David Madore's WebLog: Je fais une (petite) chute à moto et j'essaie d'en tirer des leçons

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(samedi)

Je fais une (petite) chute à moto et j'essaie d'en tirer des leçons

La semaine dernière () j'ai fait une chute à moto — c'est la première fois que j'ai quoi que ce soit qui ressemble à un accident sauf si on compte une ou deux micro-chutes à l'arrêt[#]. Ça n'a pas été grave (je n'ai rien eu du tout et la moto n'a pas eu grand-chose, cf. ci-dessous) mais ça aurait pu l'être. L'occasion de me demander, donc, quelles leçons je peux en tirer.

[#] Par micro-chutes, je veux dire qu'une fois j'avais oublié de mettre la béquille en commençant à descendre, et une autre fois je me suis arrêté dans une rue trop en pente pour qu'elle puisse retenir la moto : dans les deux cas, la moto a commencé à tomber, je l'ai retenue, pas suffisamment pour l'empêcher de toucher le sol, mais suffisamment pour qu'elle le fasse très doucement et sans aucun dommage.

[Une fraction de seconde avant de glisser][Une fraction de seconde après avoir glissé]Ce qui s'est passé est que j'étais sur une rampe d'accès à la N118 à Orsay (d'où je revenais après avoir rempli une formalité administrative), environ ici, la route était mouillée (il avait plu toute la journée — j'avais pris la moto sur la base de prédictions météo fausses qui ne promettaient que quelques gouttes) donc glissante, la rampe a un rayon de courbure assez serré (34m si j'en crois ce que je mesure sur OpenStreetMap), je suis allé trop vite (40km/h si j'en crois la dashcam), la moto a perdu l'adhérence (apparemment par la roue arrière [ou pas ? cf. ci-dessosus] ; la perte d'adhérence a dû se produire entre les deux images ci-contre à droite), elle a glissé en tombant sur le côté droit et moi j'ai glissé derrière elle, jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence (enfin, l'absence de bande d'arrêt d'urgence avant la glissière de sécurité). [J'ai mis la vidéo prise par la dashcam ici sur Twitter.]

Ajout () : J'avais initialement écrit avoir perdu l'adhérence par la roue arrière, parce que c'est l'impression instinctive que j'ai eue (enfin, je n'ai pas eu beaucoup le temps d'analyser, encore moins de réagir : je me suis juste dit merde et j'étais en train de glisser sur le goudron). Mais plusieurs m'ont fait remarquer indépendamment que ça ressemble plus à une perte d'adhérence de la roue avant, beaucoup plus difficilement rattrapable ; et c'est vrai que, sur la vidéo, la moto pivote plutôt vers la gauche après avoir chu vers la droite, ce qui suggère vaguement un mouvement qui aurait été entamé par le fait que la roue avant allait tout droit alors que la roue arrière continuait (au moins brièvement) une trajectoire circulaire. Donc finalement je n'en sais rien !

Heureusement il n'y avait personne derrière moi. D'ailleurs j'ai eu le temps de relever la moto et de me demander quoi faire maintenant, avant que qui que ce soit n'arrive sur la rampe en question (une camionnette, dont le conducteur m'a demandé si j'allais bien). Heureusement aussi que j'avais un pantalon de moto en cuir bien épais, du coup je n'ai pas eu de blessure suite à la glissage sur le goudron (bon, le pantalon n'a lui-même été qu'un peu éraflé, donc je suppose que 40km/h ce n'est pas énorme, mais il est clair que si j'avais été en short j'aurais eu au moins une belle brûlure).

J'ai relevé la moto, donc (heureusement elle n'est pas bien lourde), vérifié qu'elle démarrait et qu'aucun voyant rouge ne s'allumait, je l'ai prise à contresens sur quelques mètres, warnings allumés, pour revenir à Orsay, je me suis arrêté à la première place de parking, j'ai prévenu mon poussinet et ma mère que j'avais fait une chute mais que j'allais bien, puis j'ai inspecté les dégâts : levier de frein avant plié, pédale de frein arrière pareil, rétroviseur droit branlant. Comme je ne voulais pas prendre le risque de rouler dans ces conditions, surtout que j'avais vu de la fumée et que je ne savais pas si le moteur n'avait pas un dommage que je n'identifierais pas, j'ai appelé mon assureur (la MAIF) pour demander un dépannage.

