Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut).
Cette page-ci rassemble les entrées publiées en
août 2004 : il y a aussi un tableau par
mois à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque
entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le
texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top).
This page lists the entries published in
August 2004: there is also a table of months
at the end of this page, and
an index of all entries. Some
entries are classified into one or more “categories” (indicated at the
end of the entry itself), but this organization isn't very coherent.
The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Il est indubitable que le mail (et d'autres moyens de communication
électronique, je pense notamment au forum des élèves de
l'ENS) est une forme de servitude. Je m'oblige à traiter
de l'ordre d'une cinquantaine de mails quotidiens (spams non
compris, évidemment) : cela constitue un travail de secrétariat non
négligeable, et parfois je traîne vraiment les pieds à le faire. Ne
pas relever mon courrier (électronique ou, d'ailleurs, postal) pendant
quelques jours est donc bien reposant, et le retour à la connexion est
un peu dur (il faut plusieurs heures pour vidanger la file la plus
urgente). Parfois je me dis que je comprends Donald Knuth,
l'auteur de TeX, qui a arrêté
d'utiliser l'e-mail (même si ses raisons ne sont pas tout à fait
les mêmes). D'un autre côté, le mail est un moyen de communication
bigrement pratique pour rester en contact avec des gens à qui je
tiens : et j'aurais tort de projeter sur le contenant
l'agacement que je ressens devant certaines corvées apportées par le
contenu alors même que certains courriers m'ont fait
énormément plaisir à recevoir ; d'autant plus que je dénonce parfois
cette erreur (ou ce que je considère comme une erreur) s'agissant du
téléphone mobile[#].
Quoi qu'il en soit, une circonstance pas tout à fait élucidée[#2] a fait que la connexion n'était
pas disponible là où j'étais pendant mes quelques jours passés près de
Lyon : je serais le dernier à m'en plaindre, ça m'a fait de vraies
vacances, et j'ai vraiment pu souffler un grand coup. Plus longtemps,
l'isolement loin de l'Internet serait sans doute devenu agaçant, mais
là, c'était parfait. Et surtout : j'avais sur place largement assez
de gens avec qui interagir pour me sentir tout à fait à l'aise, pas
besoin d'en chercher électroniquement.
Là,
normalement, je devrais glisser une transition vraiment subtile pour
m'amener à parler de la photo ci-contre (à droite), mais je ne trouve
pas comment. Elle a été prise il y a environ deux mois (le 2004-07-04
précisément), lors du précédent séjour dans la famille de mon frangin.
D'accord, il y a déjà quantité de
photos de moi sur ce site, mais je prends toujours (plus ou moins mal,
c'est une autre question) la pose : en voici donc une où je suis
« naturel », surpris en train de rire. Enfin, je suppose : je ne me
suis jamais vu rigoler moi-même (j'ai envie de dire :
« heureusement »…), donc je ne peux que faire confiance à
l'appareil ; ceci étant, en figeant ainsi un unique instant d'un
mouvement (quoi de plus dynamique que le rire ?), je ne sais pas si
l'image est plus vraie ou plus fausse que celles où on construit une
figure statique. Je laisse la décision à l'œil du proverbial
spectateur.
[#] J'ai moi-même refusé
pendant longtemps d'avoir un mobile, considérant qu'il rendrait plus
service aux autres qu'à moi, en me forçant à être toujours disponible.
Mais j'ai fini par me dire que je pouvais toujours choisir de ne pas
décrocher ou de ne pas l'allumer, et je m'en porte très bien. Le
téléphone fixe, à la limite, m'ennuie plus, mais j'ai acquis une
compétence certaine dans l'art de ne pas répondre au téléphone parce
que je suis au lit ou parce que ça m'ennuie : ce n'est vraiment plus
une corvée. (Pour une question de vie ou de mort, on peut toujours
m'appeler obstinément plusieurs fois de suite, je finis par
décrocher.)
[#2] Concours de
circonstances remarquable : le même jour, un orage très violent, une
manœuvre de dégroupage sur la ligne téléphonique, et la date
mentionnée sur une mise en demeure suite à défaut de paiement (un
règlement s'étant sans doute perdu), seraient tous les trois
susceptibles d'expliquer la perte de la ligne. Impossible de tirer
l'affaire au clair.
Je repars demain soir de Paris pour passer de nouveau quelques jours à Lyon.
J'espère que ça me permettra d'éliminer une certaine quantité de
stress accumulée pendant cet été (en
clair : il me faut des vacances pour me remettre de mes vacances
— vous saisissez ?). Peut-être aussi dire un petit coucou à mon
ami Yann, qui s'installe à Lyon où il a trouvé un poste au
CNRS.
Je pars de Paris Gare de Lyon 2004-08-26T20:00+0200 et j'arrive à
Lyon Perrache 2004-08-26T22:14+0200 ; et comme j'ai pris mon billet à
la dernière minute, je voyage en première classe (mais en contrepartie
je n'ai pas le droit de rater mon train — ça va, à 8h du soir je
devrais être levé). Pour le retour, ce sera probablement le 31, sauf
si je change mon billet d'ici là (celui-là, j'ai le droit ; en
revanche, il me coûte près du double du prix de l'aller).
Et puis après, enfin la rentrée, tout ça tout ça…
PS : Il est possible que je n'aie pas du
tout accès à mon mail pendant ces quelques jours. Tant pis pour
ceux qui voudront m'écrire.
Il y a cinq ans et quelques jours je postai un
message sur Usenet qui conduisit à une petite engueulade suite à
laquelle je me laissai mettre à la porte — pour cinq ans —
d'Usenet (francophone au moins, parce que pour le reste je ne me suis
pas privé de poster, en fait) : façon de partir drapé dans ma dignité,
dirent certains, crise de paranoïa, peu importe, cet épisode peut
maintenant être enterré et oublié car ces cinq ans sont passés. De
toute manière, je n'ai pas l'intention de « revenir » : je n'ai eu que
l'occasion de constater à quel point sur les newsgroups de la hiérarchie
fr règne une ambiance bien puante (la partie la plus
infecte étant la manière dont les « habitués », ou « dinosaures »
/ « cabalistes » / autres noms privatejokesques, bref, les petits rois des lieux,
regardent les « neuneux » de haut avec gouaille en plaisantant entre
eux de leur supériorité de classe et en se délectant de leur humour
de potaches), ça me suffit. (Ou peut-être, diront certains, que
je n'ai toujours pas digéré, même après cinq ans ? Laissons-les
penser ça, ça leur fera plaisir.)
J'avoue par ailleurs que, même après tout ce temps, l'adoption d'Unicode peine encore un peu (et par
ailleurs je me suis planté en écrivant le type MIME
du message par où le scandale est venu, j'aurais dû mettre
UTF-8 tout court et pas UNICODE-2-0-UTF-8,
enfin bon). Je me demande si on se ferait encore autant engueuler en
postant en UTF-8.
Mais bon, revenons à moi-même (le centre de mes préoccupations,
tout ça tout ça). Qu'est-ce qui a changé depuis cinq ans ? En vrac
et dans le désordre…
J'ai ouvert un blog. Ça vous surprend, hein ?
J'habite Paris. De façon permanente, je veux dire : j'ai à peu
près arrêté de squatter chez mes parents tout le temps.
Les licornes ont arrêté de bouffer ma moquette grâce à
l'Unicorn-B-Gone® que j'ai pulvérisé dans les coins.
J'ai changé de directeur de thèse (après un divorce par
consentement mutuel avec le premier).
Je déprime (les jours pairs) parce que je deviens vieux (ben oui,
n'ayant pas fait de voyage relativiste, j'ai cinq ans de plus qu'il y
a cinq ans).
Je me suis fait quelques nouveaux amis. Et je me suis aussi
éloigné de certains vieux amis (pas toujours volontairement).
J'ai reçu quelques coups de râteau supplémentaires. Et j'ai dû en
envoyer, aussi, ce qui n'est guère plus plaisant.
Je me suis mis à aimer les moutons. Pardon, rectification, j'ai
toujours aimé les moutons.
J'ai maintenant un petit frère (qui,
pourtant, a plus de cinq ans !).
Et plein de choses que j'oublie, certainement…
Et du côté de ce qui n'a pas changé :
Je m'appelle toujours David Alexander Madore, né le 3 août 1976 à
Paris (13e arrondissement). Et il faut que j'assume l'héritage
encombrant des précédentes versions de ce personnage (comme celle qui
s'est fait bannir d'Usenet).
