David Madore's WebLog: 2006-04

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en avril 2006 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in April 2006: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in April 2006 / Entrées publiées en avril 2006:

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(vendredi)

Candidatures MdC

Je suis en train de craquer nerveusement, et à chaque fois que consulte les résultats ma tension monte à tel point que j'ai l'impression que mes artères vieillissent d'un an. Hier c'est avec soulagement que j'apprends que je suis admissible (i.e., auditionné) à Paris VI ; ce soir c'est avec effondrement que j'apprends que je ne le suis pas à Paris VII. Alors je crois que je vais arrêter de bloguer pendant un moment, parce que j'aurais du mal à parler d'autre chose et je ne pense pas que ça me fasse du bien de parler de ça.

Dans un mois, vraisemblablement, on saura si je rempile pour un an ou si je suis pris — et où.

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(mercredi)

Il faudrait publier…

Cette injonction ne doit pas se comprendre scientifiquement, pour une fois (même si c'est aussi vrai !), mais je parle ici des fragments littéraires gratuits que j'ai écrits au fil de ce blog puis rassemblés en un unique document PDF (avec un avant-propos — dont je ne suis d'ailleurs pas terriblement content — et deux nouvelles pour encadrer le tout). Je rechigne à considérer le recueil comme fini parce que j'ai toute une liste de mèmes à écouler, si j'ose dire, et je me dis sans arrêt, allez, encore un petit dernier — sauf qu'en fait la liste se remplit plus vite qu'elle ne se vide. Bref, on m'a convaincu que ce serait idiot de ne pas au moins essayer d'envoyer le tout à un éditeur (et pour ce qui est de rajouter des fragments, j'en aurai certainement le loisir pendant la longue période qui s'écoulera forcément entre le moment où je soumettrai à un premier éditeur et le moment où le n-ième contacté, peut-être, acceptera).

Je ne mets certainement pas les chances de mon côté : il est fort probable qu'on trouve que le genre est trop hermétique ou l'ensemble trop disparate pour être publiable, qu'on soit rebuté par le fait que certains fragments sont en anglais (je proposerai de faire suivre une traduction française que je pourrai écrire moi-même, mais il est n'est pas question qu'elle remplace simplement l'original) ou encore que j'aie des difficultés, si j'arrive jusqu'à là, à négocier un contrat qui me semble moralement acceptable (c'est-à-dire, au minimum, qui ne m'oblige pas à retirer quoi que ce soit de mon site Web, même si en compensation je dois renoncer à un très hypothétique pourcentage). Et je ne parle même pas des difficultés typographiques (j'en ai moi-même pas mal bavé pour faire avaler le truc à Lambda/Lamed). Une façon de régler certains problèmes serait de publier à compte d'auteur, mais je m'y refuse : qu'écrire soit un passe-temps, c'est une chose, mais il ne faudrait pas que ce soit un passe-temps coûteux. En revanche, si par hasard un richissime mécène lisait mon blog et avait envie de payer pour l'édition, qu'il ne se prive pas pour se dénoncer. 😉

Bon, plus sérieusement, c'est vrai que ce serait dommage de ne même pas essayer, donc il faudrait réfléchir à trouver un éditeur à qui l'envoyer, éventuellement plusieurs (pour les publications scientifiques, il est très mal vu d'envoyer le même manuscrit à plusieurs éditeurs en même temps, mais je ne vois pas vraiment de raison de se tenir à cette règle pour ce genre de texte, puisque les relecteurs ne sont pas des bénévoles). J'ai reçu quelques conseils à ce sujet, mais je suis encore preneur de toutes les suggestions (ou propositions de piston…). Un de mes collègues mathématiciens à l'ENS (David Bessis) a récemment publié un roman (Sprats, un récit de science-fiction qui rappelle la Métamorphose de Kafka ou le Horla de Maupassant), j'irai certainement lui demander ce qu'il recommande.

Au moins j'ai l'avantage que ce que j'essaie de faire publier n'est pas une autobiographie ou un recueil de poèmes : il semble que les éditeurs soient littéralement inondés par ces choses-là.

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(mardi)

Field Arithmetic

J'ai encore fait une folie en achetant (à plus de 150€ — argh !) le volumineux Field Arithmetic[#] de Michael Fried et Moshe Jarden (2e édition). Une folie, certes, mais un rapide coup d'œil à la table des matières a suffi à me convaincre que je devais acheter ce livre, et après avoir examiné un peu plus longuement le contenu je suis conforté dans cette conclusion : je ne vais pas le regretter.

Quand j'étais petit, je pensais naïvement que la structure mathématique de corps était une structure si rigide qu'il n'y avait pas grand-chose à dire (ou que la théorie de Galois nous disait à peu près tout ce qu'il y avait à savoir, puisque les corps sont construits à partir des rationnels ou des corps finis en prenant des extensions algébriques — qui sont bien comprises — et des extensions transcendantes « sur lesquelles il ne doit pas y avoir grand-chose à dire »). Ha ! S'il y avait besoin de montrer que ce raisonnement était idiot, le fait que ce livre fasse plus de 700 pages, et densément peuplées, est significatif.

Ce qui est fascinant, c'est comme le sujet — l'arithmétique des corps — dresse un pont entre l'arithmétique, la géométrie algébrique, la théorie des groupes, et la logique (la théorie des modèles), en passant évidemment par la question centrale du problème de Galois inverse (j'en ai dit un mot récemment). Il y a là ce qui suscite mon intérêt mathématique le plus profond : et ce n'est pas une coïncidence ; d'ailleurs, un résultat récent de Kollár, dont j'ai déjà parlé ici (et que j'exposerai à la séance de juin du séminaire Variétés rationnelles), s'inscrit complètement dans ce cadre. Beaucoup des résultats énoncés dans ce livre me sont déjà familiers, bien sûr, mais parfois seulement comme « folklore », et ce qui est certainement remarquable c'est de les trouver aussi commodément rassemblés dans un seul tome.

(Il faut dire que j'ai un faible pour les livres d'exposition mathématique qui se veulent aussi complets et encyclopédiques que possible : qui tentent de faire le tour d'un sujet donné, et dont on apprend vite à savoir, quand on cherche un résultat sur ce sujet, qu'on l'y trouvera. Celui-ci a l'air de correspondre assez bien à cette idée.)

[#] Field Arithmetic ne signifiant pas — comme un ami me l'a suggéré en plaisantant — arithmétique de terrain. 😉

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(lundi)

Petite citation du jour

Si tu téléphones à une voyante et qu'elle ne décroche pas avant que ça sonne, raccroche.

Il paraît que c'est de Jean-Claude van Damme. En tout cas, j'aime beaucoup.