Ça a été plutôt efficace : j'ai appelé l'assureur à 14h50, j'ai été mis en attente plusieurs fois et j'ai eu du mal à déterminer mon adresse parce qu'il n'y avait pas une plaque de rue ni un numéro en vue (et en plus, je m'étais abrité de la pluie à quelques dizaines de mètres de la moto, et j'ai dû faire plusieurs allers-retours pour répondre à des questions), mais finalement, à 15h30, le remorqueur était là. Il a fixé la moto (béquillée) sur son plateau à l'aide de sangles et, après m'avoir fait signer quelques papiers, nous a emmenés à Paris[#2][#2b] à la concession Honda (Alésia Motos, boulevard Brune) où je fais entretenir la bécane.

[#2] J'étais peut-être au-delà de la limite de distance, mais la MAIF a bien voulu me faire le remorquage jusqu'à Paris. Je n'ai pas bien compris si c'était une faveur ou juste parce que c'est là que j'habite.

[#2b] Ajout () : De ce que j'ai compris (de ce que m'a dit mon poussinet), le remorquage ne me sera pas facturé par l'assurance sous forme de malus ou autrement, ça fait partie du contrat d'assistance (que je n'ai, évidemment, pas lu…). Je pensais aussi que le fait de faire appel à elle pour l'assistance m'obligeait à déclarer la chute comme un sinistre sans tiers impliqué (donc compté comme ma responsabilité), donc à leur faire payer les réparations, qui m'auraient alors coûté beaucoup plus cher en malus que ce que j'ai effectivement payé, mais apparemment ce n'est pas le cas.

Le garagiste à qui j'ai confié la moto (à 16h15) n'avait pas l'air bien impressionné, il a l'inspectée rapidement, il m'a dit que la fumée ne voulait certainement rien dire vu le temps, il a tout de suite vu que la fixation du rétroviseur n'était pas cassée mais juste desserrée, et par contre, qu'il faudrait changer le guidon (en plus du levier de frein avant et de la pédale de frein arrière, donc). Je n'ai pas bien compris cette histoire de guidon — il m'a semblé qu'il était juste un peu déplacé et pas abîmé — mais bon, apparemment ça ne coûte pas tant que ça, un guidon de CB-500F. Côté esthétique, j'ai aussi eu des éraflures sur le cache en bout droit du guidon (qui se change de toute façon avec le guidon), le rétroviseur droit, le clignotant droit, et le pot d'échappement, mais je n'ai pas fait remplacer tout ça. Enfin, il y a une pièce de carénage, un bout de plastique qui ne sert pas à grand-chose sauf à faire joli (le garagiste a appelé ça une écope[#3]), qui a été cassée, et là j'ai demandé à la changer, ce qui est peut-être un peu idiot de ma part parce qu'il s'avère que cette petite pièce à la con représente quasiment la moitié du coût total des réparations (d'ailleurs, elle n'est toujours pas changée, elle est en commande). Au total j'en ai eu pour 711€.

[#3] Tiens, tant que j'y suis à parler du français parlé par les garagistes, j'ai remarqué qu'il disait le CB-500F alors que moi, spontanément, je dis la CB-500F (parce que c'est une moto). Peut-être est-ce parce que dans sa tête c'est un roadster (bon, ça ne fait que repousser le problème : pourquoi dit-on un roadster alors que c'est une moto, mais toujours est-il que ça, j'ai l'impression que c'est assez établi). • Ajout () : ce n'est manifestement pas quelque chose d'universel dans le milieu de la moto, parce que cette vidéo faite par des journalistes moto utilise le féminin dans la vidéo elle-même et dans la description (et dans mon souvenir, mes moniteurs d'auto-école disaient aussi la).

(Stupidement, je n'ai pas suivi mes propres conseils et pas eu le bon réflexe de photographier la moto immédiatement après la chute, en la déposant chez le concessionnaire, et en la reprenant.)

J'avais fait poser sur la moto, juste après l'avoir achetée, des pare-carter (des barres fixées autour des parties basses du moteur pour le protéger en cas de chute) : je suppose qu'elles ont évité que j'aie des dommages plus importants.

