David Madore's WebLog: BiblioBlog (mes livres préférés)

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(mercredi)

BiblioBlog (mes livres préférés)

Je donne immédiatement mon choix de trois livres, établi au prix d'immenses déchirements : L'Aleph de Jorge Luis Borges, La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux et Les Trophées de José Maria de Heredia. Un choix terriblement difficile à faire, comme je viens de le dire, mais que je tente de justifier un minimum :

  • L'Aleph (El Aleph) de Jorge Luis Borges, à cause de plusieurs des nouvelles qu'il contient (essentiellement L'Immortel, Le Mort, L'Écriture du Dieu et la nouvelle éponyme pour le recueil, L'Aleph). Évidemment, il est difficile de juger un recueil : il y a certaines nouvelles de Fictions (Ficciones) que je peux préférer, mais je crois qu'elles sont moins nombreuses. J'ai du mal à décrire ce qu'éveillent en moi les nouvelles de Borges, c'est surtout une satisfaction intellectuelle devant leur construction parfaite, je pense, même si l'émotion n'est souvent pas absente ; en tout cas je suis fréquemment émerveillé de voir avec quelle précision l'auteur semble précéder mes propres cheminements mentaux, à tel point que je pense parfois qu'il m'est inutile d'écrire quoi que ce soit car Borges a tout écrit à ma place et infiniment mieux que moi.
  • La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Giraudoux est à mon avis tout simplement la pièce la plus parfaite jamais écrite. Je sais que son propre auteur n'aurait pas été de cet avis (il n'aimait pas tant cette œuvre). Mais je n'ai jamais ailleurs rencontré un mélange aussi parfait de l'humour et de la gravité : ce n'est pas une simple juxtaposition — l'humour est dans la gravité et inversement. Chaque scène, chaque conversation est à la fois si drôle et si profonde que j'ai envie de toutes les qualifier de kōan Zen.
  • Les Trophées de José-Maria de Heredia sont dans mon esprit l'expression la plus parfaite de la beauté de la langue française. Je sais que j'ai des goûts très académiques (pour ne pas dire positivement poussérieux), mais je me refuse à en rougir. L'alexandrin de Heredia m'enchante par sa majesté solennelle. J'ai d'ailleurs fait un effort important de saisie d'une bonne partie du texte des Trophées.

Voici maintenant, pour prolonger cette liste même si le seul choix de trois sera « pris en compte », ceux que j'ai écartés avec le plus de regret (listés à peu près en vrac) :

  • Jonathan Livingstone le goéland (Jonathan Livingston Seagull) et/ou Illusions : Le Messie récalcitrant (Illusions: the Adventures of a Reluctant Messiah) de Richard Bach. Ces livres ont eu la plus profonde influence sur moi et sur ma philosophie personnelle (même si je n'aime pas trop ce terme). Disons qu'ils m'ont aidé à construire mon regard sur le monde. Je ne les ai pas mis dans mon choix de trois parce qu'il aurait fallu choisir entre eux, d'une part, et d'autre part à cause de quelques légers reproches que je peux néanmoins leur faire (comme celui de laisser transparaître un certain théisme en filigrane qui est pourtant entièrement superflu à la philosophie exposée).
  • Le Hasard et la Nécessité (Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne) de Jacques Monod, un essai qui a également eu la plus profonde influence sur ma philosophie personnelle (on peut dire que c'est la lecture de ce livre qui a été un des éléments pour moi les plus déterminants dans l'affirmation de mon athéisme).
  • Les Villes invisibles (Le Città invisibili) et/ou Si par une nuit d'hiver un voyageur (Se una notte d'inverno un viaggiatore) d'Italo Calvino. Deux livres sans grand rapport à part leur auteur, que je regroupe parce que j'aurais aussi eu du mal à choisir entre eux. J'ai déjà parlé ici du second, qui est en quelque sorte un roman de tous les romans ; quant au premier, il est d'une poésie (mais une poésie plus dans les idées que dans la langue) et d'une beauté très rares.
  • Bug-Jargal de Victor Hugo — son premier roman, peu connu, écrit quand l'auteur n'avait que seize ans. Certains diront que c'est une histoire maladroite qui prouve que l'auteur n'était pas encore bien mûr, mais je trouve au contraire qu'elle est d'une force inouïe, et qu'elle dégage une émotion aussi forte, sinon plus, que ce qu'il a composé par la suite (même si la réflexion politique, elle, par exemple, n'a rien de comparable avec ce qu'on peut trouver, disons, dans Les Misérables, mais ce n'est pas ici le propos), sauf peut-être Hernani. En tout cas j'en ai été bouleversé quand j'ai lu ce roman.
  • Seconde Fondation (Second Foundation) d'Isaac Asimov — mais je pourrais en citer quantité d'autres du même auteur. Je me sens très proche d'Asimov du point de vue éthique, si j'ose dire, et j'aime énormément la bienveillance qui ressort clairement de la lecture de ses histoires. Mais Seconde Foundation est aussi sans doute le livre ayant l'histoire la plus intelligemment construite que j'aie jamais lu, l'œuvre d'un véritable génie combinatoire.
  • Gödel, Escher, Bach, ou peut-être Les Vues de l'esprit (The Mind's I), de Douglas R. Hofstadter (et Daniel C. Dennett pour le second ouvrage cité), des livres qui ont profondément marqué toute ma façon de penser.
  • Le Guide du routard galactique (The Hitch-Hiker's Guide to the Galaxy) de Douglas Adams (et les deux premiers des quatre ou cinq volumes qui suivent). Tout simplement le livre le plus drôle de l'Univers.
  • J'ai encore omis Bérénice de Jean Racine, une pièce qui me frappe par sa pureté et sa simplicité tant dans son intrigue que dans l'incroyable langue de Racine donc chaque vers est un bijou de force et de concision. Mais je ne mets pas la pièce dans ma liste de trois tout simplement car c'est un trop grand classique : si j'ouvre la porte dans cette voie-là, je devrais sans doute rajouter le Songe d'une nuit d'été (Midsummer Night's Dream) de Shakespeare, le Faust de Goethe, et en fait une telle quantité d'œuvres que je ne laisse plus aucune chance à quiconque (qui osera se comparer à Homère, Virgile, Dante, Shakespeare, Racine et Goethe réunis ? choisir trois livres n'aurait plus aucun sens).
  • Nathan le sage (Nathan der Weise) de Gottlob Gotthold Lessing, une pièce d'une grande beauté, à la fois drôle et optimiste.
  • Les contes d'Oscar Wilde (je ne sais pas bien comment ils sont regroupés — mais je pense notamment à The Happy Prince), tellement beaux et touchants.
  • Bilbo le Hobbit (The Hobbit) de J. R. R. Tolkien. Que, finalement, je préfère au Seigneur des Anneaux à cause de son charme et de sa légèreté enfantins.

— mais je m'arrête là : je n'ai pas l'intention de faire une liste complète des livres qui m'ont plu, ce serait un peu longuet. Et sinon, où que je mette la limite, il y aura des déchirements : voilà juste ce à quoi je pensais sur le moment parmi mes livres préférés, et je suis sûr que j'en ai oublié de très importants.

Merci à McM pour avoir signalé cette opération BiblioBlog.

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