Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le
reste de ce site web, parle de tout et
de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait),
des maths à
la moto et ma vie quotidienne, en passant
par les langues,
la politique,
la philo de comptoir, la géographie, et
beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas,
ainsi que d'occasionnels rappels du fait que
je préfère les garçons, et des
petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le
nom collectif de fragments littéraires
gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines
entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes
traduites dans les deux langues) ; il est
maintenant presque exclusivement en
français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à
l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par
ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut).
Cette page-ci rassemble les entrées publiées en
janvier 2012 : il y a aussi un tableau par
mois à la fin de cette page, et
un index de toutes les entrées.
Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs
« catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce
système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque
entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le
texte de l'entrée elle-même.
You are on David Madore's blog which, like the rest of this web
site, is about everything and
anything (mostly anything, really),
from math
to motorcycling and my daily life, but
also languages, politics,
amateur(ish) philosophy, geography, lots of
ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders
of the fact that I prefer men, and
some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the
collective name of gratuitous literary
fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning
(some entries were in English, others in French, and a few translated
in both languages); it is now almost
exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog
entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed
in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top).
This page lists the entries published in
January 2012: there is also a table of months
at the end of this page, and
an index of all entries. Some
entries are classified into one or more “categories” (indicated at the
end of the entry itself), but this organization isn't very coherent.
The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced
before and after the text of the entry itself.
Une question de droit théorique
qui n'est peut-être pas si théorique que ça : est-il légal de
fabriquer des faux documents si tout le contenu de ces documents est
vrai ?
Cette question se décline en quantité de variantes. Une variante
pour laquelle la réponse est très certainement non (i.e., ce
n'est pas légal) consisterait à fabriquer une pièce d'identité
contrefaite, par exemple, mais à laquelle le porteur aurait droit et
sur laquelle tous les renseignements soient rigoureusement exacts :
quelqu'un qui est Français se fait faire une fausse carte d'identité
française où rien n'est mensonger. C'est très certainement illégal,
mais ce serait intéressant de savoir comment la justice prendrait la
chose, et ça pourrait être une forme de protestation civique
intéressante dans une situation de blocage juridique (par exemple si
quelqu'un a effectivement la nationalité française mais
l'Administration refuse de la lui reconnaître et la Justice traîne).
En revanche, une variante qui est légale, au moins dans
certaines juridictions (je soupçonne que la France n'en fait pas
partie) consiste à fabriquer des documents d'identité ostensiblement
au nom d'un pays qui n'existe pas, genre
les British West Indies (qui existent comme terme
géographique mais pas comme État) : on parle
de camouflage
passport en anglais, et l'utilité de ces choses peut être, par
exemple, de fournir un truc à quelqu'un qui vous demande une
pièce d'identité sans aucune raison valable. Évidemment, la frontière
entre faire un document complètement fantaisie (la chaîne de
supermarchés Foobarmarchés peut très bien proposer une carte de
fidélité avec la photo du client et l'appeler passeport, je
doute que ce soit illégal) et un document qui fait tout pour
ressembler à un « vrai » passeport risque d'être ténue, de même
d'ailleurs qu'il est sans doute légal d'imprimer des billets en
zorkmids avec une photo de Belwit the Flat, mais c'est sans doute
moins clair si les billets ont l'air trop vrais.
Mais à part les papiers d'identité, un autre cas que je me pose est
celui des justificatifs de domicile, ces papiers à la con dont
les administrations françaises (et même certains services privés)
raffolent et dont la seule fonction semble être d'emmerder leurs
administrés (parce que, vraiment, à part l'inscription sur les listes
électorales, je ne vois guère d'usage légitime de ces merdes). Si je
peux me pointer avec comme justificatif de domicile un relevé de mon
fournisseur d'accès Internet dont personne n'a jamais entendu parler,
ou un relevé de charges de mon immeuble établi par un syndic bénévole,
ces documents n'ayant de toute façon rien de vérifiable, est-ce que je
ne peux pas imprimer moi-même une facture de la part de Foobar
Télécom adressée à ma vraie adresse ?
Il existe certaines sciences (au sens large de disciplines
académiques, i.e., sciences humaines incluses) qui peuvent s'étudier
elles-mêmes. La plus évidente est
l'histoire[#] : il existe une
histoire de l'histoire, c'est plus ou moins ce qu'on appelle
l'historiographie. On peut aussi imaginer faire des sciences sociales
des sciences sociales (je crois que c'est assez courant), de la
géographie de la géographie (étudier comment sont réparties les
facultés de géographie, qui fait de la géographie dans quels pays,
etc.), de l'économie de l'économie (étudier comment sont payés les
économistes et les études économiques et si ils et elles sont
efficaces).
Certaines branches de la logique (la théorie de la démonstration,
où les démonstrations deviennent des objets d'études mathématiques)
méritent de s'appeler mathématiques des mathématiques. On peut aussi
facilement faire de la médecine de la médecine, ou en tout cas de la
médecine-du-travail de la médecine-du-travail (les médecins du travail
souffrent-ils de maux particuliers ?). Ou bien des statistiques sur
les statistiques. Éventuellement le droit du droit peut se concevoir,
encore qu'on ne sait pas trop s'il s'agira du droit de la profession
d'avocat ou des études de droit ou quoi exactement (les gens rigoureux
protesteront que, de toute façon, dans tous mes exemples, le
mot de est pris dans des sens subtilement différents).
Mais j'ai beaucoup plus de mal à imaginer ce que seraient la
physique de la physique ou la biologie de la biologie. (À la limite,
la physique de la physique pourrait être l'étude de la façon dont on
fait des expériences ou mesures physiques, quels principes physiques
sont utilisés, mais c'est un peu tordu ; et la biologie de la biologie
je ne vois vraiment pas.) Je ne vois pas non plus ce que serait la
linguistique de la linguistique (à part l'étymologie du
mot étymologie). Ni même l'informatique de l'informatique (là
c'est différent, ça a l'air d'être une simple évidence, ce qui est
bizarre parce qu'il n'y a pas plus de raison à ça que pour une autre
science[#2]).
Voilà qui est étrange : certaines sciences sont un objet d'étude
possible pour elles-mêmes et d'autres ne le sont pas. Ces dernières
méritent sans doute qu'on s'attarde sur la raison pour laquelle elles
ne sont pas, ainsi, réflexives.
[#] Par cohérence avec
les autres disciplines scientifiques que je vais citer, je ne mets pas
de majuscule à histoire ici (je ne sais pas d'où vient,
d'ailleurs, cette idée à la con que histoire devrait s'écrire
avec une majuscule quand il s'agit de la discipline alors que je ne
pense pas qu'on insiste pour écrire physique, biologie, informatique,
etc., avec des majuscules).
[#2] Sans doute y
a-t-il un rapport avec ce fameux aphorisme de
Dijkstra : Computer science is no more about
computers than astronomy is about telescopes.
Dans l'entrée précédente je me
plaignais que les navigateurs Web n'étaient pas capables
d'afficher, dans canvas sur une machine moderne, 6720 lignes en
40ms. En fait, c'est Plus Compliqué Que Ça® : Firefox est très
lent, mais Chrome s'en sort parfaitement (et Opera, l'autre navigateur
que je suis susceptible de tester, tombe quelque part entre les
deux).
Vous pouvez essayer
sur cette page
(également temporaire), qui est, en gros, la version sans
WebGL de la même chose qu'hier : c'est beaucoup plus beau
parce cette fois je peux tracer des lignes de 0.25 pixels de large (et
tracer les points, aussi), mais sous Firefox, au moins dans certaines
combinaisons version/OS, c'est abominablement lent. Sous
Chrome (là aussi, au moins dans certaines combinaisons
version/OS) c'est exactement ce que je veux obtenir, une
animation fluide et élégante.
