J'assistais hier soir à une conférence
organisée par le psychologue (Pierre-Alexis Demay) et le psychiatre
(Jean-Christophe Maccotta) attachés à l'ENS et dont
l'invitée était la responsable du service de psychologie de l'École
polytechnique (Anne Delaigue). Le thème : Élèves des classes
préparatoires et des Grandes Écoles : le bonheur ?
Car, justement,
non, ce n'est pas toujours le bonheur — ainsi, parmi les seuls
étudiants matheux de première année à Normale Sup‘ depuis
octobre nous avons hélas eu un suicide et au moins un cas avéré de
dépression. Même si, comme le psychiatre le rappelait —
heureusement — leurs élèves ne vont pas plus
mal que leur classe d'âge en moyenne (certains pourraient le
penser), il existe indubitablemnt des problèmes spécifiques, et toutes
les Grandes Écoles, comme, plus récemment, les universités, se sont
dotées d'un service de psychologie (celui de l'École polytechnique
date de plus de cinquante ans) et parfois d'un psychiatre.
Je suis assurément concerné (les lecteurs de mon blog sont suffisamment au courant de certaines des facettes de mon déséquilibre psychoaffectif, je n'ai pas besoin de m'étendre à nouveau là-dessus, et il n'y a rien de secret au fait que mon attachement même à mon école est — en partie — pathologique ; ceci étant, je ne suis pas concerné que pour moi-même). Je suis donc allé écouter avec une certaine curiosité, malgré ma méfiance pour les professions en psy*, et j'ai été agréablement surpris. À tout le moins, on peut dire que Mme Delaigue parle remarquablement bien, et qu'elle a l'air d'avoir sérieusement la tête sur les épaules (j'ai déjà rencontré un certain nombre de psy* pour qui on pouvait douter que l'équilibre psychique soit d'une solidité telle qu'ils puissent se permettre de soigner d'autres gens) ; et les psy*s de l'ENS (que je n'avais jamais vus) m'ont également fait une impression plutôt favorable (je suppose que ça veut dire que je devrais prendre rendez-vous auprès d'eux).
De façon succincte, la thèse exposée, qui n'a rien de surprenant (certains diront même que c'est enfoncer des portes ouvertes) est que la prépa est souvent génératrice de troubles, non tant en elle-même qu'en ce qu'elle infantilise l'étudiant et retarde ou empêche une évolution normale à l'adolescence (au sens large) : si on n'a pas le temps de penser à soi parce qu'on est tout entier tendu vers un seul but — le concours — on peut se trouver avec un grand sentiment de vide une fois ce cap franchi car tous les problèmes laissés de côté pendant cette période vont refaire surface. Ce n'est pas tant (là, c'est moi qui ajoute, ça n'a pas été souligné lors de la conférence) une question de stress (en fait, pour ma part, j'ai eu une prépa très flemmarde et très tranquille, rien de ne serait-ce que modérément stressant : ce n'est peut-être pas le cas le plus commun, mais je ne pense pas que ça change tellement l'effet général) que de cloche qu'on met entre soi et son image de soi — ou le monde — ou en fait tout sauf les domaines purement intellectuels qu'on étudie. (Or, dans mon cas, ça n'a pas commencé à mon entrée en prépa et ça n'a pas fini après ma sortie.)
Ceci étant, il y a un gouffre, malheureusement, entre identifier les problèmes et les résoudre…