Je fais souvent des rêves qui se passent dans des tours immenses,
avec un nombre faramineux d'étages, et où se déroulent des
courses-poursuites dans les ascenseurs (ou parfois aussi dans les
cages d'escaliers). En général, ce ne sont pas des cauchemars,
d'ailleurs (même quand je suis poursuivi, le rêve n'est pas vraiment
effrayant, c'est même plutôt rigolo et ça ressemble un peu à une
partie de cache-cache dans un labyrinthe en trois dimensions). Cette
nuit, j'essayais de me réfugier dans un étage que mes poursuivants
n'auraient pas deviné à l'avance, et c'était technique, parce qu'ils
faisaient preuve de beaucoup de psychologie. Curieux.
Mon ami italien Davide (que j'ai déjà
évoqué plus d'une fois ici) vient de passer quelques jours (en
vacances) à Paris. L'occasion pour lui et moi de faire plein de
choses ensemble (flâner dans les rues, voir Montmartre la nuit,
visiter le parc André Citroën, dîner
au Loup Blanc,
aller voir Tout
le plaisir est pour moi au cinéma, etc.), mais surtout, de
discuter de tout et de rien.
C'est une chose qui me fascine, la manière dont, selon les
personnes avec qui j'essaie de parler, soit la conversation « prend »,
soit elle ne « prend » pas et chacun s'enferme dans le mutisme le plus désespérant. Avec
Davide je n'ai vraiment aucun problème à converser pendant des heures
sans grands silences gênants, sans avoir l'impression de meubler par
des phrases de contenu vide, et sans que ça tourne au monologue
ennuyeux de l'un ou l'autre participant. Ce n'est même pas tellement
une question de centres d'intérêt communs : il est vrai qu'avec un
geek unixien, par exemple, je pourrai toujours papoter à l'infini sur
ma façon de faire ceci ou cela. Mais là, mon Milanais, il n'apprécie
ni les maths ni l'informatique et nous n'en avons donc pas parlé du
tout (pas plus, évidemment, que je ne partage avec lui certaines des
private jokes que j'ai avec mes collègues
normaliens ou ex-normaliens) : ça n'empêche rien, au contraire (j'aime
bien pouvoir parler d'autre chose de temps en temps !). Nous
n'avons pas des masses de points communs (à part être gays tous les
deux, ce qui est quand même maigre). Et on a aussi évité le mode « je
raconte ma vie sur les <n> derniers semaines / mois /
années, pour occuper le temps ». Non, plutôt, nous avons discouru sur
quantité de petites choses du quotidien qui nous entoure, de Paris, de
culture, de société, que sais-je encore.
Mais alors pourquoi cela ne marche-t-il pas avec tout le monde ?
Je ne sais pas. Soit il y a des gens qui sont intrinsèquement
taciturnes et rêtifs à la conversation, soit c'est juste une question
d'incompatibilité d'« humeur bavardante ». Mais c'est un certain
mystère.
J'ai déjeuné aujourd'hui[#]
avec une amie d'enfance, Barbara (il y avait aussi son petit ami,
ainsi que la mère de Barbara, et la mienne), qui enseigne à présent le
français (et l'allemand pour les débutants) dans un lycée privé en
Angleterre, au nord de Londres. Assez naturellement, la conversation
est venue à tourner sur les différences entre l'éducation en
Angleterre et en France. Notamment, une des choses qu'elle nous a
expliquées est qu'en plus de son enseignement scolaire proprement dit
elle a un nombre assez important d'heures de présence obligatoire au
lycée pour de la surveillance ou de l'encadrement (par exemple,
d'activités sportives le samedi après-midi : les collégiens et lycéens
anglais ont normalement le samedi de libre, mais les écoles privées
sont très libres d'adopter leur propre rythme de travail et leur
propre calendrier de vacances).
Entre autres, elle va devoir assurer un module d'éducation sexuelle
au sens très large (j'ai oublié quel était l'intitulé précis, mais
cela va des détails pratiques et matériels jusqu'à une réflexion plus
générale sur les relations affectives). En quelque sorte, on lui
demande de jouer un rôle de parent. En France, cela serait assez
inconcevable (il est censé y avoir des cours d'éducation sexuelle dans
le cadre du programme de sciences naturelles, je crois, et
éventuellement un élargissement sur quelques questions « sociales »,
mais pas grand-chose de ce genre : au moins, rien qui soit assuré par
les profs — en revanche, les lycées peuvent faire intervenir des
personnes extérieures et cela se voit parfois[#2]). En Angleterre, il semble
surtout y avoir (par ce module d'enseignement) une volonté d'enrayer
un nombre de grossesses chez des adolescentes extrêmement important
par rapport à d'autres pays européens. Il apparaît une certaine
contradiction (qui retombe sur les profs) entre une demande de
politiquement correct (surtout ne jamais dire que quelque chose
est mal, ne pas critiquer, ne pas fâcher) et des consignes mal
assumées d'insister sur l'importance ou le caractère préférable d'une
relation stable monogame. …Et hétérosexuelle, puisque la
fameuse section 28[#3] de
la Local Government Act 1988 interdit (aux gouvernements
locaux) de intentionally promote homosexuality or
publish material with the intention of promoting homosexuality ou
promote the teaching in any maintained school of the
acceptability of homosexuality as a pretended family
relationship.
Un autre point intéressant concerne la relation entre profs et
élèves, et là ce n'est pas tant une différence entre Angleterre et
France (même s'il y en a) qu'une évolution dans le temps : le prof non
seulement descend de son piédestal, mais aussi apparaît de plus en
plus explicitement comme un employé au service des parents (ou par
extension, de l'élève lui-même) et ce, en Angleterre du moins, même
dans les écoles publiques[#4].
Malheureusement, il semble qu'on ait du mal à trouver une relation
réellement saine en passant d'un extrême à l'autre.
[#] À la
Coupole, un café-restaurant assez célèbre, boulevard de
Montparnasse — mais à ne pas confondre avec le
Dome, qui est juste à côté. C'était bon, quoique un peu
cher (mais ce n'est pas moi qui ai payé…), et en tout cas le
cadre « art déco » est intéressant et mérite d'être vu.
[#2] Par exemple, le MAG, une
association de jeunes homos parisienne, a réalisé un certain nombre
d'interventions dans des lycées (à la demande de ceux-ci) autour d'une
valise pédagogique sur la lutte contre les discriminations (sexisme,
racisme, xénophobie, homophobie, handiphobie…), parfois aussi
de façon moins ciblée sur les discriminations pour parler du vécu des
jeunes homos.
[#3] Pour autant que je
sache (Barbara semblait le croire, en tout cas), cette clause assez
hallucinante, dont la compatibilité avec la Charte européenne des
Droits de l'Homme est d'ailleurs douteuse, est encore en vigueur. Le
gouvernement de Tony Blair avait promis de la supprimer, et une motion
dans ce sens était présentée en 1999 ; en 2000, cependant, la Chambre
des Lords a refusé de voter cette suppression comme les Communes
l'avaient fait. Pour en savoir plus (il y a quelques subtilités à
prendre en compte : notamment sur le fait qu'il s'agit là de droit
interne et non de droit civil ou pénal), je renvoie à un dossier
très intéressant sur la section 28 (d'un point de vue tout
à fait impartial) sur le site Web du parlement anglais. Je ne crois
pas savoir que la situation ait évolué depuis.
[#4] J'emploie
public ici dans le sens français du mot, puisque les Anglais
ont cette façon complètement cinglée de parler de public schools pour désigner des écoles privées.
S'il y a une chose qui m'exaspère à Paris, c'est bien à quel point
les transports en commun de nuit sont nuls. C'est-à-dire, le seul
Noctambus. Tout à l'heure, j'étais du côté de Montmartre avec deux
amis (Michel et Davide) et voilà que nous nous rendons compte qu'il
est 0h50 et que nous venons de rater les derniers métros. De là, pour
rentrer chez moi : d'abord marcher jusqu'à Barbès-Rochechouart (où
nous sommes arrivés un peu après 1h) ; puis attendre le premier
Noctambus ‘D’ en direction de Châtelet, qui est passé vers
2h (!) ; arriver vers Châtelet autour de 2h20, prendre le Noctambus
‘R’ de 2h30, pour arriver à l'arrêt Vandrezanne vers 2h45.
Soit deux bonnes heures pour aller de Montmartre à chez moi, on fait
mieux, question efficacité : en fait, je me demande si je ne serais
pas allé plus vite à pied (et j'aurais économisé 2.70€) ! Je
comprends que les taxis fassent beaucoup d'argent la nuit (sans
compter que la fréquentation des Noctambus donne parfois vraiment
envie de prendre le taxi, effectivement…). Et je ne parle pas
de la signalisation épouvantable : pas d'affichage des horaires dans
les arrêts (au moins dans celui où nous étions — sans quoi nous
n'aurions pas décidé d'attendre une heure bêtement plantés là !) et
parcours précis difficiles à obtenir ; et à Châtelet, aujourd'hui, les
abris avaient purement et simplement disparus et personne ne savait de
quel endroit quel bus partait !
