David Madore's WebLog: Où en est-on avec la covid et cette seconde vague ?

[Index of all entries / Index de toutes les entréesLatest entries / Dernières entréesXML (RSS 1.0) • Recent comments / Commentaires récents]

↓Entry #2661 [older| permalink|newer] / ↓Entrée #2661 [précédente| permalien|suivante] ↓

(jeudi)

Où en est-on avec la covid et cette seconde vague ?

Il y a quelques mois, alors que la première vague de covid-19 était en cours en France et pour l'essentiel en Europe (voire dans le monde), j'avais tenté quelques spéculations sur ce qui arriverait par la suite. Maintenant qu'une seconde vague épidémique est en train de se produire, il est temps de revisiter ces spéculations.

(Petite note typographique et linguistique : on m'a convaincu de retirer la majuscule à covid, qui effectivement n'en mérite pas plus que la grippe ou le rhume. Pour ce qui est du genre grammatical de ce mot en français, j'ai décidé d'écrire de façon plus ou moins aléatoire le ou la, et même pas de manière cohérente au sein d'un texte, juste pour provoquer les gens qui ont un avis très tranché sur cette question, c'est-à-dire, ceux qui n'arrivent pas à comprendre le concept de l'un ou l'autre se dit ou se disent en matière de langage.)

Les choses sur lesquelles j'ai eu raison, ou je pense avoir eu raison, dans ce texte (mais bon, elles n'étaient pas bien difficiles à voir et j'étais loin d'être le seul à les dire) est qu'il y aurait environ 30 000 morts lors de la première vague, que les mécanismes de suivi des contacts seraient un échec complet (mais je n'ai pas été clair : je pensais au suivi par smartphone, pas au traçage manuel), que le nombre et la disponibilité des tests serait amélioré mais resterait insuffisant, que ce qui marcherait le mieux est la distanciation sociale causée par la peur, et, qu'au bout d'un moment, il y aurait une seconde vague, mais progressant plus lentement que la première et avec une létalité moindre[#0]. Il y a des points qui restent encore tout à fait incertains ou discutables. J'écrivais qu'on en saurait de plus en plus de choses sur les modes réels de contamination, ce qui est partiellement vrai, mais ça reste décevant : il semble que les peurs de contamination par les surfaces (qui ont conduit à mettre du gel hydro-alcoolique partout) étaient exagérées (se laver les mains régulièrement est bien, mais il n'est pas utile de désinfecter ses courses en rentrant du supermarché), mais concernant la transmission du virus dans l'air ou l'efficacité du port des masques on reste scandaleusement ignorants (cf. aussi ceci). Le principal point sur lequel j'ai eu tort, c'est quand j'écris que la seconde vague commencerait peu après la levée du confinement : il a fallu deux ou trois mois (ce n'est pas très clair quand il faut la faire commencer), je pensais que ça viendrait plus vite. J'ai trouvé ça vraiment mystérieux que l'épidémie s'obstinait à ne pas repartir en juin, puis en juillet, et même encore début août.

[#0] Ajout () : Dans mon texte d'avril, j'écrivais comme les protocoles médicaux seront un peu mieux rodés, les options thérapeutiques un peu mieux connues et les mystères entourant la maladie un peu dissipés, cette seconde vague enregistrera un taux de létalité plus faible. Il y a d'autres raisons à la létalité plus faible (population touchée plus jeune notamment, cf. ci-dessous), mais il semble bien que la meilleure prise en charge joue un rôle important.

Maintenant je pense que mon analyse était substantiellement correcte : l'immunité acquise lors de la première vague n'était pas suffisante pour arrêter durablement l'épidémie ; elle a été suppléée pendant un temps par le fait que les gens ont pris peur (pour eux ou pour leurs proches) et se sont tenus à distance les uns des autres ; mais cette peur s'est largement dissipée et, fatalement, l'épidémie reprend (en commençant par ceux qui ont le moins peur, donc globalement les moins à risque, ce qui est plutôt une bonne chose car en devenant immuns ils protégeront les autres).