La raison de cette différence de vitesse (d'un facteur au moins
20 !) me semble assez obscure. Ma première explication était que
Chrome utilise la bibliothèque
graphique Skia
(écrite par Google) alors que Firefox
utilise Cairo, et sous Linux
cette dernière bibliothèque utilise
l'extension XRender
du serveur X, qui est apparemment
lente[#] en la matière. Ça
explique pourquoi, sous Linux, le processus qui prend beaucoup
de CPU quand on affiche la page en question,
c'est Xorg et pas Firefox. Mais en fait, je ne sais pas
si cette explication est la bonne : parce qu'on me souffle que Firefox
est tout aussi lent sur cette page sous Windows que sous Linux (alors
que sous Windows je crois qu'il utilise la même bibliothèque
graphique, Skia, que Chrome, et de toute façon il n'y a pas
de XRender pour expliquer la lenteur), et
d'ailleurs IE9 est également bien lent. A contrario,
Firefox 12 (celui qui est actuellement
en nightly) a créé un nouveau mécanisme de rendu
graphique
appelé Azure,
et
qui est
censé depuis avant-hier utiliser la fameuse bibliothèque Skia même
sous Linux : j'espérais donc qu'en utilisant un Firefox 12 tout frais
compilé des sources d'aujourd'hui obtenir une performance comparable à
celle de Chrome : déception, il se comporte exactement comme mon
Firefox 10 (c'est-à-dire autour de 2 images par seconde au lieu des 25
recherchées). Mon about:support sous ce Firefox 12
prétend bien utiliser Skia, mais X continue à prendre
tout le CPU, donc je soupçonne qu'il passe quand même
par XRender… je suis perplexe.
Ajout () :
Merci à Benoît Jacob pour
ses explications (cf. les commentaires). Le truc
est donc
bien que Firefox passe par Cairo qui passe
par XRender qui est lent, alors que Chrome passe par Skia
qui est beaucoup plus rapide. Skia est utilisé par Firefox pour
Mac OS, et devrait aussi être utilisé sous Linux (dans le
cadre de la couche Azure) à partir de Firefox 12 ou 13 (note : la
version qui sort demain est la 10), mais pour l'instant
ce n'est
pas le cas même dans les nightlies. Rendez-vous dans six mois,
donc.
Ça devient de plus en plus impossible de savoir quels chemins
logiciels emprunte un appel à une fonction graphique : il y a
tellement de couches superposées qu'on n'y comprend vraiment plus
rien. Surtout que ces couches peuvent s'empiler de toutes sortes de
manières : Cairo a ou va avoir un backend Skia, XRender a
ou va avoir une implémentation OpenGL, voire plusieurs
différentes, sans compter que Cairo pourrait lui aussi avoir un
backend OpenGL, etc.
Et je m'énerve aussi du bordel des navigateurs à l'heure actuelle :
à chaque fois que je veux utiliser une feature garantie par les
standard du Web (enfin, « standards », ce qui en tient lieu), et je
n'ai pas l'impression d'aller chercher des choses incroyablement
tordues, j'ai à peu près une chance sur deux que ça marche sur
Firefox, une chance sur trois que ça marche sur Chrome, une chance sur
quatre que ça marche sur Opera, et ça fait dans les une chance sur
vingt-quatre que ça marche sur les navigateurs que je suis susceptible
de tester (les autres, vu qu'ils ne s'intéressent pas à
mon OS, je ne m'intéresse pas trop à eux en retour…).
Chrome a tendance à être plus rapide (l'exemple dont je parle ici est
quand même un cas tellement extrême qu'on peut vraiment appeler ça un
bug de Firefox), mais en contrepartie, il gère le SVG
comme un pied (dès qu'on veut faire du clipping ou du masking, il n'y
a plus personne), il n'a toujours pas de support MathML,
bref, il sert plus de terrain de jeu à Google (parce qu'à côté de ça
on a du SPDY, du nativeclient ou du Dart, les trucs
qui ne servent vraiment à rien) mais pour implémenter complètement
le HTML5 on repassera. Et comme Firefox est une usine à
gaz, je ne sais pas ce qui vaut
mieux[#2].
[#] Enfin, en disant ça
je n'explique rien : il n'y a pas de raison évidente pour
laquelle XRender serait plus lente que Skia pour tracer
des lignes antialiasées (l'idée d'avoir une extension dédiée dans le
serveur X est, je suppose, au cas où il y aurait du
matériel graphique qui accélère les opérations en question — je n'ai
aucune idée de s'il y en a — mais ça n'explique pas pourquoi quand il
n'y a pas de telle accélération ce ne serait pas tout aussi rapide que
de tout faire dans la bibliothèque). Pour perdre un facteur 20, il
faut quand même une vraie raison !
[#2] Du moins, comme
développeur Web je ne sais pas ce qui vaut mieux. Comme utilisateur,
je préfère clairement Firefox, pour la raison qu'il m'offre plein
d'options de configuration alors que Chrome décide systématiquement
qu'il sait mieux que moi ce qui est bon pour moi. Par exemple,
Firefox et Chrome ont tous les deux choisi de ne plus afficher
le http:// en tête des URL qui commencent
ainsi ; mais Firefox a une variable de
configuration, browser.urlbar.trimURLs (que je me suis
empressé de désactiver) qui contrôle ce comportement, alors que dans
Chrome ils ont décidé que c'était comme ça et si on n'est pas content
c'est le même prix.
Comme je me plaignais avant-hier
que les navigateurs Web n'étaient pas capables d'afficher, dans canvas
sur une machine moderne, 6720 lignes en 40ms (expérimentalement, mon
Firefox met plutôt 500ms pour les tracer), quelqu'un m'a suggéré : tu
devrais essayer de faire du WebGL (l'interface JavaScript
d'OpenGL). Après tout, c'est une idée raisonnable, pour
tirer parti des monstres que tous les ordinateurs modernes incluent en
matière de carte graphique, et qui s'ils arrivent à afficher les
images de Call of The Warrior's Duty Warfare
Badass VII The Return Unleashed avec un zillion de polygones
plus textures, devraient ne faire qu'une bouchée de mes 240 points
fussent-ils en 8 dimensions. Enfin, ça c'est la théorie.
D'abord, WebGL c'est une horreur pour ce qui est
des incantations propitiatoires
qu'il faut prononcer avant de pouvoir tracer la moindre ligne : une
première incantation récupérer l'élément canvas, une deuxième
incantation pour obtenir le contexte WebGL, une troisième
pour créer un shader de vertex, une quatrième pour le compiler, une
cinquième pour créer un shader de fragment, une sixième pour le
compiler, une septière pour créer un programme, une huitième pour
attacher le shader de vertex qu'on vient de compiler au programme, une
neuvième pour faire pareil pour le shader de fragment, une dixième
pour linker le programme, une onzième pour demander à l'utiliser, une
douzième pour obtenir l'adresse de telle variable qu'on a utilisée
dans le shader afin de pouvoir y binder des données… et je n'en suis
qu'au tout début, on dirait que ça a été créé par quelqu'un qui était
payé à la ligne de code que les gens écriraient sans son système.
Heureusement, j'ai
trouvé un
tutorial pas trop mauvais
et un
programme d'exemple d'où partir.
Une bonne nouvelle, en revanche, c'est que quelque chose est prévu
pour faire justement ce que je veux, à savoir préciser les coordonnées
d'un certain nombre de points (au hasard, 240) et les réutiliser dans
un grand nombre de lignes (au hasard 6720). Ça au moins c'est
bien.
Mais alors l'autre truc avec WebGL, c'est qu'il est
impossible de savoir exactement où on en est : chaque navigateur a son
implémentation qui change tout le temps, mais ça dépend aussi du
système d'exploitation sous-jacent, de l'environnement graphique, du
pilote de la carte graphique, de la carte graphique elle-même, et d'un
trillion de variables de configuration de chacune de ces choses dont
on ne sait jamais au juste ce qu'elles font. Et toutes les
explications en ligne sont à prendre avec des pincettes parce que
justement les navigateurs changent tout le temps (par exemple, il y a
un certain temps, si je voulais utiliser WebGL, je devais
utiliser la variable
d'environnement MOZ_GLX_IGNORE_BLACKLIST pour demander à
Firefox de s'il te plaît, ignore le fait que ma carte graphique a
des pilotes un peu pourris, et essaie quand même ; maintenant il
paraît que ce n'est plus nécessaire). Et impossible de savoir si ça
marche vraiment : parce que si tel ou tel truc n'est pas supporté, on
pourrait très bien retombé sur une implémentation en logiciel, qui
fait qu'on ne sait pas très bien ce qu'on teste. On peut vaguement se
dire que si ça va très lentement on est tombé dans l'implémentation
logicielle et que si ça plante la machine on est tombé dans
l'implémentation matérielle qui ne marche pas, mais ces deux critères
sont incertains et de toute façon ce qu'on veut c'est que ça
marche.