Serait-ce vraiment en demander tant que, au moins les nuits du
vendredi au samedi et du samedi au dimanche, certaines lignes de métro
(par exemple, les lignes 1, 2, 4 et 6, parce qu'elles forment la
grille fondamentale, si j'ose dire) restent ouvertes au moins pour une
station sur deux ou trois et avec une rame toute les vingt minutes
environ ?
Enfin, voilà, j'avais sans doute des choses beaucoup plus
intéressantes à raconter, mais, comme il est tard, la faute au bus, je
dois me coucher.
Quelqu'un m'a fait remarquer que je parlais peu de livres, dans ce
blog (je parle même plus des films que je vois que de mes lectures ;
pourtant, ailleurs, je donne la liste de mes livres
préférés et je ne parle pas de mes films préférés). Quand on
compare avec le journal d'un bibliophage comme Matoo (mais comment a-t-il le temps
d'avaler tout ça ? c'est stupéfiant ! ah, c'est vrai qu'il passe
beaucoup de temps dans les transports en commun, ça doit jouer), j'ai
effectivement assez honte du peu que je lis (du moins, sous forme de
taches d'encre sur des tranches d'arbres morts reliées entre elles,
par opposition à des pixels éclairés par un faisceau
d'électrons…). Et pourtant, ce n'est pas tellement une
question de vitesse, puisque je vais assez vite.
La dernière œuvre que j'ai lue, c'est The
Unicorn, d'Iris Murdoch : un admirateur anonyme m'avait jadis
offert un autre roman d'elle, que
j'avais beaucoup apprécié, et je m'étais dit que celui-là pourrait me
plaire ; en fait, non : le début est très bon, et explore de façon
intéressante la question de savoir à quel point on peut être
prisonnier en se croyant prisonnier, mais la fin m'a paru
vraiment trop brusque et peu intéressante. Ensuite, j'ai essayé de me
plonger dans Un Québécois à Paris de Roland Michel
Tremblay (je suppose que c'est le fils de Michel Tremblay), l'histoire
(au moins partiellement autobiographique) d'un jeune québecois gay qui
part étudier à Paris ; l'histoire m'aurait sans doute intéressé mais
j'ai peu accroché sur le mode d'écriture (c'est présenté comme un
journal, mais il y a quelque chose dans le style qui me semblait ne
pas coller) : je pense que je vais plutôt le lire en picorant des
pages au hasard, ça semble assez bien s'y prêter. En fait, j'ai plein
de livres dans mes étagères que j'ai commencés mais sur lesquels je
n'ai pas persévéré (soit parce qu'un autre texte a pris plus de mon
attention et que je n'ai pas recommencé une fois que je l'ai fini,
soit parce que je n'étais pas assez motivé) : en ce moment, il y a au
moins Othello de Shakespeare qui traîne sur ma table de
nuit, Tales of the City d'Armistead Maupin
qui a un marque-page vers le début, et aussi L'Île du jour
d'avant d'Umberto Eco. Mais j'arrive très difficilement à lire
plusieurs choses à la fois.
Hier, je suis rentré chez un
libraire et je suis ressorti avec les bras chargés et une centaine
d'euros de moins sur mon compte en banque. (Si j'arrivais à lire le
dixième seulement de tout ce que j'achète, je m'estimerais heureux !
Mais mes propres bibliothèques me
rappellent l'étendue de mon ignorance, c'est bien, ça.) Je ne
vais pas tout lister parce que c'est long et parce que je suis bien
trop fier pour oser admettre que je n'avais pas encore lu Si
c'est un homme (par exemple) et que je viens seulement de
l'acheter. Il y a entre autres un tout petit roman (j'aime bien les
histoires courtes, moi, ça convient bien à un paresseux de mon genre),
Gaieté parisienne de Benoît Duteurtre, qui m'a séduit du
premier coup d'œil, si j'ose dire (mais c'est notamment parce
que l'éditeur avait mis un dessin de Sempé sur la couverture :
j'adore Sempé). Ah, et puis aussi un essai intitulé Je
suis noir et je n'aime pas le manioc que j'ai acheté à cause de
ce petit extrait reproduit en 4e de couverture, que je trouve
excellent, et qui me vole une idée que j'avais pour un fragment littéraire gratuit futur :
« Alors mon brave, dit un officiel français à un émigré
convalescent dans un hôpital de Bamako : toi content repartir en
France regagner sous ! Toi faire quoi en France ? — Je
suis professeur de littérature à la Sorbonne, Monsieur. »
(Je rêverais de pouvoir sortir une réplique de ce
genre !)
Enfin, quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup de lecture pour les
semaines à venir. Dont certainement une partie importante va finir
abandonnée sur mes étagères avec un marque-page au milieu du premier
feuillet.
Me coucher avant 1h (dans la nuit du 17 au 18) → fait.
Évidemment, je n'ai pas réussi à dormir avant 3h au bas mot, malgré un
petit somnifère, une tisane et de la musique douce, mais c'était
prévisible, je suppose. 1 point.
Me lever avant 10h (le 18) → fait. En fait, j'avais mis mon
réveil pour 9h30, mais j'ai été réveillé un peu avant 8h par le
tonnerre, et j'ai compris que je ne me rendormirais pas, donc je me
suis levé. 1 point.
Être prêt avant de toucher à l'ordinateur →
OK. 1 point.
Sortir avant 12h → c'est bon, j'ai dû aller faire les courses
(cf. le point suivant) vers 11h. 1 point.
Faire des courses et porter des draps sales au pressing →
fait. Mais si le premier point n'a pas posé de problème, le second en
a posé un : mon pressing habituel était bien ouvert, mais, dixit la
dame pas spécialement aimable, on ne fait pas blanchisserie avant
cinq semaines. J'ai dû m'escrimer au téléphone pour en trouver un
qui soit ouvert et pas trop loin de chez moi (finalement j'ai trouvé,
au croisement de la rue Bobillot et de la rue de Tolbiac, et en plus
la petite dame qui le tient est nettement plus sympathique : je pense
que je retournerai là désormais même si ça me fait un peu plus de
chemin à parcourir). 1 point (et une indulgence pour la suite parce
que je me suis démené).
Me renseigner sur les tarifs du Club Med Gym local → fait.
1 point.
…et ces prix sont exorbitants → blah. Ou peut-être
que c'est moi qui n'ai aucune idée des réalités du marché, mais je ne
m'attendais pas à ce que, avec réduction étudiants, ça soit
de l'ordre de 500€ pour un abonnement annuel (au pif j'aurais dit
entre le tiers et les deux tiers de cette somme, sans réduction). Je
délire ou c'est eux qui le font ? Enfin bref, pas fait, mais je me
donne quand même 1 point parce qu'il y avait un si et parce que
ce sont eux qui abusent. (Même si j'avais voulu m'inscrire sur le
champ, de toute manière, il fallait un certificat médical d'aptitude
au sport, que je ne pouvais pas produire de mon chapeau.)
Me renseigner sur le permis moto dans une auto-école → pas
fait (enfin, j'ai repéré une auto-école juste à côté de chez moi, mais
je pense que j'attendrai et que je le passerai avec le frangin).
0 point.
Prendre rendez-vous chez un dentiste → fait. Ce sera le 10
septembre dans l'après-midi, chez le docteur Passerini (avenue des
Gobelins, c'est pas trop loin de chez moi). 1 point
Contacter le syndic de mon immeuble → pas fait. Je me suis
dit qu'il valait mieux attendre le soir pour essayer de joindre les
charmantes dames du conseil syndical, et finalement je n'ai rien fait
du tout. 0 point.
Faire du roller → pas fait. Là j'ai un peu honte. Il est
vrai qu'il a plu pendant une bonne partie de la journée, et que même
quand il ne pleuvait pas le sol était mouillé, mais je ne me donne pas
le bénéfice de cette excuse, parce que quand je suis rentré le soir
(cf. les points ultérieurs) ç'aurait été un excellent moment pour en
faire. C'est vraiment dommage. 0 point, donc.
Mettre les pieds à Paris Plage → fait, entre deux averses.
Je suis allé du Carrousel du Louvre à la place du Châtelet, en suivant
la plage le plus longtemps possible. (Ceci dit, quand il ne fait pas
beau, c'est vraiment pas très intéressant. Enfin bon, je préfère
probablement quelques averses par 25°C qu'un temps magnifique par 35°C
comme l'an dernier.) Bref, 1 point.
