David Madore's WebLog: 2015-08

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en août 2015 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in August 2015: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in August 2015 / Entrées publiées en août 2015:

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(samedi)

Comment survoler l'état de l'art d'un bout des mathématiques

J'aime bien dire que faire de la recherche en mathématiques est un peu comme explorer un palais magnifique et incompréhensiblement gigantesque, à la structure à la fois labyrinthique et élégante, — en étant totalement aveugle, si bien qu'on ne peut que tâtonner pour comprendre comment les salles sont agencées et quels bibelots précieux elles contiennent. Mais bien sûr il y a des ailes du palais qui sont bien explorées, transformées en musée depuis des siècles, dont plein de gens peuvent vous faire une visite guidée (parfois en vous montrant juste la Joconde que tout le monde vient admirer) ; et il y a les contrées lointaines et inexplorées où on se sent plus comme les archéologues qui déterrent des édifices entiers à la brosse à dent (hum, est-ce que je viens de trébucher sur un bout de la salle du trône ou des toilettes ?) ; et entre les deux, il y a les régions bien connues de certains, mais dont les cartes sont mal faites, incomplètes et, pour commencer, difficiles à trouver.

Ma comparaison a ses limites, bien sûr. Mais elle peut servir à donner une idée de ce dont je veux me plaindre ici (je me suis déjà plaint d'un problème semblable, mais probablement sans réussir à être très clair) : même quand on cherche à apprendre un domaine mathématique déjà connu (voire « bien » connu, même si ce genre de jugement sera toujours en bonne partie dans l'œil du spectateur), et d'autant plus si on cherche juste à s'en faire rapidement une idée générale sans forcément entrer dans les détails sordides, on se retrouve fréquemment devant une sorte de puzzle à résoudre, certes plus facile que si on devait tout découvrir soi-même, mais dans lequel il n'est pas pour autant facile de comprendre comment les pièces s'emboîtent.

Le problème est que l'immense majorité des articles mathématiques ont pour objet de démontrer un résultat nouveau, ce qui, dans ma métaphore palatiale, reviendrait environ à pointer l'existence d'un passage menant à telle pièce du palais, et donc à dresser une carte d'une minuscule région de celui-ci. Or, si on cherche à comprendre comment toute une aile est agencée et qu'on a seulement des cartes de ce genre, on est dans une situation un peu comme si on devait se faire une idée de la géographie générale de la France à partir d'une armoire de cartes au 1:25000, triées, qui plus est, par ordre alphabétique.

(Une question qui se pose inévitablement, d'ailleurs, en lien avec cette réflexion, est de savoir quel est le lectorat des articles de recherche mathématique. Certes, on peut naturellement penser qu'il s'agit presque exclusivement de mathématiciens professionnels, mais la proportion n'est peut-être pas si écrasante que ça. Après tout, moi qui ne suis pas physicien, je lis beaucoup d'articles de physique théorique. Et bien sûr, quand je le fais, j'ai tendance à chercher surtout les surveys, et/ou à sauter les calculs et les détails qui m'intéressent moins, et à rechercher là où sont les « grandes idées » de l'article ; souvent, bien sûr, l'abstract, l'introduction et les conclusions — à ce sujet, les mathématiciens ont d'ailleurs le snobisme de ne pas mettre de conclusions à leurs articles, ce qui est peut-être regrettable dans la perspective qu'ils puissent être lus par des non-spécialistes. Même si les non-spécialistes ne sont pas complètement étrangers aux mathématiques, ils peuvent être simplement des mathématiciens venus d'autres domaines et qui veulent connaître un peu le terrain de telle ou telle région du « palais » : il est réellement dommage d'écrire des articles fondamentalement hostiles à un tel lectorat.)

