Mon influence auprès des grands de ce monde est telle que j'ai réussi à ne pas être nommé Premier ministre ni à un poste quelconque au gouvernement (ni en France ni, d'ailleurs, en Grèce, ce qui aurait été encore bien plus catastrophique). Puisque je suis, donc, totalement rassuré sur mon sort, je reste à mes fonctions de directeur exécutif ex officio, secrétaire général pro tempore, administrateur ad hoc et semper fidelis du Club contexte qui noyaute la République de l'intérieur, et je vais vous parler des étiquettes gouvernementales.
◌
Le fait que la Constitution de la Ve République
française a été écrite sous l'influence du Club contexte se voit assez
nettement quand on compare l'article 15 (Le Président de la
République est le chef des armées
), l'article 21 (Le Premier
ministre […] est responsable de la défense nationale
) et
l'article 20 (Le Gouvernement […] dispose […] de la force
armée
) : quelqu'un de très fort a réussi à trouver des termes dont
on ne peut pas dire qu'ils sont explicitement contradictoires, mais
dont il soit néanmoins impossible de savoir exactement comment ça se
fait qu'ils ne se marchent pas sur les pieds. Ce quelqu'un a dû
prendre des cours dans ces administrations ou organisations qui sont
capables d'avoir simultanément un président, un directeur exécutif, un
secrétaire général, un administrateur en chef et pourquoi pas un grand
mamamouchi sans qu'on sache comment ces fonctions interagissent.
Mais les choses avaient déjà bien commencé auparavant. La
IIIe République avait donné (le 31 août 1871, par la
loi Rivet) à Thiers le titre de président de la République
parce qu'il était mécontent de celui de chef du pouvoir
exécutif
(concéder ce titre n'a pas empêché l'Assemblée, à
majorité monarchiste, d'encadrer strictement la manière dont le
président pouvait s'adresser à elle, dans ce que Thiers a qualifié
de cérémonial chinois
et dont l'absurdité subsite jusqu'à
maintenant). Mais qui est, au juste, le chef du Gouvernement ? Il
était prévu que ce fût le président de la République ; il devait avoir
un adjoint : un décret du 2 septembre 1871 prescrit : Le Président
de la République, en cas d'absence ou d'empêchement, délègue à l'un
des ministres le droit de convoquer le conseil et de le présider. Le
ministre délégué portera le titre de Vice-président du Conseil des
ministres.
Et de fait, jusqu'en mars 1876, sous les
présidences de Thiers et MacMahon, c'est ce titre de vice-président
du Conseil des ministres
(le seul mentionné par les lois
constitutionnelles de 1875) qui a été porté par Dufaure, de Broglie,
de Cissey et Buffet ; puis, le 9 mars 1876, suite aux élections
législatives ayant donné une majorité à la gauche républicaine,
Dufaure revient avec cette fois le titre de président du
Conseil
(qui avait existé sous la Restauration et la Monarchie de
Juillet, et disparu en 1849), et qui sera utilisé jusqu'à la fin de la
IIIe et sous la IVe Républiques. Thiers avait
démissionné en 1873 n'ayant pas pu s'entendre avec une Chambre
royaliste, MacMahon démissionne en 1879 faute de pouvoir soumettre une
Chambre républicaine : désormais, ce sera le président du Conseil le
véritable chef du Gouvernement… même si c'est le président de la
République qui formellement préside le Conseil [des ministres]. Le
Club contexte salue toutes ces péripéties, donc.