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(Monday)

Slight change in comments system

[Traduction française ci-dessous.] I've just made two slight changes in the comments system script: first, my own comments should now appear in a different color (useful because some commenters had not noticed that Ruxor was my nickname and that the URL pointed back to this site's root), and second, the cookie used to remember nickname, email address and whatnot should be longer-lived. I also added a simple—but, I hope, effective—filter to reject some attempts at spamming.

[French translation of the above.] Je viens de faire deux petits changements dans le script du système de commentaires : d'une part, mes propres commentaires devraient maintenant apparaître d'une couleur différente (ce qui est utile car certains commentateurs n'avaient pas remarqué que Ruxor était mon surnom et que l'URL pointait vers la racine du site) et d'autre part le cookie utilisé pour retenir le surnom, l'adresse mail et le reste devrait avoir une plus longue durée de vie. J'ai également ajouté un filtre simple — mais j'espère néanmoins efficace — pour rejeter certaines tentatives de spam.

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #85

Nous nous étions vus trois semaines plus tôt : en égaux. La proximité temporelle de cette dernière réunion ne faisait que souligner, par contraste, combien la présente était embarrassante, pour chacun de nous trois. C'était sans aucun doute une bonne intention qui avait poussé Justin à nous inviter à célébrer avec lui : mais, même si nous étions contents pour lui, qu'avions-nous à célébrer, Quentin et moi ? Déjà la gêne était bien perceptible entre nous : Quentin cherchait à la cacher et Justin faisait mine de ne pas la remarquer, mais toute la conversation avait pris un tour évidemment artificiel. Le tutoiement me paraissait désormais impossible, et je ne pouvais pas me résoudre à vouvoyer un ami d'aussi longue date : somme toute, je parlai peu. Du reste, qu'avions-nous à nous dire ? Les félicitations paraissaient à la fois bien éculées et parfaitement insignifiantes eu égard à cette nouvelle dignité ; et toutes nos plaisanteries habituelles sur des sujets quotidiens ne pouvaient faire que nous rappeler que cet univers qui nous était familier serait bientôt du passé pour Justin. Notre amitié n'y résisterait pas — elle n'avait plus de sens — et nous le savions tous.

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(vendredi)

Scrutin par arbre

J'ai un intérêt particulier pour les modes de scrutin et d'élection (intérêt qui a été renouvelé en 2002 pour les raisons qu'on sait). Normalement, pour une élection d'une seule personne (par exemple s'il faut envisager une bonne façon d'élire le président de la République, en France), je recommande le scrutin par assentiment (qui consiste simplement à laisser chaque électeur voter pour le nombre de candidats qu'il souhaite — mais au plus une seule fois pour chacun — et à nommer celui qui a le plus de voix) ; en principe je trouve que le scrutin idéal est celui que j'appelle Condorcet-Nash[#], mais il est inapplicable en pratique car trop complexe (et difficile à expliquer) et politiquement inacceptable car elle fait intervenir une part de hasard, donc le scrutin par assentiment me semble être the next best thing. Ce mode de scrutin a néanmoins une caractéristique qui le rend peu souhaitable dans certains contextes : il favorise fortement les centristes.

Voici une autre proposition, à laquelle je n'ai pas sérieusement réfléchi, et qui a probablement des inconvénients majeurs, mais qui n'a pas cette propriété de favoriser le centre, et qui a aussi la vertu de ne pas pénaliser la multiplication des candidats. J'appelle cela le scrutin par arbre (ou éventuellement par post-primaires car il revient à intégrer tout un système de primaires dans l'élection).

L'élection se déroule en trois étapes. Dans la première, les candidats se désignent ; probablement il y a des conditions administratives (du genre, des signatures d'élus à obtenir, si on parle de l'élection du président de la République française), mais cela ne nous concerne pas ici.

La seconde étape est celle des tractations d'alliances. La liste des candidats est maintenant fixée, mais ils ont le droit de former des nœuds, qui sont des sortes d'alliances. Si un certain nombre de candidats sont tous d'accord entre eux, ils peuvent faire enregistrer un nœud entre eux : une fois que c'est fait, ce nœud ne pourra pas être défait. Une fois le nœud constitué, il peut lui-même entrer en alliance (sous condition d'accord de tous les candidats du nœud) avec d'autres nœuds ou d'autres candidats individuels pour former de nouveaux nœuds « au-dessus » du nœud déjà formé ; ou encore des candidats à l'intérieur du nœud peuvent former des nœuds « au-dessous » du nœud déjà formé ; en revanche, il n'est pas permis de former des nœuds entre une partie d'un nœud déjà formé et (tout ou partie d')un autre : autrement dit, il doit toujours y avoir emboîtement entre les nœuds, ou, si l'on veut, mathématiquement, ces nœuds doivent former un arbre dont la racine est fictive et dont les feuilles sont les candidats.

Par exemple, on pourrait imaginer que l'ensemble des candidats de gauche forment un nœud ensemble, et l'ensemble des candidats de droite en forment un autre (évidemment il y aurait des polémiques sur le fait d'inclure ou non l'extrême-droite dans ce nœud !) ; si ces deux nœuds se constituent, il devient possible de former des sous-nœuds entre candidats de gauche ou entre candidats de droite, mais jamais entre certains de l'un et certains de l'autre. On peut aussi certainement imaginer que les candidats d'un même parti (je rappelle qu'un des intérêts du mode de scrutin est qu'il ne pénalise pas un parti qui présenterait plusieurs candidats !) décident de former un nœud, qui pourrait ensuite former des sur-nœuds avec des partis proches. Bref, on a compris le principe.

Cette étape de tractations ne fait pas du tout intervenir les électeurs, uniquement les candidats, qui déposent des actes de formation des nœuds auprès de l'autorité contrôlant l'élection (il faudrait voir si on publie ça immédiatement ou à la fin de l'étape, mais de toute façon cela sera connu). On constitue, donc, un arbre des candidats, partant d'une racine fictive (l'ensemble de tous les candidats), qui a à partir d'elle une branche vers chaque nœud de plus haut niveau, lesquels ont à nouveau des branches vers les nœuds intérieurs, et ainsi de suite jusqu'aux candidats individuels. L'arbre est représenté de façon graphique sur les bulletins de vote qu'on distribue (ou au moins dans le matériel électoral).

