Je reviens récemment de dix jours de vacances à
Toronto avec mon poussinet. Comme je suis de ceux qui voyagent
extrêmement peu[#1] tant je
n'aime pas ne pas être chez moi, et
je ne prends quasiment jamais de
vacances[#2], c'est, en soi,
assez remarquable pour être signalé. Mais Toronto n'est pas pour moi
juste une ville nord-américaine quelconque, c'est une ville à laquelle
j'ai un certain attachement (disons au moins que c'est la seule du
continent que je puisse prétendre connaître un petit peu), et j'ai de
la famille dans le coin.
[#] La précédente fois que j'avais pris un vol long courrier, c'était en 2014 pour aller à New York.
[#2] Pas juste parce que je n'aime pas voyager, mais aussi parce que les « vacances » sont un peu une arnaque : la pile de choses pénibles que je dois faire continue à grandir exactement au même rythme que j'aie posé des jours de congés ou pas, donc espérer que prendre des vacances puisse être relaxant, dans ces conditions, est illusoire.
Méta : Ce billet est, comme à mon habitude, fort long, puisque je rassemble un peu tout ce qui me passe par la tête. Si vous voulez juste un compte-rendu avec quelques photos (d'autres suivront probablement plus tard), sautez plus bas. ❧ Par ailleurs, je fais des liens vers OpenStreetMap pour désigner certains endroits dont je parle, et j'essaie d'utiliser autant que possible le même centrage de la carte (ou un petit nombre de centrages différents) pour aider à comparer les endroits, mais comme je ne connais pas la taille de votre navigateur, si votre fenêtre est petite il faudra parfois dézoomer un peu pour trouver le marqueur qui signale l'endroit dont je parle.
☞ Mes précédentes visites à Toronto
Je suis déjà allé à Toronto, donc, mais ça remonte à longtemps, et on ne peut pas non plus dire que j'y suis sois allé souvent. J'y ai vécu un an, entre l'été 1984 et l'été 1985 (j'avais 8 ans, et et j'y ai été à l'école, en 3e année d'école primaire donc). Puis j'y suis retourné à l'été 1988 (environ un mois, mais je ne sais plus exactement). Puis de nouveau à l'été 1995 (je crois que j'y ai passé une semaine, suivie d'une autre semaine à Ottawa[#3]). Et la dernière fois avant celle-ci, c'était en avril 2007[#4] où j'y étais allé dix jours pour voir mon poussinet (qui faisait, lui, un stage de cinq mois à l'Université de Toronto). Ceci étant, comme je l'avais écrit dans mon billet sur le passage du temps (note #3), l'impression que j'ai dans ma tête est que ces passages à Toronto se rapprochent dans le temps alors qu'en réalité ils s'éloignent : et j'ai du mal à me rendre compte que ça faisait plus de 18 ans que je n'y avais pas mis les pieds.
[#3] Pro-tip : ne passez pas une semaine à Ottawa. Autant une semaine à Toronto c'est facile à meubler, autant une semaine à Ottawa c'est signer pour un ennui profond.
[#4] On voit que j'évite soigneusement de passer l'hiver à Toronto. (Et le seul hiver que j'y ai passé, celui de 1984–1985, a je crois été plutôt doux, alors qu'en France il a été très froid, donc on va dire que j'ai quand même de la chance.) Mais même en avril 2007 j'ai trouvé qu'il faisait insupportablement froid, et j'ai dû m'acheter une paire de gants sur place. Cette fois-ci nous avons eu beaucoup de chance avec le temps, parce que peu avant notre arrivée il faisait très désagréablement chaud (et humide), mais nous avons eu un temps extrêmement plaisant (à part une seule matinée pluvieuse) : ensoleillé et ni trop chaud ni trop froid. La période de fin août et début septembre est sans doute le meilleur moment pour visiter cette ville (au moins pour ce qui est de la météo, et si, comme moi, on n'aime ni le chaud ni le froid).
☞ À la recherche des changements
Mais peut-être justement qu'on comprend mieux un
endroit si on n'y vient que rarement, parce que c'est l'occasion de
remarquer des changements que les locaux, qui vivent le changement
graduel et donc ne le voient pas forcément. Indéniablement, Toronto a
beaucoup changé en 18 ans, surtout parce qu'il s'est construit
beaucoup de nouveaux gratte-ciel, surtout à proximité du lac Ontario.
Pour illustrer ce point, j'ai d'ailleurs essayé de couper, ci-contre,
une de mes photos prises ce mois-ci dans les mêmes proportions que
celle avec laquelle j'avais
illustré mon billet
de 2007[#5].
[#5] Le point de vue n'est cependant pas exactement le même, comme on l'aura remarqué (la photo de 2025 est prise depuis ici ; celle de 2007 a dû être prise depuis environ là, même si je n'avais pas de GPS à l'époque pour noter précisément l'emplacement). Donc la comparaison n'est pas parfaite. Mais ça donne quand même une bonne idée du changement.
Évidemment, ce n'est pas évident de savoir, quand je ne
reconnaissais pas un endroit, si c'était parce que l'endroit avait
changé en 18 ans (voire 30, parce que parfois mon dernier passage à
tel endroit remontait à ma visite de 1995) ou si c'était parce que ma
mémoire[#6] avait déformé les
choses. Je crois que ma façon de visiter, qui tournait parfois au
pèlerinage sur des lieux vus précédemment mais pas forcément
intrinsèquement intéressants, a parfois agacé mon poussinet, mais il a
accepté de supporter les radotage de son copain sur le bon vieux temps
(alors tu vois, c'est à cet endroit qu'en 1988, <anecdote
absolument sans intérêt pour qui ne l'a pas vécue>
). Lui-même
n'était même pas tellement intéressé à revoir la maison où il avait
séjourné quelques mois en 2007, et c'est moi qui ai insisté.
[#6] C'est toujours traître, la mémoire : je peux garder un souvenir incroyablement précis d'un détail mineur, et inventer complètement toutes sortes de choses autour. S'agissant de la géographie, cependant, l'effet typique est de comprimer les distances : je vais me rappeler précisément deux endroits A et B, et pas tout l'espace entre eux, donc dans ma tête ils seront côte à côte, et que je revois les lieux dans la réalité, je suis tout surpris de constater l'existence d'un écartement que j'avais mentalement complètement occulté. (Or il est certain que si Toronto a changé, l'espacement entre deux endroits donnés n'a pas dû bouger, la constante de Hubble n'est pas si importante que ça.)
Un exemple parfaitement sans intérêt pour donner une idée de ma
façon de traquer le passé. Il y avait dans un parc du côté de
l'Université de Toronto (je peux maintenant dire que
c'était ici,
dans le parc de Hart House Circle) quatre sculptures un peu
mystérieuses (sculpture
n'est pas terrible, mais je ne sais pas
quel mot utiliser : marqueurs
, peut-être ?) : trois en forme de
pyramides creuses, et une en forme d'obélisque ; ces quatre trucs
étaient alignés, du plus petit (l'obélisque) au nord au plus grand au
sud. Je les avais remarqués quand j'étais petit, et je m'étais
demandé à quoi ils servaient ou s'ils avaient un sens particulier.
Puis j'avais fini par comprendre : ils étaient positionnés de sorte
que les sommets des quatre fussent précisément alignés avec le sommet
de
la tour CN
(haute de 553m, restée très longtemps la plus tour du monde, et qui
domine et caractérise le paysage torontois), de sorte que si on
plaçait son œil au bon endroit on voyait un alignement très
satisfaisant.
