David Madore's WebLog: 2025-09

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en septembre 2025 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in September 2025: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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(lundi)

Revoir Toronto

[Hôtel de Ville de Toronto]Je reviens récemment de dix jours de vacances à Toronto avec mon poussinet. Comme je suis de ceux qui voyagent extrêmement peu[#1] tant je n'aime pas ne pas être chez moi, et je ne prends quasiment jamais de vacances[#2], c'est, en soi, assez remarquable pour être signalé. Mais Toronto n'est pas pour moi juste une ville nord-américaine quelconque, c'est une ville à laquelle j'ai un certain attachement (disons au moins que c'est la seule du continent que je puisse prétendre connaître un petit peu), et j'ai de la famille dans le coin.

[#] La précédente fois que j'avais pris un vol long courrier, c'était en 2014 pour aller à New York.

[#2] Pas juste parce que je n'aime pas voyager, mais aussi parce que les « vacances » sont un peu une arnaque : la pile de choses pénibles que je dois faire continue à grandir exactement au même rythme que j'aie posé des jours de congés ou pas, donc espérer que prendre des vacances puisse être relaxant, dans ces conditions, est illusoire.

Méta : Ce billet est, comme à mon habitude, fort long, puisque je rassemble un peu tout ce qui me passe par la tête. Si vous voulez juste un compte-rendu avec quelques photos (d'autres suivront probablement plus tard), sautez plus bas. ❧ Par ailleurs, je fais des liens vers OpenStreetMap pour désigner certains endroits dont je parle, et j'essaie d'utiliser autant que possible le même centrage de la carte (ou un petit nombre de centrages différents) pour aider à comparer les endroits, mais comme je ne connais pas la taille de votre navigateur, si votre fenêtre est petite il faudra parfois dézoomer un peu pour trouver le marqueur qui signale l'endroit dont je parle.

☞ Mes précédentes visites à Toronto

Je suis déjà allé à Toronto, donc, mais ça remonte à longtemps, et on ne peut pas non plus dire que j'y suis sois allé souvent. J'y ai vécu un an, entre l'été 1984 et l'été 1985 (j'avais 8 ans, et et j'y ai été à l'école, en 3e année d'école primaire donc). Puis j'y suis retourné à l'été 1988 (environ un mois, mais je ne sais plus exactement). Puis de nouveau à l'été 1995 (je crois que j'y ai passé une semaine, suivie d'une autre semaine à Ottawa[#3]). Et la dernière fois avant celle-ci, c'était en avril 2007[#4] où j'y étais allé dix jours pour voir mon poussinet (qui faisait, lui, un stage de cinq mois à l'Université de Toronto). Ceci étant, comme je l'avais écrit dans mon billet sur le passage du temps (note #3), l'impression que j'ai dans ma tête est que ces passages à Toronto se rapprochent dans le temps alors qu'en réalité ils s'éloignent : et j'ai du mal à me rendre compte que ça faisait plus de 18 ans que je n'y avais pas mis les pieds.

[#3] Pro-tip : ne passez pas une semaine à Ottawa. Autant une semaine à Toronto c'est facile à meubler, autant une semaine à Ottawa c'est signer pour un ennui profond.

[#4] On voit que j'évite soigneusement de passer l'hiver à Toronto. (Et le seul hiver que j'y ai passé, celui de 1984–1985, a je crois été plutôt doux, alors qu'en France il a été très froid, donc on va dire que j'ai quand même de la chance.) Mais même en avril 2007 j'ai trouvé qu'il faisait insupportablement froid, et j'ai dû m'acheter une paire de gants sur place. Cette fois-ci nous avons eu beaucoup de chance avec le temps, parce que peu avant notre arrivée il faisait très désagréablement chaud (et humide), mais nous avons eu un temps extrêmement plaisant (à part une seule matinée pluvieuse) : ensoleillé et ni trop chaud ni trop froid. La période de fin août et début septembre est sans doute le meilleur moment pour visiter cette ville (au moins pour ce qui est de la météo, et si, comme moi, on n'aime ni le chaud ni le froid).

