David Madore's WebLog: Analysons le mécanisme de vote du Conseil de l'UE

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(jeudi)

Analysons le mécanisme de vote du Conseil de l'UE

Le Conseil de l'Union européenne, dont le nom officiel est juste le Conseil, et qu'on appelle parfois aussi informellement Conseil des ministres parce qu'il réunit les ministres des 28 états membres sur un sujet donné, est en quelque sorte la chambre haute de la législature de l'Union européenne (dont le Parlement européen serait la chambre basse), représentant les intérêts des États membres tandis que le Parlement européen représente la population de l'Union : il est donc vaguement analogue au Sénat des États-Unis ou au Bundesrat allemand (représentant, dans les deux cas, les entités fédérées). Si je simplifie en passant sous silence un nombre incroyable de cas particuliers, subtilités, astérisques et autres exceptions, une directive européenne (l'équivalent d'une loi) doit, pour être adoptée (selon la procédure législative ordinaire) être proposée par la Commission, et adoptée dans les mêmes termes par le Parlement et le Conseil. Je me propose d'analyser un peu la manière dont ce Conseil vote.

Les gens qui n'aiment pas lire des logorrhées (mais que faites-vous sur mon blog, aussi ?) peuvent sauter plus bas où il y a des jolis graphiques.

La petite minute nécessaire du Club Contexte : il y a aussi un Conseil européen, terminologie épouvantablement idiote parce qu'il n'est pas plus européen que l'autre, qui ressemble beaucoup au Conseil [des ministres] en ce qu'il est formé des représentants des 28 États membres, mais qui diffère en ce qu'il est formé des chefs d'État ou de gouvernement au lieu des ministres, et dont les fonctions ne sont pas tout à fait claires au niveau institutionnel (il « dirige », donne des « impulsions », etc.). Du coup, le Conseil européen a très rarement l'occasion de procéder à des votes, à part pour des cas très précis comme quand il s'agit de nommer le président de la Commission et qu'il n'y a pas de consensus. Les deux conseils (Conseil européen et Conseil [des ministres]) se ressemblent par certains points : dans les rares cas où le Conseil européen effectue un vote, c'est le même mécanisme de vote que pour le Conseil, et les deux Conseils ont, par exemple, le même logo représentant le futur bâtiment qu'ils auront aussi en commun (parfois l'un des deux ajoute au logo le mot latin Consilium, mais je n'ai pas compris lequel, ça a l'air de changer, et c'est peut-être obsolète), et ils ont le même site Web. Il y a aussi des différences : notamment, contrairement au Conseil [des ministres], qui est présidé par un État tournant tous les six mois [subtilité : sauf quand il est en formation affaires étrangères], le Conseil européen est présidé par une personne stable, en l'occurrence l'ancien Premier ministre polonais Donald Tusk. Je pense que l'idée est que si on considère l'UE comme un État fédéral ou confédéral, le Conseil européen en est une sorte de chef d'État collégial : il nomme le chef du gouvernement, c'est-à-dire de la Commission, et il a la main sur les grandes lignes de la politique étrangère. (Il n'est pas rare dans les dispositions constitutionnelles qu'il y ait une certaine porosité ou proximité entre le chef de l'État et la chambre haute du parlement : par exemple, le vice-président des États-Unis est ex officio président du Sénat, tandis que le président du Sénat français devient président par intérim si le président décède, et on peut certainement citer d'autres exemples ; la confusion entre les deux Conseils se comprend donc un peu dans cette logique.) • Par ailleurs, il ne faut pas confondre l'un ou l'autre de ces Conseils, qui sont des institutions de l'Union européenne, avec le Conseil de l'Europe, qui est une autre institution internationale, strictement plus grande que l'Union européenne (et dont, par exemple, la Norvège, la Suisse et la Russie sont membres). Pour tout arranger au niveau confusion, le Conseil de l'Europe a le même drapeau que l'Union européenne (c'est même lui qui l'a utilisé en premier), et aussi le même hymne.

Généralités : La plupart des décisions du Conseil [de l'UE, i.e., Conseil des ministres] se prennent, dans la pratique, sur la base du consensus : un vote a lieu formellement, mais il est précédé de beaucoup de négociations, voire de marchandages, menées informellement (par courrier électronique, par l'intermédiaire des représentants permanents à Bruxelles, ou au cours de réunion officieuses du Conseil), surtout par la présidence tournante du Conseil : lorsque la présidence annonce qu'elle dispose d'une majorité suffisante pour approuver la proposition, les éventuels pays minoritaires préfèrent négocier leur ralliement au vote en échange de quelques concessions plutôt que d'enregistrer une « contestation publique », i.e., de figurer sur le papier final comme votant contre (ce qui peut être embarrassant, diplomatiquement ou politiquement, sauf s'il s'agit d'enregistrer un point vis-à-vis de leur opinion publique nationale). Ce n'est pas pour autant que les détails du mécanisme de vote n'ont pas d'importance ! Car ce sont tout de même eux qui définissent le pouvoir des différents pays dans les négociations informelles, et même si le vote formel apparaît comme unanime — même si on cherche le compromis pour arriver à l'unanimité — l'avis d'un petit pays sera évidemment d'autant plus écouté s'il a le moyen de tout bloquer que si on sait qu'on peut toujours se passer de son accord. (Une analyse précise de la dynamique de vote pour ce qui est de la contestation publique, sur la période 1995–2010, est menée dans ce rapport de Wim van Aken, Voting in the Council of the European Union.)