(Voyez ici
et là
les photos que j'en ai prises en 2007.) En 1995 j'étais tout content
de montrer cette petite curiosité de la ville à l'ami avec qui je
voyageais (j'ai eu un petit peu de mal à la retrouver), et en 2007 je
l'ai montrée à mon poussinet. Cette fois-ci, pas moyen de les
retrouver. (Pour le coup, je ne pouvais avoir aucun doute de leur
existence, mais je n'étais plus sûr de l'endroit.) Après
investigation, j'ai eu confirmation du fait que je cherchais bien au
bon endroit, mais les marqueurs ont disparu : ils existaient encore en
2019 (on
peut les
voir sur Google Street View, mais
on m'a
dit qu'ils n'étaient plus là en 2022).
J'ai tendance à être un peu obsédé, comme ça, à retrouver les choses du passé, à comprendre exactement ce qui a changé et comment, à enquêter sur quand et pourquoi.
Déjà en 2007 j'avais traîné mon poussinet dans une balade que mon papa et moi faisions régulièrement en 1984–1985, pour tâcher de retrouver par où nous passions (dans une des ravines que compte Toronto et qui reste un petit coin de verdure bizarrement isolé au milieu de la ville : en gros de là à là, même si je n'ai pas réussi à retrouver exactement quel était l'itinéraire[#7]), et maintenant j'ai de nouveau traîné mon poussinet pour retrouver à la fois l'itinéraire d'origine et aussi l'itinéraire que nous avions suivi en 2007 pour retrouver celui d'origine[#8].
[#7] Nous descendions dans la ravine de Yellow Creek (Avoca Ravine) typiquement au niveau de St. Clair Ave, et ensuite nous suivions le ruisseau vers l'aval. Mais en gros au niveau de son confluent avec le Don (celui-ci, évidemment, pas celui-là), on arrive dans un dédale très difficile à naviguer entre les rivières, plusieurs routes compliquées à traverser reliées entre elles par des gros échangeurs, une voie de chemin de fer, une autre voie de chemin de fer abandonnée, et une ancienne briqueterie (ici), maintenant abandonnée (qui en 2007 était franchement un peu glauque, mais depuis a été convertie en un lieu extrêmement bobo). Je ne sais plus du tout ce que mon papa et moi faisions quand nous arrivions là, ni par où nous sortions de la ravine. Vous vous en foutez complètement, mais moi ça me démange depuis 2007.
[#8] Normalement, l'itération de l'enquête devrait s'arrêter là : cette fois j'ai une trace GPS précise, enregistrée par le téléphone, du chemin que nous avons suivi chaque jour, et j'ai noté plein de détails de façon obsessionnelle dans mon journal (que je tenais déjà en 2007, mais pas aussi précisément).
Une chose importante à mes yeux qui a disparu du Toronto de 2025
alors qu'il existait encore (fût-ce sous une forme déjà diminuée) en
2007, c'est
le Centre
des sciences de l'Ontario, un musée des sciences qui a (avec le
Palais de la Découverte à Paris) beaucoup fait pour mon éveil
scientifique (j'en parlais dans ce
billet). En 1995 je l'avais revisité avec énormément de plaisir.
En 2007 j'avais été très déçu qu'une grande partie avait été réservée
aux enfants (et l'ensemble du musée était nettement plus orienté dans
le sens d'amuser les enfants maintenant que j'étais adulte que quand
je l'appréciais en étant moi-même enfant). Maintenant il a
complètement fermé (à cause de problèmes dans le bâtiment qui est
d'ailleurs architecturalement intéressant en lui-même). Dans le même
ordre d'idées, il y avait une boutique de jouets scientifiques
(Science City
, dans le Holt Renfrew Centre), que
j'adorais en 1984–1985, que j'avais été incroyablement heureux de
trouver encore ouverte en 2007 (du coup, nous y avons acheté un
Rubik's cube), et qui a fermé depuis. Et encore une fermeture à
signaler :
le World's
Biggest Bookstore
où j'ai passé plein de temps n'existe
plus.
Mais bon, je ne veux pas ennuyer excessivement mes lecteurs en racontant les choses que j'ai essayé de retrouver (ou, au niveau méta, en racontant la manière dont j'ai ennuyé mon poussinet en essayant de les retrouver) ou les minutiæ des changements que j'ai remarqués. Beaucoup des choses que j'ai racontées dans mon billet de 2007 restent quand même parfaitement valables[#9].
[#9] Allez, encore un autre pour la route : en 2007, j'écrivais que l'équivalent canadien de Starbucks était Second Cup (mon poussinet adorait les Second Cup, et quand je lui ai rendu visite en 2007, nous avons passé la moitié de notre temps à Toronto à simplement traîner dans ces cafés). Maintenant, Second Cup existe encore, mais il y en a beaucoup moins (plusieurs de ceux que nous fréquentions en 2007 avaient fermé) : la réponse canadienne à Starbucks est maintenant plutôt Tim Hortons et il y en a partout… mais vraiment partout.
☞ Location et conduite d'une voiture
Une différence avec 2007 qui n'est en rien un changement de la ville, c'est que cette fois-ci mon poussinet et moi avons loué une voiture.
Je dis que nous
avons loué une voiture, mais en fait
c'est moi qui ai loué une
voiture[#10], parce que ce
gros malin a trouvé le moyen de laisser son permis de conduire en
France[#11], du coup c'est moi
qui ai dû conduire[#12],
situation un peu absurde vu que je n'aime pas conduire une voiture
alors que le poussinet aime beaucoup ça, et que j'étais quand même
assez terrifié vu que c'était la première fois que je conduisais en
Amérique du Nord (ou en fait, ailleurs qu'en France).
[#10] Nous avons
d'ailleurs rencontré la complication suivante : mes cartes de crédit
sont techniquement des cartes de débit (elles sont à débit immédiat,
je préfère parce que c'est beaucoup plus simple pour faire mes
comptes). La différence n'a aucun sens, aucun intérêt et aucune
importance en France, mais comme Visa et MasterCard tiennent à la
maintenir parce qu'en Amérique du Nord c'est important, ben c'est
écrit debit
au
dos. Or apparemment les loueurs de voiture Nord-Américains, et pas
seulement Nord-Américains, n'aiment pas du tout les cartes de débit
(la raison n'est pas claire, et est certainement stupide parce qu'il
est faux de prétendre qu'on ne peut pas bloquer des fonds sur une
carte de débit). Donc nous avons essuyé plusieurs refus (et perdu
deux heures) avant que Hertz accepte de me faire la location.
[#11] Apparemment il
s'est dit bon, de toute façon, les Canadiens ne reconnaissent pas
le permis de conduire français comme pièce d'identité, donc ça ne sert
à rien de le prendre
, et il l'a retiré de son portefeuille pour le
poser sur son bureau. Et il ne s'en est rendu compte que quand nous
sommes arrivés à l'hôtel et que l'hôtelier a listé le permis de
conduire comme pièce d'identité possible.
[#12] J'ai eu une Toyota Corolla hybride (immatriculée, je ne sais pas pourquoi, en Nouvelle-Écosse). Plutôt agréable à conduire, même si j'ai trouvé bizarre la manière dont le moteur thermique se mettait parfois à rugir.
Bon, à vrai dire, la conduite n'a pas spécialement posé problème. Il y a quelques différences à savoir[#13] : les feux sont de l'autre côté des intersections (bon ça c'est facile à comprendre, et finalement pas si surprenant), on a le droit en Ontario de tourner à droite à un feu rouge s'il n'y a pas de panneau l'interdisant, il y a parfois des flèches vertes spéciales permettant de tourner à gauche en donnant le feu rouge en face, et sinon les limites de vitesse sont indiquées explicitement et semblent ne suivre aucune logique. Les voies de sortie sur autoroute sont assez confusantes parce qu'on ne sait jamais bien si la voie de droite va obliger à sortir où si on peut rester dessus (j'ai fini par apprendre à repérer le truc, mais du nombre de rabattements en urgence que j'ai vus, les locaux se font eux-même souvent surprendre). Mais rien de franchement renversant.
