David Madore's WebLog: Ceci sera-t-il la dernière entrée parlant de covid ?

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(dimanche)

Ceci sera-t-il la dernière entrée parlant de covid ?

J'ai sans doute attrapé la covid il y a une quinzaine de jours, sous forme d'un petit rhume (merci la vaccination !). On ne saura probablement jamais avec certitude si c'était ça ou non, parce que la manière dont ça s'est déroulé, c'est que :

  • j'ai attrapé un rhume, i.e., j'ai eu les symptômes qui, chez moi, sont complètement caractéristiques d'un rhume comme j'en ai eu des tonnes pendant ma vie (cf. ici) : d'abord une douleur au niveau de l'arrière du palais pendant un jour ou deux, puis le nez bouché pendant trois ou quatre jours, puis une toux d'abord productive et de plus en plus sèche ;
  • je me suis demandé si ça pouvait être le covid, j'ai fait un autotest, il était négatif, donc j'ai conclu que non (je sais bien que les autotests ont pas mal de faux négatifs, mais ces faux négatifs sont, de ce que je comprends, essentiellement dus à la difficulté à prélever assez de mucus, et ici ce n'est vraiment pas ce qui manquait) ;
  • le poussinet est parti à Londres et en est revenu, et il a eu mal à la gorge, il a dit j'ai dû attraper ton rhume, il a quand même fait un autotest covid parce qu'il avait de la fièvre, et ce test était spectaculairement et indiscutablement positif ;
  • je me suis dit qu'il avait peut-être attrapé la covid à Londres indépendamment de mon rhume et que j'allais l'avoir à mon tour, mais nous n'avons pris aucune précaution entre nous (parce que, franchement, je m'en fous, à la limite j'ai plutôt envie de l'avoir pour avoir des anticorps contre le variant ο en plus des anticorps contre la forme ancestrale dus au vaccin), et depuis le temps que j'attends et que je n'ai rien attrapé de plus que ce rhume initial (et les symptômes du poussinet sont tout à fait passés depuis un moment, donc il est clair que je ne vais pas attraper quoi que ce soit maintenant) ;

— j'en conclus que le plus probable, quoique non certain, est que ce rhume était quand même le covid, malgré l'autotest négatif, et que c'est moi qui l'ai refilé au poussinet et non le contraire. (L'autre explication étant un peu tarabiscotée : j'aurais eu un rhume, le poussinet aurait attrapé le covid indépendamment en allant à Londres, et il ne me l'aurait pas transmis malgré les nuits et les repas passés ensemble et les nombreux bisous que nous nous sommes faits.)

Bref, pour moi, si c'est bien le covid que j'ai eu, ça a donné une rhinopharyngite tout à fait classique, aucune fièvre, même pas un rhume particulièrement gros. Le poussinet, lui, a eu de la fièvre (jusqu'à 38.9°C) pendant un jour ou deux, le nez bouché à peu près le même temps, un gros mal de tête pendant une soirée, et très mal à la gorge pendant quelques jours ; le principal inconvénient est surtout que ça l'a obligé à annuler un week-end qu'il avait prévu à Milan avec ses parents et son frère. Son frère a aussi eu la covid (de façon indépendante de nous, parce que ça fait des semaines que nous l'avons pas vu) : ça a été un peu plus sérieux pour lui, mais rien de grave non plus (juste au niveau où on commence à penser consulter un médecin). En fait, c'est intéressant de remarquer que je connais vraiment énormément de gens qui ont attrapé le covid (toujours sous une forme très ou assez bénigne) ces dernières semaines, beaucoup plus que lors de la vague de janvier qui était pourtant sensée être plus importante : peut-être que des groupes sociaux différents ont été touchés pendant ces deux vagues ; ou peut-être que les gens, comme moi, ne se font simplement pas ou plus tester, et les cas graves doivent devenir de plus en plus rares parce que les irréductibles antivax ont fini par être largement infectés, donc les gens immunologiquement naïfs il ne doit vraiment plus en rester beaucoup.

Toujours est-il que la transition vers une maladie endémique me semble maintenant achevée (cf. ce que j'écrivais précédemment). On va sans doute avoir des pics de covid chaque année à des moments assez prévisibles (peut-être deux par an, un au milieu de l'automne et un au début du printemps ?), avec un nombre de cas très important (dépendant de la durée typique de l'immunité stérilisante) mais une gravité faible ; des variants sans cesse nouveaux, mais qui n'ont pas plus de raison de nous préoccuper que ceux des autres virus respiratoires (dont quatre coronavirus) circulant depuis des décennies ou des siècles. (Bien sûr, on peut toujours craindre l'apparition d'un mutant apocalyptique, mais on peut craindre ça pour n'importe quel virus, pas spécialement plus pour SARS-CoV-2, et j'ai personnellement plutôt peur de la grippe.) La principale inconnue est la pertinence de revacciner les personnes âgées, à partir de quel âge et avec quelle fréquence : c'est quelque chose qu'on découvrira avec le temps.