Le mécanisme de vote dans toute sa subtilité juridique est assez complexe. D'abord, il y a plusieurs mécanismes différents selon le type de motion soumise au vote, et qui exigent des majorités différentes : majorité simple (principalement pour des questions de procédure ou des résolutions sans valeur légale), majorité qualifiée (la procédure ordinaire), ou unanimité (essentiellement pour tout ce qui est conçu comme une coopération intergouvernementale : par exemple, en matière fiscale). Même au sein de la majorité qualifiée, une des conditions demandées est différente selon que le Conseil vote sur une proposition de la Commission ou non (il y a donc, en quelque sorte, deux majorités qualifiées différentes : la normale, pour voter sur une proposition de la Commission, et la renforcée, pour les cas où le Conseil agit de sa propre initiative, essentiellement en matière de politique étrangère). • Pour compliquer encore les choses, pendant une période transitoire qui dure de novembre 2014 à mars 2017, les règles de vote actuelles, entérinées dans le traité de Lisbonne de 2007 (qu'on appellera donc en abrégé règles de Lisbonne, en gros : 55% des états membres représentant 65% de la population), peuvent parfois — à la demande d'un membre du Conseil — être remplacées par les règles antérieures, contenues dans le traité de Nice de 2001 (règles de Nice, en gros : >50% des états membres, et 73.8% des voix pondérées). • Pour compliquer encore un peu plus les choses, une déclaration annexée aux traités (parfois appelée « compromis de Ioannina », ) veut que si un groupe d'états n'est pas suffisant pour constituer une minorité de blocage (c'est-à-dire, une minorité capable d'empêcher un vote de passer, donc, avec les règles de Lisbonne, 45% des états membres ou représentant 35% de la population de l'Union) mais n'est « pas trop loin » d'en constituer une, alors la présidence du Conseil et l'ensemble de ses membres s'engagent à faire des efforts pour trouver une solution tenant compte de leurs objections. • Pour compliquer la complication, la définition de pas trop loin dans la phrase précédente sera abaissée en avril 2017 (pour compenser le fait qu'on ne pourra plus invoquer les règles de Nice ; jusqu'à mars 2017, il suffit de représenter 3/4 du nombre de membres ou de la population nécessaires à constituer une minorité de blocage, tandis qu'à partir d'avril 2017, elle est abaissée à 55% sur ces deux critères). Ouf ! On comprend que les choses ne soient pas aisées à décrire.

Mon but est ici, en oubliant un peu les subtilités de la négociation et de la culture du compromis, de faire quelques points plutôt d'ordre mathématique, mais à un niveau assez simple, sur le mécanisme de vote du Conseil à la majorité qualifiée (« normale »), à la fois dans les règles de Lisbonne et dans les règles de Nice. Et d'en profiter pour faire quelques remarques plus générales sur l'analyse du pouvoir dans un système de vote de ce genre.

[J'avais déjà écrit un billet sur le sujet ici, au moment où le mécanisme de vote était en train d'être débattu (et en écrivant par erreur Conseil européen au lieu de Conseil [de l'Union européenne ou des ministres]). J'y proposais un mécanisme de vote particulier. Ici, je vais plutôt me pencher sur la question de comment analyser un mécanisme de vote existant.]

Je commence par deux considérations d'ordre mathématique (largement indépendantes l'une de l'autre, mais destinées à éclairer ce qui va suivre en le présentant dans un cadre plus général). Les lecteurs moins intéressés par les mathématiques peuvent sauter jusqu'au symbole ♠ plus bas où je décris les choses plus concrètement et avec des graphiques.

Première considération mathématique : soit N un entier naturel (au hasard, N=28), et considérons le processus probabiliste suivant : je tire d'abord un nombre réel p uniformément distribué entre 0 et 1 ; puis je tire N variables aléatoires indépendantes v1,…,vN à valeurs dans {0,1}, distribuées selon une loi (de Bernoulli) qui leur donne la valeur 1 avec probabilité p et 0 avec probabilité 1−p. De façon équivalente, je tire N+1 réels indépendants p,q1,…,qN uniformément distribués sur [0,1], et je définis vi comme valant 1 si qip et 0 sinon. Une troisième description équivalente consiste à tirer k entier uniformément entre 0 et N inclus, et de choisir ensuite les v1,…,vN dans {0,1} uniformément parmi toutes les N!/(k!·(Nk)!) possibilités d'avoir k valeurs 1 et Nk valeurs 0. Une quatrième description équivalente consiste à choisir v1 aléatoirement valant 0 avec probabilité ½ et 1 avec probabilité ½, puis v2 avec probabilité 2/3 de valoir la même chose que v1 et 1/3 de valoir l'autre, et à chaque étape de choisir vi comme valant 1 avec probabilité (r+1)/(i+1) où r est le nombre de vj déjà tirés (i.e., j<i) qui valent 1, et donc 0 avec probabilité (ir)/(i+1). (L'équivalence entre ces quatre descriptions est laissée en exercice au lecteur.)

