David Madore's WebLog: 2018-02

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en février 2018 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in February 2018: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in February 2018 / Entrées publiées en février 2018:

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(samedi)

J'obtiens le permis (et je me demande si je sais conduire)

Le titre dit tout, mais je vais raconter l'histoire de mon permis en long, en large, et en menus détails (en fait ça n'intéresse personne, mais j'écris surtout tout ça pour moi-même pour m'en souvenir plus tard).

(Edit  : ajout et remaniement de quelques passages, surtout dans la première partie, que je ne crois pas utile de signaler spécifiquement.)

Fin de la formation

J'étais inscrit à l'auto-école CER Bobillot (ils méritent bien que je leur fasse un peu de pub) : je les ai choisis parce qu'ils sont à même pas cinq minutes à pied de chez moi, mais je peux les recommander indépendamment de ça, administrativement ils ont toujours été corrects et efficaces, ils lisent et répondent rapidement à leur mail, ils ont géré correctement tout l'aspect administratif (le problème que j'avais eu de ce côté-là n'était absolument pas de leur faute, et ils m'ont correctement renseigné). Au niveau équipement, ils ont un simulateur moderne (que je n'ai que très peu utilisé, mais ça m'a quand même aidé à me rassurer au début), et les voitures sont dans un état impeccable. De ce que j'ai vu, la disponibilité des moniteurs est bonne, leur ponctualité est irréprochable. Au niveau de leur compétence, je n'ai rien à redire : on sent qu'ils connaissent bien les endroits où aller pour pratiquer, et les difficultés de tel ou tel centre d'examen, par exemple. Les explications théoriques et pratiques qu'on m'a données étaient toujours claires. Mon principal reproche pédagogique concerne le manque de patience face à mes erreurs (très) répétées, comme je vais le décrire ci-dessous.

Je reprends maintenant l'histoire où je l'avais laissée (j'en étais à 20h de conduite quand j'ai écrit cette entrée-là). J'ai continué à prendre des leçons de conduite, et ça a duré longtemps… longtemps. Au total j'ai fait 73 heures (ce qui, à 58€ l'heure, commence à revenir un peu cher, d'ailleurs, mais c'est surtout le temps consommé qui me posait problème), entre le et le , toujours par paquets de deux heures, presque toujours avec le même moniteur. (C'est dire si je connais bien, maintenant, ces lieux enchantés que sont Cachan, Chevilly-Larue, Orly, mais aussi Vélizy et Maisons-Alfort.) Et cette expérience de l'apprentissage de la conduite n'était pas franchement plaisante quand je devais lutter contre mes propres blocages.

Je disais dans l'entrée précédente que mes trois gros problèmes étaient l'inobservation (généralement due à une concentration focalisée sur le mauvais problème), l'indécision, et la panique inopportune. Les choses se sont un peu améliorées avec le temps : l'indécision s'est largement résorbée (mais parfois je suis tombé dans l'excès inverse), la panique a pris des formes moins aiguës, mais l'inobservation continue vraiment à me poser problème. Jusqu'à la fin, et je veux vraiment dire la fin, c'est-à-dire à la leçon qui consistait à emmener la voiture de l'auto-école au lieu de passage du permis, mon moniteur m'a engueulé parce que mes trajectoires étaient mauvaises parce que je ne faisais pas attention aux bonnes choses (je déviais ou je risquais de rouler dans un trou…). Et à chaque fois que je bugguais, et à plus forte raison si je me faisais engueuler, je tombais dans le cycle vicieux des erreurs. (Je restais régulièrement bloqué sur mais pourquoi j'ai fait ça ? ; or en conduisant, il faut penser au présent et à l'avenir, pas au passé.)

Bref, même s'il y avait pas mal de moments où tout allait très bien, j'ai eu des leçons ou des bouts de leçons qui se passaient vraiment très mal, et ce jusqu'à la fin. J'ai l'impression que mon moniteur était vraiment désemparé face à mon irrégularité. (J'ai déjà raconté que la formation était divisée en quatre grands chapitres, en gros 1 la mécanique, 2 la circulation urbaine normale, 3 la circulation plus compliquée et les autoroutes, et 4 du pipo, voyez l'entrée liée ci-dessus pour les intitulés réels ; mon moniteur a validé la partie 1 le au bout de 26 heures de conduite, et la partie 2, à confirmer, le après 60 heures… et il n'a jamais validé les parties 3 et 4. Bon, je ne sais pas ce que cette validation signifie pour eux au juste, mais toujours est-il qu'il n'avait pas l'air super convaincu de mon niveau.) Plus d'une fois il a tenu des propos du style si tu n'arrives pas à comprendre ça, je ne peux vraiment rien pour toi.