☞ À la recherche des changements

[Toronto]Mais peut-être justement qu'on comprend mieux un endroit si on n'y vient que rarement, parce que c'est l'occasion de remarquer des changements que les locaux, qui vivent le changement graduel et donc ne le voient pas forcément. Indéniablement, Toronto a beaucoup changé en 18 ans, surtout parce qu'il s'est construit beaucoup de nouveaux gratte-ciel, surtout à proximité du lac Ontario. Pour illustrer ce point, j'ai d'ailleurs essayé de couper, ci-contre, une de mes photos prises ce mois-ci dans les mêmes proportions que celle avec laquelle j'avais illustré mon billet de 2007[#5].

[#5] Le point de vue n'est cependant pas exactement le même, comme on l'aura remarqué (la photo de 2025 est prise depuis ici ; celle de 2007 a dû être prise depuis environ , même si je n'avais pas de GPS à l'époque pour noter précisément l'emplacement). Donc la comparaison n'est pas parfaite. Mais ça donne quand même une bonne idée du changement.

Évidemment, ce n'est pas évident de savoir, quand je ne reconnaissais pas un endroit, si c'était parce que l'endroit avait changé en 18 ans (voire 30, parce que parfois mon dernier passage à tel endroit remontait à ma visite de 1995) ou si c'était parce que ma mémoire[#6] avait déformé les choses. Je crois que ma façon de visiter, qui tournait parfois au pèlerinage sur des lieux vus précédemment mais pas forcément intrinsèquement intéressants, a parfois agacé mon poussinet, mais il a accepté de supporter les radotage de son copain sur le bon vieux temps (alors tu vois, c'est à cet endroit qu'en 1988, <anecdote absolument sans intérêt pour qui ne l'a pas vécue>). Lui-même n'était même pas tellement intéressé à revoir la maison où il avait séjourné quelques mois en 2007, et c'est moi qui ai insisté.

[#6] C'est toujours traître, la mémoire : je peux garder un souvenir incroyablement précis d'un détail mineur, et inventer complètement toutes sortes de choses autour. S'agissant de la géographie, cependant, l'effet typique est de comprimer les distances : je vais me rappeler précisément deux endroits A et B, et pas tout l'espace entre eux, donc dans ma tête ils seront côte à côte, et que je revois les lieux dans la réalité, je suis tout surpris de constater l'existence d'un écartement que j'avais mentalement complètement occulté. (Or il est certain que si Toronto a changé, l'espacement entre deux endroits donnés n'a pas dû bouger, la constante de Hubble n'est pas si importante que ça.)

Un exemple parfaitement sans intérêt pour donner une idée de ma façon de traquer le passé. Il y avait dans un parc du côté de l'Université de Toronto (je peux maintenant dire que c'était ici, dans le parc de Hart House Circle) quatre sculptures un peu mystérieuses (sculpture n'est pas terrible, mais je ne sais pas quel mot utiliser : marqueurs, peut-être ?) : trois en forme de pyramides creuses, et une en forme d'obélisque ; ces quatre trucs étaient alignés, du plus petit (l'obélisque) au nord au plus grand au sud. Je les avais remarqués quand j'étais petit, et je m'étais demandé à quoi ils servaient ou s'ils avaient un sens particulier. Puis j'avais fini par comprendre : ils étaient positionnés de sorte que les sommets des quatre fussent précisément alignés avec le sommet de la tour CN (haute de 553m, restée très longtemps la plus tour du monde, et qui domine et caractérise le paysage torontois), de sorte que si on plaçait son œil au bon endroit on voyait un alignement très satisfaisant. (Voyez ici et les photos que j'en ai prises en 2007.) En 1995 j'étais tout content de montrer cette petite curiosité de la ville à l'ami avec qui je voyageais (j'ai eu un petit peu de mal à la retrouver), et en 2007 je l'ai montrée à mon poussinet. Cette fois-ci, pas moyen de les retrouver. (Pour le coup, je ne pouvais avoir aucun doute de leur existence, mais je n'étais plus sûr de l'endroit.) Après investigation, j'ai eu confirmation du fait que je cherchais bien au bon endroit, mais les marqueurs ont disparu : ils existaient encore en 2019 (on peut les voir sur Google Street View, mais on m'a dit qu'ils n'étaient plus là en 2022).

J'ai tendance à être un peu obsédé, comme ça, à retrouver les choses du passé, à comprendre exactement ce qui a changé et comment, à enquêter sur quand et pourquoi.