Bien sûr, il existe des articles, des monographies, des notes de cours, ou des livres (voire, d'encyclopédies), censés donner un panorama un peu plus vaste ! On parle généralement de surveys, ce qui colle assez bien avec ma comparaison cartographique. Mais d'une part ils sont loin d'être assez nombreux, ou de couvrir autant de territoire que les articles de recherche « active », même si on se limite aux terrains relativement bien explorés par la recherche : le problème est que, chez les hiérarques qui décident comment la recherche est évaluée comme chez les rédacteurs des journaux où elle paraît, ce genre d'activité est moins valorisé que le travail de fouille à la brosse à dent (hum, mes métaphores commencent à s'embrouiller un peu…). Je le regrette beaucoup, parce que je trouve que, de façon assez générale, la recherche mathématique (ou, à encore plus forte raison, informatique) souffre d'une surabondance de publications insignifiantes qui serait atténuée si on voulait bien un peu développer l'esprit de synthèse, de récapitulation et d'organisation à plus haut niveau. D'autre part, même quand des surveys existent, ils ont souvent tendance à présenter un petit nombre de résultats, certes dans un ordre qui met mieux en perspective leur rapport les uns aux autres, mais parfois sans donner pour autant une vision d'ensemble claire, et surtout, sans expliquer l'intuition, la philosophie, et les différents langages qui peuvent coexister, dans une branche ou sous-banche donnée de la science, et comment cette branche communique avec les régions adjacentes. Ici, la raison principale est que les auteurs de surveys aiment souvent privilégier leurs propres résultats, ou au moins, leur propre vision de l'état de l'art et de ce qui est important.

La manière dont j'essaie généralement d'apprendre un bout des mathématiques consiste d'abord à essayer de deviner les mots-clés qui pourraient m'y mener, puis faire des recherches sur ces mots-clés (le plus souvent avec Google, tout simplement : je n'ai pas trouvé que des moteurs plus spécialisés apportent vraiment quoi que ce soit de significatif). Je collecte un tas de références, qu'il s'agit ensuite de récupérer en ligne comme je peux (en maudissant, donc, la rapacité des éditeurs qui fait que les abonnements auxquels j'ai accès sont souvent la portion congrue, et je suis embêté de demander à des collègues d'autres institutions de m'aider, vu que la majorité des articles récupérés à ce stade ne m'intéresseront finalement pas ; s'il s'agit de livres, soit dit en passant, il y a des sites FTP pirates russes qui font certainement beaucoup plus pour les progrès de la recherche scientifique dans le monde que toutes les subventions des organismes bureaucratiques chargés de la financer). Cette première moisson me permet de collecter d'autres références (dans la bibliographie des articles en question) et d'affiner les mots-clés (parce que souvent je n'avais qu'une mauvaise idée de la terminologie), et j'essaie ainsi de faire un parcours en largeur du graphe d'adjacence du puzzle, si j'ose dire. J'imagine que cette façon de procéder n'a rien d'original.

J'ai parfois l'impression, cependant, que le parcours du graphe d'adjacence va me mener à l'infini (peut-être que sa géométrie naturelle est hyperbolique). En fait, j'ai souvent l'impression désagréable qu'a Alice (Through the Looking-Glass, chapitre V) that whenever she looked hard at any shelf, to make out exactly what it had on it, that particular shelf was always quite empty: though the others round it were crowded as full as they could hold — quand je lis un article, il n'y a jamais rien de bien passionnant dedans mais plein d'indications que les articles cités en références sont très intéressants pour le genre de question que je cherche à comprendre. Mais bon, je finis par me constituer une petite pile d'articles à éplucher.

Ensuite, il faut décider dans quel ordre lire les choses, ce qui n'est souvent pas du tout une mince affaire. Mais ce n'est pas le seul problème : voici deux difficultés que je rencontre fréquemment, et qui me rendent absolument furieux :

Primo, il y a les définitions-dont-on-ne-sait-pas-si-elles-sont-équivalentes. Typiquement, on lit un premier article consacré à la foobarologie et qui donne une certaine définition d'un foobar bleuté et en tire des conséquences sur leur frobnication. Puis on lit un second article sur un sujet (apparemment) très proche, qui donne une définition différente d'un foobar bleuté et en tire d'autres conséquences : forcément, on se pose la question, s'agit-il bien du même objet ?