Faire du shopping → fait. D'abord je suis passé au Virgin du Carrousel du
Louvre où j'ai acheté plein plein plein de choses à lire (je
détaillerai un autre jour, peut-être). Bon, ce n'est peut-être pas du
shopping, ça. Ensuite, je suis allé dans une ou deux boutiques le
long du boulevard de Sébastopol, je me suis acheté un tee-shirt « Mec
de Paname » étiqueté 75013, parce qu'il est temps de revendiquer haut
et fort la culture de mon arrondissement bien-aimé où je suis né et où
j'habite, et un autre tee-shirt avec une sorte de dessin vaguement
gothique que je trouvais joli et qui est certainement encore un logo
avec une signification bien précise que j'ignore et qui va encore me rendre ridicule mais ce n'est
pas grave, c'est amusant. Ah, et puis je me suis acheté une sorte de
foulard-bandana-variation-sur-ce-thème à mettre sur la tête, aussi.
Enfin, comme je reprenais le métro à Châtelet, je suis passé par la
boutique d'objets du patrimoine du métro et j'ai acheté la dernière
version du plan mural du métro, celle
où la ligne 14 va bien jusqu'à Saint-Lazare, il ne me reste plus qu'à
l'accrocher. Bon, enfin bref, 1 point.
…et acheter quelque chose → fait, comme expliqué
ci-dessus. 1 point, avec félicitations du jury.
Aller voir un film → fait. Les Chroniques de
Riddick à la séance de 22h15 à l'UGC
Ciné-Cité les Halles, comme un commentateur d'une entrée précédente m'a d'ailleurs reconnu
(damned ! je ne suis pas complètement transparent ?). Pour ce qui est
du film lui-même : euh, c'est bourrin… et les images sont
jolies ; à part ça, pas grand-chose à en dire. 1 point.
Prendre un verre dans un bar → fait. Un Schweppes à
l'Okawa (rue Vieille du Temple), pour être précis, après
le film, donc vers 0h30. J'ai écouté, mi-amusé mi-désabusé les
tapioles autour de moi raconter à leurs copains leurs problèmes de
cœur et leurs problèmes de cul, et je suis reparti chez moi à
pied. 1 point.
Prendre trois repas convenables → fait, ça devait même être
vaguement équilibré. 1 point.
Envoyer au moins trois mails non insignifiants → hum, en
fait, ce n'est pas facile à juger. Il y en a un dont je suis
clairement content, je pourrais en trouver deux autres mais c'est un
petit peu de la mauvaise foi quand même. Mettons ½ point ici.
Me coucher avant 1h du matin, dans la nuit du 18 au 19 →
complètement raté, il est presque 3h, là. J'aurais dû aller plus tôt
au cinéma, ou quelque chose comme ça. Tant pis. 0 point.
Autre chose → ben, ça dépend. Je peux imaginer tout un tas
de petites choses que j'ai faites et qui n'étaient pas vraiment
prévues : faire une lessive (et même deux dans la journée), par
exemple, ou bien (je l'ai déjà dit) m'acheter la nouvelle édition du
plan mural du métro (si je compte un autre objet acheté pour la partie
shopping), ou encore me faire une bonne tasse de thé, ça faisait
longtemps. Mais rien de vraiment important. Enfin, avec de
l'indulgence accumulée plus haut, on va mettre ½ point.
Total → 15 sur 20. Ce n'est pas faramineux, mais ce n'est pas
trop épouvantable, non plus. Au moins j'ai le sentiment de ne pas
avoir complêtement gâché ma journée (mon argent, peut-être, mais ça
c'est autre chose ). Bon, l'ennui, c'est qu'il
faudrait recommencer ça quotidiennement, et puis insérer quelques
articles comme rédiger ma thèse dans la liste. On va y
réfléchir.
Autre déception : je ne suis pas sûr que ça m'aide autant que je
l'espérais à combattre la déprime, qui est en train d'attaquer au
bélier (hum, mauvaise métaphore, désolé) les portes de mon esprit, là,
je ne suis pas sûr de la repousser longtemps ; mais il y a une bonne
nouvelle pour ça, quand même, c'est qu'un ami qui m'est cher va faire un petit
tour à Paris à partir de vendredi, et ça c'est bien ! (Et comme cet
ami est psy, en plus, je vais peut-être en profiter pour lui demander
des conseils sur comment trouver un psy qui me conviendrait.)
Update (): I am told that the
problem is already corrected. I'm leaving this up, however, just in
case.
I seem to be having another problem with my email address
(davidwwwmadoreorg): you might find, upon writing to me, that the email
bounces back to you with some error message like
----- The following addresses had permanent fatal errors -----
madore@dma
(reason: 550 5.1.1 <madore@dma.ens.fr>... User unknown)
(expanded from: <david.madore@ens.fr>)
----- Transcript of session follows -----
... while talking to dma.ens.fr.:
>>> DATA
<<< 550 5.1.1 <madore@dma.ens.fr>... User unknown
550 5.1.1 madore@dma... User unknown
<<< 503 5.0.0 Need RCPT (recipient)
If this happens, I have not received the email: please try
sending it again with madoreclipperensfr as
recipient, and dmadorenerimnet as carbon-copy recipient. You do not need to
do this unless you receive some kind of error like the above (or
unless you have some reason to think that the error email might have
been lost en route).
I do not know how long this problem will last. I am doing what I
can to get it fixed.
[French translation of the above.]
Mise à jour () : On me dit
que le problème est déjà réglé. Je laisse cette notice, cependant, au
cas où.
Il semble que j'aie à nouveau un problème avec mon adresse mail
(davidwwwmadoreorg) : il se pourrait, si vous m'écrivez, que le mail vous
revienne avec un message d'erreur du genre
----- The following addresses had permanent fatal errors -----
madore@dma
(reason: 550 5.1.1 <madore@dma.ens.fr>... User unknown)
(expanded from: <david.madore@ens.fr>)
----- Transcript of session follows -----
... while talking to dma.ens.fr.:
>>> DATA
<<< 550 5.1.1 <madore@dma.ens.fr>... User unknown
550 5.1.1 madore@dma... User unknown
<<< 503 5.0.0 Need RCPT (recipient)
Si cela se produit, je n'ai pas reçu le mail : veuillez le
renvoyer avec madoreclipperensfr comme destinataire, et
dmadorenerimnet en copie. Ce n'est pas nécessaire si vous ne
recevez pas une erreur ou une autre comme ci-dessus (ou à moins que
vous ayez une raison de penser que le mail d'erreur ait pu se perdre
en route).
Je ne sais pas combien de temps ce problème durera. Je fais ce que
je peux pour le faire réparer.
On va faire une tentative de dé-légumification du David Madore.
Pour cela, je dresse une petite liste de choses que je dois essayer de
faire demain, et j'écrirai une entrée pour préciser combien j'ai
réussi à en faire et pour me donner une note :
Me coucher avant 1h du matin (ce soir, quoi ; enfin, techniquement
c'est demain).
Me lever avant 10h.
Prendre une douche et m'habiller avant de toucher à un
ordinateur.
Sortir de chez moi avant 12h.
Faire des courses au Champion local et porter les
draps sales au pressing (s'il est ouvert).
Passer au club de gym local et demander s'ils font des tarifs
étudiants.
…et, si ces tarifs sont raisonnables, m'y inscrire.
Passer dans une auto-école et me renseigner sur le permis
moto.
Prendre rendez-vous chez un dentiste.
Contacter quelqu'un du conseil syndical de mon immeuble, ou le
syndic, pour signaler un problème avec le système de ventilation.
Faire au moins 100m (quel exploit !) en rollers (sauf s'il
pleut).
Mettre les pieds à Paris Plage (sauf s'il pleut).
Faire du shopping.
…et réussir à m'acheter au moins une chose qui me
plaît.
Aller voir un film quelconque au cinéma.
Aller prendre un verre dans un bar.
Prendre trois repas bien distincts dans la journée.
Expédier au moins trois mails non insignifiants.
Me coucher avant 1h du matin (demain soir).
Trouver quelque chose de raisonnable à rajouter à cette liste, et
le faire.
Ouf ! Ce ne sera pas facile, pour certains points il me faudra
vaincre et ma timidité et ma légumitude. Ensuite, on pourra
interpréter les résultats, genre : entre 0 et 5 points : David
Madore est un vrai légume (une courgette ?) ; entre 6 et 10
points : …
La rumeur (peut-être totalement imaginée — ou antérieure aux
faits qu'elle aurait effectivement inspirés) veut qu'un scientifique
ait un jour commencé un exposé par :
This talk will be given in the
international language of science: bad English.
En réalité, la plupart des exposés (au moins de maths) auxquels
j'ai assisté étaient dans un langage relativement correct (quoique
affreusement mal prononcé, mais cela est sans doute excusable) : à
part que les Français trébuchent sur un grand nombre de faux amis
(comme quelqu'un qui s'obstinait à répéter I pretend
that pour dire I claim that, parce qu'il
pensait à je prétends que…) et que les Russes omettent
obstinément à peu près tous les articles, ce n'est pas trop mauvais.
