David Madore's WebLog: Nouvelles réflexions sur la moto : bilan après sept semaines

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(lundi)

Nouvelles réflexions sur la moto : bilan après sept semaines

J'avais déjà écrit précédemment une entrée de blog avec des réflexions en vrac sur la moto peu après avoir passé l'épreuve « plateau » du permis. Cette entrée-ci est une sorte de continuation de cette dernière, et bien sûr aussi de celle-ci, sept semaines (et 1650km) après m'être acheté mon joujou : je rassemble ici toutes sortes de réflexions plus ou moins indépendantes (et présentées dans un ordre un peu aléatoire qui n'est pas celui dans lequel je les ai écrites) pour pouvoir les retrouver plus aisément mais aussi permettre aux lecteurs de mon blog que mes aventures motocyclistes n'intéressent pas de les ignorer plus facilement.

Table des parties

Bref, j'aime ça

Je radote évidemment en disant ça (mais compte tenu de la longueur de mes entrées de blog et du fait que mes lecteurs ne les apprennent pas forcément par cœur, il n'est pas inutile que je redise certaines choses) : je m'étais mis à la moto en bonne partie pour l'aspect pratique (pour pouvoir aller à Palaiseau de façon efficace ; et aussi pour apprendre à mieux conduire en général), mais je suis tombé dans une sorte de piège en découvrant que j'aimais énormément ça. (Une introspection un peu plus poussée, en acceptant le fait que je regarde les motards avec des étoiles dans les yeux depuis que je suis petit mais que je le refoulais vaguement, m'aurait certainement permis de déceler ce « piège » — mais je ne sais pas si ça me l'aurait évité, au contraire j'en aurais plutôt passé le permis plus tôt.) Faire une balade en moto me permet beaucoup plus efficacement que quoi que ce soit d'autre de me vider la tête (je vais y revenir), et d'éviter de penser à mes soucis du moment. Et dès que je descends de selle, même si je suis fatigué et content d'être rentré, en même temps, je regrette que ce soit déjà fini et j'ai envie de recommencer.

Si je suis complètement convaincu que « j'aime ça »[#], donc, en revanche je ne le suis pas franchement par l'aspect pratique qui était quand même une motivation initiale. En passant le permis moto, j'ai gagné le droit de me mettre en danger avec ce qui promet d'être aussi un gouffre à fric (et en ce moment, je pouvais m'en passer), et je ressens un certain sentiment d'injustice dans le fait que je découvre enfin un moyen de transport qui me plaît vraiment en celui qui est le plus dangereux[#2] et pas franchement le plus écologique non plus ; et en outre, il n'est pas franchement pratique : je gagne à peine de temps par rapport à une voiture parce que je n'ose faire de l'interfile que dans des conditions idéales, et je perds sur plein d'autres plans, par exemple parce que l'équipement est malcommode à se trimbaler, parce que c'est la merde quand il pleut ou qu'il vente ou qu'il fait froid ou qu'il fait chaud ou qu'il fait nuit, et j'en passe. J'ai l'impression que les dieux se rient de moi.

[#] Reste à savoir si ça va durer, même en l'absence de grosse frayeur ou d'accident : mes intérêts sont parfois d'autant plus de courte durée qu'ils sont forts, donc il n'est pas complètement exclu que la moto se retrouve finalement à prendre la poussière.

[#2] Bon, je suppose qu'en cherchant assez on doit pouvoir trouver plus dangereux que la moto, mais c'est certainement quelque chose de passablement exotique (l'hélicoptère, peut-être ?).

Quelques clichés sociologiques à 2 femtozorkmids sur les motos vs scooters

À propos de l'aspect pratique, il faut que je fasse une remarque sur les motos et les scooters.

La sociologie des utilisateurs de deux-roues motorisés m'intéresse maintenant que j'en fais partie (d'ailleurs, on est forcé de s'y intéresser un minimum pour passer le permis, parce que la fiche nº4 en parle un peu, et je suppose que le contenu restera dans l'épreuve théorique spéciale moto). YouTube, dont le talent pour titiller nos addictions est si impressionnant, a commencé, à partir des vidéos que je regardais pour préparer le permis, à me montrer plein de bouts de « motovlogs » (comprendre : blogs vidéos tenus à moto et sur la moto), un format que je trouve pénible parce qu'on passe un temps invraisemblable à dire ce qui tiendrait en quelques lignes d'écrit et qu'en plus ça a généralement peu de rapport avec ce qu'on voit sur la vidéo, mais j'en ai quand même regardé beaucoup parce que je pense avoir à apprendre sur le fond et que l'aspect sociologique m'intéresse aussi (enfin, sociologie de comptoir, entendons-nous : je n'ai pas du tout ici une approche scientifique).

Un phénomène clair et peut-être surprenant vu de l'extérieur est que les populations de motards et de scooteristes sont extrêmement différentes. Évidemment, il y aura toujours une intersection et des exceptions, parce qu'aucune généralité sociologique n'est sans exception, mais grosso modo, on peut faire l'analyse suivante :

Les gens conduisent un scooter pour l'aspect pratique (pour un ≤125cm³ il n'y a pas de permis spécifique à passer[#] ; au niveau mécanique, on n'a pas à s'embêter avec un embrayage ou un changement de vitesse, on se contente de tourner la poignée pour que ça avance ; et en plus, on est plus confortablement installé, et on a de la place de stockage sous la selle). Ça se reflète dans leur approche de la conduite : quitte à tomber dans le cliché, mais je crois que ce cliché a une part raisonnable de vérité en lui, équipement de protection extrêmement minimal (parce que, oui, l'équipement, c'est chiant), et conduite « transgressive » (surtout en ville : empiétement sur les sas cyclistes, utilisation des couloirs réservés aux bus ou des pistes cyclables, etc.). Forcément, on en voit beaucoup à Paris, parce que si vous conduisez comme ça, vous avez les avantages du vélo en allant plus vite et sans vous fatiguer à pédaler. Les scooters sont quand même la pire engeance dans la circulation urbaine.

La personne qui conduit une moto a probablement des motivations un peu différentes. Je ne dis pas que le côté utilitaire est absent, et de toute façon, encore une fois, j'étale des clichés simplistes et il y aura toujours des exceptions, mais je pense que la grande majorité des motards recherche (aussi) autre chose que l'aspect pratique : qu'il s'agisse par exemples de sensations (celle de faire corps avec la machine, que j'ai déjà évoquée et sur laquelle je vais revenir, ou celle d'aller vite ou d'accélérer fort), de la passion mécanique ou collectionneuse ou esthétique (on peut tout à fait trouver une moto belle), de l'envie de faire de belles balades, ou encore de l'appartenance à une communauté (les motards se constituant beaucoup plus comme communauté que les scooteristes : on se salue au passage et je pense que ce n'est pas anecdotique, il y a toutes sortes de groupes et d'associations qui organisent des rassemblements ou des balades en groupe, toutes sortes de choses qui ne semblent pas exister du côté des scooters). Là aussi, ça se reflète dans le comportement : je ne vais certainement pas prétendre que les motards conduisent mieux que les scooteristes (exemple au pif), mais le type d'infractions tendra assurément à être plutôt du côté de l'excès de vitesse ; le motard peut voir dans la cylindrée, la puissance, le couple ou la vitese maximale de son engin un concours de bite là où le scooteriste s'en fout complètement (d'ailleurs la cylindrée est généralement 125cm³) ; et l'équipement peut servir pas seulement à se protéger mais à se revendiquer comme motard (ou à s'imaginer comme pilote de MotoGP, ou à mieux faire corps avec la machine, cf. ci-dessous).

Il va de soi que beaucoup de motards vont rejeter les scooteristes avec toute la passion avec laquelle un bolchévique crache sur les sociaux-traîtres, et écrire des choses profondément injustes comme les scooters sont quand même la pire engeance dans la circulation urbaine. OK, j'ai étalé pas mal de clichés, mais vous pouvez maintenant essayer de voir lesquels s'appliquent à moi dans la suite.

(Je blague, évidemment, et j'espère que personne ne prendra au sérieux les phrases de cette entrée qui comportent le mot engeance, mais plus sérieusement, si j'écris tout ça, c'est aussi l'auto-analyse qui m'intéresse : en filigrane, il faut remarquer que je n'ai à aucun moment envisagé d'utiliser ou d'acheter un scooter, même une fois passé l'argument ce serait bien dommage de passer le permis A2 sur une boîte automatique et de ne pouvoir conduire que ça. J'explique ailleurs que passer les vitesses sur moto est un plaisir, ce qui est un autre prétexte pour ne pas utiliser un scooter, mais je trahis certainement dans le fond le fait que, nonobstant ce que j'écris plus haut, l'aspect pratique n'était probablement pas ce que j'avais le plus en tête.)

[#] Alors vous allez me dire, ça n'a rien à voir avec la distinction moto/scooter, ça, puisqu'une moto de ≤125cm³ aussi peut se conduire avec le permis B (deux ans d'ancienneté + petite formation en auto-école). Certes. Mais les ≤125cm³, de ce que j'en vois, forment une grosse majorité des scooters et une petite minorité des motos.

Balades en Île-de-France

[Trace GPS de balade vers Saint-Quentin-en-Yvelines][Trace GPS de balade vers la vallée de Chevreuse][Trace GPS de balade vers Montfort-l'Amaury][Trace GPS de balade vers Tremblay-sur-Mauldre]Sortir pour se faire plaisir, en laissant de côté l'aspect utilitaire, c'est partir en balade.

Or pour ce qui est des balades, j'ai vite compris comme tout le monde : que si on cherche des endroits agréables qui ne soient pas loin de Paris (surtout quand comme moi on habite plutôt au sud de Paris avec un accès fort commode à la A6), la destination la plus évidente est celle des endroits riches, c'est-à-dire l'ouest-sud-ouest : notamment, les vallées de la Bièvre, de Chevreuse et de la Mérantaise, et la forêt de Rambouillet. Il se trouve en outre que c'est grosso modo le coin où j'ai grandi (Orsay), où je me suis beaucoup baladé à pied (par exemple vers le viaduc des Fauvettes à Bures, ou le long du chemin de Racine entre Chevreuse et Port-Royal-des-Champs), où est maintenant mon bureau (le plateau de Saclay), et aussi où les moniteurs de moto nous emmenaient le plus souvent pour pratiquer la circulation (parce qu'il y a un centre d'examen à Vélizy-Villacoublay ; donc, du côté de Bièvres, Jouy-en-Josas, Buc, Châteaufort et Saclay). Mention spéciale au passage pour l'abbaye des Vaux-de-Cernay, qui est dans un coin particulièrement magnifique (où on mange bien et on peut croiser des faisans vénérés à proximité). Et pour la « route des 17 tournants » à Saint-Forget si on aime les virages.