Peut-être que la réponse est oui, et que c'est absolument évident pour le spécialiste de foobarologie, mais comme on essaie de s'y initier, par définition, on n'est pas encore spécialiste. Peut-être que la réponse est oui et que c'est un fait bien connu mais non évident. Peut-être que la réponse est non, mais que la différence est hautement technique et sans grande importance. Ou peut-être que c'est non, parce qu'il y a une hypothèse essentielle dans le cadre où s'est placé un des deux auteurs (peut-être qu'il est spécialiste de frobnification compacte, et que du coup il ne considère que les foobars compacts, et il n'a pas pris la peine de le dire, ou en tout cas, de le souligner de façon indiscutablement spectaculaire). Ou à cause d'un formalisme différent (un auteur considère les foobars bleutés en géométrie différentielle, un autre en géométrie algébrique, et les définitions sont certes très fortement reliées mais ne sont absolument équivalentes qu'à l'intersection des deux domaines — ou même pas). Ou à cause d'un objet sous-jacent à la donnée (les deux définitions de X-foobars bleutés sont équivalentes si X est un bazqux orangé, mais si X est un bazqux plus général, l'une ne marche pas). Dans tous les cas, on aimerait bien soit une explication sur l'équivalence entre les deux définitions, soit un contre-exemple à celle-ci, et on ne sait même pas où chercher.

La situation à de quoi rendre fou : et c'est encore pire si un troisième article fait vaguement référence à une définition, et on ne sait même pas laquelle on est censé imaginer (maintenant qu'on sait qu'il y en a au moins deux !). Je prétends donc qu'il est du devoir de tout auteur qui introduit une définition, surtout quand elle est un peu centrale à son propos, de rappeler s'il en existe des variations significatives, et le cas échéant si elles sont pertinentes et en quoi.

Secundo, il y a la situation où on sent bien que deux concepts ont un très fort rapport entre eux (je ne veux pas dire qu'ils soient synonymes, mais qu'il serait intéressant d'étudier la combinaison des deux, ou d'étudier l'un dans le contexte de l'autre, ou quelque chose comme ça), et qu'on ne trouve rien qui mentionne les deux à la fois. À nouveau, cela peut être pour différentes raisons : peut-être qu'on a mal compris et que ces concepts ne sont pas applicables l'un à l'autre ; peut-être qu'il y a une raison pour laquelle l'application de l'un à l'autre serait absolument triviale ; ou peut-être qu'elle se ramènerait à un autre problème trop simple ou trop classique ; peut-être au contraire que c'est trop compliqué et que personne n'a rien réussi à dire d'intéressant (mais que personne n'ose, et c'est bien dommage, écrire ce fait explicitement pour aider le débutant qui se demande pourquoi la connexion n'est pas faite) ; ou peut-être, ce qui est malheureusement fréquent, que l'un des deux concepts porte un nom totalement différent quand il est étudié par les spécialistes de l'autre concept ce qui explique la non occurrence simultanée des deux mots. Bref, on peut passer plein de temps à essayer de comprendre ce qui est relié à quoi (et comment). Cette fois, il est plus difficile de faire des reproches à l'auteur de tel ou tel article, mais on peut au moins préconiser que tout article susceptible d'être lu par un non-initié signale autant que possible les connexions avec des sujets proches.

Un problème annexe que je rencontre est que j'accumule quantité d'articles sur mes disques durs, et que je ne sais pas les organiser de manière à les retrouver ensuite : évidemment, je les étiquette par leur auteur, leur année et leur titre (ou du moins, les mots saillants du titre, enfin peu importe) ; mais si plus tard je veux réapprendre ce que j'aurai appris sur la frobnification des foobars bleutés et que j'aurai, évidemment, oublié dans l'intervalle, je devrai à nouveau essayer de retrouver par quel article il vaut mieux commencer, qui dans ma pile d'auteurs a écrit sur ce sujet, et où peut bien se cacher ce petit paragraphe qui m'avait un peu plus éclairé que les autres.

