David Madore's WebLog: Comment migrer de Twitter à Mastodon (ou pas)

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(samedi)

Comment migrer de Twitter à Mastodon (ou pas)

Annonce préliminaire : si je décide de créer un compte sur Mastodon (ce qui implique de choisir un serveur, cf. ci-dessous) ou autre réseau social équivalent, en remplacement, ou en plus, de mon compte Twitter, je l'indiquerai en éditant cette entrée-ci pour fournir le lien, ainsi que dans la liste de liens sociaux qui se trouve en bas de chacune des pages du présent site ; je l'annoncerai aussi depuis mon compte Twitter si Twitter existe encore, ainsi que depuis le compte Mastodon temporaire @gro_tsen_test@mastodon.sdf.org que j'ai créé en attendant de prendre une décision définitive.

Je mets de côté l'écriture d'un billet de taille gigantesque consacré aux maths constructives pour parler un peu du fiasco Twitter et de la question de comment migrer vers autre chose, parce qu'à la vitesse à la quelle vont les choses ça devient vraiment urgent.

Je suppose que même les gens qui ne sont pas dessus ont entendu que Twitter était en train de mourir : Elon Musk (vous savez, le multimilliardaire complètement déjanté surtout connu pour Tesla et SpaceX et pour ses idées délirantes de colonisation de Mars) l'a racheté il y a quelques semaines (pour la somme complètement absurde de 44GUSD) et, depuis, semble prendre décision stupide sur décision stupide, à tel point qu'on se demande si c'est vraiment se couper sur le rasoir de Hanlon que de se dire que c'est forcément intentionnel. La vitesse à laquelle il a réussi à tout brûler est même assez impressionnante, ayant d'abord fait fuir les recettes publicitaires avec ses déclarations incohérentes et sa réputation sulfureuse, puis en ayant provoqué un chaos indescriptible en permettant à n'importe qui d'acheter des comptes « vérifiés » pour une somme dérisoire (avant de changer d'avis deux jours plus tard), et, au moment où j'écris, il a fermé les bureaux et licencié quasiment tout le monde (à croire qu'il ne se rend pas compte combien la valeur d'une boîte de tech est dans le savoir-faire de ses employés). Je ne sais pas où tout ça va aller mais j'avoue que je ne m'attendais pas à un tel clusterfuck quand il a racheté la boîte. (Soyons bien clair : je déteste profondément ce type, mais je le pensais au moins minimalement compétent au point de ne pas tout casser immédiatement. Je suis d'avis que ses prédécesseurs n'étaient pas moins détestables, juste moins chaotiques : les réseaux sociaux et leurs utilisateurs sont dans une relation de parasitisme mutuel et leurs patrons ne méritent de toute façon aucune sympathie de notre part, ils nous utilisent comme marchandise et nous les utilisons pour porter nos messages ; donc en soi la détestation que j'éprouve pour Elon Musk ne faisait pas obstacle à ce que je reste sur Twitter, mais évidemment, s'il fait que l'infrastructure se casse la gueule, il n'y a plus d'autre choix.) J'éprouve indiscutablement de la schadenfreude à l'idée que Musk (comme d'ailleurs Zuckerberg, dont les plans de Métavers semblent aussi très foireux) perdent des milliards et soient humiliés, mais il reste la question de savoir quoi faire si Twitter disparaît complètement (ou même sans attendre ce moment), et je suis assez embêté. J'insiste sur le fait qu'il n'y a aucune contradiction entre cette schadenfreude et cet embêtement.

Évidemment, dans la liste des possibilités, il y a rien du tout qui est une option à avoir à l'esprit : si Twitter disparaît, je peux (et chaque utilisateur peut) juste se dire que c'est tant pis, et qu'on a un réseau social de moins mais en avait-on vraiment besoin. Ce n'est pas un besoin vital de faire savoir instantanément au monde qu'on a mal dormi la nuit dernière. J'avais un blog bien avant Twitter pour communiquer mes idées un peu longues (comme, euh, tout ce rant !), je ne compte pas le faire disparaître. Mais j'avoue que j'aime bien la forme courte et plus spontanée que le microblogging permet, et je ne vais pas écrire un billet de blog pour dire à chaque fois que je veux utiliser le verbe valoir au subjonctif, je dois vérifier si c'est qu'il vale ou qu'il vaille ou autres pensées ou blagounettes à 0.02¤ (même si j'eus fait ce genre de choses par le passé), l'effort nécessaire pour publier un billet de blog sur mon site est trop important pour rendre raisonnables les billets ultra-courts mais très nombreux, et je ne crois pas que mes lecteurs apprécient tant que ça si je me mets à écrire autant d'entrées ici que de fils Twitter. Et je ne veux pas nier qu'avoir ~5000 followers est occasionnellement utile (s'il s'agit de demander un renseignement, par exemple), même si ça peut aussi avoir ses inconvénients (comme créer une bulle de contenu ou empêcher, justement une forme de spontanéité), mais bon, ça, de toute façon, les followers, je ne vais pas en garder plus qu'une poignée si je passe à autre chose quelle que soit la manière dont je m'y prenne.