Moi-même je n'ai rien eu à part un léger bleu à la face intérieure du mollet droit, peut-être que la moto est tombée dessus, je ne sais pas bien. (J'ai aussi eu une mini-tendinite au pouce gauche, mais je ne sais pas si ça a un rapport ; la veille j'avais fait une balade à vélo et j'étais revenu des douleurs dans les mains, je ne sais pas pourquoi mais c'est peut-être lié.) Quelques petites éraflures sur mon pantalon et mon blouson, mais vraiment pas grand-chose.

Bref, plus de peur que de mal, mais en fait, pas beaucoup de peur non plus sur le moment, j'ai surtout ressenti de l'emmerdement.

J'ai récupéré[#4] la moto une semaine plus tard (, donc). Il reste encore à changer la petite pièce de carénage que j'ai payée (très cher) mais pas reçue.

[#4] Soit dit en passant, je ne sais toujours pas le meilleur moyen d'aller entre chez moi et ce concessionnaire quand je n'ai, justement, pas la moto, mais que j'ai quand même mon équipement. Quand je l'ai déposée après la chute, je suis rentré à pied pour me détendre, ce qui était une idée stupide parce qu'il s'est mis à pleuvoir un vrai déluge et que ça prend quand même une grosse demi-heure. Quand je suis revenu la chercher avant-hier, j'y suis allé à Vélib, ce qui a été le trajet en Vélib le plus bizarre que j'aie jamais fait : j'étais équipé comme pour faire de la moto, donc, alors déjà les gens devaient me regarder un peu bizarrement parce que faire du vélo avec casque, gants et bottes de moto ce n'est pas courant, d'autre part j'avais pris un vélo à assistance électrique (ce que je ne fais normalement jamais) parce que sinon j'allais trop transpirer à monter la rue d'Alésia avec un blouson en cuir assez chaud, mais ce vélo était en piteux état, l'assistance s'est coupée plusieurs fois sans prévenir et par ailleurs la roue arrière devait manquer de rotondité et/ou de suspension parce que ça secouait beaucoup. D'autres fois j'ai pris une voiture de location (Share Now, ex Car2go), mais ce n'est vraiment pas terrible vu que la porte d'Orléans est un embouteillage monstre permanent. Et pour ce qui est des transports en commun, outre que je préfère éviter en période de covid, ce n'est pas franchement commode non plus.

Maintenant, quelles leçons dois-je tirer de tout ça ?

Bon, d'abord, que, même si là je m'en tire sans aucun dommage à part un peu de temps et d'argent perdus, la moto c'est dangereux, mais ça je le savais déjà. Outre l'agacement général que j'ai déjà souligné que le moyen de transport qui me procure un réel plaisir soit le plus dangereux de tous (si on exclut des choses vraiment exotiques comme l'hélicoptère), il y a un aspect plus spécifique ici : je n'avais certainement pas l'intention, en passant le permis moto, de m'en servir autant (la moto devait rester un moyen de secours pour aller au bureau, sachant que je comptais plutôt prendre les transports en commun ; et sinon, pour d'autres types de trajets, je comptais plutôt prendre la voiture) ; mais toutes sortes de choses ont fait que j'ai beaucoup plus circulé à moto que ce que j'avais prévu (j'en suis à 11483km au totaliseur) : le fait que je n'ai pas trop envie de prendre les transports en commun en ce moment, le fait que mon poussinet tient tellement à sa voiture (qu'il avait pourtant achetée pour que j'apprenne à conduire) que j'ose à peine y toucher et certainement pas la sortir et entrer dans le garage, et aussi le fait que rouler à moto est une des choses qui me permette de me détendre et par ailleurs un des seuls loisirs qui n'aient pas été fermés ou interdits entre deux périodes de confinement. Tout ça est une façon très subtile de dire que si je me blesse ou tue à moto d'ici quelques mois, ce sera la faute de la réaction au covid, ha, ha, only serious.

Mais plus spécifiquement ?

