On me pousse à réagir au sujet de cet article publié par le webjournal Rue89 et intitulé : Sexisme, homophobie, racisme… ou paillardise à Normale Sup ? Et, ayant passé environ onze ans dans cet établissement (quatre comme élève, quatre comme squatteur occasionnel et trois comme enseignant), et étant resté encore assez proche d'un certain nombre de gens qui le fréquentent, je me sens assez fondé à réagir ; surtout, ayant passé une bonne année à m'y afficher régulièrement, et pas du tout discrètement, avec mon poussinet (à nous faire des câlins quand nous ne nous roulions pas des pelles) et sans avoir jamais reçu, ni de la part des élèves ni de la part du personnel technique ou enseignant, la moindre remarque déplacée ni même un regard de travers, je crois que je suis en position de parler de l'homophobie, ou en l'occurrence de l'absence d'homophobie, à l'ENS. Et même sans être directement concerné je pense pouvoir dire un mot du sexisme, ou de nouveau de l'absence de sexisme.
En fait, c'est simple : tout, dans cet article, est faux, au mieux
une déformation grotesque de la réalité, au pire une affabulation
totale. Pour prendre un exemple parmi d'autres, l'affirmation l'un
des DJ est un homophobe notoire, qui avait déjà agressé
plusieurs personnes en raison de leur genre ou de leur orientation
sexuelle
signifie, en fait, qu'il y a eu une ou deux disputes
entre ce DJ et des personnes pénibles et ivres (enfin,
probablement les deux étaient ivres) parce que ces dernières voulaient
décider la musique lors d'une soirée et que l'autre ne voulait pas,
que la dispute s'est un peu échauffée, et que quelqu'un a conclu que
parce qu'il/elle était trans, ou homo, c'était forcément le motif de
la dispute.
Mais au-delà des faits inventés, c'est surtout l'ambiance rapportée qui est complètement fausse. Là aussi, comme je ne bois pas d'alcool et que je suis le premier à m'agacer de la manière dont la société fait passer la biture comme une composante obligatoire de toute soirée amusante, je m'estime assez bien placé pour dire que, justement, à l'ENS cette tendance n'est ni trop marquée ni trop envahissante. Oui, peut-être qu'une fois un type bourré a pissé dans une imprimante (et pas déféqué) : le fait est justement que ce genre de comportement anecdotique est totalement unique et représentatif de rien du tout. (Les imprimantes à l'ENS souffraient beaucoup plus des gens qui ne savaient pas lire les étiquettes et qui mettaient dedans des transparents pas faits pour lasers !)
Et je rajoute que je suis choqué qu'on banalise un terme comme le
mot viol
. Non, quand une personne légèrement éméchée accepte
de coucher avec une autre et se rend compte le matin qu'elle a fait
l'amour avec un(e) moche, ce n'est pas un viol
. Utiliser ce
terme de façon aussi triviale est une insulte pour toutes les
personnes qui se sont vraiment fait violer.
Bon, ce n'est pas très important qu'un étudiant journaliste de 23 ans puisse rapporter des conneries sans prendre la peine de les vérifier (oh, certes, formellement il ne prend pas position, mais il donne quand même voix à des affirmations fantaisistes). Ce qui est plus inquiétant c'est, justement, qu'un site qui se prétend sérieux laisse n'importe qui publier n'importe quoi dessus. Je retiens pour savoir à l'avenir quoi penser de Rue89 en particulier, et dans une certaine mesure des journalistes français en général. Et je salue au passage mon ami David Monniaux, qui dénonce régulièrement sur son blog les erreurs ou inventions totales des journalistes, et dont ici une photo a été reprise pour illustrer l'article : ça doit lui faire bien plaisir.