Ceci définit une loi de probabilité sur l'ensemble {0,1}N des N-uplets (v1,…,vN) d'éléments de {0,1} (configurations) : chacune des marginales de cette loi, c'est-à-dire la loi de chaque vi considéré isolément, lui donne la valeur 1 avec probabilité ½ et 0 avec probabilité ½, mais les vi ne sont pas indépendants les uns des autres (dans la première présentation, ils ont été tirés indépendamment une fois p choisi, mais si on remet le choix de p dans l'histoire, les vi ne sont plus indépendants). Cette distribution, éminemment naturelle et élégante comme le montrent les quatre descriptions différentes que j'en ai faites, a certainement un nom classique — que j'ignore. Faute de quoi, je vais l'appeler distribution de Bose-popularité : Bose parce qu'il s'agit essentiellement d'une distribution de Bose-Einstein sur les choix ; et popularité parce que l'interprétation intuitive que j'en fais est que le choix ‘1’ a une certaine popularité p (sa probabilité), inconnue a priori, et qu'ensuite on tire au hasard les choix selon cette popularité. Je pense que ceci est une distribution intéressante à soumettre en entrée à un mécanisme de vote entre N personnes : si chacun des N votants vote ‘non’ ou ‘oui’ (0 ou 1) avec probabilité donnée par ce schéma, on peut s'intéresser à la sortie du mécanisme de vote ; et je pense que cette distribution est assez naturelle pour refléter l'idée que les votes ne sont certainement pas indépendants, mais qu'on veut faire le moins possible d'hypothèse sur la mesure soumise au vote : on suppose donc qu'elle rencontre une certaine « adhésion » ou « popularité » p en général, dont on ne sait rien a priori, et que les acteurs votent avec une probabilité donnée par cette popularité.

Deuxième considération mathématique : j'appelle mécanisme de vote entre N votants une fonction Φ:{0,1}N→{0,1} qui prend donc en entrée un N-uplet de votes, ou configuration de votes individuels (en codant 0 pour ‘non’ ou 1 pour ‘oui’) et qui sort un résultat de vote (idem), et dont on suppose que Φ vérifie au moins la condition de monotonie suivante : si uv (au sens de l'ordre produit, i.e., uivi pour chaque i), alors Φ(u)≤Φ(v). (On peut être tenté de demander aussi que si v est constamment égal à 0 (resp. 1), alors Φ(v) vaut 0 (resp. 1), i.e., un vote unanime produit le résultat escompté : je dirai alors que Φ est un mécanisme de vote respectant l'unanimité.) Si Φ est un mécanisme de vote comme ci-dessus, je peux considérer la fonction fΦ, ou simplement f, que j'appellerai fonction générale de Φ, qui à un réel p entre 0 et 1 associe la probabilité f(p) que Φ(v) vaille 1 si la configuration v est choisie dans {0,1}N en choisissant chaque composante indépendamment avec probabilité p de valoir 1 : autrement dit, cette fonction générale f de Φ associe à p la probabilité f(p) que le vote passe si chaque votant vote, indépendamment des autres, oui avec probabilité p et non avec probabilité 1−p. Par l'hypothèse de monotonie sur Φ, cette fonction générale f est une fonction monotone de p (valant par ailleurs 0 en 0 et 1 en 1 si Φ respecte l'unanimité). C'est même un polynôme en p, pour la raison suivante : la probabilité que le vote passe est égale à la somme, pour toutes les configurations de votes individuels v∈{0,1}N telles que Φ(v)=1, de la probabilité de tirer cette configuration précise ; et si on appelle C(k) le nombre (compris entre 0 et N!/(k!·(Nk)!)) de N-uplets v∈{0,1}N tels que Φ(v)=1 et ayant k fois la valeur 1 (i.e., de poids de Hamming égal à k), chacun de ces v a une probabilité pk·(1−p)Nk d'être tiré, ce qui donne finalement f(p) = ∑k C(kpk·(1−p)Nk, manifestement un polynôme en p. L'intégrale ∫f de ce polynôme entre 0 et 1, qui vaut ∑k C(kk!·(Nk)!/(N+1)!, est égale à la probabilité de réussir un vote si les votants votent selon la distribution « de Bose-popularité » décrite ci-dessus. Je vais appeler cette intégrale le poids général du mécanisme de vote Φ.