Il faut quand même avoir une certaine sympathie pour les gens obligés
de parler une langue qui n'est pas leur langue maternelle et dont les
difficultés s'ajoutent aux difficultés techniques de l'exposé
lui-même. J'ai aussi de la compréhension pour les gens qui font, par
exemple, des annonces dans les aéroports, parfois dans trois langues :
mais il est vrai que c'est souvent un exercice de divination que
d'essayer de savoir quelle phrase a bien pu être prononcée. Et puis,
ce n'est peut-être pas à moi de la ramener.
J'ai moins de compréhension, cependant, pour les signes écrits,
affiches et autres inscriptions plus ou moins officielles. En ce
moment, l'inscription suivante est actuellement matraquée en énormes
caractères blancs sur fond rose sur des milliers d'affiches dans tout
Paris (et sans doute ailleurs) :
Tired of old collections in museum? See new collections in C&A.
À moins que ce soit une affiche spéciale à destination des
touristes japonais et donc rédigée dans une langue simplifiée, on ne
va pas me faire croire que tout le budget de C&A n'est pas
suffisant pour se payer une personne qui parlerait
correctement anglais pour relire leurs affiches avant de les foutre
partout, et que personne ne s'est rendu compte que ça donne
en français quelque chose en petit nègre comme Fatigués de voir de
vieilles collections dans musée ? Voyez de nouvelles collections dans
C&A… Allô ?
Remarquez, même en français on voit parfois des fautes : je me
rappelle une réclame de Darty qui disait Servir quoiqu'il
arrive alors qu'ils voulaient clairement dire Servir quoi qu'il
arrive — mais je soupçonne que, là, c'était à la composition
de l'affiche que l'erreur s'était glissée et pas à la création (bon,
le résultat est rigolo, ça donne presque le sens contraire de ce qui
était voulu ! en tout cas ils ont vite corrigé ça).
En tout cas, rien de plus efficace pour ne plus savoir ce qui est
anglais et ce qui ne l'est pas. Tout à l'heure j'ai vu une
recommandation de la RATP traduite en anglais par :
Keep your ticket you will need it to
exit.
Et j'ai passé pas mal de temps à me gratter la tête (sans résultat)
pour savoir si to exit est bien ce qu'on dirait
ici (et non : to get out / to go
out / on the way out / at
the exit / when leaving / autres variantes).
Le genre de questions qui me découragent d'ailleurs profondément quant
à la possibilité de jamais apprendre une langue correctement sans
voyager dans un pays où elle est parlée (et donc, pour moi,
d'apprendre une quelconque autre langue que le français).
Voici venue la nuit la plus morte de l'année : celle du samedi
quatorze au dimanche quinze août. Au moins, lundi, on peut espérer
que le pays reprenne un peu vie. En attendant, je me sens assez seul
et je vois le spectre de la déprime
qui montre le bout de son nez et essaie de rentrer — mais
gardons-le à la porte tant que j'y arrive. Heureusement, demain soir
je dîne avec mes parents et des amis à eux qui me sont
chers.
J'ai regardé, hier soir et ce soir (une partie — de trois
heures — l'un et l'autre jour), le film La
meglio gioventù (en français : Nos meilleures
années), que j'avais acheté en DVD. J'ai assez
aimé, même si j'ai trouvé quelques faiblesses (mais je ne veux pas
rentrer dans la critique de film maintenant) ; il faut dire que je
suis assez bon public pour ce genre d'œuvre : je le recommande
donc à tous ceux qui aiment les films-fresques qui se déroulent sur un
certain nombre d'années (en l'occurrence une quarantaine) retraçant, à
travers l'histoire d'une famille, les faits marquants de l'histoire de
tout un pays (l'Italie, donc, de Turin à Palerme et de 1966 à 2003).
Ah, et j'aime tellement entendre la langue italienne — squisita!
C'est un film parfois triste, cependant, ou plutôt, qui rend
mélancolique quand on est, comme moi, porté à la nostalgie et aux ruminations sur le
temps qui passe. Pas forcément ce que j'avais de plus opportun à
regarder, mais enfin. Au passage, j'ai grapillé quelques mèmes qui pourraient servir dans
une œuvre littéraire quelconque, mais je crois que je vais
m'abstenir, ce que je ponds en ce moment est suffisamment médiocre, ce n'est pas forcément la
peine d'en rajouter (je précise, pour ceux qui voudraient faire la
connexion, que c'est l'évocation de Rome dans l'entrée précédente qui
m'a rappelé que j'avais ce film à regarder, pas le contraire —
non que ça ait une quelconque importance, mais enfin, just to set the record straight).
Passons à quelque chose dont je suis encore moins fier que mes
fragments littéraires gratuits : je m'aperçois que je suis tout à fait
capable d'éprouver des sentiments homophobes. En l'occurrence, tout à
l'heure dans le métro (en revenant des Tuileries, où j'étais allé
admirer le coucher du soleil, c'est tout, merci), j'étais
assis à côté de deux homos, tous les deux dans le genre vieux beau,
folasse, qui essaie de cacher le fait qu'il a passé le cap de la
cinquantaine, et ça me fait assez mal de voir ce que ça renvoie à
moi-même et sur moi-même (des pensées vraiment pas reluisantes entre
vieilles tantes !, faites que je ne devienne jamais
comme ça, ou encore mais il ne serait pas en train de
me regarder d'un air lubrique, là ? — ou peut-être que
j'étais en fait vexé parce qu'il ne me regardait pas d'un air
lubrique ? qui sait ?).
Sinon, dans le genre pensées bizarres et dont il n'y a pas vraiment
à être fier : en passant devant un SDF, je me suis
demandé, tout d'un coup, pourquoi je ne lui donnerais pas 50€ (il
se trouve effectivement que j'avais un billet de 50€ sur moi ;
mais je ne l'ai pas fait). Je me suis demandé quelle serait sa
réaction. Et ensuite, je me suis demandé si ce n'était pas cette
réaction que j'achèterais pour cette somme, ou la sensation d'avoir
fait son bonheur. Or est-ce que mon bonheur serait aussi
facile à acheter ?
À défaut de pouvoir trouver les livres que je voudrais lire, et
n'étant pas capable de les écrire moi-même, je peux au moins les
méta-écrire !
— Mon idée, c'est de faire trois parties, une sorte de
thèse-antithèse-synthèse. Chacune se déroulant dans une grande
capitale européenne : la première à Londres, la seconde à Rome et la
troisième à Paris. Le roman s'ouvrirait sur l'abbaye de Westminster
et se terminerait sur Notre-Dame. Chacune des trois parties aurait un
personnage principal, qui n'apparaîtrait que dans un tiers du livre,
et elle décrirait un an de sa vie : la même année vécue trois fois, à
trois endroits et par trois personnes.
— Ce n'est pas spécialement original.
— Je n'ai aucune prétention à l'originalité. Entre ces trois
personnages, donc, des points communs : ce sont trois garçons, ils ont
le même âge, sont étudiants, et sont homosexuels. Mais aussi des
différences de milieu : l'Anglais est d'origine tout à fait modeste,
un personnage que Ken Loach pourrait aimer, il doit travailler comme
serveur pour financer ses études, il veut à tout prix réussir, et il
est très bon élève ; l'Italien est fils d'un homme d'affaires
richissime et d'une sorte de Barbara Cartland méditerranéenne, il
habite un grand appartement à deux pas de la piazza di Spagna, et sa vie est oisive et douce ;
le Français est fils d'intellectuels…
— Décidément, tu ne recules devant aucun cliché !
— Tu est pénible, tu sais. Tu veux que je te raconte, oui,
ou non ?
— Excuse-moi, je trouve juste que tu y vas un peu fort. Mais
continue.
— Le seul lien connectant les trois personnages (même s'il y
a d'autres liens deux à deux) c'est un ami américain, qui vit à New
York — ou peut-être San Francisco —, dont on ne sait pas
au juste les relations avec les héros, mais qui correspond avec chacun
des trois, et qu'on ne connaît qu'à travers ces lettres ; on le devine
plus âgé, mais on ne sait pas si on doit lui donner quarante ou
soixante ans.
— Bon, et avec tout ça ? La matière, c'est quoi ?
— La description de la vie (et notamment de la vie gay) dans
les trois villes en question. Ce sont elles les véritables
héroïnes.
— Mais je rêve ! Tu n'as jamais mis les pieds à
Rome, et tu n'as passé que quelques jours à Londres. Comment
pourrais-tu décrire quoi que ce soit de la vie romaine ou
londonienne ? Et je ne parle même pas de la vie branchée ?