Déjà en 2007 j'avais traîné mon poussinet dans une balade que mon papa et moi faisions régulièrement en 1984–1985, pour tâcher de retrouver par où nous passions (dans une des ravines que compte Toronto et qui reste un petit coin de verdure bizarrement isolé au milieu de la ville : en gros de à , même si je n'ai pas réussi à retrouver exactement quel était l'itinéraire[#7]), et maintenant j'ai de nouveau traîné mon poussinet pour retrouver à la fois l'itinéraire d'origine et aussi l'itinéraire que nous avions suivi en 2007 pour retrouver celui d'origine[#8].

[#7] Nous descendions dans la ravine de Yellow Creek (Avoca Ravine) typiquement au niveau de St. Clair Ave, et ensuite nous suivions le ruisseau vers l'aval. Mais en gros au niveau de son confluent avec le Don (celui-ci, évidemment, pas celui-là), on arrive dans un dédale très difficile à naviguer entre les rivières, plusieurs routes compliquées à traverser reliées entre elles par des gros échangeurs, une voie de chemin de fer, une autre voie de chemin de fer abandonnée, et une ancienne briqueterie (ici), maintenant abandonnée (qui en 2007 était franchement un peu glauque, mais depuis a été convertie en un lieu extrêmement bobo). Je ne sais plus du tout ce que mon papa et moi faisions quand nous arrivions là, ni par où nous sortions de la ravine. Vous vous en foutez complètement, mais moi ça me démange depuis 2007.

[#8] Normalement, l'itération de l'enquête devrait s'arrêter là : cette fois j'ai une trace GPS précise, enregistrée par le téléphone, du chemin que nous avons suivi chaque jour, et j'ai noté plein de détails de façon obsessionnelle dans mon journal (que je tenais déjà en 2007, mais pas aussi précisément).

Une chose importante à mes yeux qui a disparu du Toronto de 2025 alors qu'il existait encore (fût-ce sous une forme déjà diminuée) en 2007, c'est le Centre des sciences de l'Ontario, un musée des sciences qui a (avec le Palais de la Découverte à Paris) beaucoup fait pour mon éveil scientifique (j'en parlais dans ce billet). En 1995 je l'avais revisité avec énormément de plaisir. En 2007 j'avais été très déçu qu'une grande partie avait été réservée aux enfants (et l'ensemble du musée était nettement plus orienté dans le sens d'amuser les enfants maintenant que j'étais adulte que quand je l'appréciais en étant moi-même enfant). Maintenant il a complètement fermé (à cause de problèmes dans le bâtiment qui est d'ailleurs architecturalement intéressant en lui-même). Dans le même ordre d'idées, il y avait une boutique de jouets scientifiques (Science City, dans le Holt Renfrew Centre), que j'adorais en 1984–1985, que j'avais été incroyablement heureux de trouver encore ouverte en 2007 (du coup, nous y avons acheté un Rubik's cube), et qui a fermé depuis. Et encore une fermeture à signaler : le World's Biggest Bookstore où j'ai passé plein de temps n'existe plus.

Mais bon, je ne veux pas ennuyer excessivement mes lecteurs en racontant les choses que j'ai essayé de retrouver (ou, au niveau méta, en racontant la manière dont j'ai ennuyé mon poussinet en essayant de les retrouver) ou les minutiæ des changements que j'ai remarqués. Beaucoup des choses que j'ai racontées dans mon billet de 2007 restent quand même parfaitement valables[#9].

[#9] Allez, encore un autre pour la route : en 2007, j'écrivais que l'équivalent canadien de Starbucks était Second Cup (mon poussinet adorait les Second Cup, et quand je lui ai rendu visite en 2007, nous avons passé la moitié de notre temps à Toronto à simplement traîner dans ces cafés). Maintenant, Second Cup existe encore, mais il y en a beaucoup moins (plusieurs de ceux que nous fréquentions en 2007 avaient fermé) : la réponse canadienne à Starbucks est maintenant plutôt Tim Hortons et il y en a partout… mais vraiment partout.

☞ Location et conduite d'une voiture

Une différence avec 2007 qui n'est en rien un changement de la ville, c'est que cette fois-ci mon poussinet et moi avons loué une voiture.