Globalement, je ne crois pas du tout, et je l'ai plusieurs fois répété ici, à l'idée qu'on puisse arrêter durablement une épidémie par des mesures comportementales (distanciation sociale, par exemple) : à moins d'éradiquer complètement le pathogène, ce qui n'est plus envisageable s'agissant de SARS-CoV-2 (alors qu'on a apparemment réussi pour SARS-CoV-1), l'épidémie repartira toujours, parce que les mesures comportementales tiennent un petit moment, puis les gens reprennent leurs habitudes. Qu'on cherche à imposer ces changements par la contrainte (le confinement en étant le cas le plus violent) ou par la pédagogie, ce n'est pas tenable dans la durée — ou alors il faut arriver à un changement réel des mentalités voire de la société, mais celui-ci prend plus de temps que l'épidémie n'en laisse. Il me semble donc inévitable que l'épidémie persiste jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment d'immunisés pour qu'elle reflue. (Ce nombre est vraiment difficile à calculer pour les raisons que j'ai déjà expliquées. Mais comme de toute façon on continue à n'avoir qu'une très mauvaise idée du nombre d'immunisés, que les tests sérologiques IgG ne détectent que très mal, parce que l'immunité c'est compliqué et que tout le monde ne fait pas des anticorps, connaître ce seuil ne servirait pas tant que ça.)

Bien sûr, on peut espérer qu'un vaccin aide à atteindre ce nombre d'immuns (la vitesse à laquelle le développement se fait est assez impressionnante, il faut bien le dire), mais je pense que c'est surestimer à la fois la vitesse à laquelle on peut les développer + tester + distribuer, l'efficacité qu'auront sans doute les premiers vaccins et surtout la proportion de la population qu'on arrivera à vacciner, que d'espérer que ce soit un game changer spectaculaire.

La manie actuelle, en France et dans un certain nombre d'autres pays, c'est de tout miser sur les masques. C'est tout de même assez ironique vu qu'on nous expliquait il y a quelques mois que les masques ne serviraient à rien pour le grand public bien portant. On est passé d'un extrême à l'autre, et, comme souvent, la vérité est quelque part entre les deux. Le port du masque est certainement une bonne idée en général, mais comme pour les autres mesures comportementales, je pense qu'on ne peut pas compter dessus à long terme : pour aplatir un peu un pic épidémique, cela fait sens, mais imaginer que tout le monde portera un masque en public en permanence jusqu'à ce qu'un vaccin miracle arrive, et peut-être à tout jamais parce que rien ne dit que vaccin arriver vraiment, c'est vraiment avoir perdu contact avec la réalité.

Je suis globalement assez sceptique sur le fait que le port du masque par le grand public change énormément la dynamique de l'épidémie. Néanmoins, à l'intérieur c'est probablement une bonne idée (surtout quand il s'agit de parler à quelqu'un, une condition qu'on ne souligne pas assez). À l'extérieur, en revanche, ça me semble idiot car non seulement inutile mais plausiblement contre-productif : voir ce fil Twitter [lien Twitter direct] pour l'aspect idiot ainsi que celui-ci [lien Twitter direct] pour l'aspect contre-productif. Quand on en vient à l'imposer même à moto sous le casque (où ce n'est pas juste ridicule, c'est dangereux à cause de la buée provoquée), on atteint un niveau d'absurde qui est vraiment impressionnant (je n'arrive pas à savoir si l'imbécile qui a pris cette décision ne s'est simplement pas rendu compte de ce qu'il faisait, ou s'il s'en est rendu compte et qu'il a persisté : toujours est-il que ça n'a pas, à ma connaissance, été corrigé depuis, alors que ça a été à moitié fait pour les vélos).