[#13] Je ne comprends
pas pourquoi les loueurs de voiture ne se mettent pas ensemble pour
éditer une brochure quelques règles à savoir sur la conduite dans
<tel pays> à destination des étrangers
. Ce serait quand
même fortement dans leur intérêt d'éviter des accidents, et leurs
clients apprécieraient.
La conduite des Ontariens ne m'a pas impressionné. Mon père m'avait toujours seriné que les Français conduisaient très mal (sur ce point je suis assez d'accord) tandis que les Canadiens étaient selon lui profondément civilisés sur la route. Bon, peut-être que les choses ont changé, et c'est vrai que ce n'est pas pareil, mais je n'ai pas trouvé que c'était franchement mieux. Il suffit qu'on roule un tout petit peu lentement parce qu'on hésite sur la direction à prendre (ou qu'on ne sait pas si la voie sort ou pas) et on vous klaxonne derrière, ou on vous double à toute vitesse par la droite (ce qui est, pour autant que je sache, aussi interdit en Ontario qu'en France, et encore plus con vu qu'il y a généralement plein de voies libres à gauche). Les gens ne tiennent pas bien leurs distances et ne savent pas anticiper les changements de file. Il y a certes peut-être un peu moins d'agressivité qu'en Île-de-France, et moins d'excès de vitesse. Mais sinon, j'ai aussi été étonné du nombre de voitures de sport au moteur très bruyant qui s'amusaient à accélérer très fort dans les rues de Toronto (je ne parle pas ici des autoroutes). Et évidemment, le nombre de pickups énormes[#14] est incomparable avec ce qu'on a en France.
[#14] Ce que j'ai peu vu, en revanche, c'est des motos : pas beaucoup en ville (et encore moins de scooters si on exclut les livreurs), et très peu sur les autoroutes. Une partie de l'explication, je suppose, est que le climat canadien ne doit permettre, en pratique, de faire de la moto que quatre ou cinq mois dans l'année, donc ce n'est pas très tentant d'en acheter. Il n'y a pas non plus beaucoup de camions : là la raison est certainement qu'en Amérique du Nord le rail sert surtout au fret alors qu'en Europe il sert au transport de passagers.
C'est surtout chiant.
L'autoroute
401 de l'Ontario (autoroute est-ouest qui passe à travers
Toronto), apparemment la plus fréquentée de toute l'Amérique du Nord,
est, au moins en certains endroits, une
4×4 voies[#15] (c'est-à-dire
qu'il y a, dans chaque sens, un jeu de 4 voies express
et un
jeu de 4 voies collectrices
, avec des entrées-sorties entre
l'extérieur et la partie collectrice, et des entrées-sorties entre la
partie express et la partie collectrice). La circulation ne semble
pas suivre le même genre de variations temporelles et spatiales qu'en
région parisienne : c'est nettement moins bouché qu'autour de Paris
aux heures de pointe[#16],
mais il n'y a pas non plus vraiment l'air d'avoir de creux
significatif. Nous sommes allés jusqu'à Niagara (pas par cette
autoroute précise, mais par d'autres du même genre) : c'est
interminable, c'est tout droit et tout plat à travers des paysages
moches et il ne se passe rien. Je ne suis pas prêt à traverser le
continent a mari usque ad mare par la route.
[#15] De façon
générale, je rigole en pensant aux gens qui disent que Paris c'est
le tout-voiture
. Et encore, Toronto a un vrai métro, des
vraies trams et des vraies lignes de bus, et il y a des vrais trains
(pas rapides, mais qui fonctionnent) qui permettent d'aller ailleurs,
et même des semblants de pistes cyclables : ce n'est pas Houston ; en
2007 nous avions pu faire plein de choses uniquement avec les
transports en commun, donc même Toronto n'est pas
le tout-voiture
. Mais quand on voit Toronto (qui trouve quand
même le moyen d'avoir des passages piétons avec un signe disant aux
piétons qu'ils ne sont pas prioritaires là !), on se demande dans quel
monde vivent les gens qui pensent que le Paris de 2025, ou même le
Paris de 2005, ou même de 1985, ou même de 1965, serait
le tout-voiture
. Revenez un peu sur Terre, les gens qui
utilisent cette expression !
[#16] En revanche, en revenant de chez mon cousin, nous avons été pris dans un énorme bouchon — en gros 45min de perdues — sur la partie « express » de la 401, qui était réduite en un point à une seule voie à cause de travaux, parce que nous n'avions pas bien lu ce que nous disait Google (rester sur la partie « collectrice » qui, elle, circulait très bien).
☞ L'impression d'étalement urbain
Laissant de côté la conduite automobile, c'est quelque chose qui me frappe, à quel point Toronto me paraît grand (je veux dire, étalé dans l'espace), notamment comparé à Paris.
Je ne suis pas sûr de savoir mettre précisément le doigt sur ce qui donne cette impression. Factuellement on peut dire que Toronto fait 631 km² de surface (limites ici) alors que Paris ne fait que 105 km² : oui, c'est plus grand. Mais en fait ces chiffres sont des limites administratives arbitraires : en 1998, Toronto a été fusionné (par le gouvernement de l'Ontario, et contrairement à la volonté des habitants) avec les municipalité voisines de York, East York, North York, Etobicoque et Scarborough ; surface du Toronto d'avant 1998 était de 97 km² (limites ici), donc tout à fait comparable à Paris, et inversement, la « petite couronne » autour de Paris (en comptant Paris) fait 762 km², tout à fait comparable à Toronto. (Les populations sont plus différentes : 2.8M d'habitants à Toronto contre 6.5M pour Paris et sa petite couronne. Donc Paris est nettement plus dense. Mais je ne sais pas si ça explique grand-chose à mon impression.)
Je pense qu'une partie de l'explication de mon impression est liée à la monotonie : Toronto a un centre-ville avec des grands immeubles, puis s'étale progressivement et très uniformément à partir de ce centre, presque sans centres secondaires, dans une banlieue interminable, aux paysages très peu variés[#17], et rendue encore plus monotone par le plan en grille[#18] des rues de la ville. Tandis que la banlieue parisienne comporte encore des centres secondaires historiques très nets et une plus grande diversité de paysages. Le fait que Toronto ne puisse grandir que dans trois directions (le sud étant bloqué par le lac Ontario) explique aussi que les distances soient plus grandes, à surface égale, qu'à Paris. Mais ce ne sont là que des impressions, et je serais heureux d'avoir quelque chose de plus objectif à mettre derrière mon impression.
[#17] Dans le quartier « financier » il y a plein de gratte-ciels de bureaux et, pas loin, d'habitations. Mais dès qu'on s'écarte un peu, en fait, Toronto est plutôt fait de bâtiments bas : soit des maisons, typiquement mitoyennes, dans les quartiers résidentiels (comme celle où j'ai habité en '84–'85), soit des immeubles bas avec souvent un commerce au rez-de-chaussée (vue typique ici).
[#18] Toronto suit, depuis sa fondation, ce plan en grille typique des villes nord-américaines. Mais il ne pousse pas la logique comme le fait Manhattan jusqu'à donner aux voies de simples numéros : il faut donc connaître le nom des principales si on veut se repérer. (Il n'y a même pas la convention que les rues vont dans un sens et les avenues dans un autre.)
☞ Le PATH
Parlant d'organisation de l'espace, il y a autre chose que je dois évoquer à propos de Toronto parce que c'est une particularité de la ville et même une possible attraction touristique : le PATH.