Je dis que nous avons loué une voiture, mais en fait c'est moi qui ai loué une voiture[#10], parce que ce gros malin a trouvé le moyen de laisser son permis de conduire en France[#11], du coup c'est moi qui ai dû conduire[#12], situation un peu absurde vu que je n'aime pas conduire une voiture alors que le poussinet aime beaucoup ça, et que j'étais quand même assez terrifié vu que c'était la première fois que je conduisais en Amérique du Nord (ou en fait, ailleurs qu'en France).

[#10] Nous avons d'ailleurs rencontré la complication suivante : mes cartes de crédit sont techniquement des cartes de débit (elles sont à débit immédiat, je préfère parce que c'est beaucoup plus simple pour faire mes comptes). La différence n'a aucun sens, aucun intérêt et aucune importance en France, mais comme Visa et MasterCard tiennent à la maintenir parce qu'en Amérique du Nord c'est important, ben c'est écrit debit au dos. Or apparemment les loueurs de voiture Nord-Américains, et pas seulement Nord-Américains, n'aiment pas du tout les cartes de débit (la raison n'est pas claire, et est certainement stupide parce qu'il est faux de prétendre qu'on ne peut pas bloquer des fonds sur une carte de débit). Donc nous avons essuyé plusieurs refus (et perdu deux heures) avant que Hertz accepte de me faire la location.

[#11] Apparemment il s'est dit bon, de toute façon, les Canadiens ne reconnaissent pas le permis de conduire français comme pièce d'identité, donc ça ne sert à rien de le prendre, et il l'a retiré de son portefeuille pour le poser sur son bureau. Et il ne s'en est rendu compte que quand nous sommes arrivés à l'hôtel et que l'hôtelier a listé le permis de conduire comme pièce d'identité possible.

[#12] J'ai eu une Toyota Corolla hybride (immatriculée, je ne sais pas pourquoi, en Nouvelle-Écosse). Plutôt agréable à conduire, même si j'ai trouvé bizarre la manière dont le moteur thermique se mettait parfois à rugir.

Bon, à vrai dire, la conduite n'a pas spécialement posé problème. Il y a quelques différences à savoir[#13] : les feux sont de l'autre côté des intersections (bon ça c'est facile à comprendre, et finalement pas si surprenant), on a le droit en Ontario de tourner à droite à un feu rouge s'il n'y a pas de panneau l'interdisant, il y a parfois des flèches vertes spéciales permettant de tourner à gauche en donnant le feu rouge en face, et sinon les limites de vitesse sont indiquées explicitement et semblent ne suivre aucune logique. Les voies de sortie sur autoroute sont assez confusantes parce qu'on ne sait jamais bien si la voie de droite va obliger à sortir où si on peut rester dessus (j'ai fini par apprendre à repérer le truc, mais du nombre de rabattements en urgence que j'ai vus, les locaux se font eux-même souvent surprendre). Mais rien de franchement renversant.

[#13] Je ne comprends pas pourquoi les loueurs de voiture ne se mettent pas ensemble pour éditer une brochure quelques règles à savoir sur la conduite dans <tel pays> à destination des étrangers. Ce serait quand même fortement dans leur intérêt d'éviter des accidents, et leurs clients apprécieraient.

La conduite des Ontariens ne m'a pas impressionné. Mon père m'avait toujours seriné que les Français conduisaient très mal (sur ce point je suis assez d'accord) tandis que les Canadiens étaient selon lui profondément civilisés sur la route. Bon, peut-être que les choses ont changé, et c'est vrai que ce n'est pas pareil, mais je n'ai pas trouvé que c'était franchement mieux. Il suffit qu'on roule un tout petit peu lentement parce qu'on hésite sur la direction à prendre (ou qu'on ne sait pas si la voie sort ou pas) et on vous klaxonne derrière, ou on vous double à toute vitesse par la droite (ce qui est, pour autant que je sache, aussi interdit en Ontario qu'en France, et encore plus con vu qu'il y a généralement plein de voies libres à gauche). Les gens ne tiennent pas bien leurs distances et ne savent pas anticiper les changements de file. Il y a certes peut-être un peu moins d'agressivité qu'en Île-de-France, et moins d'excès de vitesse. Mais sinon, j'ai aussi été étonné du nombre de voitures de sport au moteur très bruyant qui s'amusaient à accélérer très fort dans les rues de Toronto (je ne parle pas ici des autoroutes). Et évidemment, le nombre de pickups énormes[#14] est incomparable avec ce qu'on a en France.