— Est-ce que ce n'est pas le propre d'un artiste de pouvoir
rapporter parfaitement les choses qu'il n'a jamais vues, qu'elles
soient inventées ou réelles ? D'écrire un poème que chacun croira
fait pour lui ? Tu ne voudrais pas que je dévoile les
secrets de l'art, tout de même ? Ceci dit, tu n'as pas tort : pour
éviter les erreurs factuelles les plus bêtes, il ne me suffira pas de
lire Time Out, il va falloir voyager un
peu. Je te propose donc que nous passions deux mois à Londres et deux
à Rome…
J'avais vu Les Roseaux
sauvages / Le Chêne et le Roseau[#], probablement la version courte,
il y a assez longtemps, à la télé (à l'occasion d'une rediffusion : ce
n'était pas lors de sa sortie en 1994 mais plutôt en 1999 ou 2000).
J'en avais gardé une image très positive ; cependant assez floue, à
l'exception de cette scène (dont je tire l'image ci-contre), que je
trouve extrêmement forte et belle, où François, le personnage joué par
Gaël Morel, se met devant un miroir et se force, difficilement au
début, à dire je suis pédé en se regardant.
Il y a quelques semaines, j'ai vu à la Fnac que le DVD
était sorti, et je l'ai acheté : je viens juste de le regarder et cela
n'a fait que confirmer à quel point j'aime ce film. Évidemment, c'est
surtout le rôle de François qui m'émeut ; en fait, je suis stupéfait
de voir (je n'en avais pas gardé un souvenir aussi précis) à quel
point il me ressemble, ce pédé immature et bourgeois (comme
Maïté — Élodie Bouchez — le qualifie, et ça me va
parfaitement), maladroit, attendrissant, sporadiquement bavard, avide
de compagnie, bon élève et gentiment cuistre : il fait même de la tachycardie (et pas assez de sport) !
Mais tout me plaît dans cette histoire où flotte un frais parfum de
vacances ensoleillées. Pourquoi diable ne l'ai-je pas vu au moment où
je passais moi-même le bac ?
Ah, et puis, si par hasard quelqu'un lisait ceci qui connaisse Gaël
Morel, je lui demanderais volontiers un autographe.
[#] Je crois que l'un
des deux titres (probablement le deuxième) doit faire référence à la
version moyen métrage qui est un téléfilm produit sur commande d'Arte, l'autre désigne la version
longue.
Ce qui est terrible, quand on naît trop tard[#] dans un monde déjà trop vieux,
c'est que toutes les bonnes idées ont déjà été eues[#2].
Par exemple, tout à l'heure, j'ai eu l'idée géniale du siècle :
concevoir un blog à deux voix, deux personnes qui conversent à raison
d'une entrée par jour (alternativement de l'un ou de l'autre), qui
selon leur gré répondent à ce que l'autre dit ou bien qui lancent de
nouveaux sujets. Parce que c'est plus intéressant d'écouter un
dialogue qu'un monologue (enfin, en général). Et ça peut être
intéressant si les deux personnes ont des points de vue assez
différents sur certaines questions. En plus, j'ai trouvé un nom
fantastique pour ça : un diablogue.
Bon, ben devinez quoi : j'arrive trop tard, « ils » y ont déjà
pensé, la première recherche Google venue montre que ça existe déjà et
que même le nom a déjà été trouvé. Dites, les gens, soyez gentils :
la prochaine fois que vous avez une idée géniale, laissez-moi le temps
de l'avoir aussi. (Un jour, je réinventerai la roue, tout seul et
sans l'aide de personne, na ! Et je la ferai carrée, pour vous
narguer.)
Enfin, même si ce n'est pas mon idée à moi, ça me donne un peu
envie de choisir quelques deux parmi mes héros personnels et les pousser à ouvrir
un blog-à-deux.
[#] Euh, c'est
moi qui suis en train de dire que je suis né trop tard, là ?
Non mais pincez-moi, je rêve !
[#2] Pour faire pédant,
il faut bien que je cite Eco, là : de mémoire, il n'est pas de
progrès dans les vicissitudes du savoir, seulement une lente —
et sublime — récapitulation (Jorge, dans Le Nom de la
Rose). Hum, je ne dis pas ça en italien ? Je baisse, je
baisse.
J'ai un peu l'impression d'être coincé dans une bulle hors du
temps, le genre de choses dont on parlerait dans un mauvais téléfilm
de science-fiction (en raison d'une faille spatio-temporelle, vous
êtes passés dans une dimension[#]
parallèle : le seul moyen de rejoindre le temps réel est de vous
trouver exactement à l'endroit où la foudre frappera le plutonium
avant que les Langoliers vous dévorent). L'attente m'est
insupportable. Comme si le mois de septembre devait (re?)mettre en
jeu tout une machine soigneusement huilée d'événements qui se sont
surnaturellement figés et qu'en attendant je dois me contenter de
contempler en me demandant comment ils vont évoluer (le piano, là,
il va me tomber dessus, ou juste à côté ?). Oh, ce n'est pas
comme si je n'avais pas des millions de choses que je
pourrais faire d'ici là, mais il y en a pour lesquelles je
n'y arriverais vraiment pas avant que les choses aient bougé —
et pour cela, je dois attendre la rentrée (pour le meilleur ou pour le
pire).
Mais en septembre, ce sera bien (tout ne sera peut-être pas
parfait, mais on y honorera certainement les jardiniers —
mauvaise référence, pardon) : un certain nombre de gens dans mon
entourage proche vont pouvoir faire un certain nombre de choses pour
un autre nombre de gens, et puis il va y avoir plein de nouvelles têtes à rencontrer, et tout et
tout. Vivement ce moment !
Tiens, je ne résiste pas à recopier ce que mon dictionnaire
français-anglais indique sous le mot rentrée :
La rentrée (des classes) in
September each year is not only the time when French children and
teachers go back to school, it is also the time when political and
social life begins again after the long summer break. The expression
à la rentrée is thus not restricted to an
educational context, but can refer in general to the renewed activity
that takes place throughout the country in the autumn.
J'allais le dire…
[#] J'aimerais savoir,
d'ailleurs, qui le premier a eu cette idée saugrenue d'une
dimension comme quelque chose dans laquelle
on va. Comme l'espace ordinaire a trois dimensions, j'aimerais savoir
dans laquelle (entre les trois — comme si cela avait un
sens de les identifier précisément !) cette personne croyait
être… Sans parler de la notion de dimension parallèle,
un magnifique oxymore.
Oh, je comprends très bien ! J'ai su aussi ce que signifiait
adorer, tu sais : j'ai eu moi-même mes héros, dont j'ai cru
chaque action dictée par la morale la plus irréprochable, chaque
résolution soutenue par le courage le plus inébranlable, et chaque
parole déterminée par la sagesse la plus réfléchie. Je leur ai
consacré l'autel de ma raison et dédié le sacrifice de mon cœur,
et j'ai voulu imiter leur exemple en toute chose. Je me suis haï et
méprisé car je n'arrivais qu'à être moi alors que je voulais
être comme eux. J'en ai tiré une grande amertume, mais aussi
une immense arrogance, car je portais en avant tout ce qui, en moi, me
paraissait leur ressembler et car je méprisais tout ce qui n'allait
pas dans le sens de la voie que je les voyais me montrer.
D'un ton méditatif, et comme pour lui-même, il ajouta :
Je me demande ce que penseraient certaines de mes idoles de
jadis si elles savaient maintenant la vénération dans laquelle je les
eus tenues. J'imagine que certains ne l'ont jamais soupçonné ; je
pense d'ailleurs que dans un ou deux cas le rapport était réciproque
— et réciproquement ignoré.
Puis, s'adressant de nouveau au garçon :
Enfin, un jour j'ai eu une révélation. J'ai vu un de mes
monstres sacrés commettre un acte de faiblesse (peu importe ce dont il
s'agit et je me le rappelle à peine moi-même) : un acte de faiblesse,
peut-être pas de méchanceté, mais un acte humain. Et j'ai
compris, ce jour-là, que ces dieux que j'adorais étaient des hommes,
et que, comme tous les hommes, ils avaient leurs défauts et leurs
imperfections : que, comme tous les hommes, ils connaissaient des
moments d'égarement, des accès de colère, et des erreurs de jugement.
Mais j'ai été heureux, car j'ai su, alors, que j'étais de la même
farine qu'eux, donc que je pouvais être un des leurs ; j'ai su qu'ils
se contredisaient parfois (eux-mêmes ou entre eux) et que si je
n'étais pas de leur avis je pouvais cependant parfois avoir raison ;
et surtout, j'ai su que je pouvais les admirer, désormais, comme des
hommes et non comme des dieux.
La charmante petite bestiole
noire et blanche à quatre pattes qui égayait la maison de mes parents
de ses miaulements réclamant notre attention et notre affection, nous
a quittés aujourd'hui.