Il s'agit d'un réseau de centres commerciaux, généralement
souterrains, interconnectés les uns aux autres. Toronto a un grand
centre commercial,
le Eaton
Centre
(ici),
mais beaucoup des gratte-ciel de bureaux dans le centre-ville ont leur
propre centre commercial au sous-sol (plus petit que le Eaton Centre,
mais pas forcément si petit que ça), avec à la fois des commerces qui
peuvent être utiles aux gens qui travaillent dans l'immeuble ou à
proximité (notamment souvent un food court
rassemblant plein de restaurants rapides), ou d'autres d'intérêt
général. Et ces différents centres commerciaux, ou du moins ceux
situés en gros entre le Eaton Centre et le lac, ont été connectés les
uns aux autres, ainsi qu'à plusieurs stations de métro, par toutes
sortes de passages souterrains, formant un immense complexe
commercial. Il y a d'autres villes qui ont ça, notamment parce que
c'est assez apprécié au Canada de ne pas avoir à sortir quand il fait
froid, mais celui de Toronto est particulièrement grand. (D'après
Wikipédia, il y aurait plus de 30 km de galeries et plus de 1200
boutiques, et ce serait un record mondial ; et ces chiffres semblent
dater de 2014 environ.) La photo à gauche du poussinet quelque
part[#19] dans le PATH montre
à quoi ça peut ressembler.
[#19] Elle a été prise alors que nous allions entre la Exchange Tower et le Richmond Adelaide Centre. Comme le GPS ne marche pas en souterrain, je n'ai pas l'emplacement exact.
Et ce qui est intéressant aussi, c'est que même quand les commerces ferment[#20], le réseau reste accessible (peut-être pas en totalité, mais au moins en large partie), comme une voie publique. L'ambiance y est alors un peu surréaliste, parce qu'on traverse ces espaces très propres mais déserts dans des couloirs interminables et un peu labyrinthiques : cela peut titiller l'inquiétude associée aux espaces liminaux[#21].
[#20] À part pour les centres commerciaux vraiment prévus comme tels (le Eaton Centre notamment), les commercent du PATH semblent surtout ouverts aux heures de bureau, donc du lundi au vendredi, et fermant assez tôt. Même le vendredi est très calme, parce qu'apparemment depuis la pandémie les Torontois ont pris l'habitude de télétravailler ce jour-là.
[#21] Cf. par
exemple cette vidéo
ou celle-ci, ainsi
que cet
article Wikipédia
et celui-ci,
si vous avez besoin d'explications sur ce que j'entends par espaces
liminaux
.
Le plan du PATH est fourni ici par la mairie de Toronto[#22]. Ce qui est intéressant avec cette carte, c'est qu'ils ont choisi une organisation graphique comme un plan de métro (alors que, pour être bien clair, il s'agit de galeries piétonnes : il y a bien des connexions avec le métro, mais les liaisons montrées sur la carte sont des itinéraires à faire à pied), et ce qui est montré comme un seul point sur la carte est généralement une galerie commerciale d'une certaine étendue (et inversement, ce qui est figuré par un trait peut être une simple porte séparant deux galeries).
[#22] Il y a aussi un plan ici fait par des passionnés : c'est une version interactive ultra-détaillée, mais partielle.
J'ai le souvenir de m'être réfugié avec mes parents et des amis dans un de ces centres commerciaux[#23] une nuit d'orage en 1988 (je pense) et d'avoir été frappé par ce lieu vide que nous avions pour nous tout seuls, où j'ai passé pas mal de temps, avec les fils de nos amis, à courir dans les couloirs et les escaliers. Mais je pense que le PATH était encore embryonnaire à ce moment-là. En 1995 j'ai vraiment découvert son existence et passé plein de temps à le tracer de bout en bout (mais il était bien moins complexe que maintenant : en gros linéaire entre le Eaton Centre et Union Station). En 2007 j'ai découvert qu'il était devenu plus complexe, donc j'ai évidemment traîné mon poussinet dans son exploration. Et c'était bien sûr une visite programmée cette fois-ci.
[#23] First Canadian Place (i.e., celui qui est en-dessous de ce building), je pense. Il est remarquable par ses surfaces toutes en marbre de Carrare.
Un inconvénient du PATH, cependant, c'est que l'adresse postale d'un commerce qui se trouve dedans (et qui est juste celle du bâtiment au sous-sol duquel il se trouve) ne va pas forcément facilement permettre de le trouver. Nous avons découvert cette difficulté en cherchant le loueur de voitures Sixt dont nous avions l'adresse et que nous avons passé beaucoup de temps à trouver vraiment dans ce dédale de couloirs.
❁
☞ Déroulement de notre visite
Tout ceci étant dit, qu'avons-nous fait pendant 10 jours ? Je pense que nous n'avons pas mal occupé notre temps.
Notre avion est arrivé (en fait, l'avion s'est posé à 17h, mais nous avons dû patienter quasiment une heure la disponibilité d'une porte pour débarquer). Le temps de passer la frontière et les douanes, de rejoindre le centre-ville en train, et enfin notre hôtel[#24], de faire le check-in, de nous débarbouiller, et de ressortir, il était temps de chercher de quoi dîner, et en fait, 20h30 c'est déjà un petit peu tard pour dîner à Toronto (je veux dire qu'il y a des choses qui commencent déjà à fermer), donc nous nous sommes retrouvés à prendre un repas thaï à emporter dans un food court du Eaton Centre et le manger à l'hôtel.
[#24] Nous avons tenté d'utiliser uniquement le PATH pour ça, mais ce fut un échec : apparemment il n'est pas vrai que tous les passages du PATH sont ouverts en permanence, et celui entre le palais des congrès et notre hôtel ne l'est pas. (Bizarrement, nous avons quand même réussi à entrer dans le palais des congrès qui aurait dû être fermé, et nous étions ensuite dans un espace liminal du mauvais côté d'une porte fermée. Mais nous avons pu ressortir sur la rue et n'avons pas été condamnés à errer jusqu'à la fin de nos jours dans la dimension parallèle du PATH.)
Nous avions
choisi un hôtel
en plein
centre-ville (plus exactement dans le quartier « financier », où
sont les gratte-ciel), pas vraiment charmant ni pittoresque, mais
confortable et bien commode pour aller n'importe où. Nous avions une
vue vraiment très directe sur la tour CN et,
derrière elle et un certain nombre de tours d'habitation, sur le lac
Ontario.
, nous avons surtout passé la journée à déambuler en ville et retrouver nos marques : nous rappeler comment les choses sont organisées, nous rendre compte de ce qui a changé, etc. (C'est à cette occasion que j'ai, par exemple, pris la photo de l'hôtel de ville qui ouvre ce billet.) Nous avons notamment revu la maison (ici, et là sur Google Street View) où le poussinet avait habité en 2007. Nous avons aussi visité le musée Bata de la chaussure. Et nous avons déjeuné dans le même food court du Eaton Centre (qui était absolument bondé), cette fois à un indien, en nous disant que les tailles des plats sont décidément bien plus grandes qu'en France.
[#25], nous avons commencé par une petite visite du musée du rail de Toronto (qui est tout petit, mais situé juste à côté de notre hôtel dans une rotonde ferroviaire ; il faut dire que mon poussinet aime beaucoup les trains) : nous avons eu droit à une présentation d'une locomotive à vapeur (photographiée ici sur Wikimédia) par un ancien mécanicien de CN. Puis nous avons de nouveau marché en centre-ville sans but précis, et fait un peu de shopping. (Nous sommes notamment tombés par hasard sur une boutique/librairie, ici, spécialisée dans l'histoire et la géographie Toronto, et j'y ai acheté le livre Toronto: Biography of a City d'Allan Levine.) Nous avons dîné dans un excellent restaurant coréen (ici). Pour finir, le poussinet est allé voir la comédie musicale Back to the Future au Ed Mirvish Theatre, pendant que je rentrais à l'hôtel par le PATH (dans cette ambiance un peu bizarre quand tout est fermé).
[#25] Le poussinet se sentait enrhumé et il avait un peu de fièvre, donc nous n'avons pas fait énormément de choses ce jour-là.