Il est indubitable que les réseaux sociaux n'ont pas que des inconvénients, et que parfois ils servent à autre chose qu'à propager des messages racistes, des appels à signer une pétition, ou des vidéos de chats qui font des conneries : parfois ils sont à la hauteur de leur nom, les gens arrivent vraiment à tisser des liens personnels ou à créer des communautés virtuelles, et c'est dommage de voir ces choses disparaître parce qu'un milliardaire a des lubies (ou parce que Google a décidé d'abandonner un projet, ou parce que Tumblr a été racheté par Verizon, ou n'importe quelle péripétie de ce genre). Je suis assez d'accord avec ce qu'écrit un ami dans ce fil. Je suis aussi assez conscient des choses que ma décision de ne pas aller sur Facebook me rend inaccessibles pour me rendre compte que le fait de vendre son âme au diable n'a pas que des mauvais côtés (et que si mon souhait de voir Facebook disparaître en laissant Zuckerberg ruiné était exaucé il y aurait aussi des conséquences négatives sur des gens qui, contrairement au patron, ne le méritaient pas).

Cory Doctorow a écrit un rant sur Medium que je trouve très bien sur la difficulté de quitter un réseau social pour un autre, et la manière dont nous nous retrouvons prisonniers des relations que nous avons créées sur le premier. (Comme d'habitude avec lui, il défend — même s'il n'utilise pas explicitement le terme — de l'interopérabilité adversariale, avec laquelle je suis tout à fait d'accord, mais ce n'est pas vraiment mon point ici.)

Bref.

Le candidat naturel au remplacement de Twitter, c'est Mastodon. Enfin, plus exactement, c'est le Fediverse (le Fediverse c'est le réseau, ActivityPub c'est le protocole qui sous-tend ce réseau, et Mastodon c'est le principal logiciel qui implémente ce protocole et qui y ajoute des conventions et fonctionnalités, et Mastodon point social est la principale instance de ce logiciel, donc on peut avoir tendance à confondre tout ça et dire Mastodon comme métonymie pour le Fediverse, et vous me permettrez de le faire librement ici, mais je vais tenter d'expliquer plus bas ces histoires de serveurs).

Beaucoup de gens parlaient de, proposaient de, ou incitaient à, quitter Twitter pour Mastodon avant même que Musk rachète Twitter, le mouvement de fuite Twitter → Mastodon s'est amplifié avec le rachat, et accélère encore avec le chaos actuel. (J'en ai notamment parlé ici.) La migration est encore simplifiée par l'existence de nombreux outils qui permettent de retrouver automatiquement une partie des contacts Twitter sur Mastodon (tant que Twitter existe, bien sûr), ou de poster plus facilement en double sur les deux, et bien sûr il y a plein de tutoriels sur comment passer de Twitter à Mastodon. (Il n'est d'ailleurs pas clair que tout le monde sur Mastodon soit forcément très heureux de voir des hordes de réfugiés de Twitter débarquer dans leur coin d'Internet jusque là plutôt tranquille.)

Bon, alors pourquoi je ne suis pas déjà parti ? (Ou pourquoi est-ce que je n'ai pas, au moins, créé un compte sur Mastodon ou refléter mes tweets et vice versa, comme beaucoup de gens le font ?) Il y a une partie du problème qui est lié à l'effet de réseau, comme l'explique bien le rant de Cory Doctorow lié ci-dessus, mais ce n'est pas vraiment le problème en ce qui me concerne.

Il y a une différence très importante à signaler entre Twitter et Mastodon : Twitter est un système centralisé, il y a un seul Twitter, c'est celui sur le domaine twitter.com est les applications officielles Twitter sur mobile (ce qui n'empêche pas qu'il puisse y en avoir d'autres, mais elles parlent aux mêmes serveurs), et c'est ça qu'Elon Musk a racheté (enfin, il a racheté la boîte qui possède cette infrastructure). Mastodon n'est pas du tout pareil : Mastodon n'est pas centralisé. Mais il n'est pas vraiment centralisé non plus, malheureusement (ça j'aimerais beaucoup, mais ce n'est pas le cas) : il est fédéré. C'est-à-dire qu'il n'y a pas un serveur central qui héberge tous les comptes et les messages, mais une multitude de serveurs (ou instances, qui forment le Fediverse, justement), certains très gros et certains tout petits (ça peut aller d'un seul utilisateur à des centaines de milliers ; par comparaison, Twitter en a des dizaines de millions), qui s'échangent des informations et qui, conjointement, forment un réseau social. En soi, je trouve que c'est une bonne idée (et, comme Cory Doctorow, je pense que les régulateurs, ne serait-ce qu'au nom du droit de la concurrence, devraient forcer Twitter à interopérer avec ce réseau), mais le diable est dans les détails.