Pour arranger le tout, la spécification WebGL est
inexistante puisqu'elle se base sur la spécification
OpenGL ES 2.0, qui doit elle-même se baser
sur la sécification OpenGL 2.0, qui à son tour s'appuie
sur OpenGL 1.0, ou quelque chose comme ça, je n'y
comprends pas grand-chose, et je n'ai pas vraiment envie de lire 5000
pages de doc pour savoir quoi faire (surtout si chaque niveau se
définit par une pile de différences et de références par rapport au
niveau précédent). Et je ne comprends pas vraiment la manière dont
s'agencent les petits bouts, OpenGL,
OpenGL ES, GLX, EGL, WGL,
etc.
Bref, j'ai quand même pondu une page : elle
est ici (comme l'adresse
en .tmp le signale, cette page est susceptible de
disparaître sans préavis : si elle vous plaît, faites-en une copie, si
vous arrivez trop tard,
consultez archive.org).
Ça fait quelque chose (si ça plante votre navigateur,
d'ailleurs, ne venez pas vous plaindre, c'est le principal effet
répertorié de WebGL), mais ça ne fait pas ce que je
veux.
Enfin, chez moi, ça ne marche pas sous Chrome (je ne sais pas
pourquoi : j'ai eu beau essayer avec --enable-webgl
--ignore-gpu-blacklist il me dit bien qu'il trouve une
accélération 3D mais il refuse de créer un contexte
WebGL), et sous Firefox ça affiche un gros blob noir dont
on devine une vague ressemblance avec ce que je veux, mais d'abord je
n'ai pas réussi (et même pas vraiment essayé) de tracer les points,
juste les lignes, et de toute façon le problème le plus sérieux est
qu'il n'y a pas d'antialiasing, donc on n'y voit rien du tout parce
que les lignes sont trop épaisses.
Pourtant, je crois bien avoir explicitement demandé à
WebGL de faire de l'antialiasing et de tracer des droites
d'une épaisseur de 0.25 pixels — si quelqu'un connaît
WebGL et peut lire mon code, je serai ravi d'avoir
confirmation — et normalement si j'en
crois ce
bug (et le fait qu'il soit marqué comme fixed pour
Firefox 10, qui est bien ce que j'ai) ainsi
que cette
page, l'antialiasing dans WebGL devrait
marcher sous mon Firefox 10, y compris sous Linux, mais visiblement ce
n'est pas le cas. Je réesserai sur une machine utilisant une carte
graphique différente (nVidia), mais je suis sceptique.
(Peut-être que je suis censé faire plus pour demander des lignes
antialiasées que gl.lineWidth(0.25)
et gl.enable(gl.SAMPLE_COVERAGE), mais comme je ne
comprends pas vraiment ce que ces choses font, je suis perplexe. Par
exemple, cette
page suggère que peut-être je devrais
essayer gl.enable(gl.LINE_SMOOTH) mais je suis tout
embrouillé — je crois vaguement comprendre qu'il y a deux
implémentations totalement indépendantes de l'antialiasing sous
OpenGL, le multisampling et LINE_SMOOTH,
mais je ne suis pas sûr.)
Enfin, si certains de mes lecteurs voient quelque chose de joli,
c'est-à-dire avec des droites très fines comparables au dessin de
l'entrée précédente, et pas un gros pâté noir, je veux bien savoir ce
qu'ils ont comme configuration logicielle et matérielle.
Parmi
les objets mathématiques qui me fascinent complètement, un des plus
beaux et des plus remarquables est certainement le système de
racines de E8 (ou du moins tout le cortège d'objets
mathématiques plus ou moins liés à E8 : le système de
racines, les polytopes associés et leur groupe de Weyl, le réseau des
poids, les groupes de Lie ou de Chevalley associés, les immeubles de
Tits qui en découlent et les variétés de drapeaux en question,
etc. : il y a plein de choses auxquelles on pense quand on
dit E8). Sans rentrer dans les détails
mathématiques, disons qu'il s'agit ici
d'un solide
semi-régulier en dimension 8 (pas exactement régulier — il
n'y a que trois solides réguliers à partir de la dimension 5 et ils ne
sont pas très amusants — mais uniforme), le plus grand et le
plus remarquable d'une famille de cinq objets exceptionnels ; il
s'agit aussi des points les plus proches de l'origine dans un
certain réseau
cristallographique aux propriétés
mirobolantes[#].
J'avais déjà
fait une page interactive à
son sujet (que je devrais d'ailleurs retravailler un peu), mais je
reste sur ma faim : cette page ne laisse pas vraiment voir la beauté
de l'objet, parce qu'on ne le voit pas bouger.
Bref, je voulais me faire une image du système de racines de
E8en train de tourner et d'exhiber quelques unes
de ses impressionnantes symétries.
Le problème est que le polytope dont je parle a 240 sommets et 6720
arêtes[#2], et que tracer 6720
arêtes 25 fois par seconde ça a l'air un chouïa trop rapide pour une
bête application en JavaScript sur Canvas (enfin, si quelqu'un trouve
moyen d'optimiser ça et peut m'expliquer comment faire, je suis
preneur ; le calcul des projections de 240 points, lui, devrait être
très rapide). [Mise à jour : voir
néanmoins cette page.]
À défaut, je me suis fait une vidéo, que j'ai entre
autres mise sur
YouTube ; bon, l'ennui, c'est que la compression drastique que
YouTube fait subir à ses vidéos fait que c'est en fait
épouvantablement moche (surtout dans la deuxième partie de la vidéo,
celle où ça tourne très vite), ce qui est dommage pour quelque chose
censé être d'une beauté ineffable : j'en ai donc aussi fait
une version en plus
haute qualité à télécharger (170Mo ; le lien qui précède pointe
sur un fichier BitTorrent[#3],
si ça ne marche pas, vous pouvez réessayer sans
l'extension .torrent pour télécharger directement le
fichier WebM), ce n'est toujours pas très satisfaisant, il y a encore
des artefacts de compression et aussi des artefacts d'aliasing dans le
tracé, mais bon, c'est quand même joli à regarder (et certainement
mieux que l'horreur qui a atterri sur YouTube).
Les premières 1′30″ montrent différentes petites rotations du
polytope pour illustrer certains de ses plans de projection à haute
symétrie (à 10″ on voit une symétrie d'ordre 30 appelée figure de
Petrie, à 20″ une symétrie d'ordre 20, à 30″ une symétrie d'ordre 24,
à 50″ une symétrie d'ordre 18, à 1′10″ une symétrie d'ordre 14). Les
2′30″ restantes sont différentes : cette fois, on revient toutes les
10″ à une projection équivalente, après avoir fait une rotation qui
laisse le polytope symétrique (ça tourne donc beaucoup plus vite, et
c'est cette partie-là qui a été le plus complètement massacrée par la
compression vidéo sur YouTube).
Bizarrement, le plus difficile dans l'histoire a surtout été
d'écrire le code qui interpole une rotation discrète en un mouvement
continu (ou, de façon mathématiquement plus précise, qui inscrit une
transformation orthogonale directe au bout d'un groupe à un paramètre
de telles
transformations[#4]).
[#] Par exemple,
concernant
le problème
de savoir combien de sphères identiques on peut placer en contact avec
une sphère donnée (sans qu'elles se chevauchent, bien sûr), la réponse
est connue en toute petite dimension (≤4), en dimension 8 grâce à
E8, en dimension 24 grâce au réseau de Leech (un autre
réseau aux propriétés mirifiques), et c'est tout. Donc en fait je
pourrais définir mon polyèdre E8 de la façon suivante :
placez 240 sphères toutes identique autour d'une autre (également
identique) en dimension 8, il n'y a essentiellement qu'une seule façon
de faire ça, et les centres des 240 sphères forment le polyèdre dont
je parle. Mais bon, il est plus simple de dire constructivement que
mes 240 points sont ceux qui ont les coordonnées (±1,±1,0,0,0,0,0,0)
(pour un choix quelconque de deux coordonnées non nulles et deux
signes indépendants, ce qui fait 112 points) ou bien
(±½,±½,±½,±½,±½,±½,±½,±½) (pour un nombre pair de signes moins, ce qui
fait 128 points).