[À suivre… Je voulais continuer en donnant l'exemple des difficultés que j'ai eu à lire des introductions sur la théorie des variétés sphériques et sur l'analyse harmonique sur les espaces homogènes sous les groupes compacts, mais l'écriture de cette entrée s'éternisant, il vaut mieux que je publie déjà ça.]

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(mardi)

Comment vulgariser la théorie des particules (le modèle standard et le boson de Higgs) ?

Je sais qu'il n'est pas une bonne idée, sur un blog, de parler des choses qu'on va faire ou des textes qu'on va écrire, mais comme je ne finis pas le quart du dixième de ce que je commence (ou alors ça prend une éternité, comme ça m'a pris pour parler des octonions, et d'ailleurs je n'ai fait que le tiers de ce que j'avais prévu donc j'en ai encore deux tiers à faire derrière), peut-être que ça vaut quand même mieux parce qu'au moins j'arrive un peu mieux à finir les entrées où je parle de ce que je voudrais écrire que celles où je les écris vraiment. Bref.

La dernière fois que j'avais écrit quelque chose sur la physique fondamentale, j'avais laissé plein de choses en suspens, et au fil de la marche aléatoire (hautement récurrente) de mes intérêts passagers je suis revenu plusieurs fois travailler un bout de texte de vulgarisation sur la physique des particules et le modèle standard. Deux textes, même : l'un pour le très grand public, et un autre, sans doute plus original, pour tenter d'expliquer comment avec un tout petit peu de connaissances mathématiques — spécifiquement, d'algèbre linéaire et peut-être de théorie des groupes élémentaire — on peut déjà expliquer tout un tas de choses plus précisément que l'agitage de mains totalement « grand public » (j'avais déjà fait ça à propos des neutrinos, mais il y a un certain nombre de choses dans le même genre qu'on peut expliquer avec des maths pas trop compliquées, sans entrer dans les détails). Mais bon, mon intérêt va certainement passer à autre chose bien avant que j'aie fini l'un ou l'autre. (Généralement, quand je regarde la théorie quantique des champs, je finis par essayer de comprendre ce qu'est un instanton, par chercher à visualiser un sphaléron en train de se désintégrer, par essayer de comprendre ce qui se passe si on regarde un neutrino en train d'interagir avec un boson W en allant plus vite que le neutrino — ce qui est possible maintenant qu'ils ont une masse — de sorte qu'il paraisse tourner dans le sens inverse, et finalement par essayer d'imaginer à quoi ressembleraient 100g de neutrinos froids, et au bout du compte je me rends compte que je n'y comprends rien et que je ferais mieux de faire des maths.)

Du coup, pour ne pas que cette entrée soit complètement du vaporware, je voudrais quand même donner quelques liens sur lesquels je suis tombé sur le sujet. Ou peut-être plus précisément au sujet du boson de Higgs, parce qu'il y a eu beaucoup d'efforts faits par plein de gens différents pour expliquer (notamment aux contribuables qui ont payé pour le LHC) l'importance de cette découverte quand elle a été confirmée il y a trois ans environ — donc avec le recul on peut se demander qui a été le meilleur vulgarisateur.