J'ai mis ci-contre les traces de quatre balades que j'ai faites dans le coin et que j'ai bien appréciées (cliquer pour agrandir les images, mais, même si elles sont profondément peu originales, il faut sans doute que je les publie dans un format plus intelligent qu'une image). Ces images ont été générées, à partir de traces GPS (au format gpx) enregistrées par OsmAnd~ sur mon téléphone (la qualité de la trace est bien meilleure que si j'utilise la GoPro), par le programme GPXSee : la carte est celle d'OpenStreetMap, et le graphe en-dessous est celui de la vitesse en fonction de la distance parcourue (enfin, de l'abscisse curviligne). On remarque au passage que je ne suis vraiment pas enclin aux excès de vitesse, je vais y revenir. (Récemment, je me suis même fait doubler par une 2CV à Dampierre-en-Yvelines : manifestement elle n'en pouvait plus d'attendre derrière cette moto qui se traînait sur la « route des 17 tournants » qui nous avait menés jusque là ; je vais revenir ci-dessous sur ma vitesse dans les virages.)

Tout ceci est d'ailleurs tellement peu original que si je commence à taper vallée de Chevreuse dans Google en français, la première complétion qu'il me propose (même depuis une fenêtre privée) est moto. Et de fait, pour peu qu'il fasse beau, on croise énormément de motards dans le coin, parfois en groupe (et fort peu de ces engeances de scooters).

Un petit peu moins au sud, il y a aussi le coin (très prout-prout) autour de la forêt de Marly : Marly-le-Roi, l'Étang-la-Ville, Noisy-le-Roi, Saint-Nom-la-Bretèche, Rennemoulin, Villepreux, Chavenay. Rennemoulin est intéressant parce qu'il donne l'illusion d'un petit village paumé à la campagne alors qu'il juste à côté de Versailles (il y a d'ailleurs un chemin intéressant dans le coin qui prolonge l'axe du château de Versailles : voir ce fil Twitter). Chavenay, c'est là que je me suis fait disputer pour avoir garé ma moto sur une place voiture au lieu, je suppose, d'emmerder les piétons en la mettant sur le trottoir. Mais même si les gens sont cons, le coin est joli.

Ajout : voir aussi l'entrée suivante à propos de la vallée de Chevreuse.

Ce n'est pas pour dire qu'il n'y a pas d'autres directions où on peut certainement trouver des endroits sympas où rouler en Île-de-France, par exemple au sud du côté de la forêt de Fontainebleau et du Gâtinais, ou au nord du côté de celle de Chantilly et d'Ermenonville, ou au nord-ouest dans le Vexin français, ou encore à l'est dans la Brie. Mais il faudra aller plus loin, et surtout, passer par des endroits moins sympas en chemin. Mon endurance à moto étant assez limitée, je préfère ne pas trop me lancer sans avoir une idée bien précise[#].

[#] Une fois je suis parti vers l'est par la A4, j'ai déjeuné au centre commercial Val d'Europe (à Serris, juste à côté d'Eurodisney) et je me suis dit que j'allais rentrer en cherchant des endroits jolis vaguement situés entre là et Paris (par exemple, j'ai entendu du bien de Brie-Comte-Robert). Ça a bien commencé, je suis passé à Villeneuve-le-Comte qui est plutôt mignon, mais ensuite je me suis trompé plusieurs fois de direction, j'ai erré vers Tournan-en-Brie (au moment de la sortie des classes, et j'ai pu remarque que plein de collégiens/lycéens ont l'air d'avoir une moto, dans ce coin), et j'ai fini par atterrir, un peu perdu et assez crevé, au centre commercial de Pontault-Combault (incroyablement moche), d'où le retour a été vraiment pénible.

Comment se diriger (sans GPS)

Ces balades sont également un test intéressant de sens de l'orientation. Je roule sans GPS (même avec un support, que je n'ai pas, ça me semble trop dangereux de regarder un GPS en roulant à moto) : j'essaye de rouler principalement d'après les indications routières et mon sens de l'orientation et des points cardinaux ; et si je ne sais plus où aller, je m'arrête quand c'est possible pour consulter la carte sur mon téléphone (OsmAnd~ et/ou Google Maps) : à cet égard, d'ailleurs, enregistrer la trace du parcours a un intérêt pas seulement documentaire a posteriori, mais pour me permettre de comprendre quelles erreurs de parcours j'ai faites, et d'où je suis en train d'arriver (les boussoles des téléphones sont épouvantablement mauvaises[#], mais la trace GPS montre clairement la direction par laquelle on arrive).

Utiliser les indications routières est assez frustrant : en regardant le chemin à l'avance, je me dis je veux passer par Machin, Ploum et Truc, en retenant les noms qui me semblent les plus probables à voir apparaître sur les panneaux indicateurs… et généralement ce n'est pas du tout ce que je vois, je me retrouve avec le choix entre Bidule et Chose mais ni Machin, ni Ploum, ni Truc. D'autres fois, on trouve la bonne direction à une intersection, et elle a disparu à l'intersection suivante : on en déduit vaguement qu'il faut continuer tout droit, mais à force de ne pas voir la direction réapparaître, on se demande si on n'a pas raté un tournant. Toutes sortes d'autres petits pièges sont possibles. Sur la troisième balade ci-dessus-contre (celle du ), il y a une inflection vers le nord inattendue au kilomètre 23, parce quand j'étais ici, à Beynes, face à une intersection avec Marcq et Thoiry à gauche, ou bien Mareil-sur-Mauldre à droite, alors que je cherchais à rejoindre Montfort-l'Amaury, j'avais retenu que je ne devais pas aller jusqu'à Thoiry, et je savais par ailleurs que Tremblay-sur-Mauldre n'était pas loin de Montfort-l'Amaury, donc j'ai pris à droite, ce qui était une erreur (et comme il faisait gris et moche, je pouvais plus difficilement me rendre compte que je partais vers le nord ce qui était forcément faux). Sur la quatrième balade (celle du ), il y a carrément une boucle, parce que quand je suis reparti de Tremblay-sur-Mauldre où j'avais fait une pause[#2] (kilomètre 43), j'avais perdu l'orientation, donc je ne trouvais aucune des directions que je cherchais, et c'était diaboliquement difficile de trouver un endroit où m'arrêter, et à plus forte raison faire demi-tour.

Ceci étant, je dois avouer que je trouve un certain charme au fait de me perdre (me perdre étant tout relatif, parce que je sais quand même dans quel coin je suis, je retrouve assez facilement le sens des points cardinaux, et de toute façon j'ai un téléphone dans la poche pour le moment où je peux m'arrêter) et de pouvoir me dire je ne sais pas où je dois aller : tant pis, je vais par là, c'est vaguement la bonne direction et ça a l'air plus joli.

[#] Je ne comprends pas comment, tellement de siècles après l'invention de la boussole, on ne soit toujours pas foutu d'en mettre une dans les téléphones mobiles qui juste marche. Celle de mon précédent téléphone indiquait le sud aussi souvent que le nord (et le plus hallucinant, c'est que la direction restait constante assez longtemps : si je tournais, elle continuait à indiquer la même direction, c'est juste que cette direction n'avait pas spécialement tendance à être le nord) : comment est-ce possible, ça ? On ne peut pas mesurer le champ magnétique et connaître la déclinaison magnétique en fonction du point sur Terre ? Enfin, toujours est-il que le GPS donne précisément la position, mais que pour avoir l'orientation, il ne faut pas compter sur la boussole.

[#2] Le bled m'avait semblé mignon un week-end lorsque j'y étais passé avec mon poussinet (pour manger dans un bon restaurant) ; mais en semaine c'est un peu une autoroute, en fait.

Sur la dashcam

N'étant pas très content de ma GoPro qui a une autonomie assez pourrie, je me suis acheté une dashcam moto, une Nextbase Ride. Le choix a été merdique : outre qu'il n'y a pas tellement de dashcams pour moto, et que certaines sont mystérieusement indisponibles sur Amazon.fr, il est extrêmement difficile de trouver des infos sur le type de fixation et sur le type d'alimentation. Il faut avouer que c'est nettement plus problématique que sur une voiture où on va coller la dashcam au pare-brise une fois pour toutes, et l'alimenter sur l'allume-cigare. J'ai fait installer une prise 12V de type allume-cigare sur ma moto (cf. ci-dessous), mais certaines dashcams ont l'air prévues pour être branchées directement sur la batterie, et mon niveau en bricolage/mécanique étant très nul, je cherchais à éviter toute complication : au moins la Nextbase Ride est-elle très simple à poser et à brancher.

J'ai fait un petit fil Twitter ici, mais je résume. Les gros avantages par rapport à la GoPro, de mon point de vue, c'est qu'elle est alimentée par la moto (donc pas de problème d'autonomie), et que je ne perds pas de temps avec : je fixe la dashcam sur son support (c'est très simple et très rapide), je la branche sur la prise allume-cigare, et je pars (la dashcam enregistre dès qu'elle est alimentée). (Alors que la GoPro, je la porte en harnais et je perds beaucoup de temps à enfiler le harnais, et je dois encore penser à appuyer sur le bouton d'enregistrement, et ça ne dure ensuite que 1h30.) Les gros inconvénients par rapport à la GoPro, c'est qu'il y a énormément de vibrations, et que la qualité de l'image est beaucoup plus mauvaise (enfin, ce n'est pas que un inconvénient : ça permet à la carte SD de stocker plus), malheureusement à tel point que lire une plaque d'immatriculation sur la vidéo est quasi impossible, et ça ça défeate un peu le purpose, si j'ose dire. Je n'ai pas non plus réussi à extraire les métadonnées GPS que la caméra est censée stocker dans la vidéo. Et un gros inconvénient commun entre la dashcam et la GoPro, c'est que tout ça ne filme que vers l'avant, alors que l'arrière est très dangereux pour une moto (cf. cette histoire). Bref, je ne suis content d'aucune solution, mais je vais arrêter de jeter de l'argent dans des caméras pour moto parce que je n'en ai plus (d'argent). Mais si je devais faire du motovlogging ou garder un souvenir d'un moment agréable d'une belle balade, ce serait assurément avec la GoPro, alors que la Nextbase est quand même plus pratique pour tout enregistrer sans se poser de question.

Autre petit point un peu ridicule à signaler à propos de cette dashcam : elle a une fonction qui permet d'afficher, quand on roule, la vitesse et le cap mesurés par le récepteur GPS qu'elle intègre ; elle ne permet pas d'afficher une carte, ce que je comprends vu que ce n'est pas un GPS, mais savoir où sont les points cardinaux est une information que je trouverais possiblement utile par temps couvert. Seulement, ils ont tellement mal fait leur coup que c'est illisible : la vitesse est indiquée en km/h (vu que c'est un produit anglais, on peut choisir des miles par heure si on préfère), et l'indication km/h est en blanc bien lisible alors que le chiffre qui précède (i.e., le truc vraiment informatif) est en bleu quasiment illisible sauf à se pencher sur l'écran ce qui est une mauvaise idée quand on roule ; et de même, pour le cap, elle dessine une sorte de rose des vents (sauf que celle-ci est fixe, et la direction marquée en rouge est le tout droit, pas le nord) et place les points cardinaux autour, mais les étiquettes de ces points cardinaux sont tellement petites qu'elles sont illisibles alors que la rose qui ne sert à rien est très clairement visible.