L'élection proprement dite, qui est la troisième étape, se fait alors de façon très simple, et en un seul tour : chaque électeur choisit un candidat, et c'est tout. Pour déterminer qui remporte l'élection, on reporte chaque voix à la fois sur le candidat pour lequel elle s'est exprimée mais aussi pour chaque nœud dont elle fait partie, à tous les niveaux jusqu'à la racine de l'arbre (qui reçoit, fictivement, la totalité des suffrages exprimés) ; puis, en partant de la racine, on descend dans l'arbre en choisissant à chaque nœud la branche qui part vers le sous-nœud ayant obtenu le plus de voix. Par exemple, si les candidats X, Y et Z ont obtenu respectivement 25%, 35% et 40% des suffrages exprimés mais que X et Y avaient préalablement formé un nœud, alors ce nœud est crédité de 25%+35%=60% des voix, dont on choisit l'élu parmi ses candidats, et c'est Y qui est élu. On peut aussi dire que cela revient à proposer à l'électeur le choix entre les grandes branches (par exemple, gauche/droite, ou gauche/droite/extrême-droite, ou que sais-je encore), puis, à l'intérieur de la branche qu'il a choisie, entre les sous-branches, et ainsi de suite jusqu'au candidat individuel, et on fait l'élection de la même manière.

Il est certainement vrai (et sans doute critiquable) qu'une part énorme de l'élection tient en fait dans l'étape de tractations d'alliances. D'un autre côté, cela est certainement aussi vrai d'autres systèmes électoraux couramment utilisé. En fait, je pense que ce scrutin par arbre, s'il n'est peut-être pas approprié pour élire une personne, l'est peut-être pour faire un choix entre des décisions à prendre, au nombre de plus que deux (par exemple, si une assemblée doit prendre une décision un peu complexe, on peut imaginer qu'elle voterait avec ce mode de scrutin entre des propositions-candidats, c'est-à-dire des propositions appuyées par un membre de l'assemblée en question qui prendrait les responsabilités de former les alliances dans la deuxième étape du processus que j'ai décrit).

[#] Je décris très sommairement cette méthode de façon à être compréhensible par les mathématiciens : il s'agit pour chaque électeur de définir son ordre de préférence entre les candidats, puis on forme une matrice de gains qui donne au candidat X contre le candidat Y le nombre de voix ayant préféré X à Y moins le contraire ; d'après un théorème de von Neumann, cette matrice a une stratégie gagnante, qui dans le cas typique est unique : on choisit alors le gagnant de l'élection selon la stratégie en question (quitte à tirer au hasard, avec les probabilités qu'elle dicte, si elle n'est pas pure, c'est-à-dire, s'il n'y a pas de gagnant de Condorcet). Cette méthode est optimale exactement en ce sens que la stratégie utilisée est optimale : tout autre mode de scrutin provoque statistiquement plus de mécontents. [Ajout () : ce système est considéré ici.]

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(jeudi)

Silence au téléphone

Je reçois un nombre vraiment important de coups de téléphone « silencieux » : i.e., ça sonne, je décroche, et il n'y a qu'un silence sur la ligne. Vraiment important, ça veut dire qu'à mon avis presque la moitié des coups de téléphone que je reçois (chez moi) sont de ce type. Dans certains cas, ce sont des appels publicitaires : pour une raison obscure[#], dans beaucoup de cas, ces appels commencent par un très long silence — généralement, je racroche sans chercher à en savoir plus. Mais il arrive aussi assez fréquemment que je n'entende rien pendant un temps variant entre une fraction de seconde et dix secondes après lequel mon muet interlocuteur coupe. Je viens d'en recevoir un, là, à 0h10, ce qui m'a fait un peu sursauter parce que ce n'est plus trop une heure pour appeler les gens.

J'aimerais bien savoir qui sont les petits cons qui font ce genre de coup. Une hypothèse parfois émise est de vérifier s'il y a quelqu'un dans un appartement parce qu'on envisage de le cambrioler : mais au vu du nombre surprenant d'appels de ce type que je reçois, ce n'est pas très crédible.

Je crois que je vais changer mon téléphone pour en prendre un qui présente le numéro et, si possible, qui permet de refuser automatiquement et sans sonnerie tout appel dont le numéro est masqué. Ou quelque chose de ce genre. Des conseils ?

[#] Peut-être, par exemple, est-ce pour filtrer les gens qui racrocheront tout de suite. Peut-être aussi est-ce dû à la logistique du système d'appels.

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(mercredi)

V for Vendetta

Je viens de voir V for Vendetta, le dernier film des frères Wachowski auxquels on doit également Matrix. Globalement, ça m'a plutôt bien plu, mais disons que j'ai bien aimé Matrix et je n'ai pas lu la BD d'origine — et je pense que ce sont des conditions utiles pour apprécier ce film-ci.

C'est amusant, je parlais justement hier d'une autre dystopie ; celle-ci se passe en Angleterre[#] et, même si elle a également un fondement religieux, elle semble moins (comment dire ?) intrusive que celle de Gilead (au sens où les gens ont un peu plus une vie normale).

Enfin bon, c'est un genre de film d'action (bourré d'invraisemblances) parfumé d'une bonne louche de symbolisme parfois un peu facile (comme Matrix, donc) et d'un mystère un peu mal défini (façon théorie du complot), et si on n'a rien contre ce genre, c'est tout à fait agréable à regarder. Les dialogues sont bien meilleurs que dans les suites de Matrix. J'ai notamment bien aimé la réplique : A revolution without dancing is not a revolution worth having. Et le héros a globalement un certain panache.

Le Guy Fawkes historique (celui qui a échoué à faire sauter le parlement anglais le 5 novembre 1605 — donnant naissance à Guy Fawkes day et finalement au nom commun guy), en revanche, n'a pas l'air d'être un personnage très intéressant, et certainement pas un combattant pour la liberté (c'était juste une [gué]guerre des catholiques-et-Espagnols contre les anglicans). Pas spécialement pertinent de le prendre pour modèle, je trouve — mais il est vrai qu'il n'y a pas de héros révolutionnaire anglais qui soit vraiment resté dans les mémoires[#2].

[#] Je suis peut-être naïf et simpliste en disant ça, mais j'ai tendance à trouver beaucoup plus difficile à imaginer l'établissement d'une dictature en Angleterre qu'aux États-Unis. D'un autre côté, il est vrai qu'ils ont eu Thatcher. 😉

[#2] Peut-être que c'est justement pour ça que la révolution de 1688 a été un succès : peut-être qu'une révolution qui réussit est non seulement une révolution où on danse mais aussi une révolution dont on ne retient aucun nom. Dans ce cas, le héros du film fait bien de ne prendre que le nom de V.

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(mardi)

The Handmaid's Tale

Je n'avais jamais rien lu de Margaret Atwood (qui est une des romancières préférées de ma maman[#]) et je viens de finir The Handmaid's Tale (que j'avais acheté il y a un moment) en deux jours (ce qui, pour moi, est exceptionnellement court car je lis très lentement[#2]). Signe que j'ai beaucoup aimé (ma maman, elle, n'aurait pas aimé, et ne l'a pas lu, car elle n'aime pas la science-fiction).