À la limite, comme je l'explique dans ces fils Twitter, ce qui m'embête n'est pas tant qu'on impose le port du masque dans des conditions absurdes : c'est surtout que les autorités françaises soient tellement en mode panique qu'elles prennent des mesures dénuées de sens. Je ne sais pas si elles font ça parce qu'elles pensent vraiment que ça servira à quelque chose que les Parisiens portent le masque dans la rue, ou si elles le font parce qu'elles veulent montrer à leur électorat qu'elles font quelque chose, mais les deux sont assez terrifiants. Et évidemment, comme elles ne savent faire que ça, que ces mesures soient de nouveau prises à coup d'amendes, de peur du gendarme et de culpabilisation. Ce qui m'embête plus largement, c'est qu'il n'y a aucune prise en compte du fait que les masques sont gênants à porter, et on ne convainc pas quelqu'un de faire quelque chose, surtout pas durablement, si on s'obstine dans le déni quant à ce qui lui pose problème. Et ce qui me terrifie, c'est qu'à force de faire n'importe quoi, et que rien ne marche, on en revienne à confiner (peut-être pas la France, mais possiblement les régions les plus touchées, et notamment l'Île-de-France). Je vais y revenir.

{{{ Digression : S'il y a bien quelque chose que cette crise a exposé à vif, c'est à quel point il nous est difficile de nous rendre compte des souffrances les uns des autres, et, à cause de ça, de nous entendre sur la valeur relative des sacrifices dans les inévitables compromis qu'il faut mener.

C'est peu dire que j'ai mal vécu le confinement, mais ce qui m'a frappé aussi est combien j'ai eu du mal à faire passer cette idée que ma liberté m'est précieuse et que je souffre d'en être privé par la force, alors même que d'autres trouvaient fantastique de pouvoir faire une « pause », une « respiration », et l'occasion de faire plein de pain ou d'apprendre le georgien ; et ce, même auprès de gens qui sont très proches de moi : même des gens qui ne doutaient pas que je souffrisse, qui empathisaient avec moi au sens où mon traumatisme pouvait les émouvoir, ne parvenaient généralement pas pour autant à comprendre cette douleur, c'est-à-dire à se faire une représentation mentale raisonnablement précise de ses causes ou de son mécanisme. Et de façon générale, l'idée que le confinement était aussi un mal (peut-être un moindre mal mais néanmoins un mal), et je ne parle pas de mal économique mais de mal humain, personnel et social, n'avait pas sa place dans le discours national, à cause de l'héroïsation publique du personnel soignant qui voulait que les seules souffrances dignes d'être évoquées étaient celles des malades et de ceux qui les sauvaient, mais aussi à cause de cette dichotomie honteusement fallacieuse qui voulait faire croire qu'on avait un choix entre protéger des vies et protéger l'économie. (J'ai l'intention de revenir sur tout ça dans un autre texte que je veux consacré au confinement, mais comme c'est aussi douloureux de revenir en parler je procrastine.)

Et j'ai été moi-même pris à ce même piège, si j'ose dire, à ne pas arriver à comprendre le ressenti des autres, parce que je considérais comme totalement évident que l'obligation de porter un masque (même quand elle est ridicule, comme en extérieur) était « évidemment » un simple désagrément, un moindre mal que toute forme de confinement, et j'ai pris conscience du fait que, non, il y a des gens pour qui le port du masque est bien plus qu'un désagrément mineur, et qu'on ne doit pas simplement les ignorer.

Le monde s'est divisé avec une terrifiante facilité entre deux camps opposés, avec à un bout des complotistes dont les plus extrêmes nient purement et simplement l'existence du covid et/ou pensent que les vaccins sont une technique de Bill Gates pour contrôler le monde, et à l'autre ceux qui sont persuadés que le virus va tous nous tuer (ou au moins nous laisser d'affreuses séquelles pendant toute notre vie) et que la seule solution est de l'éradiquer complètement, ces deux camps s'accusant mutuellement des pires crimes. Cette polarisation s'est inexplicablement alignée selon un axe politique (aux États-Unis c'est très clair, puisque Donald Trump a joué son complotiste-en-chef, tous ceux qui s'opposent à lui se sont sentis obligés de soutenir n'importe quelle mesure d'endiguement en prétendant que le contraire sacrifiait les vies à l'économie ; mais, a priori, on aurait tout aussi bien pu avancer le discours, tout aussi simpliste et pas plus faux, que le confinement consistait à sacrifier les pauvres pour sauver les vieux[#]). C'est aussi parce que nous avons tellement de mal à nous parler et à entendre le véritable appel, c'est-à-dire souvent la souffrance, qui se cache derrière un alignement politique, que cette polarisation s'est faite aussi facilement. La science, évidemment, a été la première à en pâtir (et j'ai déjà fait remarquer que l'épidémiologie ne s'y attendait sans doute pas, alors que l'économie connaît cette situation depuis longtemps), à commencer par la notion d'immunité grégaire, qui est devenue tellement chargée politiquement qu'il vaut mieux ne plus jamais utiliser ce terme.