D'abord, il y a cet exposé grand public de Sean Carroll (qui est d'ailleurs très amusant à écouter parler), et intitulé Particles, Fields and The Future of Physics. Je trouve qu'il est assez doué pour la vulgarisation, et en tout cas pour trouver des analogies pour expliquer des choses pas du tout évidentes à présenter au non-initié : la difficulté dans la vulgarisation est toujours surtout de trouver la bonne quantité de poussière à glisser sous le proverbial tapis — si on en laisse trop dehors, le public n'y voit plus rien, si on cache tout, le public repart avec des idées tellement fausses que c'est peut-être pire que s'il n'avait rien appris du tout. Il me semble que Sean Carroll trouve un très bon équilibre. Ce qui n'est pas du tout évident quand on parle du boson de Higgs ! Si on compare avec cet autre exposé, par Nima Arkani-Hamed (que j'ai déjà mentionné), aussi de vulgariation (peut-être un tout petit peu moins « grand public ») et sur un sujet proche, ce dernier rentre plus dans les détails précis de pourquoi le Higgs doit exister, il critique d'ailleurs (à partir de de 1h08min dans la vidéo) diverses métaphores utilisées pour vulgariser le rôle de ce boson, moi je trouve son exposé très intéressant parce que je sais un peu de quoi il s'agit, mais au final je ne sais pas si c'est vraiment éclairant pour le profane. Je veux bien que mes lecteurs qui ont la patience de regarder les deux vidéos me disent laquelle est la meilleure vulgarisation — ou si vous en trouvez d'autres du même genre à comparer. (Pour ceux qui ne veulent pas y passer des heures, cette vidéo de physiciens de l'université de Nottingham — qui font de la vulgarisation sur YouTube sous le nom Sixty Symbols, et c'est en général assez réussi, parle du Higgs en 12 minutes, mais ils reconnaissent explicitement que c'est très difficile de faire passer un message utile en si peu de temps et sans mathématiques.)

Si vous n'aimez pas les vidéos, j'ai repéré des bons textes de vulgarisation de Matt Strassler : ici une FAQ sur le boson de Higgs, qui est bien faite mais sans doute pas le plus intéressant : j'aime surtout bien sa récapitulation des particules décrites par le modèle standard et son compagnon, ce que ces particules seraient si le champ de Higgs était nul (ce qui a d'ailleurs peut-être été le cas très tôt après le Big Bang), je trouve ça extrêmement éclairant.

Enfin, pour ceux qui connaissent déjà un peu de théorie quantique des champs, cet article est ce que j'ai trouvé de mieux comme survey clair et concis du modèle standard (en fait, une des choses que j'aimerais expliquer, c'est qu'on peut réussir à lire pas mal d'information dans une telle description sans connaître la théorie quantique des champs, juste avec des notions d'algèbre linéaire et multilinéaire, mais évidemment pour ça il faut un petit dictionnaire, qui, s'il est plus simple qu'un cours de théorie quantique des champs, est néanmoins non-trivial notamment parce qu'il y a pas mal de notations à expliquer).

Ajout : voir cette entrée ultérieure pour quelque chose d'apparenté.

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(lundi)

Le sens métaphorique du Seigneur des anneaux — Tolkien, Asimov (et moi)

Quand j'étais petit, je n'ai pas lu le Seigneur des anneaux. Je le souligne, parce que j'ai passé plein de temps, à l'école primaire puis au collège, à baigner dans un monde imaginaire qui était le descendant spirituel de celui inventé par Tolkien : à travers les livres dont vous êtes le héros et d'autres histoires que j'ai pu lire ou des jeux sur ordinateur, mais surtout à travers les « aventures » que mes copains et moi nous racontions (soit sous forme de jeux de rôles, soit sous forme de fictions assumées, soit sous forme d'histoires où nous nous imaginions jouer un rôle, aux frontières de la réalité et du rêve). Quand on dit elfe, par exemple, je pensais — comme tout le monde depuis 1955[#] — à une créature humanoïde grande et majestueuse et éminemment baisable, et pas aux petits êtres malicieux voire maléfiques et voleurs d'enfants dont le nom a donné oaf en anglais ou Alp (comme dans Alptraum, le cauchemar) en allemand. Certes, j'ai lu The Hobbit assez tôt, mais The Lord of the Rings restait de ces œuvres qui m'intimidaient et que je n'osais aborder : pas tellement à cause de sa taille ou de sa complexité, mais plutôt parce que j'avais peur de détruire l'idée que je m'étais formée du contenu de ce roman mythique, à force d'indices lâchés çà et là par des amis qui l'avaient lu et d'autres ombres projetées sur le mur de la caverne culturelle par l'influence de Tolkien. Voici ce que j'écrivais dans la postface de La Larme du Destin [ajout : voir cette entrée ultérieure pour si vous voulez en savoir plus sur ce dont il s'agit] :