Il a quand même décidé, après une leçon qui s'était très bien déroulée malgré des conditions difficiles (nuit, circulation dense), de me présenter à l'examen sous réserve que je prenne encore une dizaine d'heures supplémentaires avant (finalement je n'en ai pas eu autant parce que la neige a forcé l'auto-école a annuler une leçon, le ). Mais même pas une demi-heure avant l'examen, pendant la dernière leçon d'une heure qui est plutôt destinée à « chauffer » le candidat et à le mettre en confiance en circulant dans le coin où aura lieu l'épreuve, il m'a deux fois pilé la voiture et passé un savon parce que je ne prenais pas suffisamment de marge pour m'écarter d'une voiture mal garée à droite. (Et ce genre de savon de dernière minute, limite humiliant, avec pour témoins les deux autres candidats à l'examen le même jour que je transportais comme passagers, ce n'est vraiment pas un truc pour mettre en confiance. L'une de ces deux candidats m'a d'ailleurs dit qu'elle avait été un peu choquée par l'attitude du moniteur à ce moment.)

Il y a des choses qui ne sont évidentes qu'a posteriori. J'aurais sans doute dû demander à changer de moniteur, pour avoir quelqu'un qui m'engueule moins. (Et en fait, lui-même aurait sans doute dû me le conseiller, plutôt que rester sur des formules comme je ne peux vraiment rien pour toi, et surtout, se rendre compte que m'engueuler était contre-productif.) D'un autre côté, il avait aussi des qualités que j'appréciais : non seulement je me sentais vraiment en sécurité et en confiance dans sa maîtrise du véhicule (j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater sa capacité à rattraper des erreurs graves de ma part), mais par ailleurs il me faisait partager ses observations, toujours très pertinente, sur les autres usagers de la route (tu as remarqué combien celui-là était agressif ?, celui-là il est pressé mais pas méchant, celle-là elle est complètement dans sa bulle) ; et j'espère, même si je n'en suis pas complètement persuadé, que ça m'a un peu aidé à combattre mon super-pouvoir d'inobservation. Mais une je me rends compte surtout maintenant que c'est fini à quel point cette formation m'a pesé, usé et stressé (les engueulades n'y sont pas pour rien, mais ça aussi c'est quelque chose que je ne perçois clairement qu'après coup).

Ceci étant, je ne veux surtout pas jeter la pierre à mon moniteur. D'abord parce que je comprends que ça soit difficile de gérer quelqu'un qui fait des erreurs répétées et parfois vraiment dangereuses. (Et en tant qu'enseignant je sympathise avec la difficulté de faire passer un message à un élève qui « ne veut pas » comprendre.) Mais aussi parce que, à un certain niveau, c'est le résultat qui compte, et il vaut indubitablement mieux se faire engueuler en leçon que d'avoir un accident après. Simplement, dans mon cas, je pense que c'était quand même contre-productif.

Le fait d'avoir fait un grand nombre d'heures, en tout cas, n'est pas en soi une mauvaise chose. (Je l'avais clairement dit au début : j'assume que ça puisse durer longtemps.) S'il m'a fallu beaucoup de temps pour surmonter très partiellement mes super-pouvoirs d'inobservation, d'indécision et de panique, en revanche, pendant ce temps, j'ai pu beaucoup améliorer ma pratique de la mécanique, et c'est au moins vrai que passer les vitesses, revenir au patinage, ou autres éléments de ce genre, ne me posent plus aucun problème.

Le stress

C'est quelque chose de vraiment bizarre. Fondamentalement je m'en foutais pas mal de passer le permis : je l'ai fait un peu sur la pression de mon entourage (mon poussinet, ma maman…), un peu parce que me sentant vieillir je me disais que si j'attendais plus longtemps je n'y arriverais vraiment jamais, un peu parce que mon école va déménager à Saclay dans 1½ ans, mais bon, aucune raison impérative, et je ne peux pas dire que ma motivation crevait le plafond. J'ai procrastiné assez longtemps pour présenter le code ; et quand j'ai finalement passé cet examen théorique, je n'étais absolument pas stressé, ni pour l'examen lui-même ni pour les résultats (alors que ce n'était pas du tout évident que je l'aurais vu le caractère très mystérieux des questions et mes résultats aléatoires sur les sites de préparation).