Nous avions adopté Hilbert en '96 (je m'en souviens bien parce que
je préparais les oraux des concours), et il avait sans doute environ
un an. Il avait été sauvé de la fourrière (parce que c'était lui qui
miaulait le plus fort) par une association qui stérilise des chiens et
chats errants avant de les remettre en liberté (pour tenter de
contrôler leur nombre sans les tuer) : la responsable de l'association
s'était vite rendu compte que ce chat était tellement affectueux et
avide de tendresse humaine qu'il ne pouvait pas être lâché dans la
nature, donc elle avait passé une petite annonce pour le donner, et ma
mère avait décidé qu'un animal très affectueux (ce n'était pas
de la publicité mensongère) était ce qu'elle voulait.
Cet amour pour les humains qu'avait Hilbert, d'ailleurs, lui était
bien rendu : quasiment toutes les personnes qui l'ont vu sont tombés
sous son charme, même des gens a priori peu sensibles à la
séduction féline, et ont admiré son caractère si amical. Parfois il
était un peu « pot de colle », et rarement il brillait par son
intelligence ou par son agilité, mais sa douceur et sa gentillesse
étaient des qualités vraiment appréciées. Dès qu'il se sentait un peu
abandonné, il poussait des miaulements déchirants : pas moyen de le
laisser seul ; au moins, il sera mort bien entouré (à la différence de
notre précédente chatte, que nous avions retrouvée sur le carrelage de
la cuisine en revenant de chez ma tante à Noël en 1995).
Je suis en train de boire une tisane, une infusion aux plantes
(tilleul, camomille, fleur d'oranger doux) que L'Éléphant
a baptisée Nuit tranquille. Je trouve ça agréable (en écoutant
de la musique douce) pour m'aider psychologiquement à décider que la
journée est finie et qu'il est temps de me mettre au lit (bien qu'il
ne soit que une heure et demie du matin), et aussi tout
simplement parce que j'aime bien le parfum du tilleul et de la fleur
d'oranger et le goût que donne la petite cuiller de miel que j'utilise
pour sucrer le tout. Et puis ça fait très petit pépé prend sa
tisane et dodo, ça va bien avec le personnage.
Mais quelque part, ça énerve aussi le scientifique que je suis.
Nuit tranquille ? Est-ce que ça va vraiment m'aider à bien dormir ou
est-ce que l'effet est purement psychologique ? Comment savoir ?
Il y a des choses dont je suis complètement persuadé que les
mérites vantés sont strictement et absolument limités aux effets
psychologiques et/ou toute la famille des effets placebo : par
exemple, l'homéopathie (j'en profite pour dire coucou au passage à mon
zététicien de petit
frère) ; il y a d'autres choses dont l'effet est parfaitement patent.
Mais entre les deux règne toute une gamme de produits sur l'efficacité
desquels je suis a priori sceptique, mais où je ne peux pas
faire d'expérience pour décider la question dans un sens ou dans un
autre. Et ça, c'est irritant.
Prenons l'exemple des savons liquides pour les mains. Tant qu'il
s'agit de choisir un parfum au sens strict, c'est une question de
goût, je peux me fier à mon nez et à mon appréciation personnelle des
odeurs (par exemple, comme je
l'explique, pour choisir la version aromatisée au lait d'amande) ;
mais les parfums des savons liquides vont chercher des choses comme
antibactérien, hypoallergénique, mains sensibles,
douceur (miel & lait), et ainsi de suite. Encore, pour ce
qui est de l'effet sur les mains, je peux espérer m'en faire une idée
par moi-même (mais ce n'est pas complètement clair : l'effet pourrait
être suffisamment faible pour être difficile à observer à moins de
n'utiliser que ce savon pendant des semaines, et néanmoins
assez important — à long terme par exemple — pour que
j'estime qu'il soit utile de prendre cette variante plutôt qu'une
autre). Pour la variante antibactérien, comment aurais-je la
moindre chance de juger cela ? Je ne vais pas faire une culture de
bactéries dans une boîte de Pétri pour m'en assurer, et néanmoins je
trouverais que c'est une qualité potentiellement utile (par exemple si
je dois me laver les mains avant de mettre des lentilles) ; ou pas,
d'ailleurs : peut-être que cela détruit des bactéries très utiles de
la flore épidermique, peut-être que le produit antibactérien agresse
la peau elle-même ; ou peut-être, tout simplement, que ce savon n'est
ni plus ni moins antibactérien que les autres mais simplement qu'on a
choisi ce terme pour dire qu'il n'a pas de parfum particulier (c'est
une des théories qu'on m'a avancées). Comment savoir ?
Bon, une solution consiste à se référer à des tests qui auraient
été faits par des associations de défense de consommateurs dans leurs
magazines périodiques, comme, en France, Que choisir ? (Union
Fédérale des Consommateurs), ou encore 60 millions de consommateurs
(Institut National de la Consommation). Mais les enquêtes ne
parlent pas de tout, et on n'a pas forcément vu passer le numéro du
magazine parlant du produit auquel on est intéressé (sur le site Web
de ces associations, apparemment, il faut payer pour accéder aux
enquêtes : du coup, j'ai quelques doutes sur leur but complètement non
lucratif… et je ne suis pas plus renseigné sur les savons
— peut-être me faut-il une méta-enquête pour savoir quelle est
la meilleure enquête sur les savons ?).
Nous sommes entourés d'affirmations plus ou moins publicitaires
(tout est dans le plus ou moins !) qui nous demandent de leur
faire confiance sur parole, et nous n'avons pas moyen de savoir ce
qu'il en est réellement. Est-ce que le shampooing cheveux
blonds que je prends la peine d'acheter n'est pas rigoureusement
le même, au parfum près, que le shampooing d'à côté ? Et d'ailleurs,
si j'ai les cheveux blonds et gras, je dois prendre cheveux
blonds ou cheveux gras ? Est-ce que la lampe à luminothérapie a un quelconque intérêt
autre que rendre plus facile la lecture autour de mon bureau ?
Je n'en ai aucune idée. Mais, ayant fini mon infusion Nuit
tranquille, je vais maintenant vous laisser et aller me
coucher.
Bon, et puis il faut que j'arrête de faire des fragments
littéraires prétendument « gratuits » et qui, en fait, essaient
insidieusement d'en venir quelque part. C'est foireux, et ça donne
des résultats mauvais. Mes meilleurs
(à mon avis) sont ceux qui sont
écrits de façon véritablement gratuite. Mais bon, au point
où j'en suis, voici celui-ci :
Le choc ne vint que plus tard : plusieurs heures après ; et ce ne
fut pas un choc. Calmement, il pensa : le rêve de ma vie s'est
accompli. Ce n'était pas une explosion de joie : le bonheur,
assurément présent, avait plutôt la forme d'un courant soutenu, qui
croissait lentement en intensité à mesure qu'il se pénétrait de la
pensée de ce qui était arrivé ; mais ce n'était pas non plus une
déception ou un rejet désabusé (comme s'il se fût rendu compte que ce
n'était pas ce qu'il voulait) ; c'était encore moins une volonté de
tout finir maintenant que le but de sa vie était atteint ; et enfin,
il n'avait pas peur de ce qui viendrait ensuite ni n'éprouvait de
sentiment de vide parce qu'on lui avait retiré sa raison de se battre
en la remplissant. C'était juste un constat lucide : la chose qu'il
avait le plus voulue, le souhait le plus ardent de tant d'années, cela
était devenu vrai.
Il lui parut à l'esprit une métaphore, ou une parabole, un symbole
un peu douteux qu'il avait dû lire dans quelque livre dont l'intérêt
médiocre n'avait pas valu d'être retenu : une chenille qui s'aperçoit,
en sortant d'un long sommeil, qu'elle est devenue papillon, que son
rêve de pouvoir voler est réalité — mais elle sait aussitôt ce
qu'elle doit faire ensuite, son nouvel état lui est immédiatement
familier. De cette idée, il glissa vers une autre : il se souvint
qu'on lui avait parlé de cette image, qu'avaient les Grecs, des
divinités du destin, les trois Parques, ou Moirai, qui filent la vie
des hommes et en tissent une tapisserie, le motif universel que nul
homme ne peut voir mais qui est connu d'elles seules. Il aimait cette
pensée, celle d'être un fil dans une immense œuvre d'art, un fil
perdu dans la masse mais qui, ici, peut-être, affleurait à la
surface.
Tout avait changé, mais il n'éprouvait ni joie excessive, ni
nostalgie, ni regret, ni inquiétude. Il avait trouvé l'assurance
d'aller de l'avant.