Quant au monumental The Lord of the Rings, je n'ai osé en entreprendre la lecture qu'en 1991 ; or ce retard ne m'a rendu l'œuvre que plus grandiose. Car j'en avais entendu parlé bien des années auparavant et dans l'entre-temps j'en avais beaucoup rêvé. Chaque fois qu'une personne qui avait lu l'épopée m'en révélait un détail, le livre grandissait dans mon esprit et se nourrissait de mes songes. Si bien que lorsque enfin je fus forcé par les circonstances à le lire, il y avait deux versions différentes de The Lord of the Rings : celle, réelle, que Tolkien avait écrite et celle que mon imagination avait échafaudée, réflexion déformée dans le miroir étrange de ma fantaisie. L'impression que j'eus en lisant le roman est celle qu'on a lorsqu'on n'a jamais vu d'une montagne que son image trouble dans un lac et qu'on lève soudain la tête pour apercevoir la masse granitique dans toute sa splendeur cristalline, majestueuse, si familière et pourtant si différente de ce qu'on en connaissait. L'effet produit sur moi fut très profond et je lus en moins d'une semaine les quelque mille pages écrites par Tolkien.

(Désolé pour mon style inimitablement pompeux dans le paragraphe ci-dessus. Dans les deux paragraphes ci-dessus, en fait, ainsi que dans ceux qui suivent. 😉)

En fait, je regrette un peu la version du Seigneur des anneaux que j'avais imaginée, et qui a maintenant complètement disparu de ma mémoire : les œuvres imaginaires sont souvent bien plus grandioses que les livres existants comme les songes peuvent être plus grandioses que la réalité. C'est sur cette idée que j'ai écrit cette nouvelle, qui essaie vaguement de décrire ce qu'était mon Seigneur des anneaux fantasmé — mais c'est un peu comme se souvenir d'un rêve. C'est sans doute aussi pour ça que j'écris des fragments d'œuvres imaginaires.

Mais je reviens au livre réel que Tolkien a écrit. Je l'ai lu en 1991, en très peu de jours, pendant des vacances scolaires. Ce qui s'est passé est que trois de mes camarades de classe devaient faire un exposé à son sujet pour le cours de français (oui, de français — enfin, de litérature, quoi). Je savais qu'ils seraient bien obligés de le résumer et que la version du livre dans mon imagination devrait bien cesser d'exister, et je préférais rencontrer le vrai à travers son texte même qu'à travers un exposé scolaire. Je suis donc allé à Paris l'acheter (mon lycée était en banlieue, à Orsay, où habitent mes parents), précisément à la librairie Le Nouveau Quartier Latin (elle n'existe plus, mais c'était sur le boulevard Saint-Michel, entre les Mines et Port-Royal), une des seules à vendre des livres en anglais à l'époque, et quasiment la seule rive gauche.

En rentrant, je me suis arrêté pour boire à la fontaine située juste à côté de l'entrée sud de la station de RER Luxembourg (rue de l'Abbé de l'Épée), parce que ce n'était pas marqué eau non potable, mais il faut croire qu'elle l'était quand même (non potable), en tout cas j'ai attrapé une gastro terrible. J'ai donc passé quelques jours au lit, et sans avoir rien de mieux à faire que lire le Seigneur des anneaux, si bien que je l'ai lu à une vitesse assez grande — au moins pour moi, qui ne suis pas lecteur compulsif. Je mentionne ça entre autres pour dire que je ne suis pas complètement honnête dans le passage où je m'auto-cite ci-dessus : le fait que j'aie dévoré le livre était plus dû au fait que mon estomac refusait de dévorer autre chose qu'à la manière dont le style de Tolkien m'aurait captivé.