L'idée d'un réseau social décentralisé/fédéré n'est pas nouvelle : on peut même dire qu'elle est plus ancienne que celle d'un réseau social centralisé. Le Web, après tout, est l'ultime réseau social décentralisé (fédéré ?), et il l'était encore bien plus dans les années 1990 avant que Facebook, par exemple, ou Google sur un terrain différent, en ait en quelque sorte « privatisé » de grandes parties. Les gens assez vieux pour avoir connu le Web des années 1990, par exemple, peuvent se rappeler les webrings, qui étaient une forme de réseau social. Mais surtout, il y a(vait) Usenet (qui, pour le coup, existe toujours, mais je ne sais pas s'il y a beaucoup de gens qui s'en servent encore vraiment), aussi appelé les news et, chez Google, Google Groups (qui a récupéré des tonnes archives d'Usenet et joué un rôle fabuleux de conservation de l'information) : Usenet était un réseau d'échange de messages façon emails mais adressés à des groupes thématiques (du style fr.comp.lang.javascript pour les discussions en français sur JavaScript), les messages étant échangés entre serveurs Usenet (chacun choisissant les groupes qu'il décidait de recevoir et sur lesquels il permettait à ses utilisateurs de poster), typiquement au niveau d'une université ou d'un fournisseur d'accès Internet. Bref, il y a des antécédents au réseau social plus ou moins décentralisé, et on sait que ça peut marcher. À noter une différence essentielle entre Usenet et Mastodon (et je vais y revenir) : sur Usenet, quand on poste un message, il est distribué à l'ensemble des serveurs, qui en hébergent chacun une copie (que les utilisateurs de ce serveur peuvent alors consulter), pour une durée choisie localement, alors que, chez Mastodon, les messages sont hébergés par le serveur de leur auteur, et uniquement ce serveur (même si d'autres serveurs peuvent en garder une copie en « cache »).

Pour utiliser Mastodon, donc, il faut commencer par s'inscrire sur un serveur Mastodon (pour gérer son compte et héberger ses messages), et donc choisir un tel serveur. Beaucoup de ces tutoriels sur comment passer de Twitter à Mastodon prétendent — ou laissent comprendre tacitement — que ce choix n'a pas d'importance : c'est faux, il en a énormément, au moins si on a un intérêt sur ce qui va advenir des messages qu'on écrit et qui a un pouvoir dessus.

Il est vrai que les utilisateurs d'instances différentes peuvent communiquer entre eux : ils peuvent se répondre, ils peuvent se suivre, ils peuvent se citer, ils peuvent s'échanger des messages privés (bon, « privés » avec des gros guillemets, parce qu'ils ne sont franchement pas très privés), bref, ils peuvent faire à peu près tout ce que Twitter permet. Ce n'est pas comme si on avait juste plein de webforums locaux qui ne parlaient pas entre eux. Donc superficiellement le choix du serveur ressemble à un élément inessentiel : on peut se dire qu'on prend n'importe quel serveur ouvert aux inscriptions et on procède à partir de là.

Mais il me semble que c'est une grave erreur : ce choix de serveur n'est pas du tout anodin (un peu comme choisir un hébergeur de compte mail), et le problème est qu'on n'a pas vraiment les éléments pour prendre une décision éclairée.

D'abord, il faut faire confiance aux administrateurs du serveur qu'on choisit : ils auront le pouvoir de faire n'importe quoi avec vos messages ou avec votre compte (falsifier vos messages, les effacer, fermer votre compte, changer ce qui apparaît dans votre fil, lire vos messages « privés », etc.). Déjà rien que pour ça, ce n'est pas anodin.

(Pour bien comprendre les responsabilités et pouvoirs d'un serveur sur Mastodon, il faut se dire que c'est un peu comme un blog qu'on publie et qui est hébergé sur ce serveur : tout passe par le serveur en question ; il y a bien un mécanisme de réponses, qui ressemble à un système de commentaires de blog, sauf que le serveur reçoit simplement des liens vers les réponses dont il garde une copie, la copie primaire de la réponse étant sur le site du répondant, mais toutes vos actions passent par le serveur qui vous héberge, et qui peut donc faire tout ce que vous pouvez faire.)

(Si on veut plus d'explications techniques-mais-pas-trop sur la manière dont les informations circulent dans un système fédéré ActivityPub, ce post de blog est un bon point de départ, et en fait la recommandation W3C ActivityPub commence par un certain nombre d'exemples informels et tout à fait lisibles. Voir aussi ce bout de fil Twitter où je posais des questions assez naïves avant de comprendre un peu mieux comment ça fonctionne.)

C'est intéressant, parce que beaucoup de gens semblent faire confiance à Mastodon alors qu'ils reprochaient plein de choses à Twitter (de trop modérer, de ne pas assez modérer ; ou parfois les deux à la fois : censurer les opinions politiques qu'ils aiment et laisser s'exprimer les vilains méchants). Or si on pense que Musk est un sale con ou un tyran, il faut forcément se demander si les admins de l'instance de Mastodon sur laquelle on va aller ne sont pas aussi des sales cons ou des tyrans (juste des petits tyrans locaux au lieu d'être un gros tyran planétaire), et ce n'est pas forcément facile à vérifier. Si on pense que Musk a trop de pouvoir, il faut se dire que les admins de l'instance Mastodon sur laquelle on va aller en auront autant vis-à-vis du compte qu'on va créer. Si on pense que Twitter ne fait pas bien son boulot de modération vis-à-vis des messages qu'on reçoit, il faut se demander comment l'instance de Mastodon qu'on a choisie le fera. Et si on pense que Twitter est Mal parce qu'il permet aux néo-nazis (insérer ici votre ennemi préféré) de parler entre eux, il faut se rappeler que Mastodon le leur permettra encore bien plus facilement (sur un serveur qui leur sera sympathique). Bref, je suis assez d'accord avec ce tweet : je ne vois pas en quoi les problèmes de Twitter seront moindres ou mieux réglés sur Mastodon. (Et s'ils l'apparaissent pour l'instant, c'est juste qu'il y a moins de monde dessus.)