Si maintenant on reprend le cadre ci-dessus et qu'on fixe un votant i particulier parmi les N, on peut considérer deux mécanismes de vote, qu'on pourrait par exemple noter Φ[vi=0] et Φ[vi=1], parmi N−1 votants {1,…,N}\{i}, qui sont définis par le même mécanisme Φ mais en imposant soit que vi=0 soit que vi=1. Autrement dit, on fixe à 0 ou 1 respectivement le vote du votant i, et on fait varier ceux des N−1 autres : ces mécanismes de vote Φ[vi=0] et Φ[vi=1] sont évidemment eux aussi monotones, donc on peut considérer leur « fonction générale » f[vi=0] et f[vi=1] respectivement. L'interprétation de ces fonctions est : on fixe le vote vi du votant i à 0 ou à 1 respectivement, et on fait voter les N−1 autres indépendamment avec probabilité p de voter 1, et on regarde la probabilité que le vote d'ensemble passe selon Φ. On a évidemment f[vi=1] ≥ f[vi=0] par monotonie (le vote a au moins autant de chances de passer si i vote pour que si i vote contre), et la fonction générale f est intermédiaire entre les deux. La différence entre ces deux fonctions mesure donc le pouvoir du votant i de faire basculer le vote si les autres votent indépendamment avec la probabilité p : et l'intégrale de cette différence, qui est donc la différence entre ce que j'ai appelé ci-dessus les poids généraux des mécanismes de vote Φ[vi=0] et Φ[vi=1], mesure le pouvoir du votant i moyenné à travers toutes les probabilités (« popularités ») p.

Ce que je définis ci-dessus constitue donc un indice de pouvoir. Je reprends sa définition de façon plus concise : donné un mécanisme de vote, pour calculer le pouvoir du votant i, on considère deux situations, l'une dans laquelle i vote non et l'autre dans laquelle i vote oui, et dans les deux cas on fait voter les autres votants selon le mécanisme de « Bose-popularité » décrit plus haut, c'est-à-dire qu'on tire au hasard p entre 0 et 1 et ensuite chacun vote oui avec probabilité p indépendamment des autres : la différence entre les probabilités que la mesure passe dans l'une et l'autre de ces situations définit l'indice de pouvoir dont je parle. On peut l'appeler, par exemple, l'indice de pouvoir de Bose-popularité du votant i. Je laisse en exercice le fait suivant : dans un mécanisme de vote Φ qui respecte l'unanimité (Φ appliqué à la fonction constante égale à 0 ou à 1 renvoie la valeur en question), alors la somme des indices de pouvoir de Bose-popularité de chacun des votants vaut 1. • Pour comparer, voici la définition de l'indice de pouvoir de Banzhaf (du votant i), qui est plus standard, mais à mon avis beaucoup moins naturel : on compte toutes les configurations v de votes individuels dans lesquelles le vote de i est décisif, c'est-à-dire que i a voté ‘oui’ (vi=1), le vote est réussi (Φ(v)=1), mais si on change le vote de i en ‘non’ (vi devient 0), alors le vote ne passe plus (Φ(v) devient 0) ; pour obtenir l'indice de pouvoir de Banzhaf, ce nombre est alors normalisé en le divisant par la somme des mêmes nombres où i parcourt tous les votants (la même configuration v sera éventuellement comptée plusieurs fois, vu que plusieurs votes peuvent être décisifs dans une configuration donnée : par exemple, pour un choix à l'unanimité, il y a exactement une configuration où tous les votes sont décisifs, et du coup tous les indices de pouvoir valent 1/N ; je laisse en exercice de montrer que l'indice de pouvoir de Bose-popularité que j'ai défini ci-dessus vaut également 1/N pour chaque votant en cas de décision à l'unanimité).

 Voici maintenant la définition de la majorité qualifiée au Conseil de l'UE selon les règles de Lisbonne (dans le cas où tous les pays prennent part au vote). Il s'agit essentiellement d'une double majorité (« 55% des pays et 65% de la population »), avec juste une clause supplémentaire exigeant qu'une minorité de blocage comporte au moins quatre pays. Précisément, pour qu'une proposition soit adoptée, il faut qu'elle soit approuvée par des pays membres représentant :

  • au moins 55% (c'est-à-dire au moins 16) des 28 pays membres (cette majorité étant portée à 72%, c'est-à-dire 21, si la proposition ne provient pas de la Commission — mais je ne discuterai pas le cas de cette majorité qualifiée « renforcée »), et
  • 65% de la population de l'Union, ou bien
  • tous les pays membres sauf au plus trois (c'est-à-dire concrètement que trois pays, quelle que soit leur taille, ne peuvent pas à eux seuls bloquer une décision, une « minorité de bloquage » doit comporter au moins quatre pays).