Et, en vérité, je ne suis même pas totalement sûr d'avoir tant aimé que ça. Il y a toujours une certaine inertie quand je lis un livre : de même que j'ai du mal à en commencer un, j'ai aussi du mal à arrêter, et j'ai dû lire quelque chose comme 500 pages de la saga Dune de Frank Herbert avant de me rendre compte que je trouvais ça aussi intéressant que les aventures de Xenu selon L. Ron Hubbard (comprendre : les délires des mystiques, ce n'est pas ma tasse de thé ; ajout : voir aussi cette entrée ultérieure où je compare Herbert à Asimov). Donc le fait d'avoir lu mille pages en quelques jours ne prouve pas forcément grand-chose. Ai-je donc vraiment aimé le Seigneur des anneaux ? Si je m'en tiens à the big picture, certainement, oui, beaucoup, et je suis assurément fasciné par la richesse du monde que l'auteur a créé ; et le langage est très beau et incontestablement maîtrisé, et j'ai certainement appris des mots d'anglais en lisant le livre (notamment, lest, je suis à peu près sûr que c'est là que je l'ai rencontré pour la première fois, et il doit apparaître toutes les quelques pages) ; mais il est aussi vrai qu'il y a un certain nombre de passages que j'ai trouvés interminables et sans intérêt, où l'intrigue n'avance pas, où les descriptions me donnent une impression de ne pas correctement situer les choses malgré une abondance de détails. (Je crois me souvenir que j'ai été particulièrement rebuté par la bataille de Helm's Deep, dont je ne comprenais pas vraiment l'importance stratégique ou tactique, ni pourquoi les héros s'étaient retrouvés là-dedans, ni comment les lieux étaient agencés, et tout ça dure un nombre de pages considérable.) Maintenant, il est possible que j'aie été trop jeune pour bien l'apprécier, ou trop distrait par mes entrailles pour pouvoir me concentrer correctement : mais il y a une critique que je maintiens certainement, c'est qu'il manque cruellement la légèreté de ton qui dans le Hobbit venait fournir un contrepoint bien apprécié à la gravité ; je veux dire, il arrive aux personnages du Seigneur des anneaux de ne pas être graves (ne serait-ce que Bilbo lors de son anniversaire), mais le narrateur l'est toujours.

Passons, ce n'est pas de ça que je veux parler. Mes copains ont fait leur exposé, qui n'était pas spécialement mémorable, et je leur ai posé une question, qui était une sorte de piège (mais je les avais prévenu à l'avance que j'allais demander ça) : quel est, selon eux, le sens profond ou symbolique du roman — est-il une allégorie, bref, y a-t-il un message à en tirer au-delà de l'histoire telle qu'elle apparaît prima facie ? Je ne sais plus exactement pourquoi j'ai voulu leur tendre ce petit piège, je ne leur voulais certainement pas (l'un des trois était un très bon copain, un autre était un garçon dont j'étais éperdument — et bien sûr en secret — amoureux, et le troisième était très sympa), je crois que j'en voulais à la prof de français, mais la logique m'échappe actuellement assez ; peu importe. Je ne sais plus non plus ce qu'ils ont répondu à ma question, mais ils ont inventé un sens métaphorique, peut-être en invoquant la seconde guerre mondiale (peut-être même que je leur ai explicitement posé la question), et là j'ai sorti mon édition, qui contenait une préface de Tolkien qui je ne sais pas pourquoi ne s'était pas retrouvée dans l'édition française (en tout cas celle qu'avaient les exposants), et j'ai lu :

As for any inner meaning or ‘message’, it has in the intention of the author none. It is neither allegorical nor topical. As the story grew it put down roots (into the past) and threw out unexpected branches: but its main theme was settled from the outset by the inevitable choice of the Ring as the link between it and The Hobbit. The crucial chapter, ‘The Shadow of the Past’, is one of the oldest parts of the tale. It was written long before the foreshadow of 1939 had yet become a threat of inevitable disaster, and from that point the story would have developed along essentially the same lines, if that disaster had been averted. Its sources are things long before in mind, or in some cases already written, and little or nothing in it was modified by the war that began in 1939 or its sequels.