Et si on s'imagine que Mastodon, dans l'éventualité où il deviendrait vraiment populaire, ne va pas être noyé sous le spam, c'est qu'on a oublié à quoi ressemblait le mail avant que Google ne le transforme en quasi-monopole (Gmail), ou à quoi ressemblaient les groupes non modérés sur Usenet.

Et je ne parle même pas des problèmes d'abus d'identité et d'usurpation. On a reproché à Musk d'avoir permis à des comptes officiels sur Twitter d'être usurpés par d'autres (y compris, d'ailleurs, le sien), mais sur Mastodon il n'y a pas de comptes vérifiés ni de vérification possible. [Précision () : On me signale qu'il y a quand même une forme de vérification possible via un site Web (on peut mettre sur sa page Web un lien vers le compte Mastodon assurant qu'on déclare être propriétaire de ce compte ; bon, je ne sais pas qui fait la vérification derrière, et s'il faut faire confiance au serveur hébergeant le compte ou au serveur depuis lequel on lit), mais disons qu'il y a un truc très minimal.] (Peut-être que si Mastodon devient populaire les officiels, par exemple, du gouvernement français auraient leur propre serveur mastodon.gouv.fr réservé à aux et on se ramènerait « juste » au problème d'identifier les noms de serveurs sérieux, mais pour l'instant c'est juste le Far West. Plein de célébrités vont certainement se retrouver à créer des comptes sur un serveur sans réfléchir à ce que ça implique, et découvrir après avoir recueilli plein de followers que les admins du serveur peuvent en profiter pour les usurper. Bref, beaucoup d'emmerdes à venir de ce côté-là.)

C'est sur les épaules des administrateurs des instances que reposera la tâche de lutter contre le spam, les contenus illégaux, et tout ça, et ce ne sera pas drôle du tout. (Ce très long fil Twitter est fort intéressant à propos de la tâche ingrate qu'est la modération de contenu.) Twitter a des employés pour ça (enfin, avait, avant que le cinglé les mette tous à la porte parce qu'ils ne se prosternaient pas assez bas devant Sa Grandeur) : que feront les admins des instances Mastodon gérées par des bénévoles qui ont autre chose à faire de leur vie ?

(Ça ne m'empêche pas de penser, bien sûr, que c'est très bien que Mastodon soit au moins partiellement distribué — et il ne l'est même pas assez à mon goût. Ou que c'est très bien qu'il soit un logiciel libre — même s'il a l'air de faire partie de ces choses assez chiantes à installer en pratique. Mais cela concerne des problèmes très différents de ceux dont on accuse généralement Twitter. Et bien sûr, si Twitter disparaît, Mastodon aura l'avantage indiscutable d'exister, ce qui est toujours mieux que de ne pas exister comme le rappelle la preuve ontologique de l'existence de Dieu par Saint-Anselme. Bon, la question se pose quand même de savoir si Mastodon pourra survivre à l'afflux de réfugiés qui débarqueront sur ses serveurs en cas de décès de Twitter, mais c'est possible.)

Et puis, bien sûr, maintenir un serveur est compliqué et cher. S'il y trop d'utilisateurs qui essayent de s'inscrire ou de l'utiliser en même temps, le serveur peut ne pas tenir la charge. Twitter, il faut le reconnaître, tient assez bien : Mastodon, par sa nature décentralisée, ne peut pas vraiment s'écrouler en bloc, mais il y a des serveurs qui auront du mal, surtout si plein d'utilisateurs essayent de migrer depuis Twitter parce qu'ils détestent Musk ou parce que la compagnie finit par disparaître à la suite des décisions erratiques de son nouveau big boss. L'instance amirale, mastodon.social a déjà du mal et n'accepte plus de nouveaux utilisateur. Je me suis créé un compte temporaire (surtout pour tester) sur le serveur mastodon.sdf.org (cf. ci-dessous) et, pour l'instant, je n'ai toujours pas réussi à suivre quelqu'un sur un autre serveur, probablement parce que ce serveur est surchargé. (Tout est épouvantablement lent, en fait.)

On peut bien sûr payer des serveurs plus gros avec plus de mémoire, mais qui va payer pour tout ça ? (Je ne dis pas que c'est impossible : Wikipédia arrive à tenir une charge absolument impressionnante et à être un des sites les plus consultés du Web alors qu'ils n'ont aucun revenu publicitaire. Mais ce n'est pas facile de trouver le bon montage.)

Et même hors de problèmes de charge excessive, il faut quand même payer pour les serveurs en temps normal. Ces choses ne sont pas gratuites, et le temps humain pour les administrer n'est pas forcément anecdotique non plus. Parfois il y a une personne bénévole et enthousiaste derrière, mais parfois cette personne découvre qu'elle a envie de faire autre chose de sa vie et laisse tout tomber. Le serveur peut casser, coûter trop cher en argent ou en temps à entretenir, bref, il peut disparaître. Et alors tous vos messages (vos toots, comme on appelle les tweets chez Mastodon) disparaissent.