, après avoir pris un brunch près de l'hôtel de ville (ici), nous sommes allés voir le quartier (Summerhill) où j'avais habité en 1984–1985 : l'école où j'ai passé un an (elle est là, et là sur Google Street View) et la maison où j'ai habité (là et là sur Google Street View) ; et j'ai rendu visite à une vieille amie de ma maman. Puis nous nous avons fait une longue promenade dans la ravine boisée (Yellow Creek / Avoca Ravine) dont j'ai parlé plus haut, jusqu'à l'ancienne briqueterie (ici) transformée en lieu très bobo, où nous avons mangé un peu, avant de suivre le Don en revenant vers le sud. (Mine de rien nous avons marché quelque chose comme 15km.)
Après ça, nous sommes montés à
la tour CN, juste pour le coucher du soleil. La vue est
évidemment toujours spectaculaire, mais la queue pour monter est
devenue bien pire depuis mes précédents passages à Toronto (en gros,
il faut compter 45min de queue). Sur la photo ci-contre, l'espace
boisé derrière les gratte-ciel correspond à la vallée du Don où nous
nous étions baladés juste avant.
Pour finir, nous avons dîné dans un restaurant de la chaîne Swiss Chalet (ce n'est pas spécialement bon, et malgré leur nom ils n'ont aucun rapport avec la Suisse, mais j'aimais beaucoup quand j'étais petit, alors je leur dois bien une visite tous les vingt ans).
,
c'était
la fête du
travail (ce que nous ne savions pas en arrivant, mais nous avons
vite compris quand les gens samedi parlaient du long week-end
).
J'avais donc proposé d'aller à un endroit qui ne risquait pas d'être
fermé. Dans un premier temps, nous avons visité le parc Biidaasige,
récemment ouvert
(ici)
dans des zones anciennement utilisées par les activités industrielles
du port de Toronto. Ce n'était pas très intéressant : le parc est
tout nouveau, les arbres sont encore tout petits, l'endroit était
écrasé de soleil (j'ai un peu tendance à oublier que Toronto est à la
latitude de Marseille), et il n'y avait pas grand-chose à
voir.
Puis nous sommes allés en ferry sur les îles de
Toronto : il y avait, évidemment, en ce jour de fête du travail et
avec le beau temps très agréable, un monde dingue, notamment dans le
parc d'attraction pour enfants
(ici) :
mais dès qu'on s'en éloignait un peu ça allait mieux. Il y avait
pendant tout le week-end de fête du travail
un spectacle
aérien, et on pouvait voir des avions dans le ciel faire des
loopings ou autres acrobaties.
Sur les îles, le poussinet et moi sommes allés voir la plage de Hanlan's Point (ici), une plage LGBTQ-friendly et optionnellement nudiste (mais comme nous n'avions pas pris de serviette, nous ne nous sommes pas baignés) ; et nous avons simplement flâné, en suivant notamment la « rainbow road » de l'île, jusqu'à un autre embarcadère pour revenir vers la ville.
Le soir, nous avons dîné dans un restaurant du quartier
chinois[#26] historique de
Toronto (restaurant fort peu originalement nommé A
Szechuan
Restaurant
, ici) :
c'était très bon, mais une fois de plus nous avions oublié combien les
plats au Canada étaient copieux par rapport à ce qu'on nous sert en
France (et en plus, comme nous avions l'impression d'avoir faim, nous
avons pris trois plats plus un riz, si bien que nous avons pu manger à
peine la moitié de ce qu'on nous a servi).
[#26] Nous étions d'ailleurs apparemment quasi les seuls clients typés européens. J'ai l'impression que ce restaurant sert pas mal de cantine à des étudiants d'origine chinoise de l'Université de Toronto.
nous avons loué la voiture. Comme je l'ai expliqué plus haut, ça a été plus compliqué que prévu et nous avons essuyé plusieurs refus (un par Sixt[#27] et un par Enterprise) à cause de mes cartes de crédit-en-fait-de-débit avant de réussi à la louer chez Hertz.
[#27] Avec la
complication, que j'ai mentionnée plus haut, que nous avons aussi
perdu beaucoup de temps à trouver où était l'agence Sixt où nous
avions réservé une voiture et dont nous avions seulement l'adresse
postale (d'abord pour comprendre qu'elle était dans
le Metrocentre
du PATH, puis pour la trouver dans ce centre
commercial).
Ensuite nous sommes allés visiter le zoo de Toronto[#28], destination choisie comme une sorte de test de conduite pour ne pas aller trop loin (ça reste quelque chose comme 50min de route dans chaque sens : le zoo est là, vraiment aux limites de Toronto). Nous avons visité le zoo un peu au pas de course parce qu'il fermait tôt (16h30) et que nous avions perdu plein de temps avec la location de voiture : c'est un peu dommage parce qu'il est vraiment très grand et qu'il méritait plus de temps.
[#28] Que je n'avais
pas vu, je ne sais plus bien pourquoi, en 2007, donc la précédente
visite remontait à 1995 quand il s'appelait
encore Metropolitan Toronto Zoo
vu que c'était
avant la fusion forcée en 1998 de Toronto avec les autres municipalité
de sa métropole.
Après la visite du zoo, j'ai voulu grignoter quelque chose (genre un sandwich) parce que nous n'avions rien déjeuné, et comme le Tim Hortons qui sert de cafétéria du zoo était fermé le poussinet m'a guidé dans une sorte de zone commerciale du Toronto lointain (par là) où nous avons fait des courses dans un Walmart, ce qui était, après tout, aussi une expérience intéressante, et nous avons rapporté quelques trucs pas forcément évidents à trouver[#29] en France.
[#29] Comme des céréales Froot Loops (que j'aimais beaucoup quand j'étais petit, et j'en avais déjà rapporté une boîte de Toronto en 2007).
nous sommes allés plus loin : d'abord, Niagara-on-the-Lake, où nous
avons déjeuné et visité un peu la ville, puis Niagara Falls.
Niagara-on-the-Lake (qui est située à l'embouchure de la rivière Niagara sur le lac Ontario, donc de l'autre côté[#30] par rapport à Toronto) c'est mignon, c'est une petite ville un peu historique et très proprette, il y a de belles propriétés et des gazons très bien entretenus. Niagara Falls (en amont sur la rivière, c'est-à-dire plus au sud, ici), c'est vraiment différent, c'est hyper touristique et complètement kitsch, une sorte de Las Vegas canadien ; mais les chutes elles-même, évidemment, offrent une vue spectaculaire. Entre les deux, nous avons suivi la route qui longe la rivière, et c'est en gros le seul endroit où j'ai vu des paysages un peu mignons en conduisant (vue typique sur Google Street View). Bien nous en a pris, parce que comme ça, nous sommes passés devant les Niagara Parks Botanical Gardens (ici), que nous n'avions pas du tout prévu de voir, mais qui sont vraiment jolis.
[#30] Depuis Fort Mississauga à Niagara-on-the-Lake nous sommes arrivés à voir les sommets des tours de Toronto, distants de 49km en ligne droite. Je regrette de ne pas avoir eu de jumelles, parce que c'est le genre de situation où on doit clairement pouvoir voir la courbure de la Terre.
, il pleuvait le matin donc nous en avons profité pour faire notre exploration du PATH (mon projet était de faire toutes les connexions « principales » sur le plan du PATH, le poussinet m'a convaincu d'en faire un peu moins, mais nous avons quand même passé environ deux heures à tournicoter dans les centres commerciaux souterrains).
Après ça, nous avons visité Casa Loma, un manoir néo-gothique construit au début du XXe par un homme d'affaire torontois, Henry Pellatt[#31], et depuis transformé en musée (où nous avons notamment vu un film sur la vie de Pellatt, un peu hagiographique mais néanmoins intéressant). Et nous avons conclu la journée par une visite du Royal Ontario Museum, le musée d'art, culture et histoire naturelle de Toronto, qui a notamment une collection très impressionnante de minéraux. Entre Casa Loma et le ROM, nous avons aussi passé pas mal de temps sur le campus de l'Université à retrouver les endroits où le poussinet avait travaillé en 2007.