Comme il n'était au départ qu'un ministre parmi d'autres (délégué, si on en croit le décret de 1871 cité ci-dessus, à remplacer le président de la République en cas d'absence ou d'empêchement), le président du Conseil avait, sous la IIIe République presque toujours et sous la IVe parfois, un portefeuille ministériel : généralement les Affaires étrangères (fréquent en 1879–1893 puis à partir de 1913 pour des raisons évidentes, voire la Guerre) ou l'Intérieur, parfois un autre (Finances, Justice, et pour Jules Ferry on sait que ça a été l'Instruction publique). Le premier président du Conseil sans portefeuille, fut Poincaré en 1928, et c'est devenu commun avec le Front populaire (Blum en 1936 était président du Conseil sans portefeuille) : à ce moment-là, on se remit à avoir aussi un vice-président du Conseil, avec un portefeuille (commençant en 1936 avec Daladier, à la Défense nationale et à la Guerre). Sous les gouvernements pléthoriques de la IVe République, il pouvait y avoir un président du Conseil sans portefeuille, plusieurs vice-présidents du Conseil eux aussi sans portefeuille, voire aussi plusieurs ministres d'État sans portefeuille (destinés à faire entrer au gouvernement toute la coalition au pouvoir), mais il arrivait quand même que le président du Conseil garde un portefeuille (comme Mendès-France, les affaires étrangères en 1954) : ce n'était plus la norme, mais ce n'était pas rare. Avec la Ve République, cette pratique est devenue l'exception (il n'y a eu que Barre, et encore, seulement jusqu'en 1978), je suppose qu'on peut dire qu'elle a complètement disparu sauf peut-être pour assurer un intérim (Bérégovoy a été brièvement ministre de la Ville en 1992 pour remplacer Tapie).
○
Il est par ailleurs intéressant de s'attarder sur le titre
de président du Conseil
et ses différents équivalents.
L'Italie a aussi un presidente del Consiglio [dei
ministri]
, tandis que l'Espagne a un président
du gouvernement : presidente del
Gobierno
. L'Allemagne a, comme on le sait bien, un Chancelier
[fédéral] ([Bundes]kanzler
) — enfin, en ce
moment, une Chancelière (Kanzlerin
: je note
d'ailleurs qu'ils ont pris le domaine bundeskanzlerin.de
,
ce qui est un peu idiot parce qu'on se demande ce qu'il va se passer
le jour où ce sera de nouveau un homme ; ils auraient pu utiliser
simplement le nom de Chancellerie
fédérale, Bundeskanzleramt
) : je ne vais pas
rappeler le contexte des différents régimes qu'a connus
l'Allemagne, c'est un peu compliqué, mais sous le Saint-Empire, le
Chancelier de l'Empire, ou Archichancelier (parce que
l'Empereur ne saurait avoir en ses princes électeurs que
des archiserviteurs,
par exemple un Archiéchanson — en la personne du roi de Bohême — pour
lui servir le l'archi-vin, ou un Archimaréchal — en la personne du duc
de Saxe — pour conduire ses archi-armées) était un titre partagé entre
les archevêques de Mayence et de Cologne, respectivement sur les
territoires d'Allemagne et d'Italie ; on va dire que
c'est une sorte d'archinotaire
(s'occupait-il des archi-ves de l'Empire ?). L'Autriche aussi a un
Chancelier à la tête de son gouvernement (et la Suisse a aussi un
Chancelier fédérale, qui d'ailleurs est aussi une Chancelière, mais il
ne fait pas partie du Gouvernement, en l'espèce le Conseil fédéral, ou
du moins, n'y a pas le droit de vote). Mais
les Länder allemands — à l'exception de Berlin,
Hambourg et Brême — ont à leur tête un poste dont le nom est semblable
à celui de président du
Conseil : Ministerpräsident
(comprendre : ministre-président
, au sens de président du
Conseil des ministres du Land) ; c'est aussi le
titre des chefs de l'exécutif des régions et communautés de Belgique,
et aussi du royaume des Pays-Bas (mais pas
des Länder autrichiens).
