Le titre dit tout, mais je vais raconter l'histoire de mon permis en long, en large, et en menus détails (en fait ça n'intéresse personne, mais j'écris surtout tout ça pour moi-même pour m'en souvenir plus tard).
(Edit : ajout et remaniement de quelques passages, surtout dans la première partie, que je ne crois pas utile de signaler spécifiquement.)
Fin de la formation
J'étais inscrit à l'auto-école CER Bobillot (ils méritent bien que je leur fasse un peu de pub) : je les ai choisis parce qu'ils sont à même pas cinq minutes à pied de chez moi, mais je peux les recommander indépendamment de ça, administrativement ils ont toujours été corrects et efficaces, ils lisent et répondent rapidement à leur mail, ils ont géré correctement tout l'aspect administratif (le problème que j'avais eu de ce côté-là n'était absolument pas de leur faute, et ils m'ont correctement renseigné). Au niveau équipement, ils ont un simulateur moderne (que je n'ai que très peu utilisé, mais ça m'a quand même aidé à me rassurer au début), et les voitures sont dans un état impeccable. De ce que j'ai vu, la disponibilité des moniteurs est bonne, leur ponctualité est irréprochable. Au niveau de leur compétence, je n'ai rien à redire : on sent qu'ils connaissent bien les endroits où aller pour pratiquer, et les difficultés de tel ou tel centre d'examen, par exemple. Les explications théoriques et pratiques qu'on m'a données étaient toujours claires. Mon principal reproche pédagogique concerne le manque de patience face à mes erreurs (très) répétées, comme je vais le décrire ci-dessous.
Je reprends maintenant l'histoire où je l'avais laissée (j'en étais à 20h de conduite quand j'ai écrit cette entrée-là). J'ai continué à prendre des leçons de conduite, et ça a duré longtemps… longtemps. Au total j'ai fait 73 heures (ce qui, à 58€ l'heure, commence à revenir un peu cher, d'ailleurs, mais c'est surtout le temps consommé qui me posait problème), entre le et le , toujours par paquets de deux heures, presque toujours avec le même moniteur. (C'est dire si je connais bien, maintenant, ces lieux enchantés que sont Cachan, Chevilly-Larue, Orly, mais aussi Vélizy et Maisons-Alfort.) Et cette expérience de l'apprentissage de la conduite n'était pas franchement plaisante quand je devais lutter contre mes propres blocages.
Je disais dans l'entrée précédente que mes trois gros problèmes
étaient l'inobservation (généralement due à une concentration
focalisée sur le mauvais problème), l'indécision, et la panique
inopportune. Les choses se sont un peu améliorées avec le
temps : l'indécision s'est largement résorbée (mais parfois je suis
tombé dans l'excès inverse), la panique a pris des formes moins
aiguës, mais l'inobservation continue vraiment à me poser problème.
Jusqu'à la fin, et je veux vraiment dire la fin, c'est-à-dire à la
leçon qui consistait à emmener la voiture de l'auto-école au lieu de
passage du permis, mon moniteur m'a engueulé parce que mes
trajectoires étaient mauvaises parce que je ne faisais pas attention
aux bonnes choses (je déviais ou je risquais de rouler dans un trou…).
Et à chaque fois que je bugguais, et à plus forte raison si je me
faisais engueuler, je tombais dans le cycle vicieux des erreurs. (Je
restais régulièrement bloqué sur mais pourquoi j'ai fait ça ?
;
or en conduisant, il faut penser au présent et à l'avenir, pas au
passé.)