En fait, il ne s'agit pas vraiment de science-fiction ; enfin, pas de ce que je considère normalement comme de la science-fiction. Il s'agit d'une dystopie qui se passe à la fin du XXe siècle (on ne sait pas exactement quand, vers 1980–2000) aux États-Unis — mais dans un monde où les États-Unis sont devenus un régime théocratique du nom de Gilead. Le récit, dont la narratrice est la handmaid éponyme (dont je ne révélerai pas la fonction), mêle la description de la société dans laquelle elle est plongée (et telle qu'elle la voit), les aventures qu'elle vit (il y en a assez peu, ce n'est certainement pas un roman d'aventures, mais il lui arrive tout de même des choses) et, par flashbacks, le souvenir du monde antérieur à l'établissement de la théocratie et la période de transition.

Tout cela est extrêmement bien mené, et je m'y suis vraiment laissé prendre. Il n'y a pas énormément de suspens, mais il est très habilement utilisé, on nous apprend les choses de sorte qu'on a toujours envie d'en savoir plus. L'écriture, évidemment, est impeccable. Je regrette seulement l'addition d'une sorte d'appendice, une note historique, qui n'a à mon sens aucun intérêt (et pourtant j'aime bien, en général, ce genre de procédé), ni narratif ni littéraire, et qui gâche à mon avis la subtile ambiguïté du dénouement ; je recommande de ne pas la lire.

Mais surtout, le régime décrit, qui par de nombreaux aspects rappelle (je devrais dire, préfigure, puisque le roman est antérieur) celui des Taliban en Afghanistan, ou les pires aspects du régime iranien (dont l'auteur reconnaît à mi-mot s'être inspirée), même si Gilead est chrétien fondamentaliste au lieu d'être musulman, me semble étonnant de justesse. L'essentiel tourne autour de la répression de la sexualité tout en glorifiant la natalité : il y a là matière à réfléchir (sommes-nous bien sûrs de ne pas être tentés par de telles erreurs ? avons-nous réellement admis l'égalité entre hommes et femmes ?) ; le roman n'entame pas cette réflexion, il se contente de la provoquer.

[#] Ma maman ne lit pratiquement que des romans en anglais, prétendant qu'il n'y a aucun auteur français (contemporain) qui lui plaît. J'avoue que moi-même je suis souvent beaucoup plus tenté par les livres en langue anglaise qu'en langue française (sauf qu'en général je les vois en traduction chez des libraires, je me dis j'achèterai peut-être la VO et j'oublie donc je n'en fais rien). C'est une des raisons qui font que je lis finalement peu.

[#2] En fait, je lis à une vitesse relativement raisonnable (autour d'une page par minute pour un texte en anglais pas trop compliqué), mais je trouve très peu de temps pour lire, donc une page par minute se traduit parfois par cent pages par semaine…

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(lundi)

Le dilemme

Je viens de prendre une décision extrêmement difficile : une de ces alternatives où, quel que soit le choix finalement effectué, on se dit je vais le regretter. Un de ces dilemmes dans lesquels on ne peut pas vraiment trouver de conseil auprès des amis, car personne ne connaît tous les éléments. Je déteste cela, et je déteste les circonstances qui me mettent dans cette situation.

J'ai finalement choisi ce qui me semblait le plus honnête (et qui prend la forme d'un mail que je viens d'envoyer), mais il m'a fallu plus de trois heures à me tordre les mains pour prendre cette décision (et encore une bonne heure à rédiger le mail, qui ne fait pourtant que quelques lignes).

(Oui, je sais que je suis désespérément vague, et, non, je ne veux pas en dire plus sur ce dont il s'agit. Peut-être plus tard.)

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(lundi)

La Candidature

Je viens de voir le moyen métrage du fils Bourdieu, La Candidature[#], qui raconte les dessous d'une candidature à un poste de maître de conférences. Et… argh ! Si c'est vraiment comme ça que ça se passe, je crois que je peux aller me pendre.

[#] Tourné à la fac d'Orsay, d'ailleurs, comme je le reconnais très bien.

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(Monday)

Gratuitous Literary Fragment #84 (the summons)

I stared at the message, then at him who had brought it, uncomprehending. Then the idea dawned upon me: the summons.

It would be inaccurate to say I had ceased to believe this moment would come to pass: rather, I had forgotten the very possibility; much as a man caught in a nightmare is oblivious of reality—and the shock I felt cannot be better described than as awakening, from the darkest dream, if not to real life at least to the memory of real life. An awakening as providential as the arm catching the hero in Poe's The Pit and the Pendulum precisely when he is about to fall to his death.

I was overwhelmed, with joy no doubt, but also, for the first time in years, with fear: for hope was restored in my heart, and fear so often goes with it. But it was a good kind of fear: the sort that makes you feel alive.

—So, are you with us?

—To the death!

There have been occasions when I have used those words without meaning. Now was not one of them.

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #83 (¡ Oh noche que guiaste !)

La silhouette noire de Stéphane se découpe à peine sur le ciel, au bord des remparts, comme un grand oiseau prêt à s'envoler. Leïla s'approche de lui en silence ; elle reste un pas en retrait, comme n'osant pas aller plus loin. Il ne se retourne pas pour parler.

— Je ne vous avais pas entendue venir.

— Apparemment si. Je vous dérange ?

— Je ne trouvais pas le sommeil. J'aime venir ici pour être seul.

— Je vous laisse, alors… ?

— Non. Restez. Ce n'est pas ce que je voulais dire. J'aime votre forme blanche dans la nuit. J'ai besoin de blancheur en ce moment.

Leïla sourit de cette remarque. Dénouant son châle, elle s'avance pour l'accrocher aux épaules musclées comme un taurillon de Stéphane, cachant la lourde cape noir d'encre. Un instant sa main s'attarde en rencontrant les cheveux blonds, puis s'enfuit.

— J'attendais le lever du soleil, continue-t-il. Qui sait si nous en verrons un autre ?

— Vous pensez que nous nous sommes trompés ?

— Sentez-vous l'odeur des amandiers en fleur ?

— Je crois, oui. C'est la rosée qui la fait ressortir.

— J'aime cette odeur. Si nous nous sommes trompés ? Non, ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Hentō a un fils, le saviez-vous ?

— Oui. Je l'ai vu.

— C'est moi qui en suis le père.

Pour la première fois, Stéphane regarde Leïla en face. Yeux bleux et yeux noirs restent longtemps braqués les uns dans les autres. Enfin, elle se résout à le prendre dans ses bras : à sa surprise, Stéphane se laisse faire.