Mais ce sont nos amis les Anglais qui sont incontestablement les
maîtres du Club contexte, avec leur constitution non écrite qui
accumule les organes vestigiaux tels que le cœlacanthe passerait pour
un symbole de modernité. Le Royaume-Uni, donc, a à la fois
un président du Conseil (le Lord President of the
[Privy] Council) et non pas un mais deux chanceliers
(le Lord [High] Chancellor, et le chancelier de
l'Échiquier ou Chancellor of the Exchequer), et
aucun des trois n'est le chef du Gouvernement. La raison est que le
Royaume-Uni tend à fabriquer des postes constitutionnels nouveaux à
partir de ceux qui existent déjà, et ne supprime jamais vraiment des
postes : comme le Saint-Empire avec ses archiserviteurs, le
Royaume-Uni a un certain nombre
de grands
officiers, c'est-à-dire des fonctions officielles de l'État, dont
certaines sont tombées en désuétude (il n'y a plus de Lord Grand
Intendant du Royaume-Uni), d'autres ont été scindées (il n'y a plus un
Lord Grand Trésorier, mais deux Lords du Trésor, le premier étant le
Premier ministre et le second étant le chancelier de l'Échiquier), et
encore d'autres sont devenues des titres plus ou moins automatiquement
liés à certaines fonctions ministérielles (de même qu'en France le
ministre de la Justice est également Garde des sceaux
et garde
effectivement
le Grand
Sceau de France). De même, l'ensemble du Gouvernement de Sa
Majesté a une existence en tant que Cabinet
,
c'est-à-dire un des comités constituant le Conseil privé
(Privy Council
) du souverain ; c'est de ce
Conseil privé qu'est formellement président le Lord Président du
Conseil, mais de nos jours ce titre semble ne plus avoir une autre
fonction qu'honorifique pour accompagner un ministère important (le
titulaire est le vice-premier ministre Nick Clegg). Le Lord
Chancelier et gardien du Grand Sceau du Royaume-Uni est ministre de la
Justice, et, jusqu'à ce que des réformes récentes (effectuées
notamment sous la pression de la Cour européenne des droits de l'Homme
qui n'appréciait pas trop que la Chambre des Lords mélange des
fonctions de pouvoir législatif, exécutif et
judiciaire[#]), il cumulait
aussi des fonctions à la chambre des Lords et des fonctions
judiciaires.
Mais le chef du Gouvernement de Sa Majesté n'est ni le Lord
Chancelier ni le Lord Président du Conseil, c'est le Premier ministre
(Prime Minister
) : un titre qui pendant longtemps
n'a même pas existé officiellement, le titre vraiment officiel étant
alors, comme je l'ai dit, celui de premier Lord du Trésor
(First Lord of the Treasury
), et c'est d'ailleurs
sous cette fonction-là que le chef du Gouvernement occupe actuellement
la résidence du 10 Downing Street à Londres. Il y a pu avoir jusqu'au
19e siècle quelque flottement sur l'équation entre Premier
ministre et premier Lord du Trésor, mais elle est maintenant bien
établie (ainsi que celle entre second Lord du Trésor et chancelier de
l'Échiquier).
Le français ne permet pas la distinction
entre Prime Minister
et First
Minister
, mais les deux existent, et les Premiers ministres
d'Écosse, du pays de Galles, et d'Irlande du Nord
s'appellent First Minister
. Pour donner encore
plus de contexte, les chefs du gouvernement des différentes
provinces canadiennes s'appellent Premier
en
anglais, ce qui est toujours Premier ministre
en français, mais
le terme anglais diffère donc de celui (Prime
Minister
) utilisé pour le Premier ministre de l'État fédéral du
Canada.
Voilà pour le chef du Gouvernement. Ne croyez pas que l'œuvre du Club contexte s'arrête là.