[#2] Il a aussi 60480
faces, qui sont des triangles équilatéraux, 241920 trois-cellules
(c'est-à-dire les faces de dimension 3), qui sont des tétraèdres
réguliers, 483840 quatre-cellules, qui sont des 4-simplexes réguliers,
483840 cinq-cellules, qui sont des 5-simplexes réguliers, 207360
six-cellules (dont 138240 relient une facette 7-simplexe à une facette
7-croix et 69120 relient deux 7-croix), et enfin 19440 facettes
(=sept-cellules), 17280 étant des 7-simplexes réguliers et 2160 étant
des octaèdres généralisés (des 7-croix). Enfin, son groupe de
symétries (le groupe de Weyl de E8) est d'ordre 696729600
(et il est isomorphe, à un facteur 2 près, au groupe des
transformations préservant une forme quadratique déployée de rang 8
sur 𝔽8).
[#3] Mon organisation
BitTorrent, basée sur XBT est d'ailleurs épouvantablement
bordélique, mal foutue, et probablement bourrée de trous de sécurité
inquiétants. Mais je n'ai jamais réussi à trouver un tracker et
client BitTorrent qui me satisfassent (notamment,
sans PHP), à utiliser en ligne de commande (sur des
machines qui sont essentiellement des serveurs) ; si quelqu'un a des
suggestions, je suis preneur. Je devrais peut-être essayer la
combinaison opentracker et rTorrent, ce sera peut-être plus agréable
que l'horreur que j'ai actuellement.
[#4] En principe c'est
très facile : on veut calculer Mt,
pour M une transformation orthogonale directe,
avec t variant de 0 à 1 : on calcule une
matrice P de vecteurs-propres de sorte
que D:=P·M·P−1
soit diagonale, et on
calcule P−1·Dt·P
pour différentes valeurs de t. Le problème est
que M peut avoir la valeur-propre −1, auquel cas
(−1)t a un problème de détermination (si on ne
fait pas attention, on va se retrouver avec une matrice complexe et
pas une matrice orthogonale réelle comme on le veut) : il faut donc
trouver une base orthogonale de l'espace propre de −1 (et commencer
par en trouver une base réelle, parce que les approximations
numériques peuvent faire que le calcul initial donne des résultats
complexes), puis fabriquer une matrice diagonale par blocs 2×2 de
rotation d'angle 2π·t, bref, c'est lourdingue
d'avoir quelque chose d'un peu robuste numériquement.
Acteur numéro 1 du drame : la distribution
GNU/Linux Debian, qui sort une nouvelle version toutes
les années bissextiles multiples de 27. Acteur numéro 2 : le
compilateur gcc, qui sort des nouvelles versions assez
souvent (enfin, quand on compare à Debian), et qui prend un plaisir
malin à casser la compatibilité ascendante dès qu'ils le font.
Résultat de l'interaction : chaque version de Debian inclut une
demi-douzaine de versions de gcc. Comme leur main
d'œuvre est limitée, leur support ne s'étend pas jusqu'aux versions
de gcc du siècle précédent, i.e., de la version
précédente de leur distribution.
En l'occurrence, la version de Debian en cours de
préparation, wheezy (celle qui sortira en 2075 si on a de
la chance), comprend les versions 4.4, 4.5 et 4.6 de gcc.
La précédente, squeeze (celle qui est sortie autour de
1967), comprend les versions 4.1, 4.3 et 4.4 (je ne sais pas pourquoi
la 4.2 n'a pas eu cet honneur, et je ne veux pas trop le savoir).
Remarquez qu'on a de la chance : il y a une intersection non nulle
(pas sûr que ça dure).
Maintenant, les choses se compliquent : quand on compile un noyau
Linux, on doit tout compiler (tout, c'est-à-dire modules et noyau
proprement dit) avec la même version de gcc (comme je
disais, ils aiment bien casser la compatibilité ascendante, ce ne
serait pas drôle de définir une fois pour toutes
une ABI). Comme on se méfie de ce qui est à la pointe du
progrès, les développeurs Debian ont décidé que pour le noyau qu'ils
fournissent avec la distribution squeeze, ce serait le
4.3.
Le lecteur attentif aura remarqué que 4.3 n'apparaît pas dans la
liste des gcc fournis par wheezy. Fournir
le compilateur utilisé pour le noyau par la précédente
version de notre distribution ? Vous n'y pensez pas, ma brave
dame.
Normalement, on devrait pouvoir s'en sortir quand même : le système
de packages est le même, après tout, et installer un package d'une
version de la distribution sur la version immédiatement après ne
devrait pas être rigoureusement impossible. Parfois ça marche, en
effet. Mais là,
manifestement, ce
n'est pas possible (il y a vraisemblablement eu une
incompatibilité dans une bibliothèque qui n'a pas été signalée par un
changement de numéro de version, ce qui rend l'installation simultanée
des versions 4.3.5 et 4.4.x de gcc impossible) ; problème
qui devrait être résolu avec la version 4.3.6 de gcc,
mais quelqu'un chez Debian a décidé que ça ne valait pas la peine de
faire l'effort de packager ça (remarquez le tag wontfix dont la
traduction en langage plus fleuri est : allez vous faire enculer à
sec avec du gravier). Je viens de passer des heures — qui
auraient aimé être employées à des activités plus utiles — à essayer
de construire moi-même un package Debian pour gcc 4.3.6
sur Debian wheezy (à partir du package
de gcc 4.3.5), sans succès, la montagne des patchs
appliqués est beaucoup trop énorme pour qu'on puisse juste changer la
version comme ça, et même si je fais toutes sortes d'horreurs pour la
traverser quand même je tombe
sur ce
problème insoluble.
Bref, la seule façon de compiler des modules noyau pour une machine
sous Debian squeeze, c'est d'avoir une autre machine sous
Debian squeeze sous la main pour faire la compilation.
Moi qui ai l'habitude d'installer la Debian stable
(donc squeeze en ce moment, justement) précisément sur
mes machines qui ne sont pas assez puissantes pour faire des
compilations (parce que ce sont aussi celles sur lesquelles je n'ai
pas envie de mettre à jour des packages tout le temps), me voilà bien
puni d'avoir choisi cette distribution. Seule solution que je voie :
tout réinstaller à zéro (par exemple dans une machine virtuelle).
Lois mémorielles, responsabilité collective, et autres âneries
En essayant d'aller au séminaire Bourbaki cet après-midi, je suis
tombé sur une (assez importante) manifestation de gens qui portaient
le drapeau turc — j'imagine donc qu'ils protestaient contre une
proposition de loi fort stupide tendant à réprimer la négation du
génocide arménien, et dont la presse à beaucoup parlé suite aux couacs
diplomatiques qu'elle a provoqué avec la Turquie.
(Il est difficile de trouver exactement de quel
texte il s'agit tant la catégorisation des textes en travaux sur les
sites Web des deux assemblées est épouvantablement mal faite. Je
pense qu'il s'agit
de cette
proposition-ci, qui doit
être examiné
par le Sénat d'ici quelques jours, la commission des lois
proposant l'irrecevabilité. Remarquons au passage que par rapport à
la proposition initiale, le texte finalement voté par l'Assemblée a de
toute façon perdu toute référence spécifique à l'Arménie. D'un autre
côté, il existe au
moins une
proposition extrêmement proche venant du Sénat, à peu près au même
moment, et qui n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour,
et encore
une, plus ancienne, qui a déjà été rejetée par le Sénat : ce
serait sympa si les webmasters mettaient des petits liens comme ne
pas confondre avec pour aider à s'y retrouver entre des textes
au Contexte très semblable.)
