J'en rajoute un peu sur l'entrée
précédente : j'y disais que quelqu'un qui aurait en tête la
totalité des connaissances de Wikipédia serait — malgré toutes
les erreurs qu'il aurait aussi en tête — un monstre de culture,
et je doute qu'on puisse sérieusement contester ça. Mais ce qui est
merveilleux, justement, c'est que comme cette encyclopédie est
accessible d'à peu près partout (maintenant même sur nos téléphones
mobiles[#]), nous avons un pouvoir
inouï de nous renseigner sur tout sujet sur lequel notre propre
ignorance nous frapperait au cours d'une conversation ou d'une
lecture. Il en va de même des citations, grâce à Google. James Joyce
parlait d'écrire pour un lecteur idéal souffrant d'une insomnie
idéale
: je pense que plus d'un écrivain a rêvé d'un lecteur
capable de saisir la moindre allusion sans qu'elle ait besoin d'être
laborieusement expliquée — voilà ce que rêve est à peu près
réalisé.
Personnellement, je ne m'en prive pas, et je n'ai pas honte de ne pas m'en priver : il n'y a pas à rougir d'être doctus cum Vicipædia, car la culture ne doit pas mesurer la capacité de mémorisation mais bien l'ouverture d'esprit vers l'information : ce qui doit faire rougir n'est pas de ne pas savoir, mais de ne pas chercher à savoir. Faire des références, si elles ne sont pas délibérément cryptiques, ce n'est pas étaler son savoir, c'est inviter les autres à le partager.
Tout ceci aurait évidemment pu se dire dès l'apparition des premières encyclopédies sur papier (vous ne vous êtes pas précipité dès cette phrase pour savoir de laquelle il s'agissait ? shame on you! , il faut vous mâcher le travail), seulement, en pratique, c'était nettement moins commode : je ne connais personne qui se promenât toujours avec un dictionnaire encyclopédique. Et pareil, je commencerai à prendre au sérieux les concurrents éventuels de Wikipédia quand les consulter sera aussi simple que d'ouvrir une fiche WAP sur un téléphone mobile (ceux qui ne sont pas sur papier n'ont aucune excuse pour que ce ne le soit pas).
Une des seules choses qui auraient eu le potentiel d'être encore plus bénéfique que Wikipédia (pour la diffusion généralisée du savoir vers tous ceux qui veulent l'avoir), c'était Google Books si Google Books avait fonctionné — c'est-à-dire, si les bâtons dans les roues placés par les zélotes du copyright n'avait pas obligé cette magnifique entreprise à être réduite à la portion congrue, car c'est bien évident que pour protéger les livres il faut empêcher qu'on puisse les consulter. Oh, pardon, j'ai ranté.
[#] Bon, en ce qui me
concerne, ce n'est pas encore parfait depuis le téléphone mobile : je
n'ai que du WAP-sur-GPRS sur un
téléphone très
peu high-tech, et ça reste laborieux de consulter le moindre
article, même en passant
par en.mobile.wikipedia.org
(par exemple, mon téléphone buggue dès qu'il y a une redirection
contenant une espace dans le nom de l'article). Mais faisons comme
si.