Sur d'autres accessoires

Je disais plus haut que j'ai fait poser une prise 12V (en profitant du fait que je ramenais la meule chez le concessionnaire pour révision à la fin de la période de rodage), qui me sert à alimenter la dashcam. C'est un peu idiot, ce truc : on installe une prise 12V au format allume-cigare (même si je suppose que plus personne ne se sert d'une prise allume-cigare pour allumer une cigarette dans une voiture, et certainement encore moins sur une moto), et la seule chose qu'on branchera dessus est un convertisseur 12V→5V à sortie USB (et qui doit être étanche, ce qui pose donc toutes sortes d'autres problèmes ; passons).

J'ai aussi (à la même occasion) fait poser des pare-carter (tubulaires, de marque Givi) en me disant que la moto finirait certainement par tomber un moment ou un autre, et que c'est sans doute une bonne idée de limiter les dégâts qui en résulteraient. Pour l'instant, je ne l'ai pas fait tomber (même si j'ai eu quelques petites frayeurs).

Enfin, j'ai fait mettre une béquille centrale. Ce n'était pas forcément utile, parce que j'ai par ailleurs acheté une béquille d'atelier. (La béquille d'atelier [arrière], comme la béquille centrale, de tenir la moto droite en en soulevant la roue arrière ; la différence est que la béquille centrale est intégrée à la moto et peut servir pour la garer en position plus stable, tandis que la béquille d'atelier on la laisse au garage et sert plutôt quand on veut, par exemple, regraisser ou retendre la chaîne.) L'utilisation de la béquille d'atelier est vraiment très simple et même le graissage de la chaîne ne pose pas de problème pour le neuneu que je suis (on trouve plein de tutoriels sur YouTube : par exemple celle-ci, celle-ci avec celle-là, ou encore ça).

Mais manifestement, mettre une moto sur béquille centrale est quelque chose qui demande un certain coup de main (c'est le niveau au-dessus de « prendre de l'essence »), et ça aussi on ne me l'a pas appris à l'auto-école (dont les CB-500F n'avaient que la béquille latérale). Là aussi, on trouve plein de vidéos d'explications (du genre celle-ci ou celle-là), quand on les regarde ça a l'air facile, et quand le mécanicien qui me l'a posée m'a fait une démo pour me montrer qu'elle marchait bien ça avait l'air carrément enfantin, mais quand j'essaie moi-même, hum, ce n'est pas si facile que ça. Pourtant, ce n'est pas une moto bien lourde, et j'applique bien les conseils que j'ai trouvés (tenir la bécane bien droite, donner de l'impulsion en mettant le poids du corps sur l'ergot de la béquille, et accompagner avec la main droite). Ça dépend peut-être du type de sol.

Une chose que je n'ai pas achetée, mais qui serait concevablement utile, c'est un intercom (pour communiquer soit avec un hypothétique passager — par exemple mon poussinet —, soit avec une autre moto ou voiture lors d'une balade). Ça a l'air plutôt cher, et j'ai peur que savoir ce qui peut se fixer dans quel casque et comment soit encore un casse-tête éprouvant à résoudre, sans compter les autres problèmes possibles comme la question de l'autonomie, de l'appariement Bluetooth et sur quelle distance il est valable, du déclenchement à la voix qui pourrait être mal réglé, bref, je suis méfiant, mais peut-être que je ne devrais pas.

Sur la consommation (et le fait qu'on me trompe)

Quelqu'un me ment sur la consommation de carburant, et là, je ne suis pas très content. Prenons les faits suivants : j'ai fait un plein à 880km au totaliseur, un autre de 11.78L d'après la pompe à 1188km au totaliseur, encore un autre de 12.62L d'après la pompe à 1524km au totaliseur : ces trois pleins étant à chaque fois faits jusqu'à remplir complètement le réservoir (maintenant j'y arrive !), j'ai donc roulé, entre le premier et le dernier, (1524−880)km = 644km en consommant (11.78+12.62)L = 24.4L d'essence si la pompe et l'odomètre ne me trompent pas, soit quasiment 3.8L/(100km). D'un autre côté, la moto m'annonce une consommation moyenne et une consommation totale par trajet, et une distance parcourue (et j'ai vérifié que la distance parcourue affichée est raisonnablement précise par rapport à des traces GPS, et colle avec ce que montre le totaliseur aux arrondis d'affichage près) : or, il se trouve que j'ai noté chacune de ces valeurs (oui, oui, je suis un peu cinglé, mais vous voyez que ça sert ?), je retrouve bien 644km à l'arrondi près, mais pour la consommation, si j'en crois la moto, c'est 21.7L, soit 3.4L/(100km). (J'ai sommé les produits distance × consommation moyenne, parce que vu la précision de 0.1L/(100km) et 0.1km sur l'afficheur, ça devrait moins accumuler les erreurs d'arrondi.) Bref, une différence de 2.7L ou plus de 12% sur ces 644km. Qu'est-ce qui se passe ?

La réalité est probablement entre les deux, mais je soupçonne qu'elle est quand même nettement plus proche de ce qu'indique la pompe que ce qu'indique la moto (genre, 23.5L peut-être ?). La pompe peut me tromper, c'est l'intérêt du vendeur de carburant, mais je suppose que la métrologie est un minimum contrôlée : ils grattent peut-être un peu sur la marge de tolérance qu'on doit leur donner, mais je doute que ça approche les 10%. Je peux avoir mis un peu d'essence à côté, et il peut en être resté dans le tube de la pompe (si j'étais moins doué que le client précédent pour vider ce tube), mais ça doit rester très loin de 2.7L sur deux pleins. Donc, je pense que c'est plutôt la moto qui me trompe : j'imagine que quand le constructeur affiche une consommation normalisée de 3.4L/(100km) sur le papier, c'est un peu vérifié, donc qu'il y a des circonstances où la moto peut faire ça, mais elles doivent être assez optimales, et que, par contre, ce que montre l'afficheur n'est pas vraiment vérifié à l'homologation, donc ils doivent jouer sur leur marge.

Évidemment, il pourrait y avoir des erreurs systématiques qui se seraient accumulées dans mon cas précis et qui justifieraient l'écart : peut-être, par exemple, que pour une raison bizarre de dilatation thermique, l'afficheur sous-évalue la consommation quand il fait froid et la sur-évalue quand il fait chaud, et qu'en été je trouverai des erreurs dans l'autre sens, avec une moyenne globalement correcte. Franchement, j'y crois assez peu.

Pas évident de trouver des mesures indépendantes, encore moins des comparaisons entre constructeurs, encore moins pour des motos. En googlant un peu, je suis tombé sur ce fil de discussion où chacun y va de sa petite explication, parfois limite théorie du complot parfois circulez, y'a rien à voir, et il est surtout clair que les participants n'ont pas vraiment les idées très claires sur la notion d'incertitude d'une mesure.

C'est tout de même très irritant, et la réputation de fiabilité de Honda en prend un coup, là. D'autant que mon poussinet me signale que sur sa voiture rouge, aussi de marque Honda, il a observé un écart semblable, alors que sur la brave tuture (grise) de marque Volkswagen, les consommations mesurées à la pompe sont très proches de celles indiquées par l'afficheur.

Sur le permis (le bout de plastique que je n'ai toujours pas reçu)

Quand j'ai passé le permis B, j'ai reçu le bout de plastique sécurisé par la poste huit semaines après avoir déposé la demande pour le recevoir : j'avais écrit cette entrée-ci pour m'étonner que ce soit aussi long. Le bout de plastique en question, d'ailleurs, comportait une version de ma photo qui était tellement pâle que les services de location de voiture devaient le valider manuellement.

Mon bout de plastique doit être refait pour avoir la mention A2 dessus, donc (et a priori, dans deux ans, si les choses ne changent pas d'ici là, il faudra le re-refaire pour avoir la mention A). J'en ai profité pour demander au photographe de foncer un peu la photo cette fois-ci, en espérant que ça suffise.

Au début, je craignais un peu qu'on me dît puisque vous avez déjà un permis, pour le renouvellement vous devrez vous présenter au bureau des permis de conduire de Paris pour échanger l'ancien contre le nouveau (comptez d'y passer la journée) ; puis à un moment j'ai vaguement cru comprendre que l'auto-école pouvait faire le service d'échange, mais en fait non, apparemment, ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est mieux : ils vont simplement m'envoyer le nouveau à charge pour moi de détruire l'ancien. (C'est digne d'être noté : pour une fois que l'Administration a une procédure mieux foutue que ce qu'on attendait, et qu'elle accepte de ne pas jouer la psychorigide en mode oh mais on n'aura pas la certitude que vous détruirez bien l'ancien, il pourrait y avoir un vieux permis qui traîne dans la nature, horreur enfer et damnation, il y a de quoi se réjouir.)

Ceci dit, ça fait maintenant presque huit semaines, donc, et je n'ai pas de nouvelle de ce nouveau bout de plastique. Comme la fois précédente ça avait pris ce temps-là (et comme l'attestation temporaire est valable, je crois, quatre mois), ce n'est pas encore inquiétant, mais disons que si j'espérais que ce serait plus rapide une fois mon nom et numéro déjà connu des services, manifestement non. Le mystère de ce qu'ils font, exactement, pendant les deux mois qu'il leur faut pour produire un permis (et où, d'après l'ANTS, les services de l'État instruisent la demande) reste entier, et je pourrais redire verbatim ce que j'ai dit il y a 19 mois.

Mise à jour () : J'ai reçu un SMS+mail de l'ANTS me signalant que ma demande de permis avait été instruite et acceptée (c'est amusant, le SMS dit instruite et le mail dit acceptée) et que le nouveau me serait adressé sous 15 jours. En 2018, ma demande avait été acceptée 52 jours après son dépôt et j'avais reçu le plastique par recommandé encore 5 jours après (soit 57 jours au total) ; cette fois-ci, il aura donc fallu 57 jours pour l'acceptation de la demande, et j'éditerai ce nouveau cette entrée quand j'aurai reçu le plastique. • () : Nouveau SMS ce matin m'informant que mon permis était expédié, et avis de passage du facteur l'après-midi même (65 jours après le dépôt de la demande, donc). • () : J'ai le plastique.

Sur la vitesse (ou pas, justement)

Quelques mots sur la vitesse à moto. Comme je l'ai dit plus haut (et dans des entrées passées), je ne suis vraiment pas porté là-dessus (à la limite, mon petit fantasme serait d'avoir une moto capable d'aller à 300km/h pour faire du 70km/h avec…). Il y a environ quatre facteurs qui limitent ma vitesse, et la puissance de la moto n'en fait certainement pas partie :

Primo, évidemment, les limitations réglementaires de vitesse, que je respecte aussi scrupuleusement que je peux (il m'est arrivé de me tromper, ou de sentir que ce serait vraiment dangereux par exemple quand il y a un 30km/h surgi au milieu de nulle part pour des travaux inexistants sur une route à 80km/h, mais sinon je m'applique). J'ai eu tellement de mal à avoir ce permis, je n'ai vraiment pas envie de le perdre ! comme par exemple ce gus. Et, risque de perdre des points mis à part, j'ai tendance à faire confiance aux gens qui décident ces limitations pour ne pas le faire pour des raisons totalement idiotes : je trouve extrêmement puéril, par exemple, le mouvement de protestation contre la baisse de 90km/h à 80km/h des limitations sur les routes secondaires. Mais ce que je trouve particulièrement pénible, du coup, ce sont les conducteurs qui tiennent à vous faire sentir, alors que vous roulez à la vitesse maximale autorisée (plus ou moins epsilon) que vous allez décidément trop lentement à leur goût, et qui vous collent au cul (or en moto, on se sent vraiment vulnérable quand on se fait coller au cul) ou vous doublent rageusement, sur une ligne blanche et/ou sans respecter une distance latérale suffisante (ou aussi, sur l'autoroute, par la droite).