Les raisons pour lesquelles je qualifie cette proposition de loi de
fort stupide — et je le pense aussi dans une large mesure de
l'article 9 de
la loi
« Gayssot » — sont exprimées de façon bien plus éloquente que je
ne saurais le faire
par Robert
Badinter à propos d'un texte très proche. Et de toute façon j'ai
ranté sur des sujets proches lors des nombreuses fois où je me suis
lamenté du mal qu'ont les gens à comprendre la différence entre les
modalités je suis contre <truc> et je suis favorable à
l'interdiction de <truc> (voyez
notamment ici, là
et là). Donc je n'insiste pas.
Mais les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis, et
on peut protester contre une loi stupide pour des raisons également
stupides (c'est le genre de choses qui me cause des douleurs intenses
au cerveau comme à cette occasion —
par coïncidence également à propos de la Turquie). Et je crois
comprendre que l'argument des manifestants n'est pas tant cette loi
fait un obstacle injustifié à la liberté d'expression (pour
arborer le drapeau d'un pays ayant des lois indescriptiblement
stupides qui condamnent non
seulement les
attaques à la nation turque mais
même la
mémoire de son fondateur, ce serait un chouïa ironqiue), mais
plutôt un mélange entre ce génocide n'a pas eu lieu ou n'est pas un
génocide (ce qui est assurément faux, même si je pense qu'on
devrait avoir le droit de l'affirmer sans risque de prison) et
aussi cette loi vise directement à nous insulter ou à insulter la
Turquie (ce qui fait pas mal bugguer mon cerveau).
En fait, je ne comprends décidément pas bien pourquoi les habitants
des pays dont les habitants ou dirigeants passés ont pu commettre des
crimes sont tellement réticents à reconnaître ces crimes, ou pourquoi
ils y voient une insulte. (Enfin, pas tous les
pays : l'Allemagne en a
fait un paquet pour ce qui est du mea culpa.) Pour ma part, je
ne crois absolument pas — j'en déteste profondément l'idée — à la
responsabilité collective ou à la transmission d'une faute des parents
sur leurs enfants[#]. Aucun des
participants du génocide arménien n'est actuellement vivant, et ceux
qui pensent que les crimes qu'ils ont pu commettre rejaillissent sur
les gens qui de nos jours ont le hasard d'être nés le même pays (si
tant est d'ailleurs que la Turquie moderne soit effectivement le même
pays que l'empire ottoman…) ont un problème. Que ce soient ceux qui
croient attaquer ou ceux qui se croient attaqués. Et pour ma part, si
les autorités, les citoyens ou l'armée d'un des pays dont j'ai la
nationalité (ce n'est pas comme si je l'avais choisie) ont commis des
crimes, entre 1940 et 1944 ou entre 1954 et 1962, ou je ne sais quand,
je m'en sens responsable à exactement 0%. Aussi, quand le premier
ministre turc a suggéré que la France devrait reconnaître ses propres
crimes vis-à-vis de l'Algérie, j'ai espéré que parmi ces
parlementaires qui croient apparemment utile de légiférer sur ce que
l'État reconnaît ou pas, et au-delà de ça sur ce que ses citoyens
peuvent dire à ce sujet, il y en aurait pour avoir le culot de dire,
d'accord, ajoutons ça aussi à la loi : et j'aurais été très curieux de
savoir comment M. Erdoğan aurait réagi à ça. Malheureusement, les
députés en question ne semblent pas joueurs, ou pas très honnêtes avec
eux-mêmes.
J'aimerais aussi savoir comment les gens réagiraient si on parlait
de reconnaître officiellement les crimes de la république romaine qui
a fait raser Carthage, vendre ses habitants comme esclaves et verser
du sel sur la terre pour que rien n'y repousse.
[#] Et bien sûr, je ne
crois pas plus à la transmission hériditaire du statut de victime
(suivez mon regard) que pour celui de criminel. On a tendance à
l'oublier, mais c'est écrit dans le terme même de crimes
contre l'humanité : vouloir marquer une nation comme
criminelle et une autre comme victime, c'est nier la dimension
universelle de ces crimes, et c'est oublier que s'ils ressurgissent ce
sera sous un déguisement différent, que le criminel et la victime ne
seront pas les mêmes. Seuls ceux qui ont participé à des crimes
doivent se sentir coupables, mais tous les hommes doivent se
sentir avertis de ce que notre espèce est capable de faire, pas plus
un pays qu'un autre.
Personnellement, mon avis sur la question est très tranché, je
pense qu'on devrait conserver ces secondes intercalaires, et apprendre
à les gérer
correctement (parce que pour
l'instant ce
n'est franchement pas le cas) : peut-être qu'après que
tous les systèmes informatiques géreront parfaitement à la
fois TAI et UTC on pourra décider de
baser le temps civil sur l'un plutôt que l'autre, mais pour l'instant
c'est capituler devant une difficulté qu'on a tous les moyens de
résoudre parfaitement ; et en tout cas garder le nom de temps
universel coordonné pour autre chose qu'un temps universel, c'est
vraiment inacceptable. Et les secondes intercalaires
sont une occasion de faire la fête.
Si on n'est pas content du mécanisme il faut s'en prendre
à Newcomb, qui est mort depuis un
siècle alors il s'en fout.
Mais mon avis est surtout
apparemment assez
largement partagé par la communauté scientifique utilisatrice
d'échelles de temps précises (pour ceux qui ont la flemme de lire, ce
petit sondage informel — dont on peut évidemment critiquer la
méthodologie mais qui a quand même été fait sur 438 personnes, ce qui
n'est pas mal sur un sujet aussi ultra-spécialisé — donne 75% de
réponses favorables au statu quo).
Ce qui m'inquiète un peu, dans l'histoire, c'est qui décide.
Il me semble que cette question devrait être dans les mains de
la CGPM et pas de
l'ITU. Mais surtout,
concrètement, qui nomme les délégués nationaux qui prendront au final
cette décision, et sont-ils bien représentatifs ? Parce que l'article
de la BBC lié ci-dessus signale que la France a voté en
faveur de l'abolition des secondes intercalaires, alors j'aimerais
bien savoir qui au juste a pris cette décision pour la
France[#], au nom de quelle
autorité, et comment elle a été faite : et s'il est vrai que la
communauté scientifique est favorable à 75% au maintien des secondes
intercalaires, elle est fondée, je pense, à demander des comptes à des
délégués qui ont voté dans une direction sérieusement différente. Les
mécanismes de lobbying, sur un domaine aussi pointu doivent être
sacrément difficiles à démêler : je suppose que tout revient à un type
au ministère de l'industrie de chaque pays, qui vote avec son pipotron
ou ses connivences, et ce type doit être à peu près impossible à
trouver pour l'engueuler.
Ajout () : On
me fait la remarque suivante, qui me semble assez sensée : il y a sans
doute un certain nombre de pays dont l'heure civile est légalement
définie à partir d'une expression vague telle que temps
universel ou même heure solaire moyenne à Greenwich,
expression qu'il est raisonnable d'interpréter comme
désignant UTC dans son fonctionnement actuel
(c'est-à-dire avec des secondes intercalaires, et restant à ±1s
de UT1). En revanche, si les secondes intercalaires sont
supprimées, cette interprétation ne sera plus raisonnable, et ces pays
devront soit modifier leur législation, soit adopter UT1
(ou encore une autre variante) comme base pour le temps légal, soit
maintenir leur propre système de secondes intercalaires, soit risquer
de se retrouver avec des contestations juridiques. Donc supprimer les
secondes intercalaires n'est pas forcément innocent, et il ne suffit
pas que l'ITU déclare qu'on n'en fera plus pour que ça se
passe sans problème. Ou pour dire les choses autrement : comprendre
le temps universel comme UTC (secondes
intercalaires) peut se contenter d'un simple accord informel entre
scientifiques (encore qu'il paraît
que le
Danemark n'est pas d'accord déjà avec cette interprétation), mais
ça ne marche plus si on supprime les secondes intercalaires. Bref, il
se pourrait qu'il fallût un traité en bonne et due forme, voire que le
temps universel soit aussi impossible à réformer que le calendrier
grégorien.
Ajout ultérieur : Finalement il semble que les
informaticiens incompétents aient eu la
peau de la synchronisation du temps avec le Soleil.
