des contacts sur
Twitter, ma famille au réveillon de Noël), j'ai fini par
essentiellement écrire cette entrée dans ma tête à reculons (hum,
désolé pour les métaphores qui s'entrechoquent) et il faut bien que je
dumpe tout ça ici pour pouvoir oublier ensuite. (Honnêtement, c'est
comme ça que beaucoup des entrées de ce blog s'écrivent, mais il y en
a qui sont plus à reculons que d'autres.) Si vous n'avez aucune idée
de quoi je parle (c'est quoi ça, ChatGPT ?
), ce
sera expliqué plus
bas.
☞ Avertissement sur mon incompétence
Le premier avertissement que je dois mettre, donc, c'est que je ne
m'y connais pas spécialement. Pas que ce soit inhabituel (après tout,
c'est bien un thème général de ce blog que je pontifie sur des sujets
sur lesquels je ne suis pas spécialement compétent), mais disons que
je pourrais risquer de faire illusion — or c'est justement un des
messages de ce billet que les illusions sont possiblement dangereuses.
Je me suis renseigné très minimalement sur quelques unes des
techniques de l'IA, mais je n'ai ni le temps ni la
motivation pour approfondir : comme je vais le
dire plus
loin, j'ai une relation d'intérêt-désintérêt (← comprendre ce mot
un peu comme haine-amour
) pour l'IA, et en
l'occurrence, quand il s'agit de comprendre les notations
mathématiques pourries et le jargon technique-mais-pas-très-profond
utilisé dans beaucoup d'articles sur le sujet, ça me soûle assez
vite.
☞ ChatGPT par lui-même
J'aurais pu essayer de faire rédiger cette entrée par ChatGPT lui-même, ça aurait été une blague assez méta (quoique pas très originale), mais honnêtement, le résultat n'est pas terrible du tout :
- Ruxor:
Écris une entrée de blog dans le style de David Madore qui parle de l'intelligence artificielle et de ChatGPT en particulier
- ChatGPT:
L'intelligence artificielle est un domaine fascinant qui a le potentiel de changer notre vie de manière significative. Avec l'arrivée de modèles de langage de plus en plus puissants comme ChatGPT, nous sommes en mesure de créer des systèmes capables de comprendre et de générer du langage de manière approfondie.
ChatGPT est un modèle de langage de pointe qui a été entraîné sur un corpus de textes considérable. Grâce à cet entraînement, il est capable de comprendre le sens des mots et des phrases, ainsi que de générer du texte qui a l'air naturel et fluide. Cela le rend particulièrement utile pour les tâches de chatbot, où il peut aider à répondre à des questions et à initier des conversations de manière convaincante.
En plus de ses utilisations dans les chatbots, ChatGPT peut également être utilisé pour des tâches telles que la traduction automatique, la résumé de texte et la génération de contenu. Sa capacité à comprendre et à générer du langage de manière approfondie en fait un outil précieux pour les entreprises et les organisations qui cherchent à automatiser certaines de leurs tâches de traitement du langage.
En fin de compte, l'intelligence artificielle est un domaine en constante évolution et ChatGPT est un exemple de la façon dont ces avancées peuvent être utilisées de manière pratique et bénéfique. Alors que nous continuons à explorer les possibilités de l'IA, il est important de rester conscients de ses limites et de s'assurer que son utilisation est éthique et respectueuse de la vie privée.
☞ De quoi je vais parler
— Non, désolé, cette lavasse de publireportage ne passera pas du
tout pour le style de David Madore
, j'espère qu'aucun de mes
lecteurs ne croirait que j'ai écrit ça : c'est beaucoup trop court.
Donc vous allez subir ma stupidité naturelle étalée sur plein de pages
à la place de, et sur le sujet de, l'intelligence artificielle.
Je vais commencer par des réflexions générales et semi-philosophiques sur l'IA (notamment son histoire et ses dangers possibles), et ensuite parler un peu plus spécifiquement de ChatGPT.