La Chine est en train de démontrer au monde l'absurdité de la politique « zéro covid » appliquée avec obstination, et je me demande bien comment elle va se tirer du trou qu'elle s'est creusé : un moment ou un autre, il faudra bien se décider à rouvrir Shanghaï ! J'ai vraiment du mal à comprendre que certains puissent encore s'accrocher à cette idée. La politique « zéro covid » avait peut-être un espoir, on pouvait encore rêver éradiquer complètement le virus début janvier 2020, quand tous les cas étaient dans la même région de Chine, ou en tout cas tous en Chine. Dès lors qu'il y a eu plus qu'une poignée de cas en Corée, en Iran et en Italie, il fallait être d'une naïveté insoutenable pour s'imaginer qu'il y avait encore la moindre chance de faire disparaître SARS-CoV-2 de la Terre ; il aurait fallu une action coordonnée absolument parfaite de tous les pays du monde, et même si tous avaient bien voulu, tous n'auraient pas eu les moyens. (Et maintenant qu'il y a des réservoirs animaux, même si tous les pays du monde se mettaient d'accord pour faire un méga-confinement façon Shanghaï, ça ne marcherait quand même pas.) Essayer de suspendre l'épidémie le temps de vacciner tout le monde (comme l'a fait la Nouvelle-Zélande) peut peut-être aussi se défendre, mais la Chine semble avoir été coincée par son refus de développer ou d'importer des vaccins à ARNm et/ou son incapacité à vacciner suffisamment de personnes âgées, — et c'est sans doute en bonne partie à cause de l'illusion de succès que donnait sa politique de suppression. Et je crois surtout que les dirigeants chinois sont maintenant coincés par le sophisme des coûts irrécupérables : changer de politique impliquerait qu'ils ont fait tous ces efforts pour rien, .

Ailleurs dans le monde, où on a accepté la réalité que la covid ne va pas disparaître, la question se pose surtout de savoir si, jusqu'à quand et dans quelles conditions on doit continuer à imposer le port du masque dans les lieux intérieurs. Je doute franchement que la situation puisse s'améliorer nettement par rapport à ce qu'elle est maintenant en France ou en Europe : donc si on pense que ce n'était toujours pas le bon moment, ce ne sera jamais le bon moment, i.e., c'est qu'on réclame le port du masque in perpetuum. Pourquoi pas, après tout ? Ma principale objection à ça, c'est que même si le masque est raisonnablement efficace pour limiter la transmission, ce n'est pas ce qui conditionne le comportement à long terme de l'épidémie : ce qui importe pour ça, c'est la durée de notre immunité (et surtout de notre immunité stérilisante) : en gros, si elle dure N mois, chacun de nous attrapera la covid en moyenne une fois tous les N mois (peut-être souvent sans le remarquer, mais en le retransmettant), masques ou pas masques. (Plus d'explications sur mon raisonnement ici (43 tweets ; ici sur ThreadReaderApp.) Le masque serait intéressant s'il permettait de réduire le nombre de reproduction en-dessous de 1 dans une population naïve, mais ce n'est visiblement pas le cas parce que si c'était le cas le zéro covid aurait été facilement atteint : en fait, il y aura quasiment autant de cas de covid en moyenne par an si nous portons tous un masque que si nous n'en portons pas, en en disant ça je ne conteste pas l'efficacité du masque pour réduire la transmission — c'est juste qu'il n'a pas d'effet sur la durée d'immunité et que c'est ça le paramètre critique dans la phase endémique. Le masque est intéressant si un pic épidémique massif fait craindre de submerger le système hospitalier, parce que ça permettrait d'« aplatir la courbe », d'étaler ce pic sans pour autant diminuer son ampleur totale ; mais je pense que si c'est encore le cas maintenant que tout le monde est vacciné ou immunisé par infection, c'est surtout le signe que le système hospitalier a bien d'autres problèmes que le covid (ce qui est d'ailleurs le cas !).

Ceci étant, le masque peut représenter une forme de politesse, comme le fait de tousser dans son coude : la règle que je me suis faite jusqu'à nouvel ordre, c'est d'en porter un si j'ai des symptômes de type rhume (et donc notamment il y a deux semaines quand j'ai eu ce truc qui finalement était probablement, mais peut-être pas, la covid), ou bien si je m'adresse à une personne qui en porte elle-même déjà un (l'idée étant que si c'est moi qui initie la conversation, il est normal que je me plie aux règles préférées par la personne d'en face).