[#] Décision assez
paradoxale, en somme, de la part de la France, parce que
le service de rotation de la
Terre, qui décide les dates des secondes intercalaires, est
essentiellement français dans les faits. (J'imagine bien que ces gens
ne se retrouveraient pas au chômage si l'ITU change les
règles, mais c'est quand même un peu paradoxal.)
Je mentionnais récemment que je
n'écrivais pas beaucoup sur ce blog de critiques de livres. Il est
encore plus vrai que je n'écris pas beaucoup de critiques de livres de
maths : ce n'est pas que je n'aie pas de livres de maths préférés,
bien au contraire, mais la difficulté extrême que je trouve à
critiquer un tel livre est que je ne parviens généralement pas à
séparer mon appréciation du sujet de celle de
la forme (au moins dans le cas où les deux me plaisent). Par
exemple, un de mes livres de maths préférés
est Algorithms in Invariant Theory de Bernd
Sturmfels, dont j'ai déjà parlé,
mais en vérité il est difficile de savoir si je l'aime parce que la
présentation est excellente ou simplement parce que les théorèmes sont
très beaux (auquel cas l'auteur n'y est pas pour grand-chose : c'est
juste que je trouve que la théorie des invariants est un petit bijou
de mathématiques). Il y a bien sûr des cas où on sait distinguer :
par exemple, pour tout livre écrit par Conway, on sait que le sujet va
être magnifique mais que l'exposition va être insupportable parce
qu'il s'adresse à des génies comme lui et pas à des êtres humains
comme vous et moi, et qu'en plus il fait des espèces de jeux de mots
insupportables dans sa façon de nommer tous les objets.
Bref, je ne parle normalement pas trop de livres de maths, mais je
vais faire une exception pour signaler un livre récent de Jürgen
Richter-Gebert, Perspectives on Projective
Geometry (A guided tour through real and complex geometry)
(Springer 2011, ISBN 978-3-642-17285-4),
sur lequel je suis tombé un peu par hasard il y a quelques jours dans
la librairie Eyrolles. D'abord parce qu'il ne s'agit pas d'un livre
de recherche : il s'agit d'un livre pédagogique qui peut s'adresser à
un lectorat extrêmement varié, et même si le mathématicien
professionnel n'y apprendra probablement pas grand-chose (en tout cas
celui qui se spécialise en géométrie), je pense que beaucoup de gens
peuvent l'apprécier, entre un bon lycéen passionné de géométrie et un
agrégatif de maths à la recherche de développements originaux.
En vérité, et c'est surtout la raison pour laquelle je le
mentionne, il s'agit d'un livre que j'aurais voulu écrire, et qui
présente exactement la manière dont je pense la géométrie élémentaire.
En tout cas, c'est certainement selon ces lignes que j'aurais fait
ma présentation de la géométrie sur
ce blog si j'avais eu le courage de la mener à terme. Ce qu'on m'a
plusieurs fois reproché de ne pas faire, donc, ceux qui m'ont dit ça,
lisez le livre de Richter-Gebert !
Qui plus est, c'est un très joli livre, avec des illustrations bien
faites (ce qui n'est jamais mal pour un livre de géométrie, même si le
proverbe dit qu'il s'agit de l'art de raisonner juste sur une figure
fausse), et imprimé en couleur. Donc même si vous en trouverez
certainement un exemplaire
électronique diffusé par rayons
cosmiques, je conseille vivement d'en prendre une version bouts
d'arbres morts, qui n'est pas très chère et qui fera belle figure
sur la table basse du salon.
⁂ Un autre livre, sur un sujet vaguement
apparenté, que j'ai aussi acquis récemment, et que je ne
recommande pas, en revanche, c'est d'Ernest
E. Shult, Points and Lines (Characterizing the
classical geometries), qui porte sur la géométrie d'incidence.
J'espérais y lire des choses qui m'éclairent un peu sur
les immeubles
et les quotients paraboliques des groupes algébriques réductifs vus
comme des géométries, et le genre d'idées sur lesquelles je ne connais
que le trop pléthorique et assez indigeste livre de Boris
Rosenfeld, Geometry of Lie Groups.
L'intention pédagogique de Shult est excellente en ce qu'il a fait un
livre self-contained, mais le résultat est
malheureusement un fouillis abscons de termes ultra-techniques qui me
laisse exactement aussi peu Éclairé qu'au début et beaucoup plus
embrouillé, et où il ne parle même pas de groupes de Lie ; et
indépendamment du fond, beaucoup de termes sont utilisés avant d'être
définis et ne figurent pas dans l'index, ce qui est à peu près
rédhibitoire : par exemple, il dit tout un tas de choses sur les
espaces métasymplectiques et leur caractérisation, et je n'ai pas
réussi à trouver où il en a caché la définition ! C'est d'autant plus
dommage que je pense qu'il y aurait eu le moyen de faire quelque chose
d'excellent.
[#] Anecdote gratuite :
j'ai un ami qui a fait un développement d'agreg sur les coniques sans
jamais parler d'ellipse, parabole ou hyperbole. Rached Mneimné, qui
était dans son jury, le lui reprochant, lui a dit : Je pense que
votre leçon n'aurait pas plu à Archimède. Et il aurait
répondu : Mais peut-être qu'elle aurait plu à Poncelet ?
(enfin, non, en vérité, malheureusement, il n'a pas eu le culot de
dire ça — mais il aurait voulu et eu raison de le faire, et du coup je
raconte sans vergogne l'anecdote ainsi arrangée en espérant qu'elle
devienne une jolie légende urbaine).
❄ Tiens, et pour ceux qui aiment la géométrie projective, voici
une question
à 0.02 zorkmids à laquelle je cherche toujours une solution simple
et élégante : soient C et D deux coniques planes
en position assez
générale, p1,p2,p3,p4
leurs quatre points d'intersection,
et ℓ1,ℓ2,ℓ3,ℓ4
leurs quatre tangentes communes (c'est-à-dire les intersections des
coniques duales C* et D*).
Montrer que, quitte à réordonner les points, le birapport
de p1,p2,p3,p4
sur C est égal au birapport
de ℓ1,ℓ2,ℓ3,ℓ4
sur D*. (Ce dernier étant le birapport
sur D des quatre points de tangence
de ℓ1,ℓ2,ℓ3,ℓ4.
On peut aussi éventuellement remarquer que le premier est aussi le
birapport, dans le pinceau linéaire L de coniques engendré
par C et D,
de C,X,Y,Z
où X, Y et Z désignent les trois
coniques dégénérées passant
par p1,p2,p3,p4 ;
et de même, le second birapport est aussi celui, dans le
pinceau M de coniques simultanément tangentes
à ℓ1,ℓ2,ℓ3,ℓ4
de D,U,V,W
où U, V et W désignent les duales
dégénérées qu'on devine. Mais peut-être que cette observation ne fait
qu'embrouiller les choses.)
[Ajout () par
rapport à la question précédente : cela revient plus ou moins à
montrer qu'il existe une conique Γ telle que C
et D soient polaires l'une de l'autre par rapport
à Γ (car alors la polarité par Γ
transforme p1,p2,p3,p4
en ℓ1,ℓ2,ℓ3,ℓ4
à l'ordre près, ce qui implique ce qu'on veut sur le birapport) ; la
conique Γ doit nécessairement admettre le triangle
autopolaire commun à C et D comme on s'en
persuade assez facilement ; on peut montrer son existence en
considérant des coordonnés (x:y:z)
pour lesquelles ce triangle autopolaire est donné par (1:0:0), (0:1:0)
et (0:1:0), ce qui revient à diagonaliser simultanément les formes
quadratiques définissant C et D : leurs
équations deviennent,
disons, cx·x²
+ cy·y²
+ cz·z² = 0
et dx·x²
+ dy·y²
+ dz·z² = 0,
et Γ peut être définie
par γx·x²
+ γy·y²
+ γz·z² = 0 où
chaque γi vaut
±√(ci·di).
Mais je voudrais quelque chose de purement géométrique.]