Bref, même s'il y avait pas mal de moments où tout allait très
bien, j'ai eu des leçons ou des bouts de leçons qui se passaient
vraiment très mal, et ce jusqu'à la fin. J'ai l'impression que mon
moniteur était vraiment désemparé face à mon irrégularité. (J'ai déjà
raconté que la formation était divisée en quatre grands chapitres, en
gros 1 la mécanique, 2 la circulation urbaine normale, 3 la
circulation plus compliquée et les autoroutes, et 4 du pipo,
voyez l'entrée liée ci-dessus pour
les intitulés réels ; mon moniteur a validé
la partie 1
le au bout de 26 heures de conduite, et la
partie 2, à confirmer
, le après
60 heures… et il n'a jamais validé les parties 3 et 4. Bon, je ne
sais pas ce que cette validation
signifie pour eux au juste,
mais toujours est-il qu'il n'avait pas l'air super convaincu de mon
niveau.) Plus d'une fois il a tenu des propos du style si tu
n'arrives pas à comprendre ça, je ne peux vraiment rien pour
toi
.
Il a quand même décidé, après une leçon qui s'était très bien déroulée malgré des conditions difficiles (nuit, circulation dense), de me présenter à l'examen sous réserve que je prenne encore une dizaine d'heures supplémentaires avant (finalement je n'en ai pas eu autant parce que la neige a forcé l'auto-école a annuler une leçon, le ). Mais même pas une demi-heure avant l'examen, pendant la dernière leçon d'une heure qui est plutôt destinée à « chauffer » le candidat et à le mettre en confiance en circulant dans le coin où aura lieu l'épreuve, il m'a deux fois pilé la voiture et passé un savon parce que je ne prenais pas suffisamment de marge pour m'écarter d'une voiture mal garée à droite. (Et ce genre de savon de dernière minute, limite humiliant, avec pour témoins les deux autres candidats à l'examen le même jour que je transportais comme passagers, ce n'est vraiment pas un truc pour mettre en confiance. L'une de ces deux candidats m'a d'ailleurs dit qu'elle avait été un peu choquée par l'attitude du moniteur à ce moment.)
Il y a des choses qui ne sont évidentes qu'a posteriori.
J'aurais sans doute dû demander à changer de moniteur, pour avoir
quelqu'un qui m'engueule moins. (Et en fait, lui-même aurait sans
doute dû me le conseiller, plutôt que rester sur des formules
comme je ne peux vraiment rien pour toi
, et surtout, se rendre
compte que m'engueuler était contre-productif.) D'un autre côté, il
avait aussi des qualités que j'appréciais : non seulement je me
sentais vraiment en sécurité et en confiance dans sa maîtrise du
véhicule (j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater sa capacité à
rattraper des erreurs graves de ma part), mais par ailleurs il me
faisait partager ses observations, toujours très pertinente, sur les
autres usagers de la route (tu as remarqué combien celui-là était
agressif ?
, celui-là il est pressé mais pas
méchant
, celle-là elle est complètement dans sa bulle
) ; et
j'espère, même si je n'en suis pas complètement persuadé, que ça m'a
un peu aidé à combattre mon super-pouvoir d'inobservation. Mais une
je me rends compte surtout maintenant que c'est fini à quel point
cette formation m'a pesé, usé et stressé (les engueulades n'y sont pas
pour rien, mais ça aussi c'est quelque chose que je ne perçois
clairement qu'après coup).
Ceci étant, je ne veux surtout pas jeter la pierre à mon moniteur. D'abord parce que je comprends que ça soit difficile de gérer quelqu'un qui fait des erreurs répétées et parfois vraiment dangereuses. (Et en tant qu'enseignant je sympathise avec la difficulté de faire passer un message à un élève qui « ne veut pas » comprendre.) Mais aussi parce que, à un certain niveau, c'est le résultat qui compte, et il vaut indubitablement mieux se faire engueuler en leçon que d'avoir un accident après. Simplement, dans mon cas, je pense que c'était quand même contre-productif.
Le fait d'avoir fait un grand nombre d'heures, en tout cas, n'est pas en soi une mauvaise chose. (Je l'avais clairement dit au début : j'assume que ça puisse durer longtemps.) S'il m'a fallu beaucoup de temps pour surmonter très partiellement mes super-pouvoirs d'inobservation, d'indécision et de panique, en revanche, pendant ce temps, j'ai pu beaucoup améliorer ma pratique de la mécanique, et c'est au moins vrai que passer les vitesses, revenir au patinage, ou autres éléments de ce genre, ne me posent plus aucun problème.
