Comme je l'avais déjà mentionné, j'essaie de perfectionner un peu mon allemand (ou devrais-je dire, de combler les années où je l'ai à peu près complètement laissé tomber, entre la fin de ma prépa et le moment où je suis allé à Berlin), avec l'idée que mon poussinet et moi comptons aller à Munich début septembre. Disons que mon but est de parler allemand mieux que l'Allemand typique ne parle anglais, histoire que ce ne soit pas complètement inutile d'utiliser cette langue — et ce n'est pas forcément acquis. Je combine différentes méthodes : l'Assimil avancé (qui a l'avantage de me fournir un nombre assez limité de phrases avec un nombre assez limité de mots nouveaux que je peux donc réécouter ad lib. jusqu'à ce que ça rentre parfaitement dans ma mémoire essentiellement auditive), le Tagesschau du Norddeutscher Rundfunk, et la lecture du Spiegel. (Ce serait bien si je trouvais un forum intéressant de geeks germanophones, aussi, histoire d'être exposé à un allemand plus informel.)
Une des difficultés de l'allemand est que les noms ont un genre (un parmi trois : masculin, neutre ou féminin). C'est amusant comme le cerveau est fait : si une langue avait trois genres mais que le genre d'un nom fût infailliblement (ou avec très très peu d'exceptions) indiqué par une voyelle à la fin du mot, ce ne serait pas d'une grande difficulté de les apprendre, puisqu'on apprend le mot comme un tout ; mais sous prétexte que le genre, au lieu d'être indiqué par la fin du mot est indiqué par un article qui vient avant (et surtout, qui n'est pas absolument toujours présent), le cerveau le considère comme une information auxiliaire et on a beaucoup plus de mal à l'apprendre ! (Du coup, je me demande comment le cerveau s'en tire pour les langues scandinaves qui indiquent le genre des noms utilisés avec l'article défini, en postposant celui-ci sous forme d'un suffixe, mais pas celui des noms utilisés avec l'article indéfini.) C'est à tel point, d'ailleurs, que l'apprentissage des pluriels est (à mon avis) beaucoup plus facile que celui des genres, et que j'en viens parfois à retrouver le genre d'après le pluriel (si le mot sonne bien avec un pluriel de féminin, il a des chances d'être féminin).
Bref, je me constitue une longue liste de mos courants, ou plutôt
de racines courantes (parce que le genre d'un mot allemand est
normalement déterminé par son dernier élément, même s'il y a quelques
exceptions, soit parce qu'un mot peut avoir deux genres
— der Vorteil
mais das
Gegenteil
— soit probablement parce que l'analyse est trompeuse
— der Bericht
mais die
Nachricht
: je retiens justement ce dernier parce que je sais bien
que les pluriels sont die Berichte
mais die Nachrichten
). Majoritairement masculins
et neutres parce que les féminins sont souvent très reconnaissables
(sans compter qu'il est quasiment impossible d'utiliser un féminin
sans que ça s'entende, alors qu'on peut facilement faire une phrase où
on ne saura pas si un mot est masculin ou neutre). Et tous les jours
je les fais afficher par mon ordinateur dans un ordre aléatoire et je
contrôle que je les connais tous parfaitement, et quand je fais une
faute sur l'un d'entre eux, je me répète quelques phrases l'utilisant
et qui mettent bien en évidence le genre. De surcroît, à chaque fois
que je pense à un mot allemand, je m'assure d'être certain de son
genre (et j'ai une petite application dictionnaire sur mon téléphone
qui me permet de faire ça à tout moment). Voilà ce que j'aurais dû
faire il y a bien longtemps, parce que maintenant je dois surtout
réapprendre une quantité faramineuse de vocabulaire allemand que j'ai
mal apprise puisque j'ai fait l'impasse sur les genres. Mais le plus
énervant, il faut le dire, ce sont encore les mots importés par
l'allemand d'autres langues et qu'on a affublés de genres assez
aléatoires : das Internet
, der
Automat
, der Computer
, das
Hotel
, der Bus
, die
Jeans
, etc.