The real war does not resemble the legendary war in its process or its conclusion. If it had inspired or directed the development of the legend, then certainly the Ring would have been seized and used against Sauron; he would not have been annihilated but enslaved, and Barad-dûr would not have been destroyed but occupied. Saruman, failing to get possession of the Ring, would in the confusion and treacheries of the time have found in Mordor the missing links in his own researches into Ring-lore, and before long he would have made a Great Ring of his own with which to challenge the self-styled Ruler of Middle-earth. In that conflict both sides would have held hobbits in hatred and contempt: they would not long have survived even as slaves.

Other arrangements could be devised according to the tastes or views of those who like allegory or topical reference. But I cordially dislike allegory in all its manifestations, and always have done so since I grew old and wary enough to detect its presence. I much prefer history, true or feigned, with its varied applicability to the thought and experience of readers. I think that many confuse ‘applicability’ with ‘allegory’: but the one resides in the freedom of the reader, and the other in the purposed domination of the author.

La prof de français m'a rétorqué que l'auteur n'était pas forcément le mieux placé pour analyser son œuvre. Et elle avait parfaitement raison (et d'ailleurs, Tolkien écrit bien : in the intention of the author). Comme ont raison ceux qui continuent à chercher leur propre interprétation, s'ils arrivent à la défendre par des arguments intelligents (ou rigolos, comme dans cette vidéo ; ou, plus sérieusement, de vouloir voir dans le Gandalf de Tolkien, sa mort et sa résurrection, une figure christique comparable au Aslan dans Narnia de C. S. Lewis lequel est, pour le coup, tellement transparent que ça devient un peu ridicule). Seulement, à l'époque je n'étais pas de cet avis, et j'ai surtout dû être vexé.

Mais j'ai été pris à mon propre piège quand, six ans plus tard, je suis tombé sur un recueil de textes d'Asimov sur et autour du fantastique (Magic : il s'agit à la fois de nouvelles — qui ne sont sans doute pas ses meilleures — et de courts essais sur des sujets variés — qui sont plus intéressants que les nouvelles). Asimov appréciait beaucoup l'œuvre de Tolkien, et il y a d'ailleurs une nouvelle de science-fiction intéressante (dans un autre recueil) où il lui rend hommage, en imaginant quelqu'un qui crée le premier film en images de synthèse, en secret sur un ordinateur censé servir à autre chose, et ce film est une adaptation du Seigneur des anneaux. Et moi-même, je suis un grand fan d'Asimov, et j'ai lu le recueil avec beaucoup d'attention.

Bref, je suis tombé sur cet essai (Concerning Tolkien, je crois que c'est une version un peu développée — ironiquement, en 1991, l'année même où j'insistais sur le fait que, non, Tolkien avait écrit qu'il n'y avait pas de sens métaphorique, point-barre — d'une petite note qu'Asimov avait déjà dû publier ailleurs en 1980 et qui s'appelait The Ring of Evil), et dedans, Asimov, propose son interprétation de l'Anneau. Tout en reconnaissant (et en décomptant) les dénégations de Tolkien que j'ai citées ci-dessus à propos d'un sens métaphorique du Seigneur des anneaux (Tolkien is reported to have denied any application of his saga to the events of the day or any tortured symbolism of various items in the novels—but I don't believe him), voici l'explication que propose Asimov, et qui m'a semblé extrêmement convaincante :

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