[#31] Il a notamment contribué à électrifier Toronto avec l'énergie du Niagara.
Nous avons fini la journée en dînant au restaurant Canoe, qui nous avait été recommandé par la femme de mon cousin, et qui combine une excellente cuisine (il figure au Michelin) et une vue impressionnante puisqu'il est situé au 54e étage d'une des tours du Toronto Dominion Centre[#32].
[#32] Complexe conçu notamment par Mies van der Rohe (un architecte que j'aime beaucoup), mais je ne sais pas si la tour précise où nous étions fait partie de celles sur lesquelles il a travaillé.
nous avons commencé par visiter Ripley's Aquarium of Canada (situé juste à la base de la tour CN, et qui n'existait pas la dernière fois que j'étais venu à Toronto). À l'origine nous voulions y aller parce que nous avions vu qu'ils avaient un poulpe géant du pacifique (Enteroctopus dofleini), et que le poussinet et moi sommes fans des poulpes[#33], mais en fait, il vaut vraiment la visite même sans ça. En général je ne trouve pas les aquariums très excitants, mais celui-ci est absolument impressionnant par sa taille et par combien on voit bien les animaux (et même juste par la propreté des vitres). Certains de leurs bassins sont d'une taille colossale, il y en a même un qui est parcouru par un couloir (avec un trottoir roulant !) où les visiteurs peuvent voir les animaux de tous côtés, c'est vraiment spectaculaire.
[#33] Et jusqu'à présent, à chaque fois que nous avons vu un poulpe en aquarium, il faisait juste dodo et ne bougeait pas.
L'après-midi, nous avons repris la voiture pour aller
dans le parc urbain
national de la [rivière] Rouge
(situé par
là, pas très loin du zoo, et en fait juste un peu au-delà des
limites de Toronto) pour marcher un peu dans la nature. Ça reste une
nature très domestiquée, et on n'a pu faire qu'un tout petit
circuit[#34], mais ça m'a
quand même rappelé des paysages que j'ai pu voir
à Algonquin
Park[#35] quand j'étais
petit. J'ai quand même pu observer, maintenant que je sais un peu
mieux reconnaître les espèces d'arbres, des différences avec les
forêts franciliennes dont j'ai l'habitude.
[#34] L'approche canadienne de ce genre de parcs est de laisser les visiteurs libres de se promener… uniquement sur des chemins bien balisés et répertoriés. Les chemins sont bien entretenus, du coup, mais on a quand même l'impression d'avoir beaucoup moins de liberté que dans les forêts françaises où il y a plein de chemins (certes parfois un peu évanescents) qui se croisent dans tous les sens.
[#35] Algonquin Park est beaucoup plus grand (ça fait trois fois la superficie du Luxembourg…), mais aussi beaucoup plus loin (quelque chose comme 3h de voiture — dans chaque sens — depuis Toronto), donc il n'était pas question d'y aller sur un si court séjour. (Et comme je déteste le camping, ça ne m'attirait pas des masses.) Donc Rouge Park était un succédané raisonnable.
, enfin, nous sommes allés rendre visite à ma famille (paternelle) qui habite dans la région.
Le matin, ma tante (la petite sœur de mon père), qui habite Burlington, nous a fait visiter les jardins botaniques royaux (ici, pas loin de chez elle), où elle a travaillé comme bénévole et qu'elle connaît donc bien. Ils sont vraiment très jolis, surtout le Rock Garden qui est un peu plus loin (là).
Ensuite nous avons déjeuné et passé l'après-midi avec mon cousin (le fils de ma tante), que je n'avais pas vu depuis 30 ans, sa femme, leurs enfants (mes petits-cousins, donc, que je n'avais jamais rencontrés vu qu'ils ont juste un peu moins de 30 ans), et quelques personnes de la famille de la femme de mon cousin. Mon cousin et sa femme habitent à Carlisle (dans ce coin), autant dire que ce n'est pas facile d'y aller sans voiture. (Heureusement, mon cousin peut télétravailler assez souvent, et sa femme presque toujours.) Y aller et revenir m'a permis de voir aussi un peu à quoi ressemblent les routes du coin qui ne sont pas des autoroutes.
Le poussinet et moi sommes repartis par un vol (en milieu d'après-midi, juste le temps de prendre un brunch avant), avec une escale à Zürich le lendemain (dont je me serais bien passé, mais qui m'a permis d'acheter du chocolat suisse).
❁
☞ Quelques différences culturelles
Je n'allais certainement pas ressentir un culture shock profond en allant au Canada, à la fois parce que les différences avec l'Europe occidentale ne sont pas énormes et parce qu'il s'agit par ailleurs d'un pays où j'ai déjà vécu (et avec lequel je suis en contact de toutes sortes de manières, et dont j'ai la citoyenneté). Mais il y a toujours des petites choses, soit plaisantes soit agaçantes, qu'on oublie et qu'on redécouvre en mettant les pieds sur place.
Un exemple idiot, les pharmacies : en France (comme dans beaucoup d'autres pays d'Europe), une pharmacie ne vend en gros que des médicaments, des dispositifs médicaux ou de la parapharmacie, ou des choses plus ou moins en rapport (peut-être des poudres de protéine pour la musculation, des crèmes pour la peau, des compléments alimentaires et des brosses à dent, mais ça ne va pas beaucoup plus loin). Au Canada (comme aux États-Unis), une pharmacie, enfin, un drugstore est un petit supermarché qui se trouve avoir derrière un comptoir un endroit où on peut présenter une ordonnance (la pharmacie stricto sensu), mais qui peut vendre tout et n'importe quoi, des cartes de vœux ou des parfums, et nous avons même acheté des peluches dans une « pharmacie ». Je crois vaguement deviner que le Canada a juste la distinction entre médicaments sous ordonnance et tout ce qui peut être vendu sans ordonnance, alors qu'en France on a toute une gradation entre les médicaments sans ordonnance mais qui ne peuvent être vendus qu'en pharmacie, les médicaments sans ordonnance mais qui ne peuvent être vendus qu'à condition qu'on les demande au pharmacie, et je ne sais combien d'autres catégories. Je ne sais pas si ça explique, cependant qu'au Canada on trouve quinze ou vingt formes différentes d'Advil[#36] alors qu'en France il y en a seulement trois ou quatre. A contrario, je soupçonne qu'il y a des choses que j'achète sans problème en pharmacie en France que je ne trouverais pas facilement au Canada (pas parce qu'elles seraient interdites mais juste parce qu'elles ne seraient pas vendues), mais je n'ai pas pu mettre le doigt dessus précisément.
[#36] Ma photo n'en
montre « que » une quinzaine, mais après l'avoir prise j'ai remarqué
qu'il y en avait encore d'autres en face, avec des choses
comme Advil Cold
et je ne sais quoi encore.
Autre différence que j'avais oubliée mais qui m'a frappé : les toilettes. Des problèmes de prostate bénins combinés au fait que je bois énormément font que j'ai souvent besoin d'uriner : en France, trouver des toilettes est souvent très difficile[#37], mais là c'était tellement plus commode ! N'importe quel petit centre commercial a des toilettes, les stations de métro ont des toilettes, chaque parc public a des toilettes, etc. Et le plus épatant, c'est qu'elles sont toujours propres, et correctement fournies en papier toilette et en eau et en savon et en serviettes papier (ou séchoir à mains à air), alors qu'en France obtenir la conjonction des quatre tient presque du miracle. Et comme je bois autant que je fais pipi, j'apprécie aussi le fait qu'on trouve partout à Toronto des drinking fountains : il y en a maintenant un peu en France (il y a 40 ans c'était totalement inconnu), mais ça reste la dèche. J'aimerais bien savoir comment le Canada fait pour être si bien équipé, et combien ça coûte[#38].