Secundo, le trafic. Je vais revenir sur l'interfile plus bas ; mais je pense surtout au cas où le trafic est semi-fluide, c'est-à-dire qu'il n'est jamais arrêté ni même fortement ralenti, mais que les voitures roulent plus lentement que la vitesse maximale autorisée : il y a des motards qui n'hésitent pas à slalomer entre les voitures pour aller nettement plus vite. Moi je suis plutôt content d'avoir une excuse pour aller moins vite. ☺️

Tertio, le vent. Ma moto n'a ni bulle de protection (qui défléchit le vent au-dessus de la tête du conducteur) ni carénage (qui rend la moto elle-même plus aérodynamique) : dès que je dépasse 90km/h, je trouve que le vent relatif commence à devenir désagréable ; à 105km/h, il est franchement pénible, au niveau de l'effort exercé sur le casque (et de la difficulté à tourner la tête qui en résulte) et au niveau du bruit ; et à 130km/h, je trouve ça complètement insupportable. Il semble que des gens ont réussi à pousser la CB-500F, sans protection, au-delà de 180km/h (qui doit être la limite du rupteur-limiteur en 6e) : étant donné que les effets dus au vent sont essentiellement quadratiques en la vitesse, je me demande bien comment c'est possible. Pour le bruit, on peut se munir de protections auditives (je n'en porte pas parce que, justement, je n'aime pas atteindre des vitesses où elles sont vraiment utiles ; mais peut-être que je devrais quand même). Mais pour la force du vent sur le casque, je suis sincèrement étonné qu'on puisse humainement tenir à ces vitesses sur une moto pareille : il y a peut-être un truc qui m'échappe.

Quarto, les virages. Sur ce point, je voudrais bien m'améliorer, parce que, ne sachant pas jusqu'à quelle vitesse je peux aller en sécurité, et ayant en tête que les sorties de virage suite à une perte de contrôle sont une forme d'accident fréquente, je suis sans doute excessivement prudent, surtout dans les petites routes avec beaucoup de tournants, et c'est comme ça que les voitures derrière s'impatientent et qu'une 2CV finit par me doubler (vidéo liée ci-dessus) après avoir passé un certain temps à me coller au cul parce que je roulais à 40km/h max sur une section de route où déjà la limitation à 50km/h ne doit pas être beaucoup respectée. Mais comment apprend-on à prendre un peu de vitesse dans les virages tout en restant bien en sécurité ? Est-ce que ça « vient tout seul » avec le temps ou est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire pour s'entraîner ? (Du genre trouver un parking immense et désert — ce qui n'est pas évident — et chercher à s'incliner à diverses vitesses ?)

Sur les virages, la trajectoire de sécurité, le freinage en virage

Un passage à propos des virages, parce qu'on trouve beaucoup d'informations contradictoires ou hautement confuses à leur sujet, donc je me dois d'ajouter ma propre (expression de) confusion. Au niveau de la trajectoire, il y a trois impératifs un peu contradictoires qu'on doit essayer de réconcilier :

  • avoir le rayon de courbure le plus large possible (parce que la force centrifuge, enfin, l'accélération centrifuge, à la vitesse v si le rayon de courbure est r vaut v²/r, qui doit être compensée par l'inclinaison de la moto et l'adhérence des pneus, mais il y a évidemment une limite à l'ordre de grandeur de 1g) : en tout état de cause, élargir le rayon de courbure permet soit d'aller plus vite à adhérence donnée, soit d'avoir une meilleure adhérence à vitesse donnée ;
  • avoir la visibilité la meilleure possible, c'est-à-dire voir le plus tôt possible les parties du virage qui seraient cachées à son entrée, de façon à pouvoir anticiper le reste de la trajectoire ;
  • ne pas se mettre en conflit avec les véhicules arrivant en sens opposé (s'il y en a), en gardant à l'esprit que ceux-ci pourraient avoir besoin d'empiéter sur la voie de gauche pour prendre un virage (trajecter).

Sur une piste de circuit, seul existe le premier impératif (le pilote connaît le virage, et il n'y aura évidemment pas de trafic en sens inverse). Un fait géométrique que je n'ai pas vérifié (ni même formalisé) soigneusement mais qui me semble plausible est que la trajectoire qui maximise le plus petit rayon de courbure au sein d'(un virage représenté par) une bande de largeur constante entourant un arc de cercle prolongé aux deux extrémités par deux demi-droites tangentes à l'arc de cercle consiste à se positionner d'abord à l'extérieur, passer par l'intérieur au milieu de l'arc de cercle (point « de corde ») et revenir à l'extérieur (j'ai la flemme de faire un dessin mais cette figure donne une idée : la trajectoire colorée doit être qui maximise le plus petit rayon de courbure au sein de la bande grise). Bref : se positionner à l'extérieur, « plonger à la corde », et ressortir à l'extérieur. C'est la trajectoire « de circuit », donc, qui doit être applicable sur route uniquement lorsque les deux derniers impératifs ci-dessus sont déjà remplis, par exemple si la visibilité est parfaite et qu'il n'y a pas de trafic en sens opposé.

Le deuxième impératif (celui de la visibilité), lui, commande plutôt de se placer à l'extérieur du virage, puisque la visibilité est bloquée par ce qui est à l'intérieur, tant qu'on ne voit pas l'ensemble. Le troisième impératif (celui de s'écarter du trafic opposé) commanderait de se placer le plus à droite possible, sauf si on peut confirmer qu'il n'y a pas de trafic opposé et donc de conflit potentiel. Pour un virage vers la gauche, ces deux derniers impératifs s'alignent. Pour un virage vers la droite, ces deux impératifs se contredisent (mais il semble qu'on doive privilégier la recherche de visibilité, qui permet justement de détecter le plus tôt possible un conflit avec le trafic opposé et de réagir en conséquence) ; et selon les parties du virage, ils peuvent contredire le premier impératif.

Il s'agit donc de trouver une sorte de compromis entre les trois impératifs ci-dessus, avec peut-être le principe supplémentaire qu'en cas de contradiction entre impératifs on doit ajuster l'allure à la baisse (par exemple, j'ai tendance à déduire de ce qui précède qu'on doit ralentir plus fort à l'approche d'un virage vers la droite que vers la gauche sur une route à double sens de circulation : mais personne ne mentionne ce fait, ce qui me laisse un peu perplexe).

Comme réalisation de ce compromis, on propose une trajectoire appelée la trajectoire de sécurité, qui est enseignée et utilisée depuis un moment par les motocyclistes de la Gendarmerie nationale, et qui sera intégrée et évaluée au permis A1/A2 à partir de sa réforme (donc en principe en janvier 2020). Grosso modo, il s'agit de ralentir suffisamment à l'approche du virage en se positionnant à l'extérieur de celui-ci, et de rester à l'extérieur jusqu'au point (appelé point haut) où il devient visible en totalité (c'est-à-dire que la sortie du virage est en vue), et ensuite, mais seulement ensuite, de virer vers l'intérieur du virage en accélérant progressivement, tout en anticipant le placement éventuel pour le virage suivant. (Bien sûr, quand je dis à l'extérieur, c'est en gardant tout de même une marge de sécurité par rapport au bord de la chaussée pour un virage à gauche ou par rapport à la voie opposée pour un virage à gauche : cela pourrait être, par exemple, dans la trace des roues des voitures d'un côté ou de l'autre.) La description de cette trajectoire de sécurité (telle qu'expliquée par la gendarmerie) décompose le virage en quatre phases : entrée (approche du virage), découverte (le virage proprement dit jusqu'au « point haut » où la sortie est en vue), sollicitation (du point haut à la sortie) et reprise (après la sortie).

Pour les détails sur cette « trajectoire de sécurité », je renvoie au site de « FlatFab », moto-securite.fr qui la décrit en détails ici et lie aussi vers plusieurs vidéos explicatives comme celle-ci [mais voir les corrections de FlatFab004 en commentaire], ou bien ici et . Il a aussi écrit une autre page qui présente les arguments et réfute les contre-arguments (par exemple sur la question de se placer à gauche pour un virage à droite).

Malgré tout, je continue à trouver ça passablement confus.

Notamment, un point que je trouve obscur dans toutes ces explications est le suivant : quel est le but, au juste, de virer vers l'intérieur à partir du « point haut » ? (I.e., dans la partie sollicitation du virage, pourquoi solliciter, en fait ?) Pourquoi ne pas simplement rester à l'extérieur tout du long ? (Après tout, si on a été capable de tenir, à la vitesse à laquelle on se trouve, la courbure de la partie extérieure du virage, on doit pouvoir la tenir jusqu'au bout.) Les pages de FlatFab offrent deux éléments de réponse : ① Pourquoi sortir à l'intérieur ? Pour éviter de se trouver face à face avec un véhicule venant en sens inverse et qui “trajecterait” en coupant son entrée de virage à gauche. — oui mais on est maintenant dans une phase où on a de la visibilité, donc pourquoi le faire inconditionnellement et pas seulement si un tel véhicule arrive ? ② (Tout en précisant qu'il ne s'agit pas forcément de se placer à l'intérieur mais de préparer le virage suivant,) C'est là que la trajectoire de sécurité prend tout son sens car elle permet de bien se placer très tôt, sans se faire surprendre, sans se laisser “embarquer” par la vitesse et la force centrifuge qui vont faire élargir la sortie du premier virage, ce qui amène le motard à aborder le second virage sur l'intérieur, ce qui va encore augmenter la force centrifuge et souvent provoquer une sortie de route sur ce second virage. — alors là j'avoue platement que je n'y comprends rien. Je peux encore imaginer l'explication ③ de se rappeler le premier impératif que j'avais évoqué ci-dessus (maximiser le rayon de courbure), et, puisqu'on est maintenant en position de bonne visibilité et donc de constater qu'il n'y a pas de trafic qui arrive en sens opposé, donc les deux autres impératifs ne s'imposant plus, on retombe sur une trajectoire de type « circuit », mais seulement sur la partie de virage restante (pas forcément pour gagner de la vitesse mais pour avoir la meilleure adhérence). C'est vaguement l'impression subjective que me font les différentes vidéos de démonstration de la trajectoire en question, mais en fait ça ne tient pas vraiment debout, parce qu'une fois qu'on est entré dans le virage par l'extérieur, resserrer l'intérieur constitue à augmenter le braquage (i.e., diminuer le rayon de courbure) immédiatement, pour l'atténuer seulement plus tard : géométriquement, il me semble bien qu'une fois qu'on est entré dans la courbe par l'extérieur, la trajectoire qui maximise le rayon de courbure minimal consiste bien à rester à l'extérieur de la courbe (bon, je n'ai pas réfléchi tant que ça, donc peut-être que je me trompe, et comme je ne sais même pas si c'est vraiment l'enjeu c'est peut-être une remarque sans importance, mézenfin, tout ça est confus).