Alors à défaut de l'espoir d'atteindre le zéro covid, l'explication que certains mettent en avant pour défendre le maintien de certaines restrictions liées au covid (à commencer par réclamer la continuation du port du masque obligatoire), c'est de protéger les personnes immunodéprimées. Je trouve cet argument assez fabuleux d'hypocrisie : les personnes immunodéprimées ont toujours été particulièrement vulnérables à toutes sortes de maladies endémiques, mais parce qu'on a fait tout un foin avec cette maladie-là et que ça arrange ceux qui veulent sortir cet argument-là, on découvre le phénomène et on les met en avant. (De même que dans un registre un peu différent, comme je l'ai déjà signalé, on découvre que ce coronavirus peut infecter le cerveau et être associé à des déclins cognitifs : mais c'était déjà connu pour d'autres coronavirus endémiques « de rhume » et tout le monde s'en foutait.) Il existe, bien sûr, une grande variété de formes et de degrés d'immunodéficience, et l'accroissement du risque peut être modéré ou extrêmement sévère : typiquement, il semble que l'accroissement du risque soit d'ordre de grandeur comparable à cinq ou dix ans d'âge en plus (mais bien entendu, il y a des cas plus sérieux, et bien entendu, cela se cumule, et surtout, la réaction au vaccin risque d'être insuffisante ou carrément inexistante). Malheureusement, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse proposer aux cas les plus sérieux : on peut toujours se réfugier dans l'idée qu'on a gâché une occasion d'éradiquer SARS-CoV-2 ou qu'obliger tout le monde à porter des masques partout les protégerait, il y a tout simplement fort peu de raison de croire que c'est vrai.

(Une digression épidémiologique : en fait, paradoxalement, je pense même qu'il vaut mieux pour les personnes immunodéprimées que la population générale ne porte pas le masque. En effet, comme je l'ai rappelé ci-dessus, dans la mesure où l'infection est endémique, récurrente et assez hautement contagieuse, le nombre d'infections covid par unité de temps et par nombre d'habitants sera, en moyenne à long terme, essentiellement contrôlé par la durée moyenne d'immunité, et pas par l'infectiosité, donc pas par les précautions prises comme le port du masque. Mais ceci est une moyenne générale sur toute la population : si on veut diminuer ses risques personnels, il s'agit essentiellement de se protéger soi-même plus que la moyenne, par exemple quelqu'un qui porterait normalement un masque FFP2 diminue sensiblement ses risques d'infections par unité de temps ; et cette protection individuelle dépend du rapport à la moyenne, donc elle est d'autant plus importante qu'on se protège soi-même bien et que la moyenne ne le fait pas. C'est, si on veut, une forme d'immunité collective dynamique : l'immunité collective est maintenue sous la forme d'une certaine proportion de la population étant immunisée contre le pathogène, cette proportion reste constante dans le temps même si des gens ne cessent de perdre leur immunité et d'autres de la gagner par infection, ce rythme d'entrée et de sortie dépend de la durée moyenne d'immunité, mais on peut se protéger individuellement en s'arrangeant pour que ce soient d'autres gens qui soient infectés. Bref, on protégera mieux les personnes immunodéprimées en n'imposant pas le port du masque en général — même s'il vaut mieux le porter autour de ces personnes ! et qu'il vaut certainement mieux qu'elles-mêmes en portent un. Mais bon, les gens qui mettent en avant les personnes immunodéprimées parce que ça arrange leurs théories sur le covid n'aiment pas non plus qu'on parle d'immunité collective, donc elles vont certainement rejeter tout le raisonnement que je viens d'esquisser.)

Pour conclure, j'espère bien que ceci sera la dernière entrée de ce blog où je parlerai de covid (même si je ne m'interdis évidemment pas de l'évoquer à l'avenir, d'ailleurs je compte revenir sur la comparaison avec le sophisme des coûts irrécupérables, disons que je voudrais bien ne plus en faire le sujet central d'un billet) : il y avait une certaine cohérence dramatique à ce que je finisse ce cycle sur le récit de ma propre infection covid comme j'ai raconté tant d'autres de mes rhumes. (Et aussi que ça tombe pendant le deuxième confinementversaire.) Je pourrais peut-être faire la liste des erreurs d'analyse que j'ai commises pendant cette pandémie, mais je me contenterai de mentionner celle-ci : j'étais persuadé que l'obligation du port du masque serait maintenue pendant de très longues années (et ne serait jamais vraiment levée, juste finirait par être ignorée par tout le monde), je dois reconnaître que j'ai eu tort ; j'étais aussi persuadé que la fin de la pandémie ne serait pas claire, et en fait elle a été extrêmement précise : la pandémie de covid a pris fin très précisément le , parce que l'attention du monde s'est tout d'un coup portée sur autre chose.

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