(Digression. Je pense que c'est d'ailleurs la grande faillite du web moderne que l'information soit gérée de manière à ce que ce soit quasi toujours à celui qui propose l'information de payer pour son hébergement, et donc de devoir assumer les coûts de sa pérennité d'une part, et de la charge réseau pour la distribuer d'autre part, et ce, en permanence — pas comme un livre qu'on paye éventuellement pour imprimer une fois à compte d'auteur mais qui ensuite reste. Pire : plus l'information qu'on propose est populaire, plus il faut payer pour la charge des serveurs et la connexion réseau. Ce mode de fonctionnement participe à l'amnésie tragique qui survient quand les gens cessent de payer. Ça n'a rien d'obligatoire : Usenet, par exemple, faisait reposer les coûts de stockage de l'information essentiellement du côté du lecteur, à travers son fournisseur d'accès Internet. Mais dans le web moderne, il n'y a guère que BitTorrent qui fasse exception, ainsi que la Blockchain, mais cette dernière souffre de problèmes encore plus graves et plus bizarres et d'un mélange entre un hype délirant et une orientation politique dangereuse, et le premier a été rendu quasiment hors la loi à cause des lois cinglées sur le copyright. Un réseau social vraiment distribué serait plus proche du modèle de BitTorrent et Usenet, et la preuve que Mastodon ne l'est pas, c'est justement que le serveur a tellement d'importance. Fin de la digression.)

Il se trouve que j'accorde énormément d'importance à la pérennité de l'information et à la stabilité des URL. On peut dire ce qu'on veut de Twitter, au moment où j'écris, il y a encore des tweets datant de 2006 qui sont encore visibles (et trouvables avec la fonction recherche) et qui n'ont visiblement pas changé d'adresse. Peut-être qu'ils vont disparaître par la magie de l'incompétence et de la folie d'Elon Musk, mais au moins ils auront tenu assez longtemps. J'aimerais bien avoir quelque chose d'analogue côté Mastodon. Je n'ai pas envie d'écrire plein de choses hébergé sur un serveur qui disparaîtrait soudainement en laissant des dizaines de milliers de liens cassés là où étaient mes messages. (Les liens cassés sont la plaie du web, essentiellement pour la raison décrite au paragraphe précédent, et il suffit de consulter des billets un peu ancien sur ce blog pour s'en convaincre. Je ne veux pas participer à alimenter cette plaie plus que ce qui est strictement nécessaire.)

On aurait pu imaginer que Mastodon permît la pérennité des messages même sans imposer aux serveurs d'être également pérennes. Même sans que les message soient distribués sur plein de serveurs, façon Usenet, on aurait pu imaginer toutes sortes de mécanismes de basculement d'un serveur à un autre. (Techniquement, par exemple, une solution simple et « cheap », analogue à ce qui se fait pour basculer un site web d'un serveur à un autre, consisterait à ce que je fasse pointer mastodon.gro-tsen.net dans le DNS vers le serveur que j'ai choisi pour héberger les messages et il répondrait à ce nom en cherchant mes messages à moi (imaginez que les messages aient un identifiant pérenne, du genre date+haché), et si je veux changer de serveur je n'ai changer le DNS pour faire pointer mastodon.gro-tsen.net vers le nouveau serveur sur lequel j'aurais uploadé l'archive de tous mes anciens messages. Malheureusement, ceci ne peut pas marcher, pour toutes sortes de raisons techniques idiotes, qui sont essentiellement autant de choses que je considère comme des erreurs de conception de Mastodon. (Et aussi du HTTPS, soyons honnêtes, qui empêche de fournir simplement un certificat pour cette situation ; j'ai déjà dit tout le mal que je pensais du HTTPS ? ah oui, et plus récemment aussi — mais je digresse.))

Bien sûr, vous pouvez me faire remarquer que je suis injuste : la mésaventure que tous les liens vers mes messages soient cassés risque fort d'arriver sur Twitter si Twitter se casse la gueule, et je ne peux rien y faire, par exemple si le permalien https://twitter.com/gro_tsen/status/1018089463040311297 (en l'occurrence c'est le premier tweet que j'aie posté) ne marche plus, je ne peux pas le réparer faute de contrôler ce vers quoi pointe twitter.com. Le mieux que je peux faire est de fournir l'information en question à une autre adresse (en l'occurrence http://www.madore.org/~david/tweets-2018.html#tweet-1018089463040311297) qui se déduise algorithmiquement de celle qui a cassé (c'est le cas, et ça me permettra si Twitter se casse la gueule de réparer au moins minimalement les permaliens vers des tweets depuis mon site web, ce qui est déjà ça). Mastodon permettra évidemment la même chose, donc c'est un peu injuste de demander plus. Sauf que quand même, ① ce n'est pas une question de justice ou d'injustice, si je me fais mordre par le fait que les permaliens de tous mes tweets cassent je n'ai pas envie de risquer la même morsure une deuxième fois à cause de la mort d'un serveur Mastodon, et ② si je décide de changer de serveur Mastodon, même sans demander une transition transparente sans aucun lien cassé, il n'est pas clair que je puisse mettre tous mes anciens toots sur le nouveau serveur de manière à ce que le nouveau lien se déduise algorithmiquement de l'ancien, et là aussi je considère que c'est vraiment problématique.