Pour reformuler un peu l'interrogation du paragraphe précédent, je peux évoquer le cas d'un virage dont la visibilité serait parfaite dès le début (après tout, ça arrive) et où il n'y aurait aucun trafic : j'ai écrit ci-dessus que dans ce cas on peut adopter une trajectoire de type « circuit », mais est-ce un cas particulier de la trajectoire de sécurité (pas de phase de découverte puisque le point haut a lieu immédiatement à l'entrée du virage) ? ou est-ce une exception à celle-ci ? Je suis désolé de persister à raisonner comme le matheux que je suis, mais je trouve que ça montre bien que les choses ne sont pas expliquées de façon satisfaisante.

Dans les faits, mes trajectoires sont assez pourries, ou en tout cas, un peu aléatoires (si j'en juge par ce que je vois sur la vidéo prise par la dashcam), et je crois que je n'arriverai à les améliorer qu'en comprenant vraiment bien ce que j'essaie de faire.

Sinon, toujours à propos de virages, mais cette fois-ci à propos de freinage et d'allure plus que trajectoire, il y a des gens (p.ex. ici) qui recommandent de s'exercer, même sur route, à une technique utilisée sur piste, le trail-braking, consistant à maintenir au-delà de l'entrée dans le virage une pression (faible et variant graduellement) sur le frein avant, de manière à avoir plus d'adhérence sur la route avant, et à être mieux prêt à réagir en cas d'imprévu dans le virage. Ceci contredit la consigne qu'on donne (au moins aux débutants) de ne jamais freiner de l'avant une fois la moto inclinée ; mais la consigne en question a surtout pour but d'interdire de freiner fort ou brusquement de l'avant lorsque la moto est penchée : freiner fort encourt le risque de glisser (parce que l'adhérence du pneu avec le sol ne suffit pas à soutenir à la fois la force de freinage et celle de virage), et freiner brusquement encourt le risque de redresser brutalement la moto et de provoquer une sortie de trajectoire ; un freinage modéré et graduel ne pose pas ces problèmes. (FlatFab confirme sur cette page : Il est parfaitement possible de freiner de l'avant dans le virage avec la moto inclinée. Par contre, ce freinage doit se doser, avec un ou deux doigts, il ne doit être ni puissant, ni brutal. Si la moto tend à se redresser, on pourra compenser ce mouvement par une accentuation des appuis, notamment sur le guidon. Et sur cette page : il reste possible (techniquement délicat, mais possible) de freiner de l'avant dans le virage, avec la moto inclinée, sur l'angle. Oui, on peut freiner de l'avant sur l'angle !, mais ajoute : Mais c'est délicat et il est préférable d'éviter d'avoir à le faire) Maintenant, est-ce que ça vaut la peine de s'y exercer ? je ne sais pas. J'ai un petit peu essayé, mais en fait juste en coupant les gaz je perds déjà tellement de vitesse avec le seul frein moteur que je n'ai plus beaucoup de marge pour mettre du frein avant, même légèrement. Et comme ici il est conseillé de toujours garder de l'accélération sur l'angle, ça semble assez peu compatible avec le fait de freiner en même temps de l'avant (même peu et même graduellement) sauf à faire une gymnastique franchement pénible avec la main. Bref, tout ça est également un poil confus.

Sur l'interfile

J'en viens à quelques remarques sur l'interfile, c'est-à-dire le fait pour les deux-roues de conduire entre deux files de voitures, et qui fait beaucoup de l'intérêt pratique du deux-roues en permettant d'avancer à travers les embouteillages.

Pour mémoire, l'interfile était officieusement tolérée depuis belle lurette (il existait de toute façon un certain flou juridique, parce qu'il n'est pas clair quel(s) article(s) du Code la route l'interdisent exactement), mais depuis février 2016 elle est autorisée de façon officielle, quoique de façon « expérimentale » et seulement dans 11 départements français (essentiellement : autour de Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux). (L'expérience prend fin en 2020, mais je suppose qu'elle sera rendue définitive et pas supprimée !) Cette officialisation a eu le mérite d'éclaircir un certain nombre de règles et conditions permettant l'interfile ; essentiellement (voir cette page officielle) :

  • uniquement sur les autoroutes et voies à chaussées séparées où la vitesse maximale autorisée est ≥70km/h (donc notamment : pas en ville),
  • uniquement entre les deux files les plus à gauche, et lorsque l'espace le permet,
  • sans dépasser 50km/h,
  • sans doubler un autre deux-roues circulant lui-même déjà en interfile,
  • en se signalant (par l'usage du clignotant gauche (ou des warnings ?)).

Ces règles appellent différents commentaires :

  • Évidemment, beaucoup de gens ne se privent pas pour faire de l'interfile en ville (encore que je ne sais pas si on doit appeler ça de l'interfile : il peut s'agir carrément de slalomer entre voitures arrêtées, de remonter les files arrêtées au feu rouge pour se mettre tout devant, etc.). Ces comportements sont aléatoirement tolérés, mais certains en abusent franchement. Je ne vais pas en rajouter une couche sur l'engeance que sont les scooters. 😉
  • La règle imposant de faire de l'interfile uniquement entre les deux voies les plus à gauche est globalement respectée. Les automobilistes étant à peu près au courant (surtout à des heures et endroits où il y a beaucoup d'habitués, genre le périphérique en semaine), ils ont tendance à faire l'effort de laisser la place[#]. Sur le périph', en fait, c'est presque une véritable file de deux-roues qui a tendance à se créer entre les deux voies les plus à gauche.
  • Interdire de dépasser 50km/h n'est pas forcément une règle très bien pensée : c'est surtout la différence de vitesse avec les voitures qui importe ; autoriser au maximum 25km/h de différence de vitesse (et, peut-être, 70km/h absolus) serait sans doute plus sensé, mais évidemment plus difficile à contrôler objectivement. Dans tous les cas, cette règle est largement ignorée. (Après, là aussi, est-ce qu'on appelle encore ça de l'interfile quand des motards slaloment à 130km/h entre les voitures qui roulent à 90km/h ?)
  • Il y en a (notamment des scooters, quelle engeance) qui ne se privent pas pour doubler d'autres deux-roues en interfile, et c'est vraiment dangereux. À défaut de doubler rageusement, certains klaxonnent pour faire comprendre à celui devant qu'il serait bon qu'il se rangeât pour laisser passer. C'est de bonne guerre : je suis souvent dans la situation du jugé trop lent, et je me range dès que possible lorsque je détecte quelqu'un d'autre en interfile dans mon rétro (je pars du principe que ce sera toujours moi le plus lent). Ceci étant, il y a des gens qui perdent patience vraiment très vite et klaxonnent dès qu'on ne se range pas sur-le-champ.
  • Quasiment tous les deux-roues faisant de l'interfile se signalent, mais il y a deux courants entre ceux qui préfèrent le clignotant gauche et ceux qui préfèrent les warnings (i.e. les deux clignotants à la fois). Le décret officiel n'est pas clair. La page de la Sécurité Routière liée ci-dessus préconise le clignotant (gauche, si on en croit les illustrations). Les moniteurs de mon auto-école utilisaient effectivement cette convention quand nous circulions vers et depuis le plateau d'entraînement. Le clignotant gauche a pour lui la logique que c'est celui qui signale normalement un dépassement, tandis que les warnings signalent normalement un ralentissement. D'un autre côté, les warnings se voient mieux, et permettent de garder le clignotant pour signaler le fait d'entrer et de sortir de l'interfile (en signalant, en outre la direction dans laquelle on va se ranger). Il faut aussi remarquer que certaines motos n'ont pas de warnings (i.e., pas de possibilité prévue d'allumer simultanément les deux clignotants). Pour l'instant, j'utilise le clignotant gauche, mais je n'exclus pas de changer d'avis.

[#] Ajout () : On dit du mal des conducteurs français, mais il y a des gens vraiment gentils : j'ai vu des utilitaires ou poids lourds, alors que j'arrivais derrière eux, ne pas hésiter à se décaler en mordant la bande d'arrêt d'urgence pour me faire la place pour passer sans danger (et pourtant ils n'avaient rien à y gagner, c'est théoriquement interdit, et ça pourrait abîmer leurs pneus s'il y a des cochonneries qui traînent sur la BAU). Ça mérite bien un signe de remerciement.

Quelques remarques supplémentaires :

  • Une grosse difficulté de l'interfile est de s'y insérer. Comme, par définition, les deux-roues en interfile roulent plus vite que les voitures alentours, on peut se laisser surprendre, et il faut vérifier très soigneusement qu'il n'y en a pas déjà en train d'arriver au moment où on veut passer en interfile. Inversement, on doit faire particulièrement attention aux autres deux-roues qui ne sont pas en interfile mais qui pourraient vouloir s'y insérer : soit qu'on soit déjà soi-même en interfile et qu'on pourrait ne pas avoir été vu, soit qu'on soit sur le point de s'y insérer, au cas où l'autre aurait la même idée au même moment. Bref, il faut beaucoup surveiller. C'est particulièrement problématique le soir, dès que les voitures ont leurs feux allumés (du coup les deux-roues qui les ont allumés en permanence se distinguent moins), ou si on est devant un poids lourd (qui bloque la visibilité sur l'interfile à l'arrière).
  • L'interfile se pratique souvent par « trains » de deux-roues (notamment sur le périph') : une personne ouvre la voie, et plusieurs suivent de façon à peu près régulièrement espacée. L'avantage est que les automobilistes sont prévenus par le premier, ont parfois la courtoisie de s'écarter, et les autres passent d'autant plus en sécurité. (C'est comme ça que nos moniteurs d'auto-école nous ouvraient la voie pour les trajets vers et depuis le plateau.) L'inconvénient est que cela peut causer des accidents en chaîne : on doit garder une distance de sécurité suffisante et toujours bien surveiller si le deux-roues devant n'est pas en train de piler à cause d'une voiture qui aurait déboîté soudainement, et aussi, bien sûr, si le deux-roues derrière laisse lui-même une distance suffisante. Si on veut rejoindre un tel « train », il faut attendre qu'il soit complètement passé et s'accrocher à la fin (et veiller, bien sûr, à ce que personne n'ait la même idée au même moment).
  • Les voitures ne sont pas ce qu'il y a de plus dangereux parce que, en principe, si on fait de l'interfile, c'est qu'elles ne vont pas bien vite. Mais il y aura toujours des cons pour changer de voie sans mettre un clignotant bien en avance, et/ou sans vérifier qu'il n'y a pas des deux-roues en interfile. Il faut donc une vigilance de chaque instant, que je trouve mentalement très usante (je veux dire, beaucoup plus que la conduite normale à moto). Il faut se méfier particulièrement de toute situation où les automobilistes peuvent être incités à changer de voie (insertion, sortie, panneau de directions avec affectations de voie, etc.).
  • Les poids-lourds et, dans une moindre mesure, les utilitaires, sont particulièrement problématiques, parce qu'ils ne nous voient pas bien, et parce qu'ils laissent un espace beaucoup plus limité pour se faufiler, surtout quand il y a une voiture un peu grosse à côté ou, pire, un autre poids-lourd. Le plus sage peut être de renoncer, mais renoncer est aussi problématique, surtout si on ne l'anticipe pas assez, parce que ça veut parfois dire qu'on se range derrière un poids-lourd (situation qu'on cherche justement à éviter à moto) ; et aussi, comme toutes les files ont tendance à avancer à la même vitesse, dès qu'il y a un point où deux poids-lourds sont côte à côte, si on ne veut/peut pas le franchir, on risque de ne plus du tout pouvoir avancer par rapport aux voitures.
  • Entre autres complications de l'interfile, notons que la chaussée est souvent de moins bonne qualité entre deux voies régulièrement marquées ; ça peut tomber, par exemple, pile sur une fissure entre deux revêtements différents (puisque le revêtement est souvent refait voie par voie). Aussi : en cas de pluie, la peinture du marquage de séparation des voies est facilement glissante.

