Die Mathematiker sind eine Art Franzosen: redet man zu ihnen, so übersetzen sie es in ihre Sprache, und dann ist es alsobald ganz etwas Anderes.(Les mathématiciens sont comme les Français : si on leur parle, ils le traduisent en leur langue, et c'est alors aussitôt quelque chose de complètement différent.) — J. W. von Goethe
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats. […] C'est très beau, la logique. À condition de ne pas en abuser.— E. Ionesco, Rhinocéros
Si la logique mathématique peut sembler difficile, c'est qu'elle diffère subtilement de celle du langage quotidien (devrait-on dire qu'elle est plus « logique » ?), non tant par ses règles à proprement parler mais par le fait que ces règles soient plus rigoureuses et plus systématiques dans leur application. On tente ici d'en donner quelques applications.
C'est peut-être là le cœur de la difficulté. Un énoncé du
langage courant entraîne toujours quantité de sous-entendus dont on
n'a pas toujours conscience. Ainsi, dire Pierre parle le français,
l'anglais et l'allemand
sous-entend généralement que
c'est là une liste exhaustive : notamment, que Pierre ne parle pas
aussi l'italien et le russe ; dire le soir, je lis ou je regarde la
télé
sous-entend que les deux activités se produisent
effectivement ; et dire ce chat a des poils noirs et des poils
blancs
sous-entend que ce chat n'a pas aussi des poils roux ; et
ainsi de suite. Cela paraît tellement banal que nous n'y pensons même
plus ; et pourtant, ce faisceau de sous-entendus est terriblement
variable selon le contexte et les situations (ainsi, la phrase
Pierre parle le français, l'anglais et l'allemand
a un sens
bien différent selon qu'elle répond à la question Pierre parle-t-il
au moins le français, l'anglais et l'allemand ?
ou bien quelles
langues Pierre parle-t-il ?
: dans le premier cas la liste prétend
être exhaustive, mais pas dans le second) ; ce serait un défi
unsurmontable avec les technologies actuelles que de concevoir une
intelligence artificielle capable d'expliciter, pour une phrase donnée
du langage naturel, quels sont les sous-entendus qu'elle implique.
Un énoncé mathématique, en revanche, ne sous-entend (en
principe) rien que ce qu'il énonce explicitement. Par exemple,
dire la quantité Q est positive lorsque x est
positif
ne sous-entend pas que la quantité Q
n'est pas positive aussi dans d'autres circonstances. Dire
t est supérieur ou égal à 5
ne signifie pas
que t peut « effectivement » prendre la valeur 5. Dire
soit y est égal à 3 soit y est égal à 8
ne signifie pas que la seconde possibilité peut « effectivement » se
produire. Et ainsi de suite. Cela peut paraître déstabilisant ou
artificiel (et le problème est qu'on ne s'en aperçoit pas toujours
immédiatement), mais c'est le moyen d'assurer qu'un énoncé
mathématique se suffit à lui-même.
Un dialogue de logicien
- Le logicien
- Quel est votre nom, Madame ?
- La dame
- Françoise.
- Le logicien
- Donc votre nom est Françoise ou votre nom est Germaine.
- La dame
- C'est Françoise, Monsieur.
- Le logicien
- J'ai bien compris, Madame, c'est Françoise. Donc c'est Françoise ou bien c'est Germaine.
- La dame
- Mais puisque je vous dis que c'est Françoise, Monsieur, pas Germaine !
- Le logicien
- Tout à fait, Madame. Votre nom est Françoise, ou bien Germaine, ou bien Jacqueline.
- La dame
- Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires de Germaine et de Jacqueline ? Il est fou !
…et ainsi de suite.
Le « ou » de la logique mathématique relie deux affirmations pour former une affirmation qui est vraie exactement lorsque l'un, ou l'autre, ou les deux termes reliés sont vrais. Il est important de noter que (1) il n'est pas sous-entendu que les deux termes ne sont pas vrais simultanément, ni qu'il y a un quelconque lien entre eux, et (2) il n'est pas sous-entendu que chacun des deux termes puisse effectivement être vrai.