Mais bon, tout ça est peut-être un peu trop technique. Revenons à des considérations plus générales.

Bref, il faut choisir un serveur avec attention si on ne veut pas tomber victime d'un tyran local qui ne sera pas forcément meilleur que Musk, si on veut espérer que les messages qu'on écrit soient encore lisibles dans des années voire des dizaines d'années.

Mentionnons encore une autre chose qui me chagrine dans le choix d'une instance Mastodon, c'est qu'elles ont tendance à être thématiques et/ou linguistiques. Par exemple, beaucoup de matheux sont allés se faire héberger sur mathstodon.xyz (par exemple parce qu'il permet de mettre du LaTeX dans les messages, ce qui me semble être une super mauvaise idée pour l'interopérabilité mais c'est une autre question). Qu'est-ce que cette division thématique signifie au juste ? Est-il mal vu de poster des images de beaux mecs sur mathstodon.xyz ? Est-ce qu'on est « censé » parler avant tout de maths ? Est-ce que si j'allais là je prendrais une sorte d'engagement moral dans ce sens ? D'autres gens que je connais sont allés sur tech.lgbt : peut-être que là les photos de beaux mecs seraient mieux vues, mais est-ce que j'ai envie de lier ma présence sur Mastodon à mon orientation sexuelle pour autant ? (Parce qu'en fait je n'en parle quasiment jamais sur Twitter.) De deux choses l'une : soit le caractère « spécialisé » de ces instances thématiques ne signifie rien, soit il signifie quelque chose. S'il ne signifie rien, je ne comprends pas l'intérêt de le mettre en avant. S'il signifie quelque chose (même de façon faible, du genre « on s'attend à ce que vous parliez plutôt de ceci que de cela »), alors ça m'embête parce que moi j'ai envie de parler de tout (bon, OK, peut-être que si je découvre eclectism.social ça m'intéressera, mais ça ne semble pas exister, là). La même chose vaut mutatis mutandis pour le choix de la langue dans le cas d'une instance qui se mettrait en avant comme francophone.

En revanche, une occasion que Mastodon a ratée d'être meilleur que Twitter, c'est que les comptes auraient pu être hiérarchiques et thématiques, par exemple, on pourrait imaginer que le compte @gro_tsen ait des sous-comptes @gro_tsen/math, @gro_tsen/gay_pics ou je ne sais quoi, chacun servant à poster les messages orientés plus dans telle ou telle thématique, et qu'on puisse s'abonner à l'ensemble ou juste à un ou plusieurs de ces sous-comptes. (Bien sûr, c'est émulable en créant autant de comptes distincts, mais je soupçonne que c'est super chiant à gérer si on doit passer son temps à jongler entre eux.) Sinon, une autre occasion ratée est que Mastodon aurait pu décider que les messages devaient tous être signés par une clé cryptographique évitant l'usurpation par les administrateurs du serveur, mais bon, je digresse encore.

Ajout () : Je n'y avais pas pensé en écrivant initialement tout ce rant parce personnellement que je lis Twitter en mode chronologique (latest tweets first dans l'interface), et c'est d'ailleurs pour ça que je suis un ensemble très limité de comptes, parce que je lis tout ce qui est dans la timeline, mais la grande majorité des gens utilisent le mode algorithmique (top tweets first) qui fait passer en haut les messages qu'un algorithme opaque a décidé intéressant pour vous. Or Mastodon n'a rien d'équivalent (et avec son architecture c'est difficile d'imaginer comment ce serait possible, ce serait très coûteux pour les serveurs) : ces gens risquent d'être sérieusement déçus s'ils migrent sur Mastodon de voir apparaître juste plein de messages en ordre chronologique inverse, plutôt que de voir les plus intéressants (ou au moins une approximation grossière de ça) en haut. Encore une fois, pour le coup, ce problème ne me concerne pas personnellement, le mode chronologique me va très bien, mais on aurait tort de s'imaginer, parce qu'on aime soi-même tout voir, que c'est le cas de l'utilisateur typique de Twitter. (Cf. ce fil sur Mastodon qui m'a fait prendre conscience du problème.)

Bref, si je résume :

  • je cherche une instance (= un serveur) Mastodon qui prenne très très au sérieux la pérennité de mes messages, et notamment qui ne risque pas de disparaître,
  • mais en même temps, qui ne croulera pas trop sous la charge (notamment en cas d'afflux massif de nouveaux usagers venus de Twitter),
  • et qui n'ait de préférence pas d'orientation thématique, linguistique ou nationale,
  • dont les admins seront dignes de confiance et n'agiront pas comme des petits tyrans insupportables (au moins à mon égard),
  • et notamment, bien sûr qui ne risque pas de censurer quoi que j'aie envie de raconter (bon, je ne crois pas être particulièrement polémique ou violent dans mes propos, mais je sais que pendant la récente pandémie il y a des gens qui se sont offusqués, par exemple, que je dénonce l'absurdité des confinements),
  • mais qui me protégerait quand même raisonnablement du spam, du harcèlement et des propos extrêmement haineux (bon, j'ai quand même une assez bonne marge de tolérance, je suis plutôt côté libertarien pour ce qui est de la liberté d'expression, mais tout est dans la nuance).