◎
Prenons les rangs ministériels : en France, l'ordre protocolaire
suit l'ordre du décret de nomination du gouvernement, et on trouve
essentiellement les rangs suivants : ministre d'État, ministre,
ministre délégué, secrétaire d'État, sous-secrétaire d'État. Cette
liste est un peu artificielle : il semble que les ministres délégués
soient apparus après que les sous-secrétaires d'État avaient
complètement disparu. Et rien n'oblige un gouvernement à faire usage
de ces rangs : le gouvernement nommé hier ne compte pas de ministre
d'État (uniquement des ministres et des ministres délégués), et je
crois comprendre que l'intention est de ne pas nommer de secrétaires
d'État non plus ; on peut aussi innover, par exemple Martin Hirsch
avait été nommé Haut-commissaire
dans le gouvernement de
François Fillon, j'imagine qu'un président et un Premier ministre
facétieux pourraient ajouter des titres comme Grand Argentier de
France
pour le ministre des finances et Chancelier de
France
pour le ministre de l'Économie, ce n'est pas plus ridicule
que Garde des sceaux
… Ou encore créer des délégué
extraordinaire
, chargé de mission spécial
, vizir
,
etc. : ça ne prêterait pas plus à rire qu'un ministère
du redressement productif
(exemple choisi complètement au
hasard). La différence entre ministre d'État et ministre semble être
uniquement honorifique ; celle entre ministre et ministre délégué
vient de ce que le ministre délégué ne dispose pas d'un véritable
portefeuille ministériel (avec des départements) mais seulement d'une
autorité subordonnée à celle d'un ministre de plein exercice (qui peut
être le Premier ministre). Enfin, les secrétaires d'État n'assistent
pas, en principe, au Conseil des ministres, mais j'imagine que
celui-ci est convoqué spécialement à chaque fois donc qu'il n'y a
aucune règle absolue. De toute façon, tout dans la composition du
Gouvernement dépend de calculs politiques, de sensibilités à flatter
et de messages à envoyer : je disais plus haut que sous la
IVe République on a vu des ministres d'État sans
portefeuille (sans portefeuille
étant ici au sens fort,
c'est-à-dire non seulement sans départements ministériels affectés
mais même sans intitulé précis), dont le seul rôle semblait être
d'assurer que la coalition parlementaire soutenant le Gouvernement fût
reflétée dans celui-ci. Ça devait être assez reposant, d'être
ministre d'État sans portefeuille : pour le coup, je pense que je ne
refuserais pas.
Si en France les ministres (et a fortiori les ministres
d'État) sont au-dessus des secrétaires d'État, c'est le contraire au
Royaume-Uni : un Minister of State
est en-dessous
d'un Secretary of State
, ce dernier étant le
titre usuel d'un ministre du gouvernement du Royaume-Uni qui n'a pas
un titre spécial, ou en plus d'un titre spécial. Soit dit en passant,
il y a actuellement au Royaume-Uni une ministre d'État sans
portefeuille (la baronne Sayeeda Warsi). Les sous-secrétaires
d'État parlementaires
sont encore en-dessous (et ne font pas
partie du Cabinet).
Dans le genre, ce que je trouve le plus rigolo au
Royaume-Uni, et qui bat largement le coup du ministre d'État sans
portefeuille, ce sont les postes de Steward of the
Chiltern Hundreds
et Steward of the Manor of
Northstead
: en effet, on n'a pas le droit
de démissionner
de la Chambre des Communes, alors on a trouvé un artifice
juridique pour le faire quand même, c'est de nommer ceux qui veulent
démissionner à un poste complètement pipo (quoique réel), ou en fait
deux en alternance, qui ont pour vertu d'être incompatibles avec le
mandat de membre des Communes.
Ajout () :
Parmi les postes bizarres du gouvernement britannique (que je ne
connaissais pas en écrivant le reste de cette entrée), et pour faire
encore un chancelier
qui ne soit ni le Lord Chancelier ni le
Chancelier de l'Échiquier, il y a le titre ridicule
de Chancelier
du duché de Lancastre
, à l'origine chargé de l'administration
du duché de Lancastre (un domaine privé du souverain britannique),
mais devenu maintenant une sinécure et le nom d'une sorte de ministre
sans portefeuille.
Aux États-Unis (où le président est également chef du Gouvernement,
et où les ministères ne peuvent être modifiés que par une loi), une
seule personne porte le titre de secrétaire d'État
(Secretary of State
), c'est le ministre chargé
des affaires étrangères (actuellement Hillary Clinton), les autres
ministres ayant le titre de secrétaire
(Secretary
), à l'exception du ministre de la
Justice qui est appelé Attorney General
(Procureur général
?) ; il y a cependant des gens qui ne font
pas partie du Cabinet et n'ont pas le titre
de Secretary
mais qui ont en pratique un rang
semblable à celui de ministre (et ne dépendent que du président), par
exemple Administrator of the Small Business
Administration
.