Cette fois, c'est un restaurant éthiopien que j'ai goûté, avec une
douzaine d'amis. Ça s'appelle Gojo (ጎጆ précisément,
pour frimer un peu avec Unicode — accessoirement, la logique
profonde du syllabaire éthiopien m'échappe un peu), rue de l'École
polytechnique, et c'est vraiment très bon (quoique un peu cher) : je
ne connaissais pas du tout la cuisine éthiopienne, et je suis ravi
d'avoir pu essayer (c'est intéressant : on mange avec ses doigts, en
fourrant la nourriture dans une sorte de grande crêpe ; du coup, j'ai
encore pu faire mon malin en faisant
apparaître une serviette citron de nulle part).
Après le dîner, nous sommes allés admirer la vue de Paris qu'on a
des toits de l'ENS (hum, on n'est pas censé monter sur
les toits de l'ENS, d'ailleurs, personne ne monte sur ces
toits, c'est une tradition qui n'a jamais existé, et vous n'en avez
jamais entendu parler). Paris vu d'en haut (et surtout la nuit) est
un spectacle dont je ne me lasse décidément jamais.
On m'a aussi rappelé que c'était bientôt le 24 août. Ça ne vous
dit rien ? C'est la Saint-Barthélémy, mais ce n'est pas que ça : le
24 août 2004 est une date très importante. Je vous aide :
une date très importante dans l'histoire d'Usenet. Nan, je plaisante.
Mais tremblez quand même.
Voilà voilà, je voulais juste dire un petit bonjour, comme ça, à M le Maudit, qui tient un blog
tout à fait délicieux donc je lui pardonnerai de m'avoir classé dans
les pédéblogueurs, chroniqueurs, mythomanes, génies, atrabilaires,
névrosés, misanthropes, bavards etc (sic). Et je lui souhaite
surtout bon courage pour son mémoire de maîtrise.
Léonard et Frédéric ne se connaissaient pas. Il y eut un
déclic, semblable à l'impression qu'on peut avoir en regardant une
image pendant longtemps avant de se rendre compte soudainement qu'on
la voyait dans le mauvais sens, ou que ce qu'on prenait pour un creux
était en fait un relief et que toute la perspective était inversée.
De fait, toute la perspective était inversée. Léonard et Frédéric
ne pouvaient pas se connaître. Étrange comme une observation
aussi simple, aussi évidente, pouvait conduire à tout interpréter
différemment, à tout remettre en question.
Sinéad sourit. Tout tombait sous le sens. Si elle eût été
détective, si elle eût enquêté sur un crime, elle eût maintenant connu
le nom du coupable. Mais la beauté de la chose était qu'il n'y avait
ici, justement, aucune malice, aucune malveillance : tout pouvait
(tout devait !) s'expliquer sans cela. Au pire un faux
pas bien maladroit et aux conséquences inattendues. Chacun d'une
myriade de faits épars s'expliquait maintenant : la lettre que
Frédéric avait reçue aussi bien que la visite du vieux professeur.
Enfin, Sinéad avait trouvé la clé de sa tranquillité. Elle
décrocha le téléphone et composa le numéro qu'elle avait si souvent
renoncé à appeler.
Hum ! Je n'en suis vraiment pas content, de celui-là. Je le
laisse néanmoins en l'état, parce qu'il contient (et servira peut-être
à propager) un mème ou deux qui
me plaisent bien. Mais j'aurais aimé réussir à rendre un peu cette
sensation de déclic où tout semble se mettre en place, et la sensation
heureuse que cela procure.
Un des moyens d'éviter de déprimer, c'est de ne pas s'en laisser le
temps, en ayant une vie sociale aussi chargée que possible. Ça tombe
bien, mon anniversaire c'est un bon prétexte pour voir des gens
(fût-ce en août).
Donc, j'ai 28 ans[#], il va
falloir que je commence à apprendre à mentir sur mon âge, parce que,
quand j'atteindrai la trentaine ça va devenir vraiment dur de me faire
passer pour un djeunz.
Bon, sérieusement : j'ai dîné chez mes parents hier (lundi) soir,
ma mère m'avait fait un bon repas, et d'ailleurs ça fait pas mal
d'années que je n'avais pas eu mes parents sur place autour de mon
anniversaire (normalement je suis consigné à garder le chat[#2] à Orsay pendant que eux partent
en vacances, et les trois dernières années j'en avais profité pour
organiser un buffet d'anniversaire chez eux). Ça fait aussi un petit
moment que je n'étais pas allé dormir chez mes parents (pourtant,
c'est drolement bien, comme
maison : et puis, il y a sept ordinateurs — en réseau
— dedans, ce qui est sympa, et j'ai quelque chose comme 200
bouquins de maths dans ma chambre que je n'aurai jamais le courage
— ni la place — de transporter à Paris).
Je dois dire que j'ai aussi été très touché par le nombre et la
diversité des gens qui m'ont souhaité un bon anniversaire. C'est
vraiment quelque chose qui me fait chaud au cœur. Un grand
merci à tous !
Ce soir, c'était dîner avec des amis à Paris, au restaurant. J'ai
essayé, plutôt que de rassembler tout le monde qui est disponible à
cette période, de faire un petit groupe de gens que j'apprécie
beaucoup et qui ne sont pas ceux qu'ai le plus l'habitude de voir. Et
c'était vraiment très sympa. Le restaurant s'appelle Le Petit
Prince de Paris (c'est dans le 5e, sur la Montagne
Sainte-Geneviève), et je le recommande tout à fait pour la qualité de
la nourriture (nettement moins, en revanche, pour la rapidité du
service, ça c'est un peu dommage). Et j'ai encore des dîners prévus
avec des amis demain et après-demain, et vendredi je dois encore voir
quelqu'un… bref, je ne me laisse pas le temps de m'ennuyer ou
de voir les choses en noir, et d'ailleurs, juste maintenant, je n'en
ai aucune envie.
Sinon, question boulot : j'ai voulu soumettre un article
aujourd'hui pour publication dans le Bulletin de la
Société Mathématique de France, mais l'adresse mail du
secrétariat bounce comme adresse invalide.
M'est avis que c'est un complot pour dire qu'on ne doit pas travailler
en août : I think I'll take the hint.
[#] Obligatory calendar note, so Karl P won't have to
mention it : 28 years is the Julian calendar cycle length, and since
the leap years have followed precisely the Julian rule since 1901, I
have lived a full cycle, that is, each calendar date occurred
precisely four times for each day of the week (except for
Februrary 29, of course, which fell just once on every day of the
week) since I was born. And, of course, since today is a Tuesday, I
was also born on a Tuesday.
[#2] Le chat, d'ailleurs, ne va pas bien :
non seulement il a une maladie des
reins mais en plus, maintenant, il refuse de sortir hors de la
maison (quelque chose a dû le traumatiser, on ne sait pas quoi). Et
il devient assez difficile à supporter, à réclamer sans arrêt de
l'attention des humains.
Bienvenue en août, le mois le plus mort
de l'année. Pas étonnant que ce soit celui où se trouve mon
anniversaire (snif, je vais avoir 28 ans, c'est
horrible !). Et forcément, un dimanche au mois d'août… bon, je
vous ai déjà dit tout ça.
Alors, je suis sorti me promener, aujourd'hui (mais pas en rollers
— faut encore que j'apprenne à surmonter la paresse de les
enfiler). J'ai « découvert », si j'ose dire, que de chez moi on
peut aussi aller au centre ville en passant par la rue Pascal, la rue
Mouffetard, la rue de la Montagne Sainte-Geneviève et la rue de
Bièvre. Je n'y avais jamais pensé (je passais par la rue Le Brun et
la rue Geoffroy Saint Hilaire puis la rue du Cardinal Lemoine ; il est
vrai que cela a l'avantage de contourner la montagne
Sainte-Geneviève) : il faudra que je mesure quel est le chemin le plus
rapide pour aller à l'Hôtel de Ville.
Il est vrai que la géographie d'une ville comme Paris est traîtresse :
on a tendance à rectifier toutes les rues en droites et tous les
angles en angles droits alors que ce n'est pas du tout le cas ; par
exemple, dans ma tête, la rue Mouffetard prolonge les Gobelins et la
rue Pascal est perpendiculaire aux deux — or ce n'est pas du
tout le cas comme on le verra sur un plan.
Tiens, rue Mouffetard, j'ai surpris une bribe de conversation :
j'ai pris les meilleurs écrivains du Brésil, et je les ai fait
manger dans ce restaurant. J'aimerais bien savoir qui était cette
personne capable de prendre les meilleurs écrivains du Brésil
et les faire manger quelque part. J'avais entendu un autre bout de
conversation, ailleurs, qui m'a fait sursauter, mais j'ai maintenant
oublié.
À part ça, j'ai transcrit en phonétique la fameuse dictée de Mérimée et je l'ai
enregistrée. Encore un truc inutile pour meubler la ramification
infinie des pages de ce site Web.