Clairement je ne peux pas tout avoir en même temps. Mais j'insiste sur le fait que en l'état actuel, d'ici que Musk ne casse tout, Twitter n'est pas trop mauvais sur tout ça, selon mes critères de jugement à moi, donc disons qu'il offre une preuve de réalisabilité d'un niveau que je juge acceptable de ces différentes exigences, et je cherche à peu près le même niveau : je ne demande pas l'impossible non plus.

Mais ça fait partie de mon caractère de ne pas aimer prendre des décisions dont je ressens qu'elles m'engagent, et donc de prendre beaucoup de temps à me décider. (Vous aurez remarqué qu'il m'aura fallu pas loin de 40 000 signes dans cette entrée de blog — oui, je me fatigue — pour simplement exposer les termes du problème.)

Je ne trouverai pas de réponse parfaite à mon problème (de toute façon j'ai déjà dit que je ne cherchais pas ça, je cherche quelque chose de comparable à Twitter comme niveau de satisfaction). Je vois principalement deux approches :

  • soit m'orienter vers un grand serveur Mastodon généraliste, si possible financé par une association assez importante (du genre EFF), en me disant (ou du moins en espérant) qu'il a d'autant moins de chances de disparaître du jour au lendemain, et que probablement ses admins agiront peut-être de façon collégiale est pas trop conne, notamment s'ils ont à cœur le bon fonctionnement du Fediverse dans son ensemble, et qu'ils seront compétents ;
  • soit faire tourner ma propre instance, pour héberger juste mon compte (et peut-être celui du poussinet et de quelques amis, mais en tout cas une poignée de gens triés sur le volet et à qui je fais confiance pour ne pas me causer d'emmerdes légales, par exemple).

Pour le premier point, le plus évident aurait été d'aller sur mastodon.social (l'instance de référence, qui est donc sans doute celle qui a le moins de chances de disparaître), mais, manque de chance, ils n'acceptent plus les nouveaux arrivants (toujours la même musique mais ce n'est pas grave, vous pouvez aller sur n'importe quel serveur). Peut-être que mamot.fr serait un bon candidat aussi, vu qu'il est administré par l'association La Quadrature du Net pour qui j'ai un fort a priori positif, et je connais un certain nombre de gens qui ont créé des comptes dessus (dont, tiens, Cory Doctorow — enfin, je crois que c'est bien lui, il n'y a rien pour vérifier l'identité des gens sur Mastodon et rappelez-vous d'ailleurs toutes les emmerdes que ça a causées sur Twitter). Ou encore mastodon.sdf.org, aussi hébergé par une association assez ancienne et apparemment honorable, mais c'est ce que j'ai fait pour mon compte temporaire de test et ça râââââme atrocement.

On comprend bien la logique du second point : j'héberge ce blog moi-même (avec un moteur de mon cru qui tourne sur un serveur que j'administre moi-même et que je paye de mes propres deniers), j'ai mon propre serveur de mails (entrants et sortants), il est peut-être logique que je fasse tourner ma propre instance Mastodon. Il y a des avantages à ça : par exemple, je pourrais sans doute y mettre tous mes tweets, peut-être même en m'assurant qu'ils ont un permalien qui se déduit algorithmiquement du lien qu'ils avaient sur Twitter, ce qui serait un moindre mal en cas de disparition de Twitter (et je doute que je puisse faire quelque chose comme ça en passant par un serveur que je n'hébergerais pas personnellement, parce qu'il s'agit de poster rétroactivement dans le temps, donc avec des dates falsifiées). J'aurais aussi la certitude de ne pas m'engueuler avec les admins (enfin, ça m'arrive de m'engueuler avec moi-même, mais ça reste gérable). Et j'aurais une garantie de pérennité qui me satisfasse (bon, de mon vivant, parce que malheureusement c'est assez difficile d'assurer la pérennité des choses après mon décès : pour mon blog j'essaie de tout enregistrer dans archive.org, mais je ne suis pas sûr que la structure de Mastodon permette facilement l'archivage de ce genre). Et il y aurait même, en principe, la possibilité d'une intégration accrue avec ce blog, par exemple de remplacer l'épouvantable et antédiluvien système de commentaires que je continue à me traîner ; mais bon, là, il y a des obstacles techniques pas forcément évidents à surmonter.

(Voir aussi ce texte que je n'ai pour l'instant parcouru qu'en diagonale, mais qu'il faut clairement que je lise plus attentivement, au sujet de cette solution d'auto-hébergement.)

(Une troisième solution envisageable serait de passer par un serveur géré par un ami, j'en connais au moins un qui a ça. Mais je suis assez méfiant avec ce genre de choses, d'une part parce que je n'aime pas dépendre de leur bon vouloir, et d'autre part que c'est le genre de choses qui risque justement de casser des amitiés.)