[#] Éclaircissement () : Ceci est un slogan, qui porte en lui une part de vérité (on s'est beaucoup préoccupé de sauver les personnes âgées, oubliant les conséquences sur les moins favorisés), mais qui, comme tout slogan, la déforme en la simplifiant, donc ça dépend surtout comment on l'interprète. Ce qui m'intéresse n'est pas de me positionner dessus : c'est de remarquer que le slogan sauvons les vies, pas l'économie (con comme tout slogan) a marché et pas il ne faut pas sacrifier les pauvres pour sauver les vieux, pour structurer une polarisation gauche-droite.

Finalement, comment arbitrer entre quelqu'un qui a peur de perdre un proche et quelqu'un qui souffre d'être enfermé ? C'est terrible, et je ne sais pas ; ce qui est sûr, cependant, c'est que ce n'est ni en niant une de ces souffrances, ni en traitant l'arbitrage comme évident, ou en le refusant au contraire, qu'on y arrivera. Mais mettons fin à cette digression. }}}

Bref.

Quelle sera l'ampleur de cette seconde vague en France ? C'est évidemment difficile à prédire ! Déjà on ne sait même pas postdire l'ampleur de la première.

Quelques ordres de grandeur pour fixer les idées (et signaler notre ignorance), néanmoins :

Officiellement, la première vague a vu de l'ordre de 150k contaminations, avec un pic à 4500/j. En réalité ces chiffres sont sous-estimés d'un facteur probablement de l'ordre de 50 (estimation vraiment à la louche : comme on n'a jamais fait d'échantillonage aléatoire digne de ce nom et que les enquêtes de séroprévalence ratent énormément d'infections, je l'ai mentionné ci-dessus, on n'en sait pas grand-chose), c'est-à-dire peut-être 10M de contaminations avec un pic à 250k/j. Le taux de croissance (la constante de la croissance exponentielle, i.e., la dérivée logarithmique) du nombre de cas était de l'ordre de 0.29/j la première semaine de mars, descendant à 0.18/j la semaine suivante, puis 0.12/j la suivante, et le pic est arrivé encore une ou deux semaines après. (Quand j'écris 0.29/j, c'est 29 centinépers par jour, mais comme ces chiffres sont assez grossiers on peut faire comme s'il s'agissait d'une augmentation de 29% par jour — en fait 33%.) Cette baisse importante étant antérieure au confinement, il est peu probable que le confinement ait joué un rôle très important dans la dynamique de l'épidémie (en tout cas au moment où on aurait voulu qu'il fût utile). Quant aux morts, elles ont été de l'ordre de 30k au total (là aussi il y a un doute, mais c'est plutôt sur la question de ce que ça signifie que de mourir de covid), avec un pic à un peu moins de 1000/j. Le taux de létalité sur les cas officiellement recensés était autour de 20%, soit en vrai 0.4% si on croit à mon facteur 50 sur les contaminations réelles.