Si on veut trouver des titres amusants aux
États-Unis, on peut chercher à l'intérieur des administrations : par
exemple, dans le ministère de la Justice, au-dessous
du Attorney General
, il y a
un Deputy Attorney General
,
un Associate Attorney General
,
plusieurs Assistant Attorney General
,
plusieurs Deputy Assistant Attorney General
parmi
lesquels un Principal Deputy Assistant Attorney
General
, et il y a aussi parfois un Principal
Deputy Associate Attorney General
(mais pas en ce moment), et
n'oublions pas le Solicitor General
et toutes
sortes d'autres jeux combinatoires sur le même thème.
◍
Revenons de nouveau en France. Un autre domaine où le Club
contexte peut exercer son pouvoir, c'est les étiquettes données aux
actes juridiques. Il y a moins de fantaisie dans le domaine que dans
les étiquettes des personnes que j'ai citées ci-dessus, et surtout que
par le passé : on ne fait plus de nos jours d'édits
,
de sénatus-consulte
, de rescrits
ou de ces autres noms
pittoresques qui eurent servi par le passé, plus guère
de décrets-lois
, et pas tellement d'ordonnances
; le
Conseil constitutionnel rend des décisions
, les tribunaux qui
portent le nom de cour
(plus la section du contentieux du
Conseil d'État, et le Tribunal des Conflits) rendent
des arrêts
, et les autres tribunaux des jugements
, et il
doit y avoir aussi un certain nombre d'institutions qui émettent
des avis
, délibérations
; en droit européen, il existe
des directives
et des règlements communautaires
; le
parlement vote des lois
(organiques ou simples) et ratifie
les traités
internationaux préalablement signés, et le pouvoir
exécutif prend
des décrets
, arrêtés
, circulaires
, instructions
, notes
de service
. Je crois avoir à peu près tout listé. Les
circulaires, instructions et notes de service (la distinction de nom
semble assez arbitraire) servent uniquement à informer les services de
l'Administration sans pouvoir créer de droit (autre qu'interne). La
distinction entre décret et arrêté, en revanche, est plus
intéressante, d'autant que les livres de droit que j'ai trouvés sont
assez obscurs sur cette question.
Les décrets eux-mêmes sont subdivisés en décrets en Conseil d'État
(ce qui signifie en fait, pris après avis du Conseil d'État), décrets
en Conseil des ministres (signés du président de la République mais
soumis à contreseing ministériel), et décrets simples, les arrêtés
étant hiérarchiquement inférieurs à tous ceux-ci. On explique
généralement que le président de la République et le Premier ministre
prennent des décrets alors que les autres ministres (ainsi que les
préfets, maires, etc.) prennent des arrêtés. C'est sans doute
globalement vrai, mais c'est simplifié. Par exemple, le JO
d'aujourd'hui (17 mai 2012) liste, pour le règlement pris par le
Premier ministre, à la fois un décret et deux arrêtés, tous deux
portant délégation de
signature : le
décret donne délégation à M. Serge Lasvignes, secrétaire
général du Gouvernement, à l'effet de signer, au nom du Premier
ministre, tous actes, arrêtés, circulaires et décisions, à l'exclusion
des décrets
(et idem pour ses adjoints) ; les arrêtés
(1
et 2)
donnent délégation à M. Christophe Chantepy, directeur du cabinet
du Premier ministre
pour l'un et à M. Jean-Pierre Guérin, chef
de cabinet du Premier ministre
(le Club contexte tient à saluer
bien bas la distinction entre un directeur de cabinet
et
un chef de cabinet
) pour en gros la même chose. Donc
apparemment non seulement le Premier ministre prend bien parfois des
arrêtés, mais en plus il délègue à d'autres gens le pouvoir de les
signer, et d'ailleurs dans certains cas il le délègue par décret et
dans d'autres cas, justement, par arrêté (alors que ça a l'air d'être
exactement le même genre de choses). Est-ce juste une façon de dire
que le secrétaire général du Gouvernement est quelqu'un de plus
important qu'un directeur/chef de cabinet du Premier ministre ? A
contrario, les ministres autres que le Premier ministre prennent
normalement des arrêtés, et je crois comprendre que parfois ils