Et là, pour l'épreuve pratique, j'ai passé toute la semaine à angoisser comme un fou (et j'ai de nouveau stressé pour les résultats). Merci au passage à l'hydroxyzine pour m'avoir permis de dormir quand même, et au propranolol pour m'avoir évité les crises de tachycardie. Mais pourquoi ? Je sais que je suis d'un naturel hyper anxieux, mais c'est un peu mystérieux, quand même, que ça me mette dans un état de panique de passer un truc dont, fondamentalement, j'ai l'impression de me foutre pas mal. J'ai plusieurs hypothèses mais aucune n'est vraiment satisfaisante : notamment, le trac à l'idée que quelqu'un que je ne connais pas voie mes erreurs (et que je sois possiblement humilié), mais ça m'explique pas l'angoisse au moment des résultats ; ou la peur des coûts irrécupérables (sous la forme : maintenant que j'ai souffert pour passer ce permis, je n'ai pas envie que ça soit en vain).

C'est d'autant plus idiot que c'est un examen particulièrement facile à repasser (pour un examen universitaire il faut généralement attendre l'année suivante, là c'est possible sous un délai assez court, quelques mois dans le pire cas), les frais sont négligeables, et il n'y a pas de limite sur le nombre de passages (au bout de cinq échecs on doit repasser le code, mais cette partie-là est tellement facile à repasser, et pour le coup il n'y a aucune limite, que c'est presque insignifiant). Mais j'étais peut-être victime du méta-stress (i.e. : je stresse tellement cette fois-ci, je n'ai pas envie d'échouer et de devoir recommencer, ce qui me ferait stresser à nouveau) ; ou peut-être que le fait que je passe à un endroit notoirement « facile » (cf. ci-dessous) me rendait d'autant plus anxieux de ne pas gâcher cette chance.

Généralités sur l'examen

Pour ceux qui n'ont pas passé le permis, en France, et encore, récemment, voici une description détaillé du déroulement de l'épreuve pratique (pour le permis B) :

L'auto-école du candidat fournit la voiture à doubles commandes (donc celle sur laquelle on a appris à conduire, heureusement) ; l'inspecteur (officiellement appelé expert) prend place siège passager avant (avec les doubles commandes), le moniteur accompagnateur s'asseoit à l'arrière et prendra lui-même des notes (mais ne doit, évidemment, pas dire un mot). L'inspecteur commence par vérifier l'identité du candidat et contrôler le dossier administratif (notamment l'attestation de réussite au code, qu'il a déjà), puis il rappelle les consignes générales de l'épreuve. Il est censé procéder à un test de vue en demandant de lire une plaque d'immatriculation à une vingtaine(?) de mètres, mais souvent il omet cette formalité et je n'y ai pas eu droit. L'épreuve dure officiellement 32 minutes, dont 7 minutes de vérifications et questions, et 25 minutes de conduite effective : en fait, cette durée est très approximative, mais elle explique les heures bizarres comme 14h02.

L'inspecteur donne des instructions comme à gauche, à droite, tout droit, ou bien suivez Trouducul-du-Monde ; s'il ne dit rien, c'est soit que c'est tout droit, soit que la réglementation ne laisse qu'une seule possibilité (et ça fait partie de l'épreuve de le détecter assez tôt et de clignoter si nécessaire) ; il peut aussi dire quelque chose comme tournez à droite dès que possible (ce qui suggère que la première à droite sera peut-être interdite, mais pas forcément) ; en revanche, il ne donnera pas d'instruction contredisant explicitement la réglementation. L'épreuve doit autant que possible faire intervenir différents types de conditions (circulation urbaine d'une part, routes hors agglomération ou autoroutes de l'autre). Au moins une partie de l'épreuve est une « conduite autonome », c'est-à-dire que l'inspecteur aura donné des instructions comme suivez Machin, puis Truc, et il faut lire les panneaux de direction (mais il n'est évidemment pas demandé de faire plus que ça : on n'est pas censé connaître le coin, ni lire une carte, ni manipuler un GPS).