Le stress
C'est quelque chose de vraiment bizarre. Fondamentalement je m'en foutais pas mal de passer le permis : je l'ai fait un peu sur la pression de mon entourage (mon poussinet, ma maman…), un peu parce que me sentant vieillir je me disais que si j'attendais plus longtemps je n'y arriverais vraiment jamais, un peu parce que mon école va déménager à Saclay dans 1½ ans, mais bon, aucune raison impérative, et je ne peux pas dire que ma motivation crevait le plafond. J'ai procrastiné assez longtemps pour présenter le code ; et quand j'ai finalement passé cet examen théorique, je n'étais absolument pas stressé, ni pour l'examen lui-même ni pour les résultats (alors que ce n'était pas du tout évident que je l'aurais vu le caractère très mystérieux des questions et mes résultats aléatoires sur les sites de préparation).
Et là, pour l'épreuve pratique, j'ai passé toute la semaine à angoisser comme un fou (et j'ai de nouveau stressé pour les résultats). Merci au passage à l'hydroxyzine pour m'avoir permis de dormir quand même, et au propranolol pour m'avoir évité les crises de tachycardie. Mais pourquoi ? Je sais que je suis d'un naturel hyper anxieux, mais c'est un peu mystérieux, quand même, que ça me mette dans un état de panique de passer un truc dont, fondamentalement, j'ai l'impression de me foutre pas mal. J'ai plusieurs hypothèses mais aucune n'est vraiment satisfaisante : notamment, le trac à l'idée que quelqu'un que je ne connais pas voie mes erreurs (et que je sois possiblement humilié), mais ça m'explique pas l'angoisse au moment des résultats ; ou la peur des coûts irrécupérables (sous la forme : maintenant que j'ai souffert pour passer ce permis, je n'ai pas envie que ça soit en vain).
C'est d'autant plus idiot que c'est un examen particulièrement
facile à repasser (pour un examen universitaire il faut généralement
attendre l'année suivante, là c'est possible sous un délai assez
court, quelques mois dans le pire cas), les frais sont négligeables,
et il n'y a pas de limite sur le nombre de passages (au bout de cinq
échecs on doit repasser le code, mais cette partie-là est tellement
facile à repasser, et pour le coup il n'y a aucune limite, que c'est
presque insignifiant). Mais j'étais peut-être victime du méta-stress
(i.e. : je stresse tellement cette fois-ci, je n'ai pas envie
d'échouer et de devoir recommencer, ce qui me ferait stresser à
nouveau
) ; ou peut-être que le fait que je passe à un endroit
notoirement « facile » (cf. ci-dessous) me rendait d'autant plus
anxieux de ne pas gâcher cette chance.
Généralités sur l'examen
Pour ceux qui n'ont pas passé le permis, en France, et encore, récemment, voici une description détaillé du déroulement de l'épreuve pratique (pour le permis B) :
L'auto-école du candidat fournit la voiture à doubles commandes
(donc celle sur laquelle on a appris à conduire, heureusement) ;
l'inspecteur (officiellement appelé expert
) prend place siège
passager avant (avec les doubles commandes), le moniteur
accompagnateur s'asseoit à l'arrière et prendra lui-même des notes
(mais ne doit, évidemment, pas dire un mot). L'inspecteur commence
par vérifier l'identité du candidat et contrôler le dossier
administratif (notamment l'attestation de réussite au code, qu'il a
déjà), puis il rappelle les consignes générales de l'épreuve. Il est
censé procéder à un test de vue en demandant de lire une plaque
d'immatriculation à une vingtaine(?) de mètres, mais souvent il omet
cette formalité et je n'y ai pas eu droit. L'épreuve dure
officiellement 32 minutes, dont 7 minutes de vérifications et
questions, et 25 minutes de conduite effective : en fait, cette durée
est très approximative, mais elle explique les heures bizarres comme
14h02.