[#14] Ce que j'ai peu vu, en revanche, c'est des motos : pas beaucoup en ville (et encore moins de scooters si on exclut les livreurs), et très peu sur les autoroutes. Une partie de l'explication, je suppose, est que le climat canadien ne doit permettre, en pratique, de faire de la moto que quatre ou cinq mois dans l'année, donc ce n'est pas très tentant d'en acheter. Il n'y a pas non plus beaucoup de camions : là la raison est certainement qu'en Amérique du Nord le rail sert surtout au fret alors qu'en Europe il sert au transport de passagers.

C'est surtout chiant. L'autoroute 401 de l'Ontario (autoroute est-ouest qui passe à travers Toronto), apparemment la plus fréquentée de toute l'Amérique du Nord, est, au moins en certains endroits, une 4×4 voies[#15] (c'est-à-dire qu'il y a, dans chaque sens, un jeu de 4 voies express et un jeu de 4 voies collectrices, avec des entrées-sorties entre l'extérieur et la partie collectrice, et des entrées-sorties entre la partie express et la partie collectrice). La circulation ne semble pas suivre le même genre de variations temporelles et spatiales qu'en région parisienne : c'est nettement moins bouché qu'autour de Paris aux heures de pointe[#16], mais il n'y a pas non plus vraiment l'air d'avoir de creux significatif. Nous sommes allés jusqu'à Niagara (pas par cette autoroute précise, mais par d'autres du même genre) : c'est interminable, c'est tout droit et tout plat à travers des paysages moches et il ne se passe rien. Je ne suis pas prêt à traverser le continent a mari usque ad mare par la route.

[#15] De façon générale, je rigole en pensant aux gens qui disent que Paris c'est le tout-voiture. Et encore, Toronto a un vrai métro, des vraies trams et des vraies lignes de bus, et il y a des vrais trains (pas rapides, mais qui fonctionnent) qui permettent d'aller ailleurs, et même des semblants de pistes cyclables : ce n'est pas Houston ; en 2007 nous avions pu faire plein de choses uniquement avec les transports en commun, donc même Toronto n'est pas le tout-voiture. Mais quand on voit Toronto (qui trouve quand même le moyen d'avoir des passages piétons avec un signe disant aux piétons qu'ils ne sont pas prioritaires là !), on se demande dans quel monde vivent les gens qui pensent que le Paris de 2025, ou même le Paris de 2005, ou même de 1985, ou même de 1965, serait le tout-voiture. Revenez un peu sur Terre, les gens qui utilisent cette expression !

[#16] En revanche, en revenant de chez mon cousin, nous avons été pris dans un énorme bouchon — en gros 45min de perdues — sur la partie « express » de la 401, qui était réduite en un point à une seule voie à cause de travaux, parce que nous n'avions pas bien lu ce que nous disait Google (rester sur la partie « collectrice » qui, elle, circulait très bien).

☞ L'impression d'étalement urbain

Laissant de côté la conduite automobile, c'est quelque chose qui me frappe, à quel point Toronto me paraît grand (je veux dire, étalé dans l'espace), notamment comparé à Paris.

Je ne suis pas sûr de savoir mettre précisément le doigt sur ce qui donne cette impression. Factuellement on peut dire que Toronto fait 631 km² de surface (limites ici) alors que Paris ne fait que 105 km² : oui, c'est plus grand. Mais en fait ces chiffres sont des limites administratives arbitraires : en 1998, Toronto a été fusionné (par le gouvernement de l'Ontario, et contrairement à la volonté des habitants) avec les municipalité voisines de York, East York, North York, Etobicoque et Scarborough ; surface du Toronto d'avant 1998 était de 97 km² (limites ici), donc tout à fait comparable à Paris, et inversement, la « petite couronne » autour de Paris (en comptant Paris) fait 762 km², tout à fait comparable à Toronto. (Les populations sont plus différentes : 2.8M d'habitants à Toronto contre 6.5M pour Paris et sa petite couronne. Donc Paris est nettement plus dense. Mais je ne sais pas si ça explique grand-chose à mon impression.)