[#37] Paris en a installé plein, mais à un instant donné environ 60% sont en panne. Et les 40% qui restent sont d'ailleurs dans un état de propreté déplorable. En-dehors de Paris, c'est encore pire.
[#38] Est-ce que les toilettes sont propres parce que les gens ne les salissent pas ? Ou parce qu'elles sont nettoyées de façon obsessionnelles ? Une combinaison des deux ? Une différence de conception ?
☞ Restauration
Parlons de quelque chose de peut-être un peu plus intéressant : je
ne suis pas sûr de comprendre comment les Canadiens (ou spécifiquement
les Torontois) mangent. Presque à chaque fois, au restaurant, les
tailles des plats m'ont semblé
énormes[#39]. Ça me semble
difficile de manger autant trois fois par jour et ne pas devenir gros,
or je n'ai pas eu l'impression qu'il ait plus de gens en surpoids à
Toronto qu'à Paris. Le plus simple est de supposer que les gens ne
mangent pas trois fois par jour : peut-être qu'ils prennent
typiquement un petit-déjeuner et un dîner (tôt par rapport à la
France). Je crois me rappeler une conversation avec ma tante il y a
longtemps où elle avait dit qu'elle ne prenait normalement pas
de lunch. D'un autre côté,
les food courts du PATH ont quand même l'air
d'être plus faites pour servir à déjeuner (elles sont fermées le soir)
qu'à dîner, ce qui semble invalider l'explication les Torontois ne
déjeunent pas
. Quand mon cousin m'a invité à manger samedi, il a
appelé ça dinner
, mais nous avons mangé à quelque chose comme
14h, donc moi j'appelle ça un déjeuner et je ne sais pas bien quoi
penser de tout ça.
[#39] Et par ailleurs très peu chères, mais ça c'est peut-être juste à cause du taux de change EUR/CAD qui était plutôt en notre faveur.
Bien sûr, quand on voyage, surtout si on prend le petit-déjeuner à l'hôtel (souvent un buffet très copieux, et c'est ce que nous avons fait trois ou quatre fois), il est tentant de ne pas déjeuner ensuite et d'attendre le soir pour manger. Mais j'aime bien faire au moins une petite pause pour manger (pas évident, en fait, de trouver un sandwich léger à Toronto !), et surtout j'aime bien finir par un café.
Autre différence culturelle à ce sujet : en France, un café
,
par défaut, c'est un espresso, et presque tous les restaurants vous en
proposeront un. (Et c'est la forme de café à laquelle j'ai
personnellement pris goût.) À
Toronto[#40], coffee
,
c'est un café filtre(?)[#41] :
l'espresso n'est certainement pas introuvable (d'ailleurs notre hôtel
avait une boutique de
café[#42] qui en proposait un
excellent), mais ce n'est pas aussi universel qu'en France dans les
restaurants.
[#40] Et sans doute plus largement en Amérique du Nord, mais je ne veux pas me risquer à généraliser au Québec.
[#41] Je ne sais pas
bien comment il est préparé, en fait. En France, un café
américain
c'est juste un espresso dilué, mais là je pense que ce
n'est pas le cas. Il est maintenu au chaud dans des thermos ou
bouteilles sur plaques chauffantes, mais je ne sais pas quel est le
mécanisme de fabrication initial. Ce qui est sûr, c'est qu'il est
beaucoup moins concentré qu'un espresso.
[#42] Apparemment ils sont australiens.
Si je parle de restauration, il faut aussi que j'évoque la tipping culture. En France, je ne laisse pas de pourboire dans les restaurants, et je n'aime pas l'idée : c'est une relation commerciale, le service fait partie du prix, je ne vois pas pourquoi je laisserais plus un pourboire à un serveur dans un restaurant qu'à un médecin que je consulte (ou[#43] au cuisinier dans le même restaurant…). Ça m'agace beaucoup qu'on voie de plus en plus la question de combien de pourboire laisser s'afficher sur les terminaux de paiement par carte bancaire[#44]. En Amérique du Nord c'est impossible de ne pas laisser de tip, parce que les serveurs ne sont pas payés correctement sinon (mais c'est quand même moins vrai au Canada par rapport aux États-Unis, que je sache) : c'est un cercle vicieux, Last Week Tonight avait fait un passage très bien là-dessus. OK, mais on laisse combien, et à qui ?
[#43] Et puis si on va suggérer l'idée de laisser un pourboire quand on apprécie le service, est-ce que je devrais demander un pourboire à mes élèves après avoir fait cours ?
[#44] Le problème
n'est pas que la question soit posée, le problème est que la question
soit posée de façon à suggérer fortement une réponse positive. Ce
n'est pas appuyez ici pour laisser un pourboire
, c'est d'emblée
le choix entre des valeurs typiquement exorbitantes eu égard au fait
que le service est inclus dans le montant, et où il faut chercher
le 0%.
Quand j'ai voyagé en Amérique du Nord avec mon père, il laissait toujours exactement 15% de pourboire (quel que soit le niveau de service, parce qu'il considérait, et je suis plutôt d'accord avec lui, que ce n'était pas à lui de juger le travail du serveur). De nos jours il semble que 15% soit considéré comme faible, mais est-ce le cas aussi au Canada ? (Aussi, est-ce que les 15% sont à calculer sur le prix avec ou sans taxes ?) Les terminaux de carte bancaire proposent des montants, et ça tient un peu du dark pattern : je ne sais plus où le terminal me proposait le choix entre 20%, 22% et 25%, et si je voulais mettre moins, non seulement je devais saisir le montant moi-même, mais en plus il ne me permettait alors pas le faire par pourcentage, alors j'ai dû sortir mon téléphone pour calculer, et saisir le montant en dollars, sous les yeux du serveur qui attendait, tout ça est vraiment un peu pénible.
Et pour quel type de services, aussi ? Si on va acheter de la nourriture à emporter, je ne vais certainement pas mettre un pourboire pour le service. (Mais le terminal de paiement va quand même me proposer d'en laisser un…) Le petit-déjeuner à l'hôtel était un buffet, donc le poussinet a considéré qu'il n'avait pas à mettre de tip. On lui a fait comprendre que c'était attendu. (La conversation est restée tout à fait polie, en gros on lui a demandé s'il y avait un problème, et après discussion le poussinet a proposé de remettre le tip, la personne de l'hôtel a refusé et ne nous a pas fait la gueule, mais c'était quand même gênant.)
☞ Drapeaux
Rien à voir, mais je finis par une dernière chose qui m'a frappé : les drapeaux canadiens partout.
Il est possible que ma mémoire ait déformé, mais dans mon souvenir les Canadiens n'étaient pas aussi enclins que les Américains à mettre en avant leur drapeau national. (Disons que j'aurais dit qu'on en voyait à peu près autant que de drapeaux français en France : devant les bâtiments officiels ou quelques autres institutions, et devant une poignée de maisons[#45], mais rien de comparable aux USA.) Là j'ai vraiment eu l'impression d'en voir énormément. Y compris, d'ailleurs, devant la maison de mon cousin.
[#45] Autre point de comparaison : le drapeau de l'Ontario. On en voit quelques uns, bien sûr, mais pas des masses (c'est certainement plus facile de revenir de vacances en Ontario sans savoir à quoi ressemble le drapeau de l'Ontario que l'analogue pour le Québec !). Dans mon souvenir il y avait à peu près autant de drapeaux du Canada que de l'Ontario ; dans la réalité, en 2025, c'est sans commune mesure. Même la législature de la province d'Ontario (qui est à Toronto, puisque Toronto est la capitale de l'Ontario) porte un gigantesque drapeau canadien qui couvre une bonne partie de sa façade. Pas de l'Ontario : du Canada. (Vérification faite sur Google Street View, il n'était pas là en 2023, ce qui me conforte dans l'idée que cette vexillomanie est récente.) Maintenant, il est vrai que le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford (accessoirement le frère d'un précédent maire de Toronto, fort sulfureux et dont on parlait déjà beaucoup — à l'époque il n'était que conseiller municipal — de mon précédent passage dans cette ville) semble beaucoup jouer sur son positionnement anti-Trump, et, de ce que je comprends, plutôt bien s'entendre en cela avec le premier ministre du Canada qui est pourtant d'un parti politique adverse.