Le jour se lève.

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(samedi)

XY — de l'identité masculine

Je viens de finir de lire ce petit livre d'Élisabeth Badinter (XY — de l'identité masculine, qui n'a pas de rapport avec le magazine). Comme son nom l'indique, il s'agit d'un essai (tiré de séminaires donnés par l'auteur à l'École polytechnique dans les années '80) sur l'identité masculine, structuré en deux grandes parties : Construire un mâle et Être un homme.

Pendant des siècles, les hommes (viri) ont cherché à identifier leur identité à celle de l'humanité tout entière (homines) si bien qu'on a beaucoup plus de mal à cerner, maintenant, ce qu'est l'identité masculine que ce qu'est l'identité féminine. Et, lorsqu'on entend dire à un garçon sois un homme (un vrai) ! ce n'est pas le pendant d'une fille à qui on dirait — et cela semble plus rare — sois une femme (une vraie) ! ; le continent inconnu, de nos jours, nous explique É. Badinter, ce n'est plus la femme, c'est l'homme. Et c'est de cette interrogation qu'elle part pour tenter de comprendre comment un homme se construit, ce qu'il est, et ce qu'il doit être. Elle note judicieusement : Contrairement à la vieille histoire de la damnation d'Ève, Dieu s'est fait son complice. Non seulement il a ôté le pouvoir créateur à Adam pour le donner à sa compagne, mais du même coup, il a accordé aux femmes le privilège de naître d'un ventre du même sexe. Il leur a ainsi épargné tout un travail de différenciation et d'opposition qui marque de façon indélébile le destin masculin. Car encore maintenant ce sont souvent beaucoup plus les mères que les pères qui élèvent les enfants : on sait combien Élisabeth Badinter combat cette idée que les rôles des parents seraient figés et que l'instinct maternel aurait quelque chose d'unique. En attendant, pour parodier Simone de Beauvoir : On ne naît pas homme, on le devient.

J'ai déjà expliqué à de nombreuses reprises que j'avais souffert, en tant qu'homosexuel, dans ma construction de mon identité masculine (et gay) de cette idée — absurde[#] — fréquemment renvoyée par la société en général et parfois les homosexuels eux-mêmes[#2], que l'homme homosexuel est moins masculin que l'hétérosexuel. À ce sujet, justement, É. Badinter met pas mal de points sur les ‘i’, notamment dans la partie intitulée L'homosexuel est-il un homme mutilé ?, examinant tour à tour des clichés opposés pour les réfuter.

Bref, globalement, j'en conseille la lecture à tous les hommes, de 7 à 77 ans, quelle que soit leur perception personnelle de leur propre identité masculine. Il est vrai que j'ai généralement de l'admiration pour l'auteur. Le livre a malheureusement l'air épuisé les jours impairs, ou peut-être selon la phase de la lune, mais j'ai pu l'acheter sur Amazon.fr et je l'ai vu récemment chez Gibert (dans une autre édition, je ne sais pas si le contenu diffère).

[#] L'explication que je propose à l'apparence qu'on peut avoir est que le phénomène s'auto-entretient : si la rumeur populaire veut que les hommes homosexuels soient moins masculins que les hétérosexuels, ceux qui ne s'identifient pas à cette image vont avoir plus de mal à s'assumer, donc être moins visibles, ou tout simplement moins identifiables comme homosexuels, et du coup la rumeur semblera confirmée. Il ne faut pas chercher plus loin. Ceci expliquerait aussi pourquoi, dans des milieux traditionnellement considérés (et de façon assez douteuse, aussi) comme très masculins, par exemple l'armée : il n'y a pas d'homos, il n'y a que des hommes qui s'aiment… On ne sort pas du raisonnement circulaire.

[#2] Par exemple dans l'insistance que certains ont de parler d'eux au féminin (surtout au féminin pluriel pour un collectif). Si j'objecte, on me rétorque qu'il faut accepter sa part de féminité… bullshit : si j'appelle une femme Monsieur et qu'elle s'en offusque, il me faudrait un sacré culot pour lui dire qu'elle ne doit pas se vexer mais plutôt accepter sa part de masculinité.

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(vendredi)

CNRS → merci d'avoir joué

Ça n'a rien d'une surprise, mais les résultats (encore officieux) du CNRS sont tombés tout à l'heure, et je ne suis pas admissible (ni classé). Bon, quand on voit qui d'autre ils n'ont pas classé, on ne peut pas dire que ce soit déshonorant.

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(jeudi)

Décoration intérieure

J'ai chez moi une porte, celle qui mène de l'entrée au salon, qui ne sert pas (elle est toujours ouverte, et le petit coin de pièce qu'elle découpe me sert à stocker des choses). Je me demandais ce que je pourrais mettre pour la décorer, et j'avais pensé à un drapeau. Oui mais quel drapeau ? Canadien ? Européen ? Français ? Francilien ? Parisien ? Finalement, à la réflexion, il n'y a qu'un drapeau que je peux afficher fièrement :

[Drapeau de l'ONU]

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(mercredi)

Jean-Philippe

A priori je n'étais pas du tout parti pour voir ce film : je n'ai aucune affinité particulière pour Johnny Hallyday. Mais je voulais vraiment sortir au cinéma ce soir, et c'était encore ce qui me tentait le plus : après tout, j'aime bien les uchronies, je trouve intéressant le thème de la célébrité, j'apprécie souvent les films où joue Luchini (même s'il est aussi capable de me taper prodigieusement sur les nerfs), et les critiques n'étaient pas mauvaises — et un coup d'œil sur la bande annonce m'a finalement convaincu.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, donc, et quitte à spoiler un peu (mais toutes les critiques en font autant, et je ne pense pas que ça gâche vraiment le film) : il s'agit de l'histoire d'un fan (gravement atteint) de Johnny Hallyday qui se réveille dans un monde parallèle où son idole n'est jamais devenu célèbre.

Comme je l'ai dit, je ne connais pas du tout ce chanteur : en fait, l'image que j'ai de lui est principalement celle de sa caricature par les marionnettes des Guignols de l'info, donc en l'occurrence, celle d'un débile profond. Je ne sais pas ce qu'il en est en vrai, mais ce film montre au moins une chose, c'est qu'il n'est pas trop mauvais acteur ; je ne dis pas qu'il est transcendant, mais il joue assez correctement le rôle d'un type normal, ce qui, finalement, n'est pas forcément terriblement facile quand on est dans une position comme la sienne, où la normalité n'est plus trop possible : en fait, il s'en sort peut-être même mieux que Luchini, qui, comme d'habitude, surjoue (bon, on peut aimer ça, et, effectivement, il surjoue bien). Et finalement, le fait de n'avoir aucun avis sur Johnny m'aide, je pense, à apprécier le film : je peux assez bien m'identifier à un personnage du monde parallèle, et, donc prendre le point de vue opposé — ce type (le héros) débarque de je ne sais où, il est fan d'un bonhomme dont je ne sais rien, et il prétend démontrer que c'est un génie, voyons un peu ça.