Il n'y a pas, bien sûr, que le genre des mots que je dois
apprendre : je ne veux pas donner l'impression que je parlerais
parfaitement la langue si ce n'était cette petite difficulté. À vrai
dire, mon vocabulaire est cruellement limité (parce que j'ai toujours
été passionné par la grammaire
alors que je trouvais pénible d'apprendre des séries de mots) et je me
fais donc aussi des listes de termes ou d'expressions que je trouve
potentiellement utiles. Il y a du vrai dans le fait qu'on apprend
plus vite du vocabulaire en allemand que, disons, en anglais, à cause
de la possibilité de former des mots composés qui fait qu'il est, au
minimum, plus facile de comprendre ou de retenir un mot quand on en
connaît les parties (Zufalls+fund
: découverte
due au hasard) que si c'est, au hasard, un mot importé d'une obscure
légende persane (je pense à l'équivalent anglais du
précédent : serendipity
). J'aime bien dire qu'il
n'y a rien de plus mauvais que les « moyens mnémotechniques » qui ne
touchent pas à un vrai phénomène, et que pour retenir, par exemple, le
un mot dans une langue, si on a du mal, il faut chercher à en garder
en mémoire l'étymologie, ou un cognat, ou une expression l'employant,
ou quelque chose comme ça qui fasse appel à un vrai fait
linguistique : l'allemand est plutôt plus agréable pour ça que
d'autres langues. (Je le sais parce que je me fais aussi des listes
de mots que j'apprends en français et en anglais.)
Parlant de mots composés, il y a une chose qui m'amuse beaucoup,
c'est quand on trouve des étymologies complètement parallèles dans
différentes langues. Je me rappelle notamment avoir eu une sorte
d'épiphanie en remarquant sur un emballage alimentaire dont les
ingrédients étaient indiqués en français, en néerlandais et en grec,
que le mot com+position
se disait en
grec σύν+θεση
(synthèse
, quoi) et en
néerlandais samen+stelling
— autrement dit, dans
les trois langues, posé ensemble
. (En
allemand, Zusammen+stellung
semble plutôt
désigner une com+pilation
, tandis qu'une com+position chimique
se désignera par Zusammen+setzung
, autrement dit,
on asseoit les com+posants ensemble plutôt qu'on ne les pose debout :
tout est dans la nuance.) Mais je digresse.
Il faut reconnaître que les mots composés allemands ne sont pas
toujours très transparents. Je pense par exemple au
préverbe ver-
que certains analysent comme
indiquant la perte de quelque chose, mais qui semble plutôt avoir pour
signification de « transformer le sens du verbe de manière
complètement imprévisible » (ce n'est pas le seul qui fasse ça, mais
ça doit être le plus courant) :
bringen | apporter | verbringen | passer le temps |
führen | conduire, guider | verführen | séduire, tenter |
kaufen | acheter | verkaufen | vendre |
laufen | marcher, courir | sich verlaufen | se perdre (en marchant) |
lagern | stocker | verlagern | déplacer |
lassen | laisser | verlassen | abandonner |
meiden | éviter | vermeiden | éviter, empêcher |
passen | convenir, s'appliquer | verpassen | rater |
pflegen | soigner, garder, maintenir | verpflegen | nourir, alimenter |
raten | deviner, conseiller | verraten | trahir |
schieben | pousser | verschieben | repousser, retarder |
sprechen | parler | versprechen | promettre |
sich versprechen | faire un lapsus (en parlant) | ||
stehen | être debout | verstehen | comprendre |
suchen | chercher | versuchen | tenter, essayer |
tragen | porter | vertragen | supporter |
wenden | tourner | verwenden | utiliser, employer |
zeihen | accuser | verzeihen | pardonner |