((Source : article 16 du TUE et article 238(3) du TFUE ; voir aussi le calculateur de votes sur le site Web du Conseil. On remarquera que ma formulation ci-dessus est choisie pour donner le même résultat quelle que soit la manière dont on parenthèse mes trois points : le troisième implique de toute façon le premier. • Subtilité byzantine : s'abstenir compte exactement comme un vote négatif et n'est pas équivalent à ne pas prendre part au vote — je crois, sans en être tout à fait être sûr, que les seuls cas où un pays ne prend pas part au vote est quand les traités le prévoient : par exemple, seuls les membres de la zone euro prennent part à certains votes. Lorsque tous les pays ne prennent pas part au vote, la proposition est adoptée quand elle est approuvée par des pays membres représentant au moins 55% des pays prenant part au vote (au moins 72% si la proposition ne provient pas de la Commission) et 65% de la population des pays prenant part au vote ou un de moins que le nombre maximum de pays représentant 65% de la population de ceux prenant part au vote.))

Pour ce qui est des règles de Nice, elles s'appuient sur des poids arbitrairement affectés aux États (tenant grossièrement, mais seulement grossièrement, compte de leur population : DE:29, FR:29, UK:29, IT:29, ES:27, PL:27, RO:14, NL:13, BE:12, EL:12, CZ:12, PT:12, HU:12, SE:10, AT:10, BG:10, DK:7, FI:7, SK:7, IE:7, HR:7, LT:7, SI:4, LV:4, EE:4, CY:4, LU:4, MT:3, total:352, maj:260). Pour qu'une proposition soit adoptée, il faut qu'elle soit approuvée par des pays membres représentant :

  • une majorité stricte (c'est-à-dire 15) des 28 pays membres (cette majorité étant portée aux deux tiers, c'est-à-dire 19, si la proposition ne provient pas de la Commission), et
  • 260 voix (soit 73.86%) des 352 voix, et
  • 62% de la population de l'Union (cette clause ne jouant que si un membre demande explicitement à ce qu'on la vérifie : dans la pratique elle est presque toujours conséquence de la clause précédente, il n'y a que dans de très rares cas que l'absence de l'Allemagne parmi les membres soutenant une décision peut faire que celle-ci totalise 260 voix sans représenter 62% de la population de l'Union).

Pour comparer ces deux (ensembles de) règles, une première chose qu'on peut faire est de regarder ce qui se passe si chaque pays vote ‘oui’ avec une probabilité p, indépendamment des autres : quelle est la probabilité que la proposition soit adoptée ? (C'est ce que j'appelle la fonction générale du mécanisme de vote dans les considérations mathématiques ci-dessus.) Voici à quoi cela ressemble :

[Graphe comparant les fonctions générales des règles de Lisbonne et Nice]

((Les fonctions en question ont été calculées en listant exhaustivement, sur ordinateur, les 268 435 456 façons dont les 28 pays peuvent voter pour ou contre une proposition (« configurations » de vote), et en déterminant le résultat de chacun de ces votes selon les règles de Lisbonne et de Nice respectivement, puis en les regroupant par nombre de pays ayant approuvé la mesure. On trouve ainsi pour la fonction générale des règles de Lisbonne : 8116151·p16·(1−p)12 + 7969643·p17·(1−p)11 + 6393362·p18·(1−p)10 + 4196229·p19·(1−p)9 + 2248570·p20·(1−p)8 + 976888·p21·(1−p)7 + 340546·p22·(1−p)6 + 94016·p23·(1−p)5 + 20174·p24·(1−p)4 + 3276·p25·(1−p)3 + 378·p26·(1−p)2 + 28·p27·(1−p) + p28 ; et pour celles de Nice : 15642·p15·(1−p)13 + 136921·p16·(1−p)12 + 449425·p17·(1−p)11 + 885731·p18·(1−p)10 + 1271643·p19·(1−p)9 + 1156773·p20·(1−p)8 + 694126·p21·(1−p)7 + 305184·p22·(1−p)6 + 92797·p23·(1−p)5 + 20190·p24·(1−p)4 + 3272·p25·(1−p)3 + 378·p26·(1−p)2 + 28·p27·(1−p) + p28 (les coefficients de ces expressions sont le nombre de configurations où on a tel ou tel nombre de pays qui votent en faveur de la proposition et où elle est adoptée). J'ai tiré les populations des pays d'EuroStat : j'ai utilisé les chiffres au 1er janvier 2015. Au fait, mes graphiques sont étiquetés en anglais parce que j'ai surtout fait ça pour moi, et je n'ai pas vraiment envie de les regénérer pour les publier.))

La courbe pour les règles de Lisbonne est systématiquement au-dessus — ou de façon équivalente, plus à gauche — que celle pour les règles de Nice, ce qui signifie qu'il est plus facile de faire adopter une proposition avec les règles de Lisbonne qu'avec celles de Nice (c'était quand même bien un des buts du changement de règles !). La fonction vaut ½ (i.e., la proposition a autant de chances de réussir que d'échouer) lorsque p vaut environ 0.6506 dans le cas de Lisbonne et 0.7319 dans le cas de Nice : c'est-à-dire que pour qu'une proposition ait 50% de chances d'être adoptée, il faut qu'elle ait dans les 65%, resp, 73%, de chances de plaire à un pays donné s'il n'y a pas de corrélation entre les votes ; ces chiffres sont très proches de ceux qui définissent la contrainte de majorité la plus forte, et ce n'est pas une surprise, c'est évidemment elle qui est la plus contraignante et qui définit donc en pratique la difficulté à faire adopter une proposition. • Une autre mesure intéressante est l'aire sous la courbe (mathématiquement : son intégrale), qui est encore la probabilité moyenne que la proposition réussisse à passer si on fait varier p de 0 à 1 — ce « poids général » vaut 0.3492 dans les règles de Lisbonne et 0.2750 dans celles de Nice : j'interprète ça en disant que si on soumet au Conseil toutes sortes de mesures dont la popularité (mesurée par p) varie de la moins à la plus consensuelle (p=0 à p=1), et que chaque pays fait son avis indépendamment, environ 35% des mesures passeront avec les règles de Lisbonne contre 28% avec celles de Nice.