Dans ces conditions, on comprend que je n'aime pas. Quand toutes les circonstances sont favorables, je m'y lance quand même : si les voitures circulent très lentement et laissent un espace largement suffisant entre elles (il y a des cas où on se dit tellement qu'on a un boulevard pour moto que c'est difficile de résister), de jour et par temps sec, dans un coin où il n'y a pas de circonstance incitant les automobilistes à changer de voie, quand il n'y a pas trop de camions dans le coin, etc., là je vais oser faire peut-être 30km/h de plus que les voitures. Mais les circonstances sont rarement si favorables (ne serait-ce que pour une raison idiote : si la circulation est très ralentie, c'est souvent qu'il y a quelque chose qui pose problème, par exemple une entrée ou une sortie faisant que les automobilistes veulent changer de direction et se gênent les uns les autres).

Je suis peut-être excessivement prudent (enfin bon, si j'étais vraiment excessivement prudent je ne ferais pas de moto du tout). Après tout, nos moniteurs d'auto-école faisaient faire de l'interfile à des élèves comme moi qui n'avaient eu comme toute expérience de la moto que trois ou quatre séances sur le plateau à apprendre à passer les vitesses et à freiner, et dont certains n'ont même pas le permis voiture ; et il y a des gens qui s'achètent un scooter et roulent en interfile sur le périph' (ce qui est globalement plus dur que sur l'autoroute) sans avoir les leçons de maniement équivalentes à un permis moto.

Toujours est-il que, moi, personnellement, je ne gagne pas franchement beaucoup de temps en interfile, et ça rend un peu douteux l'aspect « utile » de la moto.

Sur la conduite de nuit

Un mot sur la conduite de nuit (essentiellement sur voie rapide). Ceci n'a rien de vraiment spécifique à la moto, mais je n'avais essentiellement pas conduit de voiture de nuit. (Et ce n'était sans doute pas très malin de ma part de commencer par la moto, mais bon, en automne-hiver, le soleil se couche tôt, et ayant le choix entre affronter une circulation dense au crépuscule et une circulation plus fluide la nuit, j'ai plusieurs fois choisi la seconde option. En voiture je pouvais dire à mon poussinet je n'aime pas conduire de nuit : tu prends le volant, mais la moto, ben il fallait bien la ramener à la maison.)

Bref, une difficulté (par rapport à la conduite de jour) dont je n'avais pas vraiment pris conscience est la suivante : même si les feux permettent de voir raisonnablement bien qu'il y a un véhicule dans le rétroviseur, je trouve qu'évaluer sa position est extrêmement difficile. De jour, on voit l'ensemble de la voiture (mettons que ce soit une voiture), donc on a une première idée d'après la taille, mais aussi, on voit le reste du paysage, et le marquage au sol : le paysage aide à se faire une idée de la distance, le marquage au sol permet de connaître la voie de circulation et l'écart latéral ; et il n'est pas trop difficile de juger le mouvement relatif. De nuit, on voit juste deux lumières sur un fond noir : il y a quelque chose par là, donc, mais où exactement ? Si les phares sont mal réglés on ne sera même pas sûr qu'ils appartiennent tous les deux à la même voiture. (Quant aux deux-roues, c'est encore plus difficile, et ceux qui font de l'interfile deviennent quasi indétectables.) Je n'arrive pas, donc, à me faire une idée de la distance. Et l'invisibilité du marquage au sol, de nuit, fait que je n'arrive pas non plus à savoir si la voiture que je vois est sur la voie adjacente, ou celle qui est un cran plus loin (ou peut-être même, au contraire, sur la même voie que moi). Du coup, je me suis retrouvé plusieurs fois coincé, à ne pas oser changer de file, parce que je voyais quelque chose dans mon rétro, mais que je ne savais pas si ce quelque chose représentait un danger pour moi, et dans le doute je devais supposer que oui (mais au bout d'un moment il fallait bien se résoudre, on ne peut pas forcément attendre qu'il n'y ait personne nulle part à des kilomètres sur aucune file).

Est-ce qu'on s'y habitue ? Est-ce qu'il y a des astuces ? Est-ce que c'est une question de vue et que je dois me résoudre à ne rouler de nuit qu'en cas d'absolue nécessité (ce dont je suis déjà raisonnablement convaincu) ?

(Concernant la qualité de ma vision, je ne sais pas quoi en penser : mon ophtalmo prétend que, malgré ma myopie et mon astigmatisme ahurissants, j'ai 10/10 après correction, mais je suis sans arrêt à me plaindre que je ne vois pas bien ceci ou cela parce que c'est trop petit, et mon poussinet semble toujours tout voir mieux que moi ; mon ophtalmo prétend aussi que je n'ai pas de presbytie nécessitant des verres progressifs, mais je suis toujours en train d'aggrandir la taille des polices sur mon ordinateur, mon téléphone, les choses que j'imprime ; je sais que je vois mieux que mon poussinet en conditions de très faible luminosité, par exemple je n'allume aucune lumière pour aller aux toilettes la nuit parce que je vois largement assez bien avec les LEDs témoins de différents appareils électroniques qui sont la seule source de lumière dans notre appartement, mais lui n'a pas l'air d'avoir de problème pour conduire de nuit ni même pour voir le marquage qui me semble souvent complètement invisible.)

Sur la perception du danger, l'impression de facilité, et les automatismes

J'ai une relation un peu incohérente au danger. Je suis complètement conscient que la moto c'est dangereux, je sais lire des stats, et c'est pour ça que je dis plus haut que je suis tombé dans une sorte de piège. Je ne suis pas content de cet état de choses. Je suis prudent et certainement pas casse-cou, ce qui limite quand même les risques, mais je sais très bien que ça ne suffit pas d'être prudent : si j'ai eu tellement de mal à avoir mon permis, ce n'est pas de l'injustice de la part de mon auto-école, c'est aussi que je n'étais pas bon pour certaines choses, et même si j'ai fini par l'avoir je sais qu'il me reste beaucoup à apprendre (je m'y applique autant que je peux). Indépendamment de la prudence, je sais qu'on peut toujours faire des erreurs stupides, et qu'à moto ces erreurs peuvent facilement coûter la vie (ou ce qui est peut-être pire, blesser grièvement) : il suffit d'oublier une fois, mais la mauvaise, de regarder dans son angle mort, ou dans le rétroviseur avant de freiner brutalement, ou des deux côtés au moment de repartir d'un stop, ou de se dire à tort qu'on a été vu et qu'on a la priorité, etc. Ou on peut oublier le principe général qu'un danger peut en cacher un autre (je me rends compte que c'est quelque chose de super important sur quoi on n'insiste pas assez : on a trop l'impression de s'être mis en sécurité en s'étant assuré qu'un danger n'existait pas, ou qu'on l'a passé, et on peut ainsi d'autant plus facilement en oublier un deuxième).

D'un autre côté, quand je suis sur la moto et que je conduis, je ne pense pas du tout au danger en général. Je pense uniquement à la route qui est là, maintenant, tout de suite, autour de moi (et un peu à l'itinéraire que je veux suivre). Le danger auquel je pense n'est pas celui de la moto en général mais celui qui est là, actuellement, ou qui pourrait l'être (caché derrière une courbe, par exemple). Ça c'est normal, et je pense que c'est ce qu'il faut faire : se concentrer sur ce qu'on fait, comment on conduit et comment réagir à ce qui se passe. (C'est peut-être même ce qui rend la conduite agréable, parce que ça m'interdit de penser à mes tracas quotidiens ou quoi que ce soit du genre, il y a juste la place pour ah, le paysage est vraiment beau ! et c'est parfait.)

Mais ce qui en résulte, aussi, c'est une impression de facilité, et d'absence de danger, et ça, c'est peut-être normal (même avec un moyen de transport dangereux comme la moto, 99.99% du temps, tout se passe sans problème), mais c'est forcément trompeur. J'imagine que c'est cette même impression de facilité et d'absence de danger qui conduisent, à force, des gens à rouler à 200km/h sur l'autoroute en slalomant entre les voitures, ce qui va effectivement bien se passer pour eux 99.99% du temps.

En parallèle, un autre effet intéressant est le développement d'automatismes. Je veux dire, pas seulement pour l'aspect mécanique (comme passer les vitesses ou embrayer au bon moment pour éviter de caler, doser le frein, ce genre de choses), mais aussi pour la conduite (le respect du code, la surveillance de ce que font les autres usagers de la route, etc.). Y compris pour des raisonnements un peu non-triviaux comme celui-là, il était tellement pressé de doubler qu'il s'est mis sur la file de gauche, mais il y a fort à parier qu'il veuille quand même tourner à droite et qu'il me coupe la route, surveillons-le qui me semblaient impossiblement complexes il y a deux ans environ[#] quand je ramais sur mes leçons de conduite en voiture. Et ce, même encore longtemps après l'obtention de mon permis B. Bref, je ne sais pas bien dans quelle mesure le fait d'essayer un autre type de véhicule a débloqué des choses, ou si la seule pratique de la voiture aurait suffi par le faire avec le temps (et/ou le fait de m'entraîner avec mon poussinet, même quand c'est lui qui conduit, à faire des remarques sur ce que font et vont faire tous les usagers autour de nous), mais en tout cas le temps n'a pas été complètement perdu.

Il y a assurément une certaine contradiction entre l'observation quand je suis à moto, j'y consacre 100% de mon attention, je ne pense à rien d'autre (et ça m'aide à ne penser à rien d'autre) et l'observation toutes sortes de choses sont devenues des automatismes, et fonctionnent encore à peu près correctement même quand je suis fatigué, et je ne sais pas bien comment les réconcilier, mais c'est bien ce que je crois constater.