À un moment de son choix, l'inspecteur demande une manœuvre faisant intervenir une marche arrière : simple marche arrière en ligne droite, marche arrière en courbe, demi-tour, ou le plus souvent rangement en bataille ou en créneau. (Réussir cette manœuvre n'est pas obligatoire, mais ce qui est surtout vérifié est la sécurité : bien contrôler qu'on ne gêne personne, et ne pas heurter violemment le trottoir, notamment.) À un moment de son choix, mais généralement juste après la manœuvre consistant à se garer, l'inspecteur pose trois questions : celles-ci sont déterminées, selon une table connue à l'avance, par les deux derniers chiffres du totaliseur kilométrique à ce moment-là (cela joue le rôle de générateur aléatoire) ; la première question est une « vérification » intérieure (du genre : allumez le(s) feu(x) de brouillard arrière et montrez le voyant correspondant — c'est ce que j'ai eu) ou extérieure (du genre : contrôlez l'état, la propreté et le fonctionnement des feux de route), la deuxième est une question en rapport avec ce qui vient d'être contrôlé (du genre : peut-on utiliser les feux de brouillard arrière par forte pluie ?), et la troisième est une question de premiers secours (comme quels sont les signes d'un arrêt cardiaque ?). C'est un petit changement fait en 2018 (et dont je suis donc un des tout premiers à bénéficier) : auparavant, il y avait une vérification intérieure et une vérification extérieure, et la liste était nettement plus longue.

À la fin de l'épreuve (il faudra de nouveau se garer, mais l'inspecteur demandera alors généralement un stationnement en marche avant, censément plus facile), l'inspecteur rend sa pièce d'identité au candidat et passe au candidat suivant. Dans mon cas, nous étions trois candidats de la même auto-école à passer successivement avec cet inspecteur (je suis passé en premier), les candidats qui ne passaient pas attendaient donc sur le parking que celui qui passe revienne (heureusement qu'il ne pleuvait que très peu !), et tout le monde partait du même point : je ne sais pas si c'est universel ou si certains font des parcours en boucle où un candidat fait la première moitié de la boucle et un autre fait la deuxième moitié.

Les résultats sont communiqués deux jours plus tard. Jusqu'à récemment c'était par courrier, mais maintenant (que les inspecteurs ont une tablette avec eux pour évaluer les candidats) c'est un PDF qu'on obtient en ligne. Je n'y croyais pas, mais le site Web est correct : quand on passe le jeudi, on obtient bien le résultat le samedi matin (à cinq heures du matin il n'y était pas, à dix heures et demi il y était). S'il est favorable, ce PDF (imprimé !) de certificat d'examen tient lieu de permis de conduire provisoire, et donne le droit de conduire, jusqu'à réception du titre définitif (dans les quatre mois).

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(samedi)

Approximation diophantienne ; et une bizarrerie mathématique : la constante de Freiman

Il est bien connu que l'ensemble ℚ des rationnels, que je noterai ici p/q sous forme irréductible, est dense dans les réels ℝ, c'est-à-dire que si x∈ℝ, on peut trouver p/q aussi proche qu'on veut de x, ou encore : (pour tout ε>0, il existe p/q tel que) |xp/q| < ε. Là où les choses deviennent plus intéressantes, c'est quand on commence à se demander, donné x∈ℝ, combien il faut payer pour l'approcher par p/q rationnel : autrement dit, si je veux une approximation de qualité ε>0, combien je dois le payer en utilisant un rationnel compliqué, le « compliqué » en question se mesurant par le dénominateur q>0 utilisé (on pourrait prendre la « hauteur » max(|p|,q), ou peut-être |p|+q, mais ça ne changerait pas grand-chose). Le sujet général s'appelle l'approximation diophantienne, et je n'y connais pas grand-chose, mais rappelons quand même les résultats les plus standards à ce sujet.

Si h est une fonction croissante des entiers naturels non nuls vers les réels strictement positifs, je peux dire qu'un réel x est h-approchable par les rationnels (ou simplement h-approchable) lorsqu'il existe des rationnels p/q de dénominateur q arbitrairement élevé tels que |xp/q| < 1/h(q) (formellement : pour tout n entier naturel non nul, il existe p et q entiers premiers entre eux avec qn tels que |xp/q| < 1/h(q)). Il faut y penser comme : en payant avec un dénominateur q j'obtiens une qualité d'approximation h(q). Plus la fonction h grandit vite, plus je demande une bonne approximation, donc plus il est difficile de trouver de tels x. Si h′≥h, ou même simplement si cette inégalité vaut à partir d'un certain rang, alors tout réel h′-approchable est, en particulier, h-approchable. Si h est constante (je demande une qualité d'approximation constante, et je suis prêt à payer arbitrairement cher pour l'avoir) ou simplement bornée, tout réel x est approchable, c'est ce que j'ai rappelé ci-dessus, mais on va voir ci-dessous qu'on peut faire mieux. Dans la pratique, on prendra donc une fonction h de limite ∞ en ∞, sinon la définition n'a guère d'intérêt.