Mais ce qui me plaît, finalement, c'est surtout qu'on voit rôder ce mème auquel je tiens beaucoup : l'idée que la célébrité, la réussite dans la vie, ces choses-là, sont avant tout une question de hasard (en général c'est une idée qui choque presque, tant les gens aiment croire à la justice de la vie, ou à l'idée qu'en étant bon on peut réussir — alors qu'en vérité il faut être pas-trop-mauvais et chanceux), quel que soit le domaine, d'ailleurs, mais surtout dans le show-biz. Du coup, on en vient à se demander : certes, le héros veut faire de son idole une star dans le monde parallèle où il est tombé, mais, finalement, si un tout petit changement dans le passé a pu faire cette différence, pourquoi ce monde-ci serait-il plus juste ou plus normal que ce monde-là ? Bon, le film esquive évidemment la question, et le dénouement est tellement cousu de fil blanc qu'on le devine dès le début.

Mais dans l'ensemble je dirais que c'est un divertissement plutôt agréable.

Tiens, ça me rappelle que j'avais imaginé le jeu-défi suivant : un groupe de gens se réunissent, conviennent chacun d'une célébrité pour « cible », et le but du jeu est de recevoir une lettre de la cible en question (qui ne soit pas toute faite), et le premier qui y parvient a gagné. Ce n'est pas du tout évident de savoir comment il vaut mieux s'y prendre — et ce n'est pas non plus évident quelles célébrités ce sera plus ou moins facile d'avoir pour cible.

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(mardi)

Mathématiques et compétition

Les résultats du concours du CNRS seront probablement connus d'ici un ou deux jours. Je n'ai que très peu d'espoir pour moi-même (ne serait-ce que parce que, comme m'a averti un jour mon directeur de thèse : votre thèse ne contient pas de cohomologie, et donc n'impressionnera jamais les Français), donc je ne suis pas trop stressé[#], mais cela m'offre l'occasion de réfléchir à ce système bizarre de recrutement des mathématiciens par concours.

Outre que le nombre de places est ridiculement faible eu égard au nombre de candidats (12 places pour autour de 260 candidats), je vois au moins deux problèmes graves à recruter par concours. Le premier, c'est que concours implique classement et qu'il est impossible de comparer deux candidats, étant donné qu'ils ne passent pas une épreuve mais présentent un dossier, et que le jury en est donc réduit à l'absurdité de savoir s'il vaut mieux avoir démontré le théorème foo ou le théorème bar[#2], sachant qu'en général l'un n'implique pas trivialement l'autre donc un classement ne correspond pas à un ordre logique, bref, de faire un tri plus entre les domaines de recherche qu'entre les candidats. Le second problème, encore plus grave, c'est que c'est fondamentalement contraire à l'esprit de la recherche, telle que je la conçois, que de placer les chercheurs dans une situation de compétition : le principe même de la science est d'être une collaboration entre les hommes contre, disons, globalement, l'adversité (les forces de la nature ou, dans le cas des mathématiques, la difficulté à mettre de l'ordre dans le paradis platonique). Et même si le métier du mathématicien est largement solitaire (ce en quoi il diffère radicalement de celui qui travaille dans les sciences expérimentales), il n'en demeure pas moins que nous travaillons pour une cause commune et que nous mettre en concurrence les uns avec les autres est exactement opposé à ce que nous voudrions faire.

J'ai néanmoins l'impression, pour ce que je vois d'autres branches de la science, que les mathématiques sont très gentlemanly, c'est-à-dire qu'on ne se tire pas dans les pattes (en refusant de communiquer des résultats, ou ce genre de choses), du moins beaucoup moins qu'ailleurs. C'est sans doute une des raisons qui m'ont poussé dans cette direction (après mon inclination naturelle, bien entendu) : je m'en réjouis donc. Mais même : personnellement j'ai découvert que je travaillais bien plus efficacement lorsque j'ai l'impression que ma réflexion est dénuée de tout enjeu — et surtout celui de ma carrière — lorsque je travaille, donc, gratis pro amore arithmeticæ[#3] ; je suppose que je suis loin d'être le seul dans ce cas, et, par conséquent, cela doit faire beaucoup de productivités qui sont réduites par le simple fait de placer les gens en situation de concurrence.

Je n'irais pas jusqu'à honnir celui qui travaillerait pour la gloire : je comprends que, pour certains, c'est un stimulant utile, voire nécessaire. Ce n'est pas mon cas, et je trouve que la satisfaction d'avoir démontré un théorème prime sur toute réputation qu'il peut vous valoir. (Ou, pour dire les choses autrement, si un génie pervers m'offrait le choix entre réussir par moi-même à démontrer l'hypothèse de Riemann mais devoir n'en tirer aucune gloire, ou bien en trouver une démonstration toute cuite par magie dans mon tiroir et pouvoir la publier à mon nom, je n'hésiterais pas une seconde à choisir le premier.) Je suis donc partagé quant au bon goût de nommer les théorèmes d'après les mathématiciens qui les ont trouvés — c'est une chose, d'ailleurs, que Bourbaki a toujours refusée. Et si un jour j'estime ma carrière suffisamment avancée, je pense que je ferai publiquement savoir que toutes mes publications seront désormais anonymes (ce qui ne veut pas dire que l'auteur soit totalement secret[#4], mais qu'il ne figure pas sur l'article et qu'on doive donc citer ce dernier par son simple titre) et j'inciterai d'autres à en faire de même : l'idéal étant même d'être complètement oublié sauf dans la mesure où cela aide à la recherche[#5] (par exemple, pour savoir qui est compétent pour répondre à telle ou telle question).

J'allais dire que la compétition devrait être laissée à l'esprit combatif des plus jeunes, mais même dans ce cas c'est douteux. Plutôt qu'organiser des olympiades de mathématiques, ne devrait-on pas concevoir des défis où des groupes de jeunes reçoivent des problèmes à résoudre collectivement, se les répartissent comme ils veulent, partagent leurs idées pour arriver à une solution, et sont collectivement récompensés s'ils parviennent au bout d'un nombre important de problèmes ? Car l'idée du concours, une fois qu'elle rentre dans les esprits, n'est pas si facilement délogée (ma maman, par exemple, n'a toujours pas compris que c'est une bêtise dangereuse que sa fierté maternelle d'avoir eu un petit garçon qui réussissait bien).

