David Madore's WebLog: Kalpa impérial

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(mardi)

Kalpa impérial

J'ai rarement trouvé un livre dont je me dise autant qu'il avait été écrit pour moi que Kalpa impérial d'Angélica Gorodischer. J'avais parlé ici de ma fascination pour les empires et les empereurs dans la science-fiction, et j'avais illustré ça ici de façon plus ou moins auto-caricaturale (voir aussi ici, ici, ici, ici et plein d'autres du genre) : Kalpa impérial est l'histoire de l'Empire le plus vaste qui ait jamais existé et de certains ses monarques. On ne sait pas très bien si on doit classer ça comme de la science-fiction, de la fantasy ou autre chose : il n'y a pas de magie (ou en tout cas, ce n'est pas clair), pas de technologie avancée ni de voyage dans l'espace, les éléments des histoires sont plutôt intemporels et se déroulent à un endroit non spécifié[#], cela ressemble plutôt au style des fables, ce qui est aussi quelque chose qui peut me plaire (et que, là aussi, j'essaie moi-même parfois de reproduire : voir ici, ici, ici, ici ou encore dans ce conte de fées ou cet autre conte). C'est un recueil de nouvelles (un genre que j'affectionne), avec tout au plus une référence de l'une à l'autre par un nom répété, lien suffisamment ténu pour qu'on ne sache même pas dans quel ordre ces histoires se déroulent. Histoires qui d'ailleurs semblent être de simples fragments épars de chroniques beaucoup plus vastes, et dont la fin est souvent une invitation au lecteur à deviner le sens de ce qu'il vient de lire. On ne peut pas ne pas comparer avec les Villes invisibles d'Italo Calvino, un livre que j'admire beaucoup (j'ai tenté de produire ma propre « ville invisible » ici, et j'ai cité mon passage préféré du livre ici) ; précisons cependant que les nouvelles de Gorodischer sont plus des récrits que celles de Calvino (disons qu'elle raconte alors que Calvino décrit). Mais un autre de mes écrivains préférés auxquels elle me fait aussi penser, c'est son compatriote Jorge Luis Borges : la ressemblance, là, n'est pas tellement dans ce qui est raconté mais plutôt dans le mode narratif… je n'arrive pas à mettre le doigt dessus exactement, mais il y a quelque chose à la fois dans le style et dans la façon de tourner les nouvelles un peu comme des énigmes, qui me rappelle Borges.

Tout ceci étant dit, il n'est pas surprenant que j'aie énormément aimé. (Comment se fait-il, d'ailleurs, avec le nombre de copains que j'ai qui lisent volume sur volume de SF, que personne ne m'ait jamais recommandé Kalpa impérial ? Je suis tombé dessus vraiment par hasard, en errant dans la librairie de la rue des Écoles qui est à peu près en face de la Sorbonne, Compagnie.) Maintenant, je ne sais pas vraiment dans quelle mesure je dois le recommander à d'autres : le fait que ce livre soit à ce point « écrit pour moi » me rend plus ou moins incapable de le juger objectivement (enfin, objectivement ne veut rien dire, mais disons, d'une manière qui se prête à des recommandations utiles) ; c'est aussi la raison pour laquelle j'ai fait ci-dessus pas mal de liens vers des fragments que j'ai moi-même écrits : s'ils sont de ceux qui vous plaisent, il y a des chances que vous aimiez Kalpa impérial (la réciproque n'étant, évidemment, pas vraie, mais ce sera au moins un indice). Mais simplement si vous en avez marre de la fantasy qui ressemble à ceci (généralement écrits en anglais par un américain barbu, typiquement en douze volumes avec un nom du genre Cycle de la Nuit de Glace de la Porte du Temps de l'Épée de Feu) et si vous voulez quelque chose d'un peu différent[#2], essayez ce petit recueil de nouvelles d'une femme argentine, ce sera au moins… rafraîchissant.

[#] À peu près la seule chose qu'on apprend de la géographie de ce très vaste empire est que le sud est plus sauvage et plus chaud que le nord (ce qui suggère qu'on est plutôt dans l'hémisphère nord, c'était d'autant moins évident que l'auteure est notohémisphérienne). Pour ce qui est de la chronologie, on en sait encore moins : il y a un indice ponctuel selon lequel cet empire existerait dans notre futur lointain, mais cela pourrait aussi bien être une blague.

[#2] Sauf pour ce qui est des noms, où manifestement Gorodischer s'amuse à en fabriquer d'aussi saugrenus les uns que les autres, par exemple Senoeb'Diaül.

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