L'inspecteur donne des instructions comme à gauche
, à
droite
, tout droit
, ou bien suivez
Trouducul-du-Monde
; s'il ne dit rien, c'est soit que c'est tout
droit, soit que la réglementation ne laisse qu'une seule possibilité
(et ça fait partie de l'épreuve de le détecter assez tôt et de
clignoter si nécessaire) ; il peut aussi dire quelque chose
comme tournez à droite dès que possible
(ce qui suggère que la
première à droite sera peut-être interdite, mais pas forcément) ; en
revanche, il ne donnera pas d'instruction contredisant explicitement
la réglementation. L'épreuve doit autant que possible faire
intervenir différents types de conditions (circulation urbaine d'une
part, routes hors agglomération ou autoroutes de l'autre). Au moins
une partie de l'épreuve est une « conduite autonome », c'est-à-dire
que l'inspecteur aura donné des instructions comme suivez Machin,
puis Truc
, et il faut lire les panneaux de direction (mais il
n'est évidemment pas demandé de faire plus que ça : on n'est pas censé
connaître le coin, ni lire une carte, ni manipuler
un GPS).
À un moment de son choix, l'inspecteur demande une manœuvre faisant
intervenir une marche arrière : simple marche arrière en ligne droite,
marche arrière en courbe, demi-tour, ou le plus souvent rangement en
bataille ou en créneau. (Réussir cette manœuvre n'est pas
obligatoire, mais ce qui est surtout vérifié est la sécurité : bien
contrôler qu'on ne gêne personne, et ne pas heurter violemment le
trottoir, notamment.) À un moment de son choix, mais généralement
juste après la manœuvre consistant à se garer, l'inspecteur pose trois
questions : celles-ci sont déterminées, selon une table connue à
l'avance, par les deux derniers chiffres du totaliseur kilométrique à
ce moment-là (cela joue le rôle de générateur aléatoire) ; la première
question est une
« vérification » intérieure
(du genre : allumez le(s) feu(x) de brouillard arrière et montrez
le voyant correspondant
— c'est ce que j'ai eu)
ou extérieure
(du genre : contrôlez l'état, la propreté et le fonctionnement des
feux de route
), la deuxième est une question en rapport avec ce
qui vient d'être contrôlé (du genre : peut-on utiliser les feux de
brouillard arrière par forte pluie ?
), et la troisième est une
question de premiers secours (comme quels sont les signes d'un
arrêt cardiaque ?
). C'est un petit changement fait en 2018 (et
dont je suis donc un des tout premiers à bénéficier) : auparavant, il
y avait une vérification intérieure et une vérification
extérieure, et la liste était nettement plus longue.
À la fin de l'épreuve (il faudra de nouveau se garer, mais l'inspecteur demandera alors généralement un stationnement en marche avant, censément plus facile), l'inspecteur rend sa pièce d'identité au candidat et passe au candidat suivant. Dans mon cas, nous étions trois candidats de la même auto-école à passer successivement avec cet inspecteur (je suis passé en premier), les candidats qui ne passaient pas attendaient donc sur le parking que celui qui passe revienne (heureusement qu'il ne pleuvait que très peu !), et tout le monde partait du même point : je ne sais pas si c'est universel ou si certains font des parcours en boucle où un candidat fait la première moitié de la boucle et un autre fait la deuxième moitié.
Les résultats sont communiqués deux jours plus tard. Jusqu'à récemment c'était par courrier, mais maintenant (que les inspecteurs ont une tablette avec eux pour évaluer les candidats) c'est un PDF qu'on obtient en ligne. Je n'y croyais pas, mais le site Web est correct : quand on passe le jeudi, on obtient bien le résultat le samedi matin (à cinq heures du matin il n'y était pas, à dix heures et demi il y était). S'il est favorable, ce PDF (imprimé !) de certificat d'examen tient lieu de permis de conduire provisoire, et donne le droit de conduire, jusqu'à réception du titre définitif (dans les quatre mois).