David Madore's WebLog: Les sciences réflexives

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(mardi)

Les sciences réflexives

Petite réflexion idiote du jour :

Il existe certaines sciences (au sens large de disciplines académiques, i.e., sciences humaines incluses) qui peuvent s'étudier elles-mêmes. La plus évidente est l'histoire[#] : il existe une histoire de l'histoire, c'est plus ou moins ce qu'on appelle l'historiographie. On peut aussi imaginer faire des sciences sociales des sciences sociales (je crois que c'est assez courant), de la géographie de la géographie (étudier comment sont réparties les facultés de géographie, qui fait de la géographie dans quels pays, etc.), de l'économie de l'économie (étudier comment sont payés les économistes et les études économiques et si ils et elles sont efficaces).

Certaines branches de la logique (la théorie de la démonstration, où les démonstrations deviennent des objets d'études mathématiques) méritent de s'appeler mathématiques des mathématiques. On peut aussi facilement faire de la médecine de la médecine, ou en tout cas de la médecine-du-travail de la médecine-du-travail (les médecins du travail souffrent-ils de maux particuliers ?). Ou bien des statistiques sur les statistiques. Éventuellement le droit du droit peut se concevoir, encore qu'on ne sait pas trop s'il s'agira du droit de la profession d'avocat ou des études de droit ou quoi exactement (les gens rigoureux protesteront que, de toute façon, dans tous mes exemples, le mot de est pris dans des sens subtilement différents).

Mais j'ai beaucoup plus de mal à imaginer ce que seraient la physique de la physique ou la biologie de la biologie. (À la limite, la physique de la physique pourrait être l'étude de la façon dont on fait des expériences ou mesures physiques, quels principes physiques sont utilisés, mais c'est un peu tordu ; et la biologie de la biologie je ne vois vraiment pas.) Je ne vois pas non plus ce que serait la linguistique de la linguistique (à part l'étymologie du mot étymologie). Ni même l'informatique de l'informatique (là c'est différent, ça a l'air d'être une simple évidence, ce qui est bizarre parce qu'il n'y a pas plus de raison à ça que pour une autre science[#2]).

Voilà qui est étrange : certaines sciences sont un objet d'étude possible pour elles-mêmes et d'autres ne le sont pas. Ces dernières méritent sans doute qu'on s'attarde sur la raison pour laquelle elles ne sont pas, ainsi, réflexives.

Je propose donc de lancer une nouvelle science : l'étude des sciences qui ne s'admettent pas elles-mêmes comme objet d'étude.

[#] Par cohérence avec les autres disciplines scientifiques que je vais citer, je ne mets pas de majuscule à histoire ici (je ne sais pas d'où vient, d'ailleurs, cette idée à la con que histoire devrait s'écrire avec une majuscule quand il s'agit de la discipline alors que je ne pense pas qu'on insiste pour écrire physique, biologie, informatique, etc., avec des majuscules).

[#2] Sans doute y a-t-il un rapport avec ce fameux aphorisme de Dijkstra : Computer science is no more about computers than astronomy is about telescopes.

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