Maintenant, on peut aussi regarder ce qui se passe si un pays particulier, disons la France, vote ‘oui’ ou vote ‘non’, pendant que tous les autres votent ‘oui’ avec probabilité p, indépendamment les uns des autres. Voici à quoi cela ressemble pour les règles de Lisbonne :

[Graphe comparant les fonctions générales de Lisbonne selon le vote de la France]

En vert, la probabilité d'adopter une proposition si la France vote ‘oui’ (et les autres votent aléatoirement avec probabilité p), en rouge, si la France vote ‘non’, et en bleu, la courbe précédente, i.e., si la France vote avec probabilité p comme les autres (c'est, bien sûr, la combinaison des deux courbes verte et rouge avec coefficients p et 1−p). On peut de nouveau chercher où ces courbes prennent la valeur ½ : avec un vote positif de la France, c'est pour 0.6102, tandis qu'avec un vote négatif c'est 0.7350 (et je rappelle que pour la courbe bleue c'est 0.6506) ; ou on peut calculer l'aire sous la courbe, c'est-à-dire la moyenne de ces fonctions : avec un vote positif de la France (=aire sous la courbe verte), on trouve 0.3860, tandis qu'avec un vote négatif (=aire sous la courbe rouge), c'est 0.2736 (et je rappelle que sans hypothèse, i.e., pour la courbe bleue, c'est 0.3492). La différence entre les deux courbes, représente d'une certaine manière le pouvoir d'influence de la France sur le Conseil. Voici un graphe de cette différence :

[Graphe du pouvoir de la France selon les règles de Lisbonne et Nice]

La courbe bleue de ce dernier graphique est l'influence totale de la France selon les règles de Lisbonne, c'est-à-dire la différence entre les courbes rouge et verte du graphique précédent. L'aire sous cette courbe est donc l'aire entre les deux courbes rouge et verte du graphique précédent : elle vaut 0.3860 − 0.2736 = 0.1124, ce qui représente une mesure du pouvoir de la France au Conseil selon les règles de Lisbonne. (Spécifiquement, il s'agit de la manière dont la probabilité d'adopter une proposition de « popularité » p inconnue est modifiée selon que la France vote ‘non’ ou ‘oui’. S'il faut donner un nom à cet indice, je l'appellerai indice de pouvoir de Bose-popularité, parce que je ne suis pas doué pour trouver des noms ; l'explication de ce que Satyendra Bose a à voir avec le schmilblick est cachée dans les considérations mathématiques ci-dessus.) Un indice de pouvoir plus classique est celui de Banzhaf : je pense qu'il est moins naturel et moins pertinent que celui que je viens de définir, mais je l'ai calculé aussi, et dans le cas de la France au Conseil selon les règles de Lisbonne, il vaut 0.0845 (ceci mesure en quelque sorte la proportion des votes « décisifs » due à la France). En comparaison, avec les règles de Nice, l'indice de pouvoir que je viens de définir (« Bose-popularité ») vaut 0.0854 (et l'indice de Banzhaf dans ces mêmes conditions vaut 0.0759). Mais il n'y a pas que la mesure totale qui a un intérêt : la forme de la courbe en a aussi : par exemple, elle atteint son maximum en environ p=0.6790 — avant, la proposition est trop impopulaire et de toute façon peu de chances de passer, après, elle est trop populaire et de toute façon peu de chances d'être rejetée ; tandis que pour les règles de Nice, le maximum est vers p=0.7555.

Voici les exemples d'autres pays (Allemagne, France, Pologne, Pays-Bas, Suède, Malte), uniquement selon les règles de Lisbonne :

[Graphe du pouvoir de différents pays selon les règles de Lisbonne]

Les maxima sont respectivement à 0.6856, 0.6790, 0.6772, 0.6362, 0.6107 et 0.5584. Il est normal que le maximum soit d'autant plus à gauche que le pays est petit : la majorité qu'un petit pays a le plus de chances de faire échouer dans les règles de Lisbonne est celle des 55% des votants, pas celle des 65% de la population, donc on s'attend à ce que son pouvoir soit surtout autour de p=0.55. On notera que la Pologne, qui représente 7.5% de la population de l'Union et 3.6% de ses pays membres est indiscutablement un « grand » pays selon les règles du Conseil, même quand on divise ces chiffres par les 65% et 55% nécessaires à constituer une majorité qualifiée (i.e., la Pologne représente 11.5% et 6.5% d'une majorité qualifiée au Conseil pour ce qui est de la population et du nombre de pays respectivement).