Si h est quelconque (croissante des entiers naturels non nuls vers les réels strictement positifs), il existe toujours des réels h-approchables au sens ci-dessus : c'est une conséquence du théorème de Baire : quel que soit n>0, l'ensemble des x pour lesquels il existe p/q avec qn vérifiant |xp/q| < 1/h(q) est ouvert (puisque c'est une réunion d'intervalles ouverts de largeur 2/h(q) centrés en les p/q) et dense (puisqu'il contient l'ensemble dense des rationnels p/q de dénominateur qn) ; donc (le théorème de Baire assure que) leur intersection est non vide, c'est-à-dire qu'il existe des réels x, et même qu'il existe un ensemble dense, pour lesquels il existent des p/q avec q arbitrairement grand vérifiant |xp/q| < 1/h(q), ce qui signifie exactement qu'ils (les x en question) sont h-approchables. Bref, on peut trouver des réels approchés arbitrairement bien par des rationnels, quelle que soit la qualité h de l'approximation qu'on demande pour un dénominateur donné.

Un autre résultat, dit théorème d'approximation de Dirichlet, est que quel que soit x irrationnel, il existe des p/q de dénominateur q arbitrairement élevé tels que |xp/q| < 1/q² (c'est-à-dire que x est q²-approchable, ceci étant une écriture abusive pour dire h-approchable pour h(q)=q²). La démonstration est vraiment facile mais astucieuse : on considère les parties fractionnaires zk := yk−⌊yk⌋ (entre 0 inclus et 1 exclu) des réels yk := k·x pour 0≤kN entier ; ceci fait N+1 nombres zk, qu'on répartit en les N intervalles de largeur 1/N partitionnant [0;1[ (je veux dire : l'intervalle entre 0 inclus et 1/N exclu, l'intervalle entre 1/N inclus et 2/N exclu, et ainsi de suite jusqu'à l'intervalle entre (N−1)/N inclus et 1 exclu) ; comme il y a plus de réels que d'intervalles, deux d'entre eux, disons zk et z avec k<, qui tombent dans le même intervalle de largeur 1/N, donc ils vérifient |zzk| < 1/N, c'est-à-dire |·x − ⌊·x⌋ − k·x + ⌊k·x⌋| < 1/N, ce qui donne |q·xp| < 1/Nq = k et p = ⌊·x⌋−⌊k·x⌋, et comme 0<q<N (puisque 0≤k<N), on a du coup |xp/q| < 1/(N·q) < 1/q² comme annoncé ; quant au fait qu'on puisse trouver des q arbitrairement grands vérifiant ça, c'est simplement parce que (tant que x est irrationnel !, ce qui n'a pas encore été utilisé), chaque q donné ne peut vérifier |xp/q| < 1/(N·q) que jusqu'à un certain N (à savoir la partie entière de |q·xp|), et donc en prenant un N plus grand que ça, on obtient un p/q forcément différent (je laisse le lecteur remplir les détails).

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(vendredi)

Touching Strangers

Richard Renaldi photographie des gens qui ne se connaissent pas, dans des positions suggérant la tendresse et l'intimité. Je suis tombé sur cette petite vidéo sur le site de la BBC présentant son travail, et j'ai été immédiatement conquis par le résultat (il y a aussi quelques exemples sur le site Web du projet, mais ceux montrés par la BBC sont plus nombreux et plus intéressants ; en revanche, Google images montre une sélection variée). Je ne sais pas pourquoi ça me touche autant : peut-être que c'est un fantasme que j'ai sans le savoir de tenir dans mes bras un(e) étranger(e), peut-être que c'est la métaphore parfaite d'Internet de rendre possible le contact entre gens qui ne se connaissent pas, ou justement au contraire la métaphore parfaite de ce qui manque à Internet que le contact physique, peut-être que j'aime l'idée que ces gens se connaissaient aussi peu que je ne les connaissais moi-ême (et je me demande si, suite à cette photo, ils prennent contact), peut-être juste que je trouve les personnes photographiées très belles (mais pas de la beauté formatée des agences de pub et de mannequins), toujours est-il que regard des sujets, et le regard du photographe sur ses sujets, me fascine. Je me suis précipité pour acheter le livre. (Si vous voulez en faire autant, voici par exemple un lien vers le site de la Fnac. Je précise que je ne reçois pas de commission de qui que ce soit : je fournis juste ce lien parce que si on essaye d'acheter le livre en France via le site Web du projet, le transporteur prend beaucoup plus cher que le prix du livre lui-même.)

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