Actuellement, en France, on recense officiellement un nombre de nouvelles contaminations autour de 7500/j (et il y a des gens qui paniquent parce que 7500>4500 : c'est plus que lors du premier pic). Ce nombre est sans doute toujours sous-estimé, mais certainement pas d'un facteur 50 : à la louche j'imagine autour de 2, parce que quasiment tous les symptomatiques doivent se faire tester mais assez peu d'asymptomatiques (évidemment il y a plein de gens qui viennent se faire tester sans raison, et qui sont négatifs, mais ils n'interviennent pas trop). Le taux de croissance était autour de 0.04/j sur la semaine passée, en baisse par rapport à la semaine précédente (0.05/j) et encore avant (0.06/j) : on est déjà dans un régime sous-exponentiel. Le nombre de décès continue à être noyé dans le bruit de fond, autour de 15/j. Le taux de létalité sur les cas officiellement recensés, si on pense qu'il y a autour de 12 jours entre le recensement et le décès, est autour de 0.3%, soit 0.15% si on croit à mon facteur 2 sur les contaminations réelles. La raison pour ce taux de létalité réduit (même en tenant compte de l'énorme augmentation du nombre de tests) est incertaine : population touchée plus jeune, probablement, meilleure prise en charge, et dépistage plus précoce, mais il est aussi possible qu'il y ait un nombre non-négligeable de réinfections qui ne donneraient pas de cas clinique parce que les personnes touchées seraient déjà fonctionnellement immunes mais déclencheraient quand même le test PCR ; et bien sûr, il ne faut pas oublier qu'il y a certainement des gens qui se font tester plusieurs fois et qui comptent plusieurs fois dans les statistiques.

Tout ceci permet-il de prédire l'ampleur de cette seconde vague ? Pas vraiment. Extrapoler à la louche la baisse observée du taux de croissance (de ~0.01/j/semaine) suggère qu'on en aurait pour encore quelques (quatre ?) semaines, et que le nombre de contamination recensés quotidiennement monterait à peut-être 12k/j avant de retomber graduellement (pour un cumul autour de 450k sur cette seconde vague ; et peut-être autour de 1500 décès). C'est une possibilité optimiste, mais je serais surpris qu'un si faible nombre de contaminations puisse vraiment avoir un gros effet auto-stabilisant (même si on compte un facteur 2 comme je le suggérais, ça reste moins d'un million, ce qui est peu dans une population de 67M, évidemment, l'hétérogénéité, en l'occurrence le fait que les contaminations soient concentrées dans quelques grandes villes). On peut aussi se dire que si la première vague a fait décroître le nombre de reproduction de 3 à 1.5 (vraiment à la louche, comme tout ce que je dis), la deuxième n'a qu'à faire le tiers de la taille de la première pour arriver à le baisser de 1.5 à en-dessous de 1 (plus durablement ! cette fois-ci), donc s'attendre à peut-être autour de 3M de contaminations vraies et peut-être 5000 décès supplémentaires. Manifestement, ces deux prédictions ne collent pas, il y a à peu près un facteur 3 entre elles. Mais elles donnent peut-être quand même une petite idée de ce qu'on peut attendre.

On peut aussi comparer différents pays européens, mais l'exercice est hasardeux : tous semblent avoir une forme de seconde vague, sauf la Suède (ce qui me conforte dans l'idée que le confinement, comme n'importe quelle mesure comportementale, n'a fait que repousser à plus tard des contaminations qui restent inévitables), et il y a vaguement une tendance à ce qu'elle soit d'autant plus forte que la première a été supprimée ; mais au-delà de ça, les différences entre pays me semblent assez inexplicables et il faudrait une expertise sociologique et géographique que je n'ai pas (et qu'en fait je pense que personne n'a) pour essayer de leur donner un sens. Ce n'est même pas évident de trouver l'information précise de ce qu'ont été les réactions publiques dans les différents pays (rien que pour la France, j'ai un mal fou à savoir quelle est la règle du jour). Il est cependant un peu rassurant, au moins, de constater que dans certains pays la seconde vague paraît déjà avoir atteint un pic, ou du moins un plateau, sans être montée à une ampleur énorme, et surtout, avec un nombre de décès qui reste partout très faible. (Je pense à la Belgique ou à l'Allemagne ; mais le Portugal est aussi intéressant parce que la courbe des décès, qui ne suit d'ailleurs que très mal celle des contaminations, présente une succession de bosses de plus en plus faibles.)

Bref, je ne me hasarderai pas à faire de prévision plus précise que ça, mais je reste prudemment optimiste sur le fait que la seconde vague n'atteindra pas l'ampleur de la première, ni en nombre de décès, ni en nombre d'hospitalisations, ni même en nombre de contaminations (réel), et que comme en plus sa progression restera plus lente, il n'y a pas à craindre une saturation complète des services d'urgence. Ma prédiction de 70 000 morts (toutes vagues réunes), faite en avril, pourrait bien être encore pessimiste.