prennent des décrets dans des cas explicitement prévus par la loi ou
par d'autres décrets (cas trouvé par hasard dans Google,
le décret
nº63-1104 du 30 octobre 1963 relatif au régime d'allocations
viagères des gérants de débits de tabac, précise que le taux de
cotisation des gérants peut être modifié par décret du ministre chargé
du budget
, alors que d'autres choses sont fixées par
arrêté : la valeur d'achat du point et la valeur de service du
point sont fixées chaque année par arrêté du ministre chargé du
budget
). La logique est sans doute simplement que si un texte
juridique supérieur (la Constitution, une loi, un décret) prévoit un
certain type de règlement, c'est ce qui sera pris, et si le règlement
est autonome ce sera normalement un décret s'il est pris par le
Premier ministre ou un arrêté s'il est pris par un autre ministre (le
président ne peut, si je comprends bien, prendre des décrets que dans
un petit nombre de cas prévus par la Constitution) ; quant à la
logique qui préside au fait que la norme supérieure prévoie un décret
en Conseil d'État, un décret en Conseil des ministres, un décret
simple, ou un arrêté, c'est sans doute lié à l'importance de la mesure
envisagée et au degré de réflexion juridique qu'on veut lui imposer
(un décret en Conseil d'État ne risquera pas risquera
moins d'être annulé par le Conseil d'État ; un décret ne peut
pas être pris par délégation de signature).
●
Ajout () : Comment ai-je
pu, en écrivant cette entrée, oublier de parler de l'Union
européenne ? Par exemple, l'Union européenne a un Conseil [de
l'Union européenne]
et un Conseil européen
, qui se
ressemblent beaucoup et ont essentiellement le même logo, mais ne sont
pas la même institution, et qui n'ont par ailleurs rien à voir avec le
Conseil de l'Europe ; voir cette
entrée. Mais ce n'est pas tout ! L'Union européenne est régie
par deux principaux traités, qui s'appellent, de façon
inimaginablement « contextuelle », le Traité sur l'Union
européenne et le Traité sur le Fonctionnement de l'Union
européenne (et dont les articles ne sont
pas numérotés de façon disjointe,
comme pour maximiser la confusion). Je pourrais aussi mentionner la
Cour de justice de l'Union européenne, institution regroupant plusieurs
tribunaux dont l'un s'appelle la Cour de justice
(non, ce n'est
pas une blague : la Cour de justice
[de l'Union européenne]
fait partie de, mais n'est pas identique à, la Cour de justice de
l'Union européenne
! — celui qui a eu cette idée mérite vraiment
une médaille).
[#] Je tire cette
information
d'un article
de Lord Mance (membre de la nouvelle Cour suprême du Royaume-Uni)
sur la constitution non écrite du Royaume-Uni, et qui décrit ainsi la
réforme de section d'appel judiciaire la chambre des Lords (je recopie
tout le passage parce que le lien est cassé au moment où
j'écris) : The Lord Chancellor had for centuries
occupied a central, although anomalous, position at the cusp of the
three arms of state. He was a member of the Cabinet, Speaker of the
legislative House of Lords, and Head of the English and Welsh
Judiciary able to sit in and entitled to chair the Appellate Committee
of that House. In Gilbert and Sullivan's Iolanthe, the Lord
Chancellor enters, singing
The Law is the true embodiment of
everything that's excellent. It has no kind of fault or flaw. And I
my Lords embody the Law
. He was largely responsible for judicial
appointments, though acting on advice and in accordance with
increasingly formalised procedures. He was responsible for judicial
conduct and discipline, although increasingly in conjunction with the
day-to-day chief justices of the three United Kingdom jurisdictions,
England, Scotland and Wales. The Strasbourg authorities were starting
to focus on the anomalies of his position. Influential voices had
also suggested that the Law Lords, although consisting of experienced
judges and operating entirely non-politically, might be better
understood if constituted into a separate Supreme Court.