Hélas, mille fois hélas ! Si je dis que le concours est gravement délétère pour les mathématiques (et sans doute pour les autres sciences, même si je ne peux pas vraiment parler pour elles), je ne sais pas quoi proposer à la place. Je me suis dit un moment que ce serait peut-être un moindre mal d'avoir un examen avec un numerus clausus roulant sur plusieurs années, mais au mieux cela reviendrait au même et au pire cela conduirait à des spéculations malsaines sur qui pourrait venir les années suivantes. Je reste du moins persuadé que tant qu'à avoir des concours, il faut qu'ils soient placés relativement en amont dans la carrière (donc, si possible, avant la thèse), pour éviter que des jeunes se retrouvent devant la situation où, ah, vous avez passé dix ans de votre vie à travailler pour ça ? merci d'avoir joué, nous n'avons pas de place pour vous

[#] Ce qui m'inquiète plus, en fait, est de savoir combien de places de maîtres de conférences seront libérées par le fait que les candidats déjà admis au CNRS sont essentiellement rayés des listes.

[#2] Déjà, il est douteux que la qualité d'un mathématicien (c'est-à-dire sa capacité à faire avancer la recherche) se réduise à sa production de théorèmes (qui mesure sans doute, plutôt sa consommation de café) : c'est faire l'impasse sur sa capacité à reformuler des démonstrations qui existent déjà, à discuter avec d'autres mathématiciens pour les aider à éclaircir leurs propres idées ou leur proposer des pistes intéressantes, etc. Et bien sûr, à poser les bonnes questions : car la recherche, c'est au moins autant de poser les bonnes questions que d'y trouver la réponse.

[#3] Certains pourraient être tentés de me rétorquer que j'ai bien réussi des concours, dans ma jeunesse. En vérité, je n'ai jamais travaillé pour eux : j'ai travaillé avant, et j'ai passé ces concours pour voir ce qu'ils donnaient.

[#4] Je ne veux pas priver les historiens des mathématiques de leur travail, en le rendant impossible !

[#5] Ou à l'enseignement, d'ailleurs… un effet positif inattendu de sa relative déconsidération dans le système français est qu'il n'y a pas de compétition à ce niveau-là : enseigner, c'est vraiment se mettre dans le même camp que les autres enseignants et aussi que ceux à qui on enseigne.

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(dimanche)

Paris : la BNF et la tour Eiffel

Je voulais me promener aujourd'hui alors plutôt qu'aller, comme je fais presque toujours, du côté de l'Hôtel de Ville, j'ai pris vers l'est et je suis allé jeter un coup d'œil vers ces quartiers qui, bien que situés tout près de chez moi, me sont assez inconnus, et sont en cours d'aménagement par les urbanistes — c'est-à-dire ce qu'il y a autour de la Bibliothèque nationale de France (François Mitterrand), l'avenue de France (ça fait beaucoup de France, tout ça !), la rue Neuve Tolbiac et les jardins de Bercy (bon, ça je connais bien). J'ai pris quelques photos (ratées et par ailleurs rigoureusement dénuées d'intérêt). On est en ce moment en train de construire le 37e pont de Paris, qui s'appellera passerelle Simone de Beauvoir, une passerelle piétonne reliant la Bibliothèque aux jardins de Bercy : c'était ça que j'étais surtout allé voir (en fait, la lecture du magazine Paris Rive Gauche m'avait faussement laissé penser que la passerelle était déjà ouverte, alors qu'elle est bêtement en construction : elle ouvrira au public dans environ trois mois). Mais je n'avais jamais non plus vu la Bibliothèque de près : à vrai dire, elle me fait meilleure impression que de loin — il faut dire que je suis bon public pour tout ce qui est esplanades dégagées et vastes perspectives.

[La tour Eiffel, de jour][La tour Eiffel, de nuit][La tour Eiffel]Dans un tout autre genre d'images de Paris, j'ai récupéré des images prises par une webcam filmant la tour Eiffel en permanence et j'en ai fait un petit film montrant une journée de la dame de fer à la vitesse 2500[#] : même si ce n'est pas original je trouve ça assez saisissant à regarder. À l'opposé de cette vision « dynamique », j'ai aussi produit une vision « statique » : la moyenne de toutes les images renvoyées par la webcam, que je présente ci-contre, à droite (et à gauche, la moyenne de 7h à 19h pour le côté jour et la moyenne du reste pour le côté nuit). Le ciel prend un aspect assez lugubre (peut-être que ce serait plus intéressant un jour de beau temps, mais la vidéo, elle, serait moins jolie), mais je trouve la manière dont la tour s'en détache tout de même assez belle.

[#] J'ai récupéré une image toutes les 100 secondes et le film en fait 25 par seconde. Ceci étant, ce n'est pas tout à fait le cas : quelques images ont dû être effacées parce que le site Web source n'a pas envoyé un fichier correct à mon ordinateur, et au moment où j'écris la vidéo ne couvre que 23 heures, je complèterai probablement un peu plus tard.

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(samedi)

Doc+1

Il y a un an j'ai raconté des choses sur les hypersurfaces cubiques à l'Université de Paris XI (Orsay).

Un an après, où en suis-je ? J'ai surtout passé mon temps à essayer d'étendre et de diversifier ma culture mathématique : apprendre un peu plus de géométrie complexe (je ne savais essentiellement rien de la théorie de Hodge il y a un an), un peu plus d'arithmétique, etc. Et surtout, chercher ce que je pourrais chercher : parce que c'est la grande différence — angoissante — entre la situation de thésard bien encadré et celle de chercheur déjà docteur, que de devoir trouver soi-même les questions sur lesquelles on va travailler, et donc de devoir estimer si on a une chance d'arriver à les résoudre. Bon, je commence maintenant à y voir clair, mais c'est sûr que ma productivité n'aura pas été très conséquente pendant ce temps : c'est le problème d'avoir à la fois trop d'idées qui partent dans toutes les directions et du mal à faire le tri en fonction de l'intérêt comme piste de recherche.

Lundi je passe mon audition pour le CNRS

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(vendredi)

Séminaire, pas séminaire…

J'ai très mal dormi la nuit dernière (m'étant couché vers 2h je n'ai réussi à m'endormir que vers 5h30, pour me lever à 9h30), ce qui fait que je n'étais pas trop en forme en TD ce matin. J'ai quand même rassemblé ma motivation[#] pour assister au séminaire Variétés rationnelles, parce que les sujets me semblaient vraiment beaux et intéressants[#2]. Donc je m'élance de l'ENS à 14h, et lorsque mon RER arrive à Cité universitaire, on nous apprend que des manifestants sur les voies à Arcueil font que les trains n'iront pas plus loin que Laplace. Du coup, je n'ai plus eu qu'à faire demi-tour, et je suis revenu à mon point de départ après avoir perdu une heure (plus le prix d'un ticket de RER jusqu'à Orsay) ainsi que l'occasion d'assister à un exposé auquel je tenais vraiment. Quelle plaie.