❦
Réflexions sur l'IA en général, son passé et son avenir
Une toute petite histoire ultra-simplifiée de l'IA
☞ Un texte fondateur d'Alan Turing
Pour expliquer ma relation que je qualifie
d'intérêt-désintérêt
pour l'intelligence artificielle, je
devrais sans doute commencer par la vulgarisation scientifique qui a
alimenté mon propre intérêt pour la science : j'en avais
déjà dit un mot ici, mais deux des
livres qui m'ont énormément marqué quand j'étais ado
sont The
Emperor's New Mind de Roger Penrose
et Gödel,
Escher, Bach de Douglas Hofstadter (auquel le livre de
Penrose est plus ou moins une réponse ; mais j'ai lu le livre de
Hofstadter après, on me l'a conseillé justement parce que j'avais
apprécié celui de Penrose). Ces deux livres parlent d'un peu tout et
n'importe quoi (j'ai appris ce qu'était une machine de Turing dans le
livre de Penrose, et j'ai appris la logique du premier ordre dans le
livre de Hofstadter), je vais y
revenir ci-dessous.
Mais à la base il s'agit d'opinions dans un débat sur l'intelligence
artificielle et la question de si les machines peuvent penser qui a
commencé dès 1950 avec un article fondateur d'Alan Turing lui-même (un
des pères fondateurs de l'informatique, s'il est encore besoin de le
présenter), Computer
Machinery and Intelligence
(Mind 236 (1950) 433–460) où il
pose la question can machines think?
et y apporte
quelques réflexions. Ce texte vaut la peine d'être lu encore
maintenant (le lien précédent amène au texte complet en accès libre),
c'est là qu'est apparu le concept de « test de Turing ».
J'espère ne pas trop caricaturer en résumant de façon simpliste,
mais Turing propose d'abandonner comme dénuée de sens la question de
savoir si les machines peuvent « penser », et de la remplacer par un
test pratique dans lequel un examinateur humain essaie d'identifier
qui est qui entre deux participants candidats, l'un humain et l'autre
ordinateur, qui chacun essaient de le convaincre (l'examinateur)
qu'ils sont humains, à travers des questions-réponses posées par écrit
et, bien sûr, à l'aveugle. Différentes versions ou variations de ce
test (souvent avec un seul candidat) ont été proposées, et portent le
nom général de test de Turing
. Turing tient
l'opinion qu'il n'y a rien qui empêche fondamentalement un ordinateur
de réussir ce test, il défend sa position par l'universalité des
ordinateurs pour les calculs discrets (ce qu'on a tendance à appeler
maintenant une forme de la thèse de Church-Turing
), et il
répond à différentes objections ; objections qui, honnêtement, ne me
semblent pas très intéressantes : les réponses de Turing sont très
pertinentes, mais je ne suis pas sûr qu'il ait choisi les arguments
les plus pertinents pour y répondre, même si, évidemment en 1950, le
débat sur l'intelligence artificielle n'était pas très avancé.
D'autres réflexions très précoces sur l'intelligence artificielle ont été apportées notamment par John von Neumann (autre père fondateur de l'informatique, et beaucoup plus sceptique que Turing quant à l'IA, notamment dans son livre The Computer and the Brain publié de façon posthume en 1958), mais surtout le groupe de travail de Dartmouth en 1956 avec notamment John McCarthy (inventeur du langage LISP), Marvin Minsky, et entre autres guest stars Claude Shannon (père de la théorie de l'information) et Nathaniel Rochester (architecte en chef de la série 700 chez IBM). Bien sûr, on pourrait aussi mentionner l'apport d'autres penseurs, par exemple les écrivains de SF comme Isaac Asimov (même si ce dernier semble s'être plutôt préoccupé des questions éthiques autour de l'intelligence artificielle que du pourquoi et du comment).
☞ Les trois grandes périodes de l'IA
Mon propos n'est pas de faire l'histoire de l'intelligence
artificielle. Mais disons juste que, de façon très sommaire — et de
ce que je comprends — il y a eu trois phases (séparées par
deux hivers
) correspondant à trois approches très différentes
du sujet :