Je pense qu'une partie de l'explication de mon impression est liée à la monotonie : Toronto a un centre-ville avec des grands immeubles, puis s'étale progressivement et très uniformément à partir de ce centre, presque sans centres secondaires, dans une banlieue interminable, aux paysages très peu variés[#17], et rendue encore plus monotone par le plan en grille[#18] des rues de la ville. Tandis que la banlieue parisienne comporte encore des centres secondaires historiques très nets et une plus grande diversité de paysages. Le fait que Toronto ne puisse grandir que dans trois directions (le sud étant bloqué par le lac Ontario) explique aussi que les distances soient plus grandes, à surface égale, qu'à Paris. Mais ce ne sont là que des impressions, et je serais heureux d'avoir quelque chose de plus objectif à mettre derrière mon impression.

[#17] Dans le quartier « financier » il y a plein de gratte-ciels de bureaux et, pas loin, d'habitations. Mais dès qu'on s'écarte un peu, en fait, Toronto est plutôt fait de bâtiments bas : soit des maisons, typiquement mitoyennes, dans les quartiers résidentiels (comme celle où j'ai habité en '84–'85), soit des immeubles bas avec souvent un commerce au rez-de-chaussée (vue typique ici).

[#18] Toronto suit, depuis sa fondation, ce plan en grille typique des villes nord-américaines. Mais il ne pousse pas la logique comme le fait Manhattan jusqu'à donner aux voies de simples numéros : il faut donc connaître le nom des principales si on veut se repérer. (Il n'y a même pas la convention que les rues vont dans un sens et les avenues dans un autre.)

☞ Le PATH

Parlant d'organisation de l'espace, il y a autre chose que je dois évoquer à propos de Toronto parce que c'est une particularité de la ville et même une possible attraction touristique : le PATH.

[Vue dans un centre commercial]Il s'agit d'un réseau de centres commerciaux, généralement souterrains, interconnectés les uns aux autres. Toronto a un grand centre commercial, le Eaton Centre (ici), mais beaucoup des gratte-ciel de bureaux dans le centre-ville ont leur propre centre commercial au sous-sol (plus petit que le Eaton Centre, mais pas forcément si petit que ça), avec à la fois des commerces qui peuvent être utiles aux gens qui travaillent dans l'immeuble ou à proximité (notamment souvent un food court rassemblant plein de restaurants rapides), ou d'autres d'intérêt général. Et ces différents centres commerciaux, ou du moins ceux situés en gros entre le Eaton Centre et le lac, ont été connectés les uns aux autres, ainsi qu'à plusieurs stations de métro, par toutes sortes de passages souterrains, formant un immense complexe commercial. Il y a d'autres villes qui ont ça, notamment parce que c'est assez apprécié au Canada de ne pas avoir à sortir quand il fait froid, mais celui de Toronto est particulièrement grand. (D'après Wikipédia, il y aurait plus de 30 km de galeries et plus de 1200 boutiques, et ce serait un record mondial ; et ces chiffres semblent dater de 2014 environ.) La photo à gauche du poussinet quelque part[#19] dans le PATH montre à quoi ça peut ressembler.

[#19] Elle a été prise alors que nous allions entre la Exchange Tower et le Richmond Adelaide Centre. Comme le GPS ne marche pas en souterrain, je n'ai pas l'emplacement exact.

Et ce qui est intéressant aussi, c'est que même quand les commerces ferment[#20], le réseau reste accessible (peut-être pas en totalité, mais au moins en large partie), comme une voie publique. L'ambiance y est alors un peu surréaliste, parce qu'on traverse ces espaces très propres mais déserts dans des couloirs interminables et un peu labyrinthiques : cela peut titiller l'inquiétude associée aux espaces liminaux[#21].

[#20] À part pour les centres commerciaux vraiment prévus comme tels (le Eaton Centre notamment), les commercent du PATH semblent surtout ouverts aux heures de bureau, donc du lundi au vendredi, et fermant assez tôt. Même le vendredi est très calme, parce qu'apparemment depuis la pandémie les Torontois ont pris l'habitude de télétravailler ce jour-là.

[#21] Cf. par exemple cette vidéo ou celle-ci, ainsi que cet article Wikipédia et celui-ci, si vous avez besoin d'explications sur ce que j'entends par espaces liminaux.

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