Aller moins vite dans les virages sur route mouillée, c'est évident. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le seul facteur. Petit calcul : si je faisais v=40km/h sur une route dont le rayon de courbure était de r=34m, cela représente une accélération centrifuge (enfin, centripète) de v²/r = 3.6m/s², soit 0.37g, donc je devais être incliné de 20° (parce que tan(20°)≈0.37) ; directement sur l'image de la dashcam, je mesure 23°, ça colle à peu près (la différence vient peut-être de ce que je penche plus la moto que le corps, ce qui est une erreur, cf. ci-dessous). Tout de même, il me semble que normalement, avec de bons pneus (et les miens sont censés l'être), on doit pouvoir incliner nettement plus que ça même sur route mouillée (preuve vidéo à l'appui). Il n'y a d'ailleurs aucune indication de vitesse limite sur cette rampe d'accès à la N118 (ni de panneau signalant un virage dangereux — ce n'est pas normal), et aller à 40km/h, fût-ce par temps de pluie ne semble pas une conduite de casse-cou. Peut-être qu'il y avait une petite flaque d'hydrocarbures que je n'aurais pas vue. Une autre possibilité, signalée par mon poussinet, et qui me semble crédible, est que j'ai commencé à accélérer en sortie de virage (notamment parce que la voie d'insertion est courte après la rampe d'accès) et que j'aurais perdu l'adhérence parce que le pneu était sollicité à la fois par l'accélération latérale due au virage et par l'accélération tangentielle due à la prise de vitesse ; néanmoins, mon accélération tangentielle ne pouvait pas être, si j'en crois les mesures faites par le GPS de la dashcam ou une analyse du son du régime moteur, supérieure à 0.7m/s², ce qui ne change quasiment rien à l'accélération totale (la composante centripète de 3.6m/s² reste largement dominante). Bref, je ne sais pas vraiment précisément ce que j'ai commis comme erreur, ce qui est embêtant s'il s'agit d'essayer d'apprendre à ne pas la reproduire.

L'autre chose, c'est que les réactions instinctives ne sont pas forcément les bonnes. Depuis que j'ai récupéré la moto après cette chute, je remarque que je me sens clairement moins à l'aise pour pencher dans les virages, j'ai une réaction instictive de peur de glisser et tomber. Si ça a pour conséquence de me faire aller moins vite et d'être plus prudent, c'est tout bon ; mais ce n'est pas aussi simple, pour deux raisons. (1) Comme il s'agit d'une réaction instictive, elle porte plutôt sur la trajectoire dans le virage que sur la vitesse en entrée de virage ; i.e., j'approche le virage avec une certaine vitesse qui est choisie avant d'éprouver cette réaction instictive et qui est, je crois, raisonnable, mais ensuite je me mets à avoir peur en tournant, et du coup, soit je freine pendant le virage, ce qui n'est pas bon pour le contrôle de la trajectoire, soit je tourne moins, ce qui risque de me faire prendre trop large, par exemple me déporter vers l'extérieur d'un giratoire. Dans les deux cas, ce n'est pas bien ! (2) En plus de ça, comme il s'agit d'une réaction instictive, mon cerveau l'a plus associée à mon inclinaison qu'à celle de la moto. Or ce qui limite la stabilité, c'est plutôt l'inclinaison des roues sur la chaussée (angle de carrossage)[#4b] ; comme l'angle du centre de gravité moto+motard est imposée par le rapport entre l'accélération centripète et la pesanteur (comme dans les calculs ci-dessus), la bonne façon de minimiser l'angle de carrossage en gardant constant l'angle du centre de gravité est pour le motard de se pencher ou déporter vers l'intérieur du virage (plus le motard penche, moins la moto aura besoin de pencher)[#5], mais justement la réaction instinctive produit l'effet exactement contraire (je suis tombé en penchant, donc penchons moins !). Bref, en ces circonstances, la peur est plutôt mauvaise conseillère : il s'agit pour moi d'être plus prudent, mais de façon raisonnée, pas dictée par une peur instinctive.

[#4b] Ajout () : Il est vrai que, comme on me le fait remarquer en commentaire, ce n'est pas si clair que ça, parce que les efforts seront de toute façon les mêmes. Bon, je n'en sais rien !

[#5] J'avais trouvé, et peut-être lié depuis de blog, une vidéo qui expliquait ça assez bien. On pourrait dire que le comportement « de base » dans un virage est neutre, i.e., le motard penche avec la moto et reste dans le même axe qu'elle. Il peut y avoir des raisons de pencher plus ou de pencher moins : pencher plus ou se déporter (pour que la moto penche moins) permet d'avoir une meilleure stabilité, et c'est ce que font ceux qui font de la piste ; mais pencher moins, au risque que la moto penche plus peut aussi avoir son intérêt si l'adhérence n'est pas un problème : ça permet d'avoir les yeux plus à l'extérieur du virage, donc de voir plus loin (si l'intérieur du virage est bloqué par un obstacle).

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