Les deux exposés tournaient autour du problème de Galois inverse (ou, donné un groupe fini, comment construire une extension galoisienne des rationnels ayant ce groupe de Galois — ou au moins prouver qu'il en existe), un sujet qui me fascine assez en ce moment (surtout que mes TD concernent justement la th'eorie de Galois), et qui fait converger des approches très différentes, dont les intrigants dessins d'enfants[#3] mais aussi des techniques apparentées aux variétés rationnelles comme l'approximation faible.

[#] Assister à un exposé mathématique quand on a du sommeil en retard est assez pénible, il faut bien le dire : même quand on est sincèrement intéressé par ce que raconte l'orateur, il est difficile de se retenir de somnoler, et à plus forte raison de prêter une attention convenable !

[#2] Évidemment, c'est un séminaire qui correspond bien à mes centres d'intérêts mathématiques en général, mais il faut avouer que parfois — c'est-à-dire essentiellement quand il y a le mot motif dans le titre ou dans le résumé — je me demande vraiment ce que je fais là.

[#3] Un dessin d'enfant au sens de Grothendieck est (la structure combinatoire plongée de) l'image réciproque du segment [0;1] par un revêtement de la sphère de Riemann ramifié en au plus 0, 1 et ∞. D'après la réciproque du théorème de Belyj, un tel revêtement peut toujours être défini par un polynôme à coefficients algébriques : le groupe de Galois absolu opère sur les dessins d'enfants en opérant sur les coefficients, et les orbites pour cette action sont quelque chose d'encore très mal compris.

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(lundi)

Blogospam, Indian coprocessor

Tiens, c'est amusant, je commence à recevoir du spam sur le système de commentaires de mon blog. (Bien entendu, comme tout est modéré, je les rejette donc vous ne les verrez pas.) Je pensais qu'utiliser une solution maison (pas un truc standard genre Dotclear) m'épargnerait ces tracas, mais apparemment non. Je ne sais pas si c'est un Indian coprocessor[#] ou des heuristiques très simples qui déterminent ce qu'il faut entrer dans chaque case du formulaire, mais apparemment ils s'en sortent à peu près.

Si cela revient trop souvent, il va falloir que je réfléchisse aux possibilités entre obfusquer un peu les champs du formulaire, y ajouter un test de Turing, bannir des IP, bannir certains types de messages ou certains champs HTTP, ou une combinaison de tout ça.

Bon, il faut que j'admette qu'une des raisons d'être de cette entrée est quand même de répandre et de populariser le mème qui suit (faut bien que je pousse un peu si je veux être reconnu un jour comme l'inventeur de cette expression !) :

[#] Les mots Indian coprocessor méritent peut-être une explication… Il s'agit d'un terme humoristique que j'avais inventé pour un concept qui pourrait malheureusement devenir vrai (et dans une certaine mesure c'est déjà le cas) : de la main d'œuvre sous-payée dans des pays pauvres employée à faire des tâches répétitives et stupides, en lien avec l'informatique, que devrait pouvoir faire un ordinateur, mais qui nécessitent quand même un minimum d'intelligence humaine (de sorte qu'on ne peut pas la confier à des robots/ordinateurs). Et comme souvent il faut parler anglais, l'Inde est un endroit naturel où chercher cette main d'œuvre. Je disais en riant jaune que sans doute prochainement les ordinateurs personnels viendraient avec un Indian coprocessor, c'est-à-dire un accès forfaitaire à un certain temps de « calcul » auprès d'un grand centre à Bombay ou à Calcutta — le terme étant choisi pour éviter de rappeler que les bons consommateurs occidentaux aient des sentiments de culpabilité. Et s'agissant du spam, cette fiction est déjà réalité, puisque des gens sont déjà payés à cliquer sur des bannières de publicité ou à créer des comptes Yahoo! à la chaîne (c'est-à-dire, essentiellement, à lire les lettres ou chiffres déformés que Yahoo! utilise en guise de test de Turing).

Ajout (longtemps après) : le terme de coprocesseur indien n'a pas vraiment pris, mais le concept a pris : Amazon a lancé essentiellement ce que je proposais sous le nom de Mechanical Turk. Comme quoi, Amazon n'a pas la même vision que moi des nationalités sous-payées. 😉 (Oui, je sais à quoi le Turc mécanique fait référence.)

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #82 (la pluie)

(Lun. 3/8/92) L'orage menace : bientôt il fera si sombre que la blancheur du Vittoriano ne se verra presque plus. Je suis arrivé juste à temps… Voilà, les premières gouttes, les grondements du tonnerre : tout ça est si bien réglé, si rassurant… J'aime ces sons, j'aime la voix du ruissellement de l'eau tiède quand on est à l'abri. J'écris aujourd'hui depuis la terrasse couverte de ce café si spécial que j'ai déniché mercredi dernier. Cette fois, c'est Frank Sinatra qui fait la musique d'ambiance. Mezza voce : atmosphère cozy. Je suis le seul client. Le patron (enfin, je pense que c'est le patron, un quadragénaire bedonnant, caricature du Romain gentiment bourru) est mi-assoupi devant un téléviseur vieillot qui projette les images, sans le son, de la Rai Uno (on voit Borsellino et Falcone…). Ah, un autre vient de trouver refuge ici — c'est vrai qu'il pleut maintenant très fort. Je le décris un peu : cheveux blonds, très bouclés et assez longs, yeux bruns (je crois, j'ai peut-être mal vu), dans les vingt, vingt-deux ans. Beau, très beau, même : comme un rêve de Michel-Ange j'ai envie d'écrire ; il aurait pu servir de modèle pour le David. Il a un accent quand il commande un espresso. Anglais, peut-être ? Je vais me lever et tenter d'engager la conversation.

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(samedi)

Actes du congrès

Je mets en ligne les actes de notre congrès de cet après-midi : affiche d'annonce, quelques transparents, et surtout vidéos (via BitTorrent, téléchargez ici) ; la qualité de ces dernières est assez pourrie (capturée par ma webcam), notamment au niveau du son, mais on arrive quand même à comprendre quelque chose. Ce fut un petit pas pour la science, mais un pas de géant pour un poisson-singe manchot. Ou un truc de ce genre.

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