Ce sur quoi je suis beaucoup moins serein, c'est de savoir si le gouvernement français, ou les Français en général, ont compris que beaucoup de mesures de type fermeture des écoles, fermeture de tel ou tel type de commerce, ou à plus forte raison emprisonnement de la population à domicile, ne font que mettre l'épidémie en pause temporaire, à un coût absolument exorbitant, et que si cela peut se défendre en cas de saturation du système de soin, elles n'ont aucun sens sinon. (On peut l'excuser par le brouillard de l'incertitude, mais le confinement décrété en mars était à la fois monstrueusement excessif et beaucoup trop long : il n'est pas du tout clair qu'il ait eu un effet si important au moment où on l'espérait, en revanche il a tellement retardé la seconde vague qu'elle survient à un moment où les Français risquent d'avoir moins de vitamine D, et surtout, elle pourrait chevaucher la grippe hivernale si on cherche à retarder encore plus.)

Ce qui est sûr, c'est que le gouvernement français n'a pas compris que c'est nuisible de gesticuler, de changer d'avis sans arrêt, aussi bien sur les grandes lignes (l'épidémie ne touchera sûrement pas la France, nous continuerons d'aller au théâtre — ah, finalement, si ! tous en résidence surveillée !, ou bien les masques ne servent à rien — ah, finalement, si ! on va les rendre obligatoires partout !) que sur les plus petites (masque à l'intérieur ! — non, dans certains quartiers, ce sera aussi à l'extérieur ! — oh, et puis masque dans tout Paris ! — bon, OK, pas pour les cyclistes), sans même attendre de voir l'effet éventuel de la mesure précédente. J'ai l'impression qu'il n'y a que la Suède qui a vraiment su adopter une approche consistant à ne pas changer d'avis et à ne prendre que des mesures qu'on peut tenir dans la durée (j'ai déjà mentionné cette interview qui l'explique bien), et, justement, s'y tenir. Malheureusement, la polarisation du débat évoquée dans la digression ci-dessus fait que la Suède est désormais considérée par beaucoup (surtout depuis que Donald Trump, dans son délire lunatique, l'a montrée en exemple, et une certaine frange de l'extrême-droite européenne après lui) comme le pays paria, le pays qui a juste laissé mourir les gens : comme je le disais, la science a été la première à pâtir de tout ça.

Bref, c'est déjà assez compliqué de prédire ce que fera le virus, mais ce que sera la prochaine lubie du gouvernement, je n'en sais rien, et eux-même le savent sans doute encore moins. Vivre avec cette épée de Dalmoclès au-dessus de la tête ne m'est pas du tout agréable.

Éclaircissement () : Comme j'ai écrit de façon un peu provocatrice qu'il fallait ne rien faire contre la covid (et j'ai été surpris de découvrir que c'est ce que le gouvernement a effectivement choisi…), je devrais préciser qu'il y a quand même quelques types de mesures qui selon moi font sens :

  • celles qu'on pourra tenir indéfiniment (comme arrêter de se faire la bise),
  • celles, limitées dans le temps, visant à provoquer une pause ou un ralentissement temporaires de l'épidémie si les hôpitaux (ou quelque chose du genre) sont en menace de surcharge (surcharge qui augmenterait catastrophiquement la mortalité),
  • celles, limitées dans l'espace au niveau d'un cluster ou plus exactement, dans une zone qui semble représenter une anomalie statistique par rapport à ce qu'on attend comme contaminations,
  • et celles qui visent à protéger de façon différentielle les personnes les plus vulnérables, le temps que le pic épidémique passe.

↑Entry #2661 [older| permalink|newer] / ↑Entrée #2661 [précédente| permalien|suivante] ↑

[Index of all entries / Index de toutes les entréesLatest entries / Dernières entréesXML (RSS 1.0) • Recent comments / Commentaires récents]