Je soupçonne que c'est largement l'effet Trump qui fait ça. Sans
aller jusqu'à dire que Trump aurait créé le patriotisme canadien, il a
dû lui donner une belle impulsion par ses tarifs douaniers punitifs
(en réaction auxquels les Canadiens ont été encouragés à acheter
canadien) ou par ses propositions lunaires d'annexer le Canada comme
51e état[#46] des États-Unis,
ou simplement par la manière dont les Canadiens ont pu vouloir se
démarquer du délire de celui que ma tante a
appelé our neighbour
. Et ce n'est pas que dans
les drapeaux que ça se voit : plein de commerces
s'affichent proudly Canadian
ou de
produits made in Canada
; même une librairie où
j'ai traîné mettait en avant ses auteurs canadiens, et Air Canada les
films canadiens dans ses divertissements à bord du vol.
[#46] Disons, qu'une proposition un minimum crédible, à défaut d'être acceptable mais au moins un tantinet sérieuse, aurait été de proposer de faire de chacun des 13 provinces et territoires du Canada autant d'états, c'est-à-dire les 51e à 63e états de l'Union. Mais bien sûr les Républicains américains ne voudraient jamais d'un tel plan.
Mais ce n'est pas que les drapeaux canadiens qu'on voit partout : j'ai aussi été étonné du nombre de drapeaux arc-en-ciel[#47] un peu partout, et pas seulement dans des établissements ou lieux LGBTQ. Du genre : on débarque de l'avion à l'aéroport Pearson de Toronto, et à l'endroit de franchir le contrôle des passeports, il y avait deux drapeaux bien visibles — un drapeau canadien et un drapeau arc-en-ciel. Ou encore sur la devanture de LCBO, la société publique qui a le quasi-monopole de la vente des alcools en Ontario. Mais il y en avait aussi devant plein de commerces sans rapport particulier avec la communauté LGBTQ. Là aussi, je soupçonne que cette volonté (peut-être un chouïa forcée) de s'afficher progressiste[#48] est en bonne partie une réaction aux États-Unis de Trump.
[#47] Il y a plusieurs variantes du drapeau arc-en-ciel ou drapeau de la fierté, et je n'ai pas fait énormément attention à quelle variante était utilisée où, mais je dirais surtout celui-ci. Ah ben tiens, je n'ai pas rêvé, il a même une page descriptive sur le site officiel du gouvernement du Canada.
[#48] J'ai tendance à m'imaginer que les Canadiens sont effectivement globalement plus progressistes que les Américains (je veux dire, que les Étatsuniens), mais ce que je veux dire c'est que cette façon de vouloir le faire savoir me semble nouvelle, et je pense que c'est une façon de se démarquer des États-Unis de Trump.
Ceci étant, mon petit cousin a
dit[#49], peut-être un peu
facétieusement : We [Canadians] really aren't
different from Americans. We're just as obnoxious. We're just more
polite.
[#49] Bon, il parlait peut-être d'autre chose (je crois que la conversation avait tourné autour des voitures et de leur taille), mais je crois quand même que sa remarque se voulait assez générale.
☞ Stress et voyages
Je ne peux certainement pas nier que je me suis bien amusé pendant ces quelques jours à Toronto, et je suis globalement assez content de la manière dont nous avons occupé le temps (finalement plutôt efficace en terme de nombre de choses que nous avons réussi à faire[#50]). Et je ne suis pas trop mécontent de l'équilibre que nous avons trouvé entre les trucs touristiques inévitables (la tour CN, les chutes du Niagara…), la recherche de souvenirs personnels, l'exploration pour l'exploration, et vivre la ville telle que la vivent les locaux[#51] (le shopping, les îles, la ravine de Yellow Creek…).
[#50] En temps normal je me plains souvent que j'arrive à faire en gros « une chose par jour ». Force est de constater que dans certaines conditions j'arrive à pousser un peu au-delà.
[#51] J'ai déjà dû lier ça plusieurs fois, mais je suis un grand fan de ces cartes de différentes villes sur lesquelles on a fait figurer de façon automatisée des points où les touristes ont pris des photos et des points où les locaux en ont pris : voir ici pour Toronto et ici pour Paris. Je trouve ça très instructif pour savoir quelles parties d'une ville aller visiter en évitant les pièges à touristes. (Après, il peut aussi y avoir un snobisme afférent : par exemple, à Paris, je ne suis jamais monté en haut de la tour Eiffel, et je crois que je ne suis jamais allé à l'arc de Triomphe — ou alors j'étais vraiment tout petit et je ne me rappelle rien.)
Mais ce n'est pas contradictoire avec le fait que je trouve extrêmement fatigant le fait de voyager. Préparer mes affaires me stresse énormément[#52], le voyage lui-même est crevant, je suis incapable de dormir dans un avion, et, comme je le disais au tout début de ce billet, quand on revient on se retrouve face à la montagne terrifiante de choses à faire qui s'est accumulée pendant ce temps.
[#52] Et encore, nous allions dans une grande ville où il n'y avait pas de doute qu'on pût acheter à peu près n'importe quoi si nous l'avions omis ou oublié. De fait sur place, j'ai acheté un rasoir, de la crème solaire, un thermomètre (parce que le poussinet avait un peu de fièvre), un anti-histaminique et une crème à la cortisone (parce que j'ai fait une allergie cutanée probablement à je ne sais quel produit nettoyant utilisé sur la table dans le restaurant à Niagara) et un spray pour me nettoyer le conduit auditif (parce que je n'y arrivais pas bien avec le jet de la douche de la chambre d'hôtel).
Et ce n'est pas tout : il y a les choses qu'on a l'habitude de faire à la maison et qu'on ne peut pas vraiment faire ailleurs. Et symétriquement, même dix jours me suffisent à me sentir un peu chez moi là où je vais, à prendre des petites habitudes sur place que je regrette de ne plus pouvoir faire en rentrant. Et déjà aussi je me dis que je regrette de ne pas avoir fait certaines choses à Toronto : nous n'avons pas flâné dans certains quartiers pourtant intéressants[#53], nous n'avons pas vu certaines choses[#54] que j'aurais pu vouloir voir (ou revoir[#55]). Et s'il y a un tout petit culture shock en partant, il y a aussi un petit reverse culture shock en revenant, et un peu du stress de comme si c'était maintenant que j'étais en voyage.
[#53] Comme notre hôtel était du côté de Union Station, nous avons surtout déambulé du côté du quartier « financier », en gros là où est le PATH et l'Hôtel de Ville, et un peu en direction du lac. Mais nous n'avons presque pas suivi Bloor Street, pas du tout flâné vers Kensington Market ni Little Italy, et nous ne nous sommes quasiment pas aventuré à l'est de Yonge Street. Alors qu'en 2007 nous traînions dans des endroits un peu différents (un peu plus au nord).
[#54] Par exemple, j'avais pensé aller voir la Toronto Reference Library, qui est intéressante non seulement en tant que bibliothèque mais aussi pour son architecture (un chef d'œuvre de Moriyama), et notamment son spectaculaire atrium. Et puis ça m'est complètement sorti de l'esprit.
[#55] J'aurais pu, par exemple, essayer de retrouver précisément la résidence étudiante où j'avais logé en 1995 (pas facile). Mais je crois que ça aurait vraiment exaspéré mon poussinet.
He drew a deep breath. ‘Well, I'm back,’ he said.