Un vendeur de fleurs est entré dans le restaurant au moment où nous
nous sommes assises. Opale a pris deux roses, une blanche et une
rouge et me les a tendues, une dans chaque main, en me disant :
— Alors, qu'est-ce que ce sera, York ou Lancastre ?
— C'est un test ? ai-je demandé. Je suis obligée de choisir mon
camp ?
— Bien sûr que c'est un test, a répondu Opale en riant. Rien de
plus important que de décider de quel côté on veut être. Athènes ou
Sparte ? Hannibal ou Scipion ? Marc-Antoine ou Octave ? Attila ou
Aetius ? Grégoire VII ou Henri IV ? Saladin ou Lusignan ?…
— Et il faut forcément opter pour le vainqueur ? ai-je
interrompu.
— C'est précisément la question. Victrix causa diis placuit,
sed victa Catoni : la cause victorieuse a plu aux dieux, mais la
vaincue à Caton.
Opale est restée un moment pensive, puis a ajouté :
— Cela me rappelle aussi une histoire à propos de Talleyrand.
(Anecdote d'authenticité douteuse, et que ma mémoire déforme sans
doute, mais peu importe.) Ça se passe l'après-midi du 28 juillet
1830, le vieil homme écoute de chez lui le brouhaha de la révolution,
et voilà qu'une sonnerie se fait entendre. “Ah,” dit Talleyrand, “on
bat le tocsin. C'est que nous triomphons.” Un ami lui demande : “Nous
triomphons ? Mais qui est au juste ce ‘nous’ ?” “Ça,” répond
Talleyrand, “nous le saurons demain.”
J'ai pris les deux fleurs à la fois, et je les ai rassemblées.
— Alors je choisis la rose Tudor, la rose de l'union.
— Bravo, m'a répondu Opale en souriant, je pense que tu as passé le
test.
Puis elle est redevenue plus sérieuse :
— Trêve de préliminaires. La proposition que je veux te faire va
te sembler étrange, et sans doute inquiétante, une fois que tu auras
été convaincue qu'elle est vraie. Il s'agit de rejoindre une société
secrète dont je ne peux te révéler que très peu sur sa nature à moins
que tu acceptes, justement, d'en faire partie. Je l'appellerai
simplement le “Conseil”. Il ne s'agit ni d'un culte ni d'une
organisation politique. On pourrait dire qu'il s'agit d'un complot,
même si c'est bien plus que cela, et toutes les théories dans ce sens
se méprennent à la fois sur notre puissance et sur nos intentions :
mais je ne peux pas en expliquer plus pour le moment. Je peux
seulement t'assurer que nous nous cachons derrière les plus graves
catastrophes de l'histoire de l'humanité : ce sont en effet les signes
de chacun de nos échecs.
— Je suis censée te croire ? Ou je dois attendre la chute de la
blague ?
Je commence par une digression : j'ai peu tendance à parler sur ce
blog de mes lectures et je n'ai même pas créé de catégorie pour les
ranger, alors que je critique volontiers (quoique irrégulièrement)
les films que je vois
[ajout ultérieur : j'ai quand même fini
par créer ça]. Il y a sans doute
quantité de raisons à ça : comme le fait qu'un livre se lise plus
lentement qu'un film ne se voit (et du coup, quand j'arrive au bout,
je n'ai plus vraiment envie de replonger dedans pour en parler). Ou
comme le fait que les livres que je lis ne sont quasiment jamais des
sorties récentes, du coup ce n'est pas de l'« actualité », ce n'est
pas quelque chose que tout le monde peut découvrir à peu près en même
temps, et bien sûr il y a cette règle tacite entre gens un peu snobs
qu'un classique est quelque chose que tout le monde est présumé
avoir lu, donc on ne va pas en parler, et de toute façon il est
défendu d'en dire du mal. (Dans le même ordre d'idées, quand
paraissent des critiques de CD de musique classique, la
seule chose qu'on critique ou qu'on commente, c'est évidemment
l'interprétation : c'est impensable de dire que cette sonate de Brahms
est jolie.) Bref, je vais déroger à tout ce fatras.
J'ai fini (récemment, c'est-à-dire il y a une ou deux semaines) de
lire le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki. C'est
un livre assez particulier puisqu'il est composé de beaucoup
d'histoires qui se croisent et s'entrecroisent, ou parfois
s'imbriquent à la manière des Mille et une nuits
(c'est-à-dire qu'un personnage commence à raconter son histoire, dans
laquelle un autre personnage commence, etc.) ; si les Mille et
une nuits sont divisées (apparemment de façon un peu apocryphe)
en nuits, le Manuscrit est formé de
soixante-et-une journées (de la vie d'Alphonse van Worden). On
pourrait presque parler de recueil de nouvelles, mais il y a tout de
même une unité d'ensemble, des personnages qui traversent plusieurs
histoires, et une conclusion finale. J'aime généralement beaucoup ce
genre de livres protéiformes, et par
exemple La Vie, Mode
d'emploi ou Si par une
nuit d'hiver un voyageur comptent parmi mes romans
préférés : je pense que le Manuscrit trouvé à Saragosse
en est un précurseur. Sur le fond, il s'agit d'histoires (pour la
plupart situées en Espagne) tout à fait distrayantes et picaresques :
il y est question de magie, de cabalistes, de revenants, de bandits,
d'espions et de voleurs, mais aussi de femmes et de maris trompés, de
déguisements et de quiproquos, de fouineurs invétérés, et de quelques
savants dans le style encyclopédistes ; tout cela est agrémenté de
nombreux coups de théâtre ; le ton varie entre le sérieux et le
burlesque ; on se perd un peu entre les très nombreux personnages
(j'ai regretté que mon édition ne prenne pas le soin de proposer un
index), mais ce n'est pas bien grave pour apprécier. Il y a aussi
quelques thèmes qui évoquent vaguement ceux de la pièce Nathan
le sage (de G. E. Lessing), que j'aime aussi beaucoup, et que
je recommande au passage.
Le livre lui-même du Manuscrit a une histoire assez
mouvementée, puisque son auteur s'est suicidé avant de l'avoir publié
et que ses manuscrits ont été longtemps perdus. Pendant longtemps, on
n'a eu en français (la langue d'origine) qu'un fragment composé des
dix premières journées et de la quatorzième, et quelques bouts
épars ; le reste ne survivait que dans une rétrotraduction depuis le
polonais (c'est-à-dire depuis une traduction polonaise de l'original
français qu'on a cru perdu), et, qui plus est, dans un mélange de
plusieurs versions. Car Potocki avait écrit deux versions
du Manuscrit, l'une en 1804, foisonnante et inachevée, et
reprenant ensuite son travail pour produire une deuxième version, en
1810, assez différente, beaucoup plus organisée et encyclopédique,
avec une vraie conclusion (c'est celle-là que j'ai lue) ; et ces deux
versions s'étaient mélangées dans ce qui avait été traduit en polonais
puis retraduit en français (et qui comportait alors
soixante-six journées). Ce n'est qu'en 2002 qu'on a retrouvé
quasi intégralement ces deux versions.
J'avais déjà lu le début, mais
c'était dans une édition qui ne publiait que la partie connue en
français avant 2002, et donc cela se terminait en queue de poisson
sans que je susse ce qui arrivait au héros. Ce n'est que plus tard
que j'ai appris qu'on pouvait trouver une suite sans passer par le
polonais. Les deux éditions (celle de 1804 et celle de 1810) sont
publiées séparément par GF.
Pour la petite anecdote, je lisais ce livre dans
le RER quand la personne assise en face de moi a vu le
titre et m'a dit il est extraordinaire, ce livre, n'est-ce
pas !. J'ai confirmé que c'était aussi mon avis, et je lui ai
demandé s'il connaissait la péripétie (que je viens de raconter)
autour de la publication : en fait, il n'avait lu — il y a longtemps —
que la version chimérique retraduite du polonais, et je lui ai donc
suggéré de tout reprendre.
Sinon, on m'a conseillé le Cabbaliste de Prague de
Marek Halter (le rapport, c'est que la cabbale joue un rôle important
dans le Manuscrit trouvé à Saragosse — ainsi que le Juif
errant dans la version de 1804), en me disant que quelqu'un qui a aimé
le livre de Potocki et qui aime beaucoup Eco devrait apprécier ce
livre-là. Je l'ai acheté et je le mets assez haut dans ma liste de
lecture.