[#] L'entrée vers laquelle je lie date de septembre 2017, mais je vois dans mon journal des remarques sur ma 25e leçon de voiture, le qui s'était épouvantablement mal passée, où je ne voyais rien de ce qui était sous mon nez. En relisant ces notes, je repense d'ailleurs à combien ces leçons ont été horriblement angoissantes pour moi. Je me souviens que chaque fois que l'une d'elle se finissait j'éprouvais un profond sentiment de soulagement et de liberté de ne plus avoir à conduire une voiture pendant environ une semaine. Tout ça ne peut pas ne pas avoir joué pour me rendre la conduite d'une voiture extrêmement désagréable en comparaison à celle d'une moto.

Sur l'équipement

J'avais noté dans le plan préalable de cette entrée que je devais écrire quelque chose au sujet de l'équipement, mais je ne retrouve plus bien ce que je voulais y mettre que je n'aie déjà dit. J'ai déjà expliqué plusieurs fois que je trouvais que ça limitait pas mal l'aspect utile ou efficace de la moto, parce que je mets trois plombes à m'équiper ou me déséquiper ; et aussi parce que si je vais quelque part où je n'ai pas d'endroit évident où stocker ledit équipement (par exemple, dans mon bureau j'ai ça), je peux certes transporter dans mon sac à dos des vêtements pour me changer mais ça ne résout pas la question de quoi faire de mon équipement une fois que j'arrive, le sac à dos étant beaucoup trop petit pour le contenir. (Beaucoup de gens semblent utiliser un topcase, mais outre que c'est moche — OK, c'est un argument débile, je vais y revenir — je me dis que c'est tellement facilement fracturé que ça vaut à peine mieux que de juste poser l'équipement sur la moto en espérant que personne qui passe ne le trouvera à sa taille.) Mon poussinet et moi avons fait plusieurs balades où il allait en voiture et moi en moto, et le coffre de la voiture fournissait la place qui manque, mais prendre une voiture pour accompagner une moto, ça défeate un peu le purpose si j'ose réutiliser cette expression.

Bon, bref, du coup, je vais reparler d'équipement dans la section suivante.

Sur la sensation de faire corps avec la moto

J'avais écrit dans une note en petits caractères d'une entrée passée, à laquelle j'ai ensuite fait quelques ajouts en découvrant que je n'étais pas le seul à penser ça, quelque chose qui me semblait, finalement, assez important pour mériter plus de discussion : je recopie ici cette note, en ajoutant des passages à la ligne pour plus de lisibilité :

Je suis d'ailleurs assez d'accord avec ce qu'écrit ici Piece of a Larger Me (et qui tend vers le transhumanisme) : ça fait tout à fait sens de considérer comme faisant partie de soi, au sens mental et non biologique, toutes sortes d'extensions ou d'additions au corps, ou simplement d'accessoires sur lesquels on a un contrôle fort : de la prothèse médicale à un engin qu'on contrôle directement, en passant par nos vêtements ou un éventuel exosquelette (<insérer ici une référence à Evangelion>) ; l'extension que nous donnons à ce moi est avant tout une décision personnelle d'identification ; après tout, il n'y a pas de différence profonde entre le fait que, quand je marche, mon cerveau puisse « décider » de commander (par un influx nerveux) à mes jambes de me porter à tel ou tel endroit, ou que, quand je conduis une voiture ou une moto, mon cerveau puisse « décider » de commander (par l'intermédiaire de mes nerfs, de mes mains sur le volant/guidon, et de l'axe de direction du véhicule) à l'engin de me porter dans telle ou telle direction : dans les deux cas (humain qui marche ou humain+véhicule qui roule), on a affaire à un système complexe et téléonomique (doté d'une volonté et agissant selon elle), ce n'est pas tellement important que dans le cas de l'engin le système soit « détachable ». Donc ça a tout à fait un sens logique, dans l'absolu, de s'identifier, temporairement, à l'ensemble du véhicule et de son conducteur : il se trouve que, psychologiquement, cette identification fonctionne mieux pour une moto que pour une voiture (au moins pour moi, mais comme je le dis à la note précédente et dans les phrases qui suivent, je pense que je suis loin d'être le seul).

Peut-être que ceux qui n'ont jamais conduit de moto trouvent assez ridicule (le poussinet a levé les yeux au ciel) le concept que je puisse être l'ensemble conducteur+moto, mais je vous assure que cette impression peut être puissante, et je suis vraiment persuadé que ça joue un rôle important dans l'attractivité de la moto.

Une confirmation que j'y vois est dans le texte que je lis ici chez Natacha, auquel je souscris totalement (et qui a été écrit avant cette entrée-ci, mais que, inversement, je n'avais pas lu avant d'écrire cette note, — donc nous sommes arrivés à la même conclusion indépendamment) : La raison principale [du fait que j'aime beaucoup], c'est la relation fusionnelle que j'ai avec la moto, du même type que celle que j'ai avec mes chaussures. Dans les deux cas, c'est un objet artificiel qui s'ajoute à mon corps pour l'améliorer au point d'être assimilé dans celui-ci, et non pas une entité extérieure que je dois utiliser.

Voir aussi ce que dit ce motovloggueur, motorcycling is different from riding a car around in a lot of ways, but one of the best ways that it is different is that you and the bike are one: when you hop aboard a bike, you are essentially becoming a part of it, and nothing gets me going like correctly matching to my motorcycle (et il continue avec des remarques sur l'équipement que je partage aussi).

Voilà, donc, je ne suis pas le seul à le penser, mais à partir du moment où j'enfourche la moto, ce n'est pas juste un moyen de transport, c'est une partie de moi, je deviens une sorte de centaure mi-biologique et mi-mécanique ; et ce, à au moins deux niveaux : intellectuellement, on peut considérer que c'est valide (je renvoie à l'extrait de Piece of a Larger Me pour une bonne explication à ce niveau), mais c'est aussi la sensation que procure le fait de conduire une moto. La partie intellectuelle s'applique tout aussi bien à une voiture ou même un appartement (l'exemple que donne Piece of a Larger Me). La sensation, elle, est vraiment différente (enfin, peut-être que des gens arrivent à faire un avec leur voiture, mais moi pas) : on comprend évidemment que cela joue à rendre ce moyen de transport attractif puisque cela cesse d'être un moyen de transport mais cela devient une sorte de super-pouvoir que l'on acquiert, d'aller à une vitesse surhumaine (trans-humaine ?).

Ça je l'ai déjà dit, donc ; mais cela soulève la question de pourquoi, au juste, cette sensation est si forte quand on roule à moto et ne se produit pas (au moins pour moi, donc) dans une voiture.

Ma première explication concernait la gouverne de direction : on conduit une moto avec le regard, pas avec ses mains (c'est un peu la leçon de l'épreuve plateau du permis moto) : dès qu'on va vite, les pressions sur le guidon sont tellement subtiles (et tellement inexplicablement intuitives) qu'on n'a même plus conscience de les faire ; d'où la sensation qu'on pilote directement la moto avec le cerveau, sans intermédiaire. Je pense que c'est juste, mais pas encore suffisant : mon poussinet m'a fait remarquer à juste titre que c'est aussi assez vrai pour une voiture : à part pour manœuvrer (mais alors ce sera pareil pour la moto), on ne pense pas au fait qu'on tourne le volant de tel ou tel angle pour aller dans telle ou telle direction : en voiture comme en moto, on regarde où on veut aller et le véhicule va là où on regarde. Il faut donc compléter mon explication. Pour ce qui est des commandes, je pourrais avancer le fait que le sélecteur de vitesse est accessible plus « directement » (par des mouvements plus faibles, donc plus instinctifs) sur une moto que sur une voiture, mais je doute que ça joue énormément ; le fait qu'on sente mieux le régime moteur (pour rétrograder en souplesse, par exemple) est peut-être plus pertinent, mais c'est peut-être juste moi qui ressens mal la voiture. Sinon, pour ce qui est des autres commandes, guère de différence (que l'embrayage, le frein et l'accélérateur soient au pied ou à la main n'est pas franchement très important).

À coté de ça, on peut évoquer le fait d'être en extérieur, donc de sentir le vent relatif (ce qui n'est d'ailleurs pas terriblement agréable, cf. ci-dessus) comme la moto elle-même le ressent. Mais je ne suis pas trop sûr de cette explication-là : je ne sais pas si les conducteurs de voitures décapotables se sentent plus unis à leur voiture que les autres, et j'ai tendance à en douter.

Un autre bout d'explication est le comportement inertiel : pour tourner, la moto penche, et le conducteur généralement dans son axe (même si on peut vouloir pencher plus ou moins que la moto[#], ce n'est normalement pas nécessaire) ; donc non seulement on partage son mouvement en faisant bloc avec elle, mais surtout, il n'y a guère de force inertielle relative à la moto (la force centrifuge est compensée par l'inclinaison). En voiture, en comparaison, quand on tourne fort, on est poussé sur le côté, on ressent fortement le fait de ne pas faire partie de la voiture.

[#] Ajout : Pencher plus que la moto (i.e., pencher ou se décaler vers l'intérieur du virage par rapport à la moto qui est déjà vers l'intérieur par rapport à la verticale) permet d'avoir un centre de gravité plus penché par rapport à la verticale, donc que la moto soit plus droite pour une inclinaison donnée du centre de gravité (i.e., une force centrifuge donnée) : l'intérêt est d'avoir plus d'adhérence au sol, et c'est la position utilisée en circuit (ça se voit très bien sur cette photo ou celle-ci), on peut imaginer faire pareil sur route mouillée (en plus de réduire l'allure…). Pencher moins que la moto (i.e., pencher ou se décaler vers l'extérieur du virage par rapport à la moto) permet d'avoir la tête plus à l'extérieur du virage : l'intérêt est d'avoir une meilleure visibilité (mais en contrepartie, on penche plus la moto, donc on risque plus de déraper). Donc dans un cas on sacrifie de la visibilité à l'adhérence tandis que dans l'autre on sacrifie de l'adhérence à la visibilité. (Voir aussi ce bout de vidéo, et il y a même des photos comparatives des positions en question.)

Plus généralement, le mouvement relatif du conducteur dans une voiture est beaucoup plus important que celui du conducteur d'une moto : même si les mouvements pour l'action des commandes stricto sensu sont comparables (ce que je disais ci-dessus), en voiture on va beaucoup plus facilement gigoter sur son siège, repositionner ses mains sur le volant, en lâcher une pour prendre ou poser quelque chose dans la contreporte, que sais-je encore, bref, on a une certaine forme d'indépendance par rapport au véhicule, alors qu'en moto ce sera beaucoup plus limité et bref (repositionner les pieds sur les appuie-pieds, lâcher la main gauche pour ouvrir ou fermer la visière du casque ou faire un signe de main à quelqu'un qui passe, c'est à peu près tout) ; en principe on serre fortement la moto entre ses jambes et on en reste totalement solidaire : tout ça est une forme d'inconfort, si on veut, mais qui participe de l'impression que je décris. (Après, il y a des gens qui se lèvent sur leur moto, voire font des acrobaties dessus — je ne sais pas comment ils tiennent l'accélérateur et en fait je ne veux pas savoir. Peut-être qu'ils ressentent les choses différemment. Toujours est-il que je ne fais pas ça.)

