Méta : Je ne suis pas du tout content du billet qui suit, qui part vraiment dans tous les sens et auquel je n'ai pas réussi à trouver un fil conducteur, une cohérence d'ensemble. Je le publie quand même parce que j'y raconte, fût-ce de façon désorganisée, des choses qui me semblent importantes sur moi-même et sur ma vie, rassemblées parce que je sentais confusément qu'il y avait lieu de les rassembler.
J'ai déjà raconté que j'aimais relire le journal que je tiens, notamment à des intervalles d'un an, deux ou trois, pour me donner une appréciation du temps qui passe, mais aussi comme source d'inspiration pour savoir quoi faire de mes journées : si quelque chose m'a plu il y a un an, ce n'est pas forcément une mauvaise idée de recommencer — la période de l'année s'y prêtera sans doute de nouveau, et un an est assez long pour que la répétition ne transforme pas en source d'ennui. Néanmoins, cette relecture est aussi souvent l'occasion de me rendre compte que mes goûts ou intérêts ont changé, que je ne suis pas tout à fait la même personne que l'an dernier, et que même si sur l'intervalle d'une année cette différence est subtile, presque imperceptible, quand je relis des entrées trop vieilles de mon journal, j'en éprouve une sensation de décalage presque gênant : qu'est-ce qui me faisait plaisir ? à quoi est-ce que j'aimais passer mon temps ?
Mes centres d'intérêt ont toujours eu une forte tendance à l'instabilité : qu'il s'agisse d'un sujet intellectuel (par exemple un problème de maths) ou d'une nouvelle façon de passer le temps, je suis capable d'en être pris brutalement de la passion la plus intense, et d'en avoir marre tout aussi soudainement. Cela se manifeste jusque dans certains goûts alimentaires : je me mets à aimer énormément, disons, tel type de biscuits au chocolat ou de feuilletés au fromage, je dois en acheter plein à chaque fois que je fais les courses parce qu'ils disparaissent à toute vitesse, et puis voilà que, souvent du jour au lendemain, j'arrête d'en manger — pas que je n'aime plus, mais cela ne provoque plus la même libération de dopamine. Il en va de même de la musique que j'écoute : j'ai facilement tendance à tomber dans des cycles où j'écoute le même morceau en boucle, encore et encore, jusqu'à m'en donner la nausée : cela dure typiquement quelques jours, puis j'arrête assez soudainement. C'est aussi la raison pour laquelle tant de mes projets demeurent inachevés : je suis pris de passion pour quelque chose, je m'y mets avec acharnement, et, dès qu'il s'agit d'une entreprise qui demande un peu de persévérance, il est probable que mon intérêt retombe, comme un soufflé, avant que l'entreprise soit menée à son terme.
Heureusement, tous mes intérêts ne suivent pas cette trajectoire météorique — ce serait épuisant. J'ai aussi des goûts plus stables dans le temps, même si ce ne sont pas forcément les plus intenses, ce sont peut-être les plus importants pour me définir. Je ne généralement pas capable de prédire moi-même si un goût nouveau me restera, ou sera la passion d'une semaine ou d'un été, ou quelque chose entre les deux. Il y a une certaine tendance à ce que les intérêts les plus intenses, et surtout qui apparaissent le plus rapidement, soient ceux qui disparaissent le plus rapidement, mais ce n'est pas toujours vrai non plus. Si je compare ces goûts qui font une apparition fulgurante puis disparaissent presque complètement à des météores, d'autres reviennent périodiquement, comme des comètes de plus ou moins longue période, d'autres encore fluctuent juste gentiment comme une planète familière. Bon, mes comparaisons sont assez pourries, désolé. Peut-être que j'aurais plutôt dû évoquer des volcans dont l'éruption est parfois très violente et imprévisible ? Ce qui est sûr, c'est qu'aucun de mes intérêts passés n'est totalement éteint : il y a beaucoup de passions que j'ai crues mortes et qui sont revenues de façon inattendue. (Je pourrais par exemple mentionner ma passion pour les trous noirs, qui a été éveillée par la lecture du livre de Jean-Pierre Luminet en 1989, et qui m'a fait des poussées de fièvre occasionnelles, au moins jusqu'à ce qu'en 2011 je réalise enfin ce rêve d'enfant de calculer des vidéos d'animation de chute dans le trou de ver d'un trou noir de Kerr.)
Cette capacité d'un de mes intérêts à renaître de ses cendres (ou à ne jamais s'éteindre) dépend sans doute beaucoup de son potentiel de nouveauté. Je pense que mon intérêt pour les maths ne risque pas de disparaître, parce qu'il y y a toujours de nouvelles choses à apprendre ou à découvrir ; pour un morceau de musique ou un type de biscuits, en revanche, c'est plus vraisemblable (mais même là, si j'en oublie le son ou le goût, ils regagneront une forme de nouveauté qui peut permettre le retour d'intérêt).
A contrario, quand je sens qu'un intérêt me quitte, cela s'accompagne souvent d'une forme de mélancolie, une forme de chagrin d'amour, sans que je sache bien si elle est la conséquence de cette perte d'intérêt, ou sa cause, ou une conséquence d'une cause commune. Je prends une fois de plus de ces biscuits que jusqu'à récemment j'aimais tellement, et ce sont les mêmes biscuits mais ce n'est plus le même plaisir : je me baigne dans la rivière où j'aimais tellement me baigner et je me rends compte que ce n'est pas la même rivière. (Je mentionnais la dopamine un peu plus haut : c'est sans doute de la neurologie à 1 attozorkmid, mais peut-être que c'est un peu l'idée, je cherche à renouveler ce qui hier encore me permettait d'en tirer, et je me retrouve en manque.)
Pourquoi je raconte tout ça, déjà ? Ah oui : je vais parler un petit peu d'un de mes loisirs particuliers, qui est celui de me balader : comment celui-ci a évolué dans le temps, et comment elle est encore en train d'évoluer.
J'ai déjà raconté que, l'été 2020, entre la fin du premier confinement français et le retour des restrictions, j'ai passé plein de temps à parcourir l'Île-de-France. Mais comment ces loisirs se comparent-ils avec ceux que j'avais avant et à l'été qui a suivi (2021) ?
J'ai toujours aimé me balader, mais le sens du mot balade
a
fluctué.