Pour éviter le malentendu que mon poussinet a eu avec sa cousine,
celle-ci ayant fait référence, dans un SMS envoyé
avant-hier (=lundi 9), à mercredi 18 sous le nom de mercredi
prochain et ayant répété hier à mercredi, voici la
bonne façon de désigner les jours J+1 à J+11
pour éviter l'ambiguïté (en supposer qu'on soit un lundi, sinon
transposer de façon évidente) :
mardi J+1 : demain,
mercredi J+2 : après-demain,
jeudi J+3 : (ce) jeudi ou jeudi qui vient,
vendredi J+4 : (ce) vendredi ou vendredi qui vient,
samedi J+5 : (ce) samedi ou samedi qui vient,
dimanche J+6 : (ce) dimanche ou dimanche qui vient,
lundi J+7 : lundi prochain,
mardi J+8 : mardi en huit,
mercredi J+9 : mercredi en huit,
jeudi J+10 : jeudi dans dix jours,
vendredi J+11 : vendredi <tantième du mois>, etc.
Moralité, il ne faut pas dire <tel jour> prochain sauf
si le jour est dans exactement sept jours : si c'est moins,
préférer qui vient, si c'est plus, préférer en huit, qui
lèvent l'ambiguïté. Il est souvent utile de rappeler le tantième
entre parenthèses même si c'est redondant (la redondance a toujours du
bon), et, si on dit demain ou après-demain, de le jour
de la semaine entre parenthèses (utile pour les mails envoyés à un
horaire proche de minuit, suivez mon regard).
(Et oui, c'est bizarre de dire en huit pour J+9,
mais ça me semble quand même assez courant.)
Les conneries publiées par Rue89 sur l'homophobie à l'ENS
On me pousse à réagir au sujet
de cet
article publié par le webjournal Rue89 et
intitulé : Sexisme, homophobie, racisme… ou paillardise à
Normale Sup ? Et, ayant passé environ onze ans dans cet
établissement (quatre comme élève, quatre comme squatteur occasionnel
et trois comme enseignant), et étant resté encore assez proche d'un
certain nombre de gens qui le fréquentent, je me sens assez fondé à
réagir ; surtout, ayant passé une bonne année à m'y afficher
régulièrement, et pas du tout discrètement, avec mon poussinet (à nous
faire des câlins quand nous ne nous roulions pas des pelles) et sans
avoir jamais reçu, ni de la part des élèves ni de la part du personnel
technique ou enseignant, la moindre remarque déplacée ni même un
regard de travers, je crois que je suis en position de parler de
l'homophobie, ou en l'occurrence de l'absence d'homophobie, à
l'ENS. Et même sans être directement concerné je pense
pouvoir dire un mot du sexisme, ou de nouveau de l'absence de
sexisme.
En fait, c'est simple : tout, dans cet article, est faux, au mieux
une déformation grotesque de la réalité, au pire une affabulation
totale. Pour prendre un exemple parmi d'autres, l'affirmation l'un
des DJ est un homophobe notoire, qui avait déjà agressé
plusieurs personnes en raison de leur genre ou de leur orientation
sexuelle signifie, en fait, qu'il y a eu une ou deux disputes
entre ce DJ et des personnes pénibles et ivres (enfin,
probablement les deux étaient ivres) parce que ces dernières voulaient
décider la musique lors d'une soirée et que l'autre ne voulait pas,
que la dispute s'est un peu échauffée, et que quelqu'un a conclu que
parce qu'il/elle était trans, ou homo, c'était forcément le motif de
la dispute.
Mais au-delà des faits inventés, c'est surtout l'ambiance rapportée
qui est complètement fausse. Là aussi, comme je ne bois pas d'alcool
et que je suis le premier à m'agacer de la manière dont la société
fait passer la biture comme une composante obligatoire de toute soirée
amusante, je m'estime assez bien placé pour dire que, justement, à
l'ENS cette tendance n'est ni trop marquée ni trop
envahissante. Oui, peut-être qu'une fois un type bourré a pissé dans
une imprimante (et pas déféqué) : le fait est justement que ce genre
de comportement anecdotique est totalement unique et représentatif de
rien du tout. (Les imprimantes à l'ENS souffraient
beaucoup plus des gens qui ne savaient pas lire les étiquettes et qui
mettaient dedans des transparents pas faits pour lasers !)
Et je rajoute que je suis choqué qu'on banalise un terme comme le
mot viol. Non, quand une personne légèrement éméchée accepte
de coucher avec une autre et se rend compte le matin qu'elle a fait
l'amour avec un(e) moche, ce n'est pas un viol. Utiliser ce
terme de façon aussi triviale est une insulte pour toutes les
personnes qui se sont vraiment fait violer.
Bon, ce n'est pas très important qu'un étudiant journaliste de
23 ans puisse rapporter des conneries sans prendre la peine de les
vérifier (oh, certes, formellement il ne prend pas position, mais il
donne quand même voix à des affirmations fantaisistes). Ce qui est
plus inquiétant c'est, justement, qu'un site qui se prétend sérieux
laisse n'importe qui publier n'importe quoi dessus. Je retiens pour
savoir à l'avenir quoi penser de Rue89 en particulier, et dans une
certaine mesure des journalistes français en général. Et je salue au
passage mon ami David Monniaux, qui dénonce régulièrement
sur son blog les
erreurs ou inventions totales des journalistes, et dont ici
une photo
a été reprise pour illustrer l'article : ça doit lui faire bien
plaisir.
Oui, ça fait assez longtemps que je n'ai rien posté. Il y a
plusieurs raisons à ça. L'une d'elles est que comme mon poussinet a
rendu son appartement à Bordeaux (pour en économiser le loyer), bien
qu'il continue à y faire une thèse ce qui nécessite donc de nombreux
allers-retours de sa part, nos horaires de vie ont été un peu changés,
et je me retrouve indirectement avec moins de temps pour bloguer. On
m'a souvent dit qu'un des commandements cardinaux du blogueur était :
ne pas écrire pour dire qu'on n'écrit pas (les gens sont assez grands
pour s'en rendre compte, ils n'ont probablement pas besoin qu'on
pollue leurs flux RSS avec une entrée qui sert à
dire je ne dis rien, et je le dis). Donc, pour ceux qui se
seraient inquiétés, rassurez-vous, il m'est arrivé de laisser passer
36 jours entre cette entrée
et celle-ci, et plus récemment 19
entre cette entrée
et celle-ci (ce qui est bien avec
les bases de données relationnelles c'est que ça permet de répondre à
plein de questions stupides du genre quel est l'intervalle maximal
entre deux entrées de mon blog ?) ; là je n'en suis qu'à 12,
vraiment pas de quoi s'étonner.
Bref, bonne année 2012 à tous. Je ne sais pas trop quoi faire
comme vœux que je n'aie déjà fait de nombreuses fois : à chaque fois
que je crois dire quelque chose de malin sur un sujet périodique comme
ça, je me rends compte que je radote terriblement (et ça s'applique
probablement à cette
réflexion-ci… ah ben oui
voilà).
Que peut-on me souhaiter ? More of the same,
tout simplement. Sans aller jusqu'à prétendre que j'ai une chance
inouïe, je m'efforce de me rendre compte à quel point le râleur que je
suis a pourtant une vie remarquablement heureuse et douillette, entre
un copain que j'aime très tendrement, des amis nombreux et sincères,
une famille présente à mes côtés, une santé dont mon hypocondrie
n'arrive pas à nier qu'elle est excellente, un boulot sympathique, un
logement où je me sens bien, plus d'argent que je n'en ai besoin, et
pas trop de soucis dans une période de crise. Je ne sais pas quelle
proportion des Français, ou des humains sur Terre, souscrirait à une
telle description de leur situation, mais même parmi mes proches
certains sont loin d'avoir autant de chance, alors c'est vers eux que
mes pensées se tournent, et pour ma part j'espère que ça dure (tout en
tâchant de me rappeler à quel point le bonheur est fragile et combien
il faut tâcher d'en profiter).