Enfin, il y a l'équipement, désolé si je dois appuyer mon fétichisme à ce sujet, mais je pense qu'il aide à se sentir comme un cyborg : parce qu'on le porte directement contre soi mais qu'en même temps il est l'interface qui nous relie à la machine et modifie nos perceptions sensorielles habituelles pour les remplacer par d'autres qui sont spécifiques à la moto. Je ne sais pas dans quelle mesure l'effet est illusoire, accidentel ou recherché (les pilotes de piste ont probablement intérêt à faire concevoir des combinaisons qui en plus de les protéger leur permettent de mieux « sentir » leur machine), je suppose que c'est encore plus vrai avec une combinaison une pièce, mais en tout état de cause, l'équipement ne sert pas (à certains) juste à se revendiquer comme motard mais aussi être un avec la moto. Et puis, si on va avoir des super-pouvoirs, il faut bien avoir la tenue de super-héros qui va avec (cf. ceci).

Bon, je laisse de côté cette section avant de commencer à sortir des références zarbis à アキラ.

Ajout : Je me rends quand même compte (juste après la publication de cette entrée) que si j'ai comparé moto et voiture, j'aurais sans doute dû aussi comparer moto et vélo. Je n'ai pas trop l'impression de faire corps avec mon vélo (en tout cas nettement moins qu'avec une moto, mais quand même plus qu'avec une voiture), sauf en descente où la sensation est raisonnablement proche de la moto. Y a-t-il une logique à tout ça ? Le fait de pédaler casse-t-il l'illusion ? Ou le fait d'aller trop lentement (notamment en-dessous du seuil ou on utilise du contre-braquage) ? Est-ce que je devrais porter une combinaison pour faire du vélo, histoire de voir si ça change quelque chose ? Tout ceci mérite peut-être plus de réflexion.

Sur la taxonomie des motos

Une remarque d'Enrico Fermi (possiblement apocryphe, comme le sont malheureusement toutes les meilleures citations), à une époque où les particules (alors supposées) élémentaires se multipliaient plus vite que les lapins, lui fait dire : If I could remember the names of all these particles, I would have been a botanist.

(Là le lecteur se demande quel rapport il peut y avoir avec les motos et commence à se dire que j'ai décidément perdu la tête, mais, si, si, il y a une logique, bear with me.)

Parmi les nombreuses choses que je refoule, il y a ma relation à la taxonomie : dès qu'un champ d'objets est un peu bordélique, pas agencé de façon symétrique et ordonnée, j'ai tendance à lever les bras au ciel et à dire c'est le bordel ! je n'y comprends rien ! ça me fait chier ! ; mais en fait, secrètement et sans me l'avouer à moi-même, je commence à assimiler ce bordel et à apprendre à m'y retrouver. Quand j'étais petit j'apprenais le nom de ces particules que Fermi se défend d'arriver à mémoriser. J'ai longtemps prétendu être incapable d'apprendre quoi que ce soit dans le nom des arbres à part arbre, et encore moins de les différencier, mais à force de visites notamment à l'arboretum de Chèvreloup, j'ai commencé non seulement à arriver à reconnaître un chêne d'un bouleau (on ne rigole pas, merci), mais même à connaître, presque malgré moi, les noms binomiaux d'un petit paquet d'espèces.

Enfin voilà, il y a quelque temps, au sujet des différentes sortes et marques de motos, je me disais je m'en fous, une moto c'est une moto, il y a deux roues et un moteur (et ce n'est pas une de ces engeances de scooters) ; puis j'ai commencé à me renseigner quand même un peu sur la typologie (qui a ceci en commun avec la phylogénie du règne végétal que personne n'est d'accord sur les regroupements à faire : est-ce qu'une basique est la même chose qu'un roadster ? voilà une épineuse question !) ; puis je me suis mis à retenir les noms des principaux constructeurs, et ensuite de quelques modèles, et maintenant je me mets à en identifier un certain nombre. C'est terrible, depuis que je regarde chaque moto qui passe pour la catégoriser, je me mets à y connaître un peu quelque chose.

Et à part la taxonomie, il y a aussi l'esthétique. Peut-on trouver une moto belle ? (à part que ce n'est pas une engeance de scooter, bien sûr). Là aussi, je refoule des choses, parce que j'ai toujours eu tendance à lever les yeux au ciel quand les gens parlent de l'esthétique des voitures (c'est juste un moyen de transport, quoi), mais en fait, maintenant que je les regarde, je me rends compte que je kiffe carrément l'esthétique de certaines motos (les roadsters et sportives[#], et dans une moindre mesure les trails : ça m'aide à mémoriser la typologie parce que je peux commencer par la division beau/moche à mes yeux ☺️). Et me dire que je ne veux pas mettre un topcase sur ma moto parce que c'est moche, c'est vraiment très con, j'en ai conscience, mais voilà, je n'arrive pas à me défaire de cette idée.

[#] Ajout : Ce en quoi je n'ai pas du tout les mêmes goûts que mon poussinet, apparemment, qui a l'air de préférer le look rétro ou easy rider. Mais indépendamment des goûts personnels qu'on peut avoir, la question de la popularité de tel ou tel style de moto et de son évolution dans le temps est intéressante dans le contexte de l'histoire du design. À ce sujet, j'ai bien aimé deux vidéos du même auteur (motard new-yorkais) sur YouTube, celle-ci sur les motos « nues » et celle-ci sur le look néo-rétro.

Sur la communauté des motards (et quelques préjugés que j'avais)

Je dois avouer que je partais avec un mauvais préjugé sur les motards : en gros comme des gros beaufs machos en plus de conduire comme des cinglés. Ça n'aidait certainement pas que la FFMC (Fédération Française des Motards en Colère), dont le nom lui-même est déjà un chouïa poujadiste, se soit mobilisée, par exemple, contre la limitation de vitesse à 80km/h et se comporte globalement vis-à-vis de la Sécurité Routière (je veux dire, la délégation gouvernementale à la sécurité routière) comme un ado en colère parce que ses parents essaient de l'empêcher de se tuer en faisant des conneries : ouin, on m'oblige à porter des bandes réfléchissantes sur mon casque, c'est une dictature, ouin on m'oblige à porter des gants homologués moto, c'est une honte, ouin on m'interdit de rouler à plus que 80km/h, je ne céderai pas, μολὼν λαβὲ tout ça tout ça.

Ne parlons même pas du bruit, sujet sur lequel je souscris totalement à ce qu'écrit FlatFab ici.

Et, pour ajouter aux préjugés que j'avais, il y a la question du sexisme. C'est un peu un éléphant au milieu de la pièce qu'il existe une idée préconçue (du genre qui me met hors de moi) que la moto est plus une affaire d'hommes ; et c'est un fait que seulement environ 15% des candidats au permis moto sont des candidates (source ici, bilan 2017, page numérotée 48). Écoutez quelques motovloggueurs expliquer comment on conduit avec passager, notamment, et remarquez combien souvent ils supposent implicitement que le conducteur sera un homme et le passager sera une passagère : et, de fait, comptez le nombre de fois où vous voyez une moto sur laquelle (si vous arrivez à identifier clairement) la personne qui conduit est une femme et a un homme pour passager, il n'y a aucune raison logique que ce soit moins fréquent que le contraire, et pourtant, il vous aurez probablement assez des doigts d'une main pour compter les occurrences.

Ça n'aidait pas non plus que lors de ma toute première leçon de moto, le moniteur a réussi à enfiler une blagounette sexiste et une homophobe : en voyant les (nouvelles, je suppose) motos de l'autre auto-école qui partageait le même plateau, ou peut-être en se moquant de leur couleur, je ne sais plus bien, il a demandé elles sont bien vos motos, y'en a une version pour homme ?, et plus tard elles doivent être bien pour la gay pride !… Ce genre de choses que les SJW qualifient de micro-agressions m'en touchent l'une sans bouger l'autre (pour rester dans le registre), mais n'aident pas à donner un très bon a priori sur la personne qui trouve le moyen de sortir ça quelques heures après m'avoir rencontré, ni à dissiper les préjugés que je pouvais moi-même avoir. Ceci étant, au cours du zillion d'heures que j'ai subies pour passer ce satané permis, j'ai pu constater que ce moniteur n'était pas du tout beauf (et qu'il était par ailleurs gentil, plutôt patient, et bon pédagogue) et que ces remarques étaient tout à fait atypiques.

Bref, je suis parti sur des préjugés plutôt négatifs sur les motards. (Et assez injustes parce que, pour ce qui est du sex-ratio, outre qu'il peut résulter autant de facteurs exogènes qu'endogènes, il n'est pas du tout clair qu'il soit meilleur chez les mathématiciens ou les geeks que chez les motards. Passons.) Le fait d'échanger avec d'autres motards m'a fait réviser ces préjugés. D'abord, en parlant de moto sur ce blog je me suis rendu compte que plus de gens que je pensais avaient leur permis moto (ou circulaient en moto ≤125cm³, ou avaient circulé), y compris des gens que je connaissais déjà et dont je ne savais pas (ou avais oublié) qu'ils étaient motards. Mais aussi, les zillions d'heures que j'ai passées à passer mon permis m'ont permis de rencontrer plein d'autres élèves de l'auto-école (je l'ai déjà dit, mais c'est un point sur lequel c'est tout de même plus sympa que le permis B : on rencontre d'autres gens et on a l'occasion de discuter avec eux), dont je suppose qu'ils ont fini par avoir leur permis puisque même moi j'ai réussi, et qu'ils ne se sont pas contentés de le coller au mur mais ont acheté une moto derrière : la fréquentation de ces condisciples d'auto-école n'allait pas du tout dans le sens de la confirmation de mes préjugés. Je suis aussi allé faire un tour (et remplir un bulletin d'adhésion) au Gai Moto Club, dont j'ai malheureusement raté la sans doute dernière balade de l'année parce que j'ai chopé la crève. Et je me suis inscrit sur le forum Motards IdF (au look délicieusement webforum-PHP-des-années-2000-avant-Facebook-et-avec-les-émoticônes-de-l'époque dont le charme rétro ne me laisse pas insensible). Quant aux motovloggueurs dont certains donnent effectivement de loin l'impression d'être de sacrés douchebags, je pense que c'est plus l'effet « petite star sur YouTube » (qui se corrèle positivement avec le fait d'être un individu détestable) qui joue, soit en montant à la tête de ceux qui voient qu'ils ont des dizaines de milliers d'abonnés, soit dans l'autre sens parce que YouTube donne le plus de visibilité aux graines de stars pénibles.

Quoi qu'il en soit, j'ai bien envie de participer à des balades en groupe, pour peu qu'elles soient étiquetées pour les débutants et les gens qui n'ont pas envie de rouler vite, quitte à organiser ça moi-même si ça ne se trouve pas. Mais comme pour l'instant le baromètre sur l'Île-de-France oscille entre pourri, très pourri et tout pourri, il va falloir attendre.

La suite au prochain épisode, donc.

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