Voici maintenant le graphe pour l'ensemble des pays, population contre mesure de pouvoir :

[Pouvoir de tous les pays de l'UE selon les règles de Lisbonne]

Ça c'est pour l'indice de pouvoir « Bose-popularité » que j'ai défini ci-dessus (aire entre les deux courbes de probabilité de passage d'une mesure) : pour l'indice de pouvoir de Banzhaf, plus classique, l'allure est très semblable mais la courbe est plus aplatie (je trace à la même échelle, parce que dans les deux cas on peut interpréter ça comme des fractions du pouvoir total du Conseil : la somme vaut 1 pour les deux indices de pouvoir).

[Pouvoir au sens de Banzhaf de tous les pays de l'UE selon les règles de Lisbonne]

La ligne bleue est une régression linéaire : elle est donnée par 0.001596(P+4.227) pour l'indice de pouvoir « Bose-popularité » et 0.001008(P+17.287) pour celui de Banzhaf, où P est la population exprimée en millions. Je n'ai pas vraiment d'explication sur le fait que la Pologne soit assez nettement en-dessous de la régression (c'est sans doute, de nouveau, lié au fait qu'il s'agit du plus petit « gros » pays, et que la régression se ferait mieux par une fonction affine par morceaux avec petits pays d'un côté et gros de l'autre).

Ce qui détermine le pouvoir relatif des petits et grands pays, dans l'histoire, c'est essentiellement la force des deux majorités demandées : comme on demande 55% des votants mais 65% de la population, si les pays votent aléatoirement avec probabilité p, quand la condition sur la population est vérifiée, il y a de bonnes chances pour que celle sur le nombre de pays le soit aussi, vu qu'elle demande une majorité plus faible — c'est essentiellement cet écart qui détermine le fait que les petits pays aient un pouvoir assez faible, même si l'analyse qu'en fait mon indice décrit ci-dessus et celle qu'en fait l'indice de Banzhaf ne sont pas d'accord sur l'ampleur de cet écart. On peut, bien sûr, considérer que la majorité des 55% des pays n'est pas censée donner du pouvoir aux petits pays en soi, en tout cas pas dans le modèle que je considère, mais empêcher des alliances « gros contre petits » (que mon modèle ne considère pas puisque chaque pays vote avec probabilité p indépendamment de sa taille).

Évidemment, dans les règles de Nice, où le pouvoir est essentiellement défini par des poids arbitraires (c'est-à-dire, politiques), on n'a pas une bonne corrélation comme ça :

[Pouvoir de tous les pays de l'UE selon les règles de Nice]

Je n'ai même pas tracé la droite de régression, elle n'a essentiellement aucun intérêt. Les pays s'alignent par niveaux horizontaux selon leur poids. Il y a des tous petits écarts, cependant : l'Allemagne est epsilonesquement plus haute que la France (0.0858 contre 0.0854), puisque si elles ont toutes les deux 29 voix sur 352, la différence de 0.000354 vient des très rares cas où on invoque la clause des 62% de la population de l'Union.

On comprend aussi pourquoi la Pologne n'était pas très contente du changement. Lech Kaczyński avait proposé de pondérer les voix au Conseil par la racine carrée de la population (méthode dite de Penrose — du nom du père Penrose, pas son fils) : il y a évidemment une certaine hypocrisie dans l'histoire (par rapport à une pondération par la population, qui favorise les gros pays, ou une pondération uniforme, qui favorise les petits, la pondération par la racine carrée favorise les moyens, ce qui intéresse évidemment la Pologne). Toutefois, l'argument de la racine carrée est intéressant et mérite d'être examiné.

Considérons un mécanisme de vote donné par des poids. Autrement dit, chaque votant i se voit attribuer à l'avance un poids wi, et pour décider si une proposition est adoptée, on compare simplement la somme des wi des votants qui votent en faveur de la mesure — i.e., la somme des wi·vi, si on veut, où vi∈{0,1} est le vote du votant i — à un seuil lui aussi fixé à l'avance, la proposition étant acceptée si on dépasse ce seuil. Alors on peut montrer que sous des hypothèses raisonnables, le pouvoir du votant i (tel que mesuré par l'indice de « Bose-popularité » que j'ai défini ci-dessus ou par l'indice plus classique de Banzhaf) est approximativement proportionnel à wi. Ce n'est pas très surprenant, mais ça valait la peine d'être examiné (et il y a bien des hypothèses : si, par exemple, un votant a plus de poids que tous les autres réunis, et si le vote se fait à la majorité simple des poids, alors le votant a évidemment tout le pouvoir, ce qui est d'ailleurs souvent le cas dans les assemblées générales d'actionnaires et c'est un peu scandaleux qu'on autorise un tel système de vote, mais je digresse) ; dans le cas du Conseil de l'UE, j'obtiens une fonction affine de la population parce qu'il y a une double majorité en jeu, mais si on votait juste selon la population, le pouvoir d'un pays serait en gros juste proportionnel à sa population. Bon, maintenant imaginons qu'on veuille donner un pouvoir sensiblement égal à chaque citoyen de l'Union : quel pouvoir doit-on donner à chaque pays pour que chaque citoyen, au final, ait un pouvoir comparable ? On peut imaginer un modèle simplifié où une proposition doit être votée au Conseil, et où chaque pays conduit un referendum pour décider comment il votera au Conseil : on peut alors s'interroger sur le pouvoir de chaque citoyen et se demander comment le rendre égal. (Pour simplifier, faisons aussi l'hypothèse que la proportion de la population ayant le droit de vote est la même partout, et, du coup, on peut essentiellement supposer que chaque personne a le droit de vote.)

