La silhouette noire de Stéphane se découpe à peine sur le ciel, au bord des remparts, comme un grand oiseau prêt à s'envoler. Leïla s'approche de lui en silence ; elle reste un pas en retrait, comme n'osant pas aller plus loin. Il ne se retourne pas pour parler.
— Je ne vous avais pas entendue venir.
— Apparemment si. Je vous dérange ?
— Je ne trouvais pas le sommeil. J'aime venir ici pour être seul.
— Je vous laisse, alors… ?
— Non. Restez. Ce n'est pas ce que je voulais dire. J'aime votre forme blanche dans la nuit. J'ai besoin de blancheur en ce moment.
Leïla sourit de cette remarque. Dénouant son châle, elle s'avance pour l'accrocher aux épaules musclées comme un taurillon de Stéphane, cachant la lourde cape noir d'encre. Un instant sa main s'attarde en rencontrant les cheveux blonds, puis s'enfuit.
— J'attendais le lever du soleil, continue-t-il. Qui sait si nous en verrons un autre ?
— Vous pensez que nous nous sommes trompés ?
— Sentez-vous l'odeur des amandiers en fleur ?
— Je crois, oui. C'est la rosée qui la fait ressortir.
— J'aime cette odeur. Si nous nous sommes trompés ? Non, ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Hentō a un fils, le saviez-vous ?
— Oui. Je l'ai vu.
— C'est moi qui en suis le père.
Pour la première fois, Stéphane regarde Leïla en face. Yeux bleux et yeux noirs restent longtemps braqués les uns dans les autres. Enfin, elle se résout à le prendre dans ses bras : à sa surprise, Stéphane se laisse faire.
Le jour se lève.