Un logicien pourra donc dire en vérité : soit Léonard de Vinci a
peint la Joconde, soit Victor Hugo a écrit Les
Misérables
(les deux se trouvent être vrais) ; de même :
l'œuf est venu avant la poule ou bien Paris est la capitale
de la France
(la seconde partie est vraie, donc peu importe que la
première le soit ou non) ; et encore : le chat de Schrödinger est
vivant ou le chat de Schrödinger n'est pas vivant
(si tant est que
Schrödinger ait eu un chat, c'est une tautologie, c'est-à-dire un
énoncé évident, vrai pour de simples raisons logiques).
Un dialogue de logicien
On demande à un logicien qui entre dans l'ascenseur,
vous montez ou vous descendez, Monsieur ?— et le logicien répond :oui.
Il n'y a en logique mathématique (classique) que deux valeurs de
vérité : le vrai et le faux. Cela signifie que
toute affirmation bien formée (correctement écrite), dans laquelle
toutes les variables sont définies (et aucune ne reste « libre »), est
soit vraie soit fausse (même quand on ne sait pas déterminer ce qu'il
en est). La scholastique a appelé ça le principe du tertium non datur (il n'y a pas de troisième
,
ou tiers exclu) ; notamment, il n'y a pas de « presque vrai » ni de
« pas tout à fait faux » en logique mathématique.
Un énoncé P est équivalent à l'énoncé P
est vrai
(donc encore,
, et ainsi de suite). En revanche, P est vrai
est
vraiP est
faux
est un énoncé exactement contraire de P (il est
vrai quand P est faux et réciproquement), appelé la
négation de P, ou encore non
P
; et la négation de la négation de P, soit
, est exactement
équivalente à P lui-même (autre reformulation du principe
du tiers exclu).P est faux
est faux
En logique mathématique, l'affirmation si P alors
Q
signifie tout simplement, soit Q soit
non P
, autrement dit ou bien P est faux
ou bien Q est vrai
. Elle n'implique rien d'un
quelconque lien de causalité entre P et Q.
Un logicien pourra donc affirmer avec justesse : si Johnny
Hallyday a peint le plafond de la chapelle Sixtine, alors Stendhal a
écrit Le Rouge et le Noir
; de même : si Rome est
la capitale de l'Italie alors Berlin est celle de l'Allemagne
; et
encore : si Henri IV a été empereur de Chine alors son cheval était
rouge vif
(ce qui signifie simplement que soit Henri IV
n'a pas été empereur de Chine soit son cheval était rouge
vif, et assurément la première affirmation est vraie).
Dans le langage commun, dire si P alors
Q
imagine un « monde imaginaire » dans lequel
P est vrai, et explore ses conséquences. Il n'en est rien
en mathématiques : tout énoncé, une fois fixées ses variables, est
soit vrai soit faux, et l'implication se contente de faire une
affirmation précise sur les valeurs de vérité de P et
Q (à savoir que P est faux ou bien que
Q est vrai). Rien n'est sous-entendu, non plus, sur ce qui
se produit « lorsque P n'est pas vrai » (quoi que cela
puisse signifier).
Une anecdote de logicien
Le logicien dit à son fils :
si tu n'es pas sage, tu n'auras pas de dessert. Son fils se tient sage. Le logicien ne lui donne pourtant pas de dessert (il a seulement précisé ce qui se passerait si le fils n'était pas sage, pas ce qui se passerait si le fils était sage).
La contraposée de l'implication si P alors
Q
est l'affirmation si (non Q) alors (non
P)
, et elle lui est équivalente : ces deux
affirmations signifient simplement que soit P est fausse
soit Q est vraie.
Par exemple, l'affirmation tous les corbeaux sont noirs
est
logiquement équivalente à sa contraposée, tout ce qui n'est pas
noir n'est pas un corbeau
. Un biologiste logicien, voulant
vérifier cette hypothèse, pourra donc soit trouver tous les corbeaux
du monde, un par un, et vérifier pour chacun qu'ils sont bien noirs,
soit trouver toutes les choses du monde qui ne sont pas noires (mais
cela demande plus de travail…) et vérifier pour chacune qu'elle
n'est pas un corbeau.
Comprenez les logiciens !
Si un logicien vous dit
si tu ne peux pas partir, tu es content, et que vous vous demandez ce que cela signifie, il est simplement en train de vous diresi tu n'es pas content, tu peux partir, en remplaçant cette affirmation par sa contraposée (qui lui est censément équivalente).De même, un