L'argument de la racine carrée, sous ces conditions est le suivant : s'il y a M personnes dans un pays donné, alors le pouvoir d'un citoyen dans ce pays est proportionnel à 1/√M, et du coup, il faut donner à ce pays au Conseil un pouvoir proportionnel à √M, donc, d'après ce que j'ai dit ci-dessus, un poids proportionnel à √M si on vote par un système de poids. C'était essentiellement l'argumentaire de Penrose, repris par la Pologne. Pourquoi la racine carrée ? L'explication vient de la probabilité qu'un vote soit décisif : si un très grand nombre M de personnes votent aléatoirement ‘oui’ ou ‘non’ avec probabilité ½, la probabilité que le résultat soit exactement autant de ‘oui’ que de ‘non’ (et donc que le vote d'un citoyen supplémentaire soit décisif) est égal à M!/((M/2)!²·2M) (puisque M!/(M/2)!² est le nombre de façons de choisir les M/2 votants parmi M qui voteront ‘oui’), et d'après la formule de Stirling, ceci vaut environ √(2/(πM)), ce qui est bien proportionnel à 1/√M. Par exemple, en France, si chaque habitant vote ‘oui’ ou ‘non’ en tirant à pile ou face, il y a environ une chance sur 10000 que le vote soit exactement moitié-moitié, et donc que le vote d'un individu soit décisif.

J'eus été convaincu par cet argument, mais je ne suis plus vraiment (même si je fais partie du fan-club de la racine carrée). Le problème est que cet argument se base sur l'idée que chacun vote ‘oui’ ou ‘non’ de façon exactement équiprobable (en tirant à pile ou face de façon parfaite). Si la probabilité p que chacun vote ‘oui’ est très légèrement biaisée dans un sens, la probabilité qu'un vote individuel soit déterminant s'effondre (par exemple, sur la population française, si on passe de p=½ exactement à 50.1%, alors la probabilité qu'un vote individuel soit décisif passe de 10−4 à 2×10−62). Or on ne soumet pas au vote que des propositions qui divisent très exactement l'électorat. C'est bien pour ça que je propose une analyse ci-dessus basée sur une moyenne à travers tous les p plutôt que sur le seul p=½ ; de façon équivalente, c'est pour ça que j'utilise des « statistiques de Bose » qui pondèrent également chacun des résultats possibles (sur N votants, chaque nombre de votes positifs est traité également) plutôt que des votes indépendants de probabilité ½ qui concentrent le nombre de votes positifs autour de N/2 d'après la loi des grands nombres. C'est là la différence essentielle entre l'indice de pouvoir que je définis (« Bose-popularité ») et ce lui de Banzhaf (celui de Banzhaf est basé sur l'idée que chacun vote ‘oui’ ou ‘non’ avec probabilité ½ : souvent, on n'exprime pas les choses comme ça, mais ça y revient ; certes, s'il y a M votants et que chacun compte autant, l'indice de pouvoir de Banzhaf vaut 1/M pour chacun, parce qu'il est renormalisé pour que le total vaille 1, mais dans le calcul intermédiaire, on voit bien un 1/√M apparaître). Bref, je suis plutôt de l'avis que parmi M personnes, chacun a un pouvoir proportionnel à 1/M, et du coup qu'il est raisonnable de mener au Conseil des votes pondérés par la population (ce qui n'est pas loin d'être ce qu'on fait). Je ne suis pas surpris d'être en désaccord avec Lech Kaczyński, je le suis peut-être plus de l'être avec Lionel Penrose, mais je dois dire : le compromis des 55%–65% est, au final, tout à fait raisonnable.

Obiter dictum: Je me demande si ça vaut la peine que je rédige ces différentes considérations de façon un peu plus précise et plus mathématique. (Pour commencer, il faut bien sûr que je cherche à savoir si quelqu'un a déjà défini l'indice de pouvoir que j'appelle « Bose-popularité » ci-dessus : il me semble tellement naturel que j'aurais du mal à croire que non, mais je n'en trouve pas vraiment de trace en googlant un peu — il faut dire que ce n'est pas évident à googler.) Vos avis à ce sujet sont les bienvenus.

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