Ce qui me gêne avec le fait de m'héberger moi-même, c'est le boulot que ça représente. Je perds déjà bien trop de temps avec les ordinateurs, j'ai déjà une dette technique énorme à payer (plein de machines qui tournent sous de vieilles versions de Debian que je dois mettre à jour et je ne l'ai pas fait parce que ça m'emmerde de passer la journée à réparer tout ce qui aura cassé, par exemple), maintenir un serveur Mastodon en plus ne me fait pas vraiment envie. Ce truc a l'air d'être à la fois pénible à installer (à cause de dépendance tatillonnes que je n'aurai certainement pas sur ma Debian Bullseye ; ou alors il faut passer par Docker, dont je n'ai pas envie de raconter ici tout le mal que je pense) et gourmand en ressources (surtout si on passe par Docker, justement). Or le serveur qui héberge mon site Web n'a pas des masses de mémoire, par exemple, et n'est pas super rapide. Il y a peut-être d'autres logiciels, plus légers que Mastodon, mais interopérables avec lui, qui sont intéressants à regarder (on m'a soufflé : Soapbox, Akkoma, Misskey, Microblogpub, Honk, Gotosocial — mais pour l'instant ce sont juste des noms et je n'ai rien cherché à leur sujet) ; reste à voir dans quelle mesure ça permet les mêmes choses que Mastodon et si c'est tellement plus facile à installer ou administrer. (Bref, si je décide de m'auto-héberger, choisir un logiciel à utiliser risque d'être aussi compliqué que de choisir une instance déjà existante où m'inscrire.)

Et puis, bien sûr, si je m'auto-héberge, il faudra que je gère moi-même le problème du spam et celui de la modération des réponses à mes toots (et notamment la gestion des contenus problématiques : rappelons que l'Union européenne a adopté des règles inimaginablement stupides sur la modération du contenu à caractère terroriste qui exigent une suppression dans des délais tout simplement impossibles à tenir, donc à moins de décider de tout pré-modérer comme je fais pour les commentaires de ce blog, il y a des risques légaux sérieux à héberger du contenu où tout le monde peut écrire ; pour être clair, le contenu des réponses sur Mastodon est hébergé de façon primaire sur le serveur de la personne qui répond, mais le serveur de la personne à laquelle on répond en garde quand même une copie en « cache » et l'affiche par défaut, en liant vers le serveur de la personne qui répond : il n'est pas clair quelle dans quelle mesure la responsabilité légale est engagée, du coup).

Ah, et il faudrait aussi que j'évoque la question de la migration de Twitter vers Mastodon, dans l'éventualité où je déciderais de passer sur Mastodon mais de quand même garder un compte Twitter ouvert (ce que beaucoup de gens font ; on se place dans l'hypothèse où Twitter ne serait pas complètement mort, là). Faut-il dupliquer les contenus de l'un vers l'autre ? (Beaucoup de gens font ça, mais est-ce une bonne idée ? Si je le fais, il me semble que chaque site doit fournir un lien vers la version sur l'autre, mais ça peut être chiant pour les lecteurs. Si j'héberge mon propre serveur, je peux peut-être m'arranger pour que mes tweets soient visibles sur celui-ci à une adresse qui se déduit algorithmiquement de celle du tweet.) Mais il reste le problème des messages qui reçoivent une réponse sur un domaine, ce qui fragmente la conversation entre les deux. Il y a plein de décisions à prendre, et pour ça il faut réfléchir, et je n'en ai pas envie.

Tout ça est terriblement compliqué, et, très honnêtement, ça me gonfle profondément. J'aime raconter ma vie sur Internet, raconter des blagounettes en moins de 280 (ou 500) caractères, mais je n'ai pas envie de me prendre la tête sur des décisions de ce genre. Mais je n'ai pas non plus envie de me retrouver otage d'un petit tyran local qui ne sera pas forcément meilleur qu'Elon Musk dans la pratique, ni de participer à cette plaie du web que sont les liens cassés, les messages qui ont disparu et sont introuvables sous prétexte qu'on arrive 15 malheureuses années après les faits. Donc pour l'instant je me contente de sentir les contours du problème, et d'espérer qu'Elon Musk ralentisse un peu dans son entreprise de détruire complètement Twitter. (Et bien sûr, je garde aussi bien à l'esprit la solution de ne rien faire et de juste jeter l'éponge sur le microblogging si Elon Musk casse tout.)

Néanmoins, les conseils sont bienvenus à condition qu'ils tiennent bien compte de ce que j'ai expliqué être mes préoccupations (si c'est pour me dire que vous avez fait tel choix parce que vous n'avez rien à foutre de la pérennité de vos messages, franchement, ça ne m'intéresse pas des masses ; mais si vous avez des préoccupations proches des miennes ou que vous avez la capacité mentale de faire comme si vous aviez les miennes, vos idées m'intéressent, par exemple sur la motivation à choisir tel ou tel serveur, ou tel ou tel logiciel ou autre solution pour s'auto-héberger).

En attendant, j'ai créé un compte Mastodon temporaire qui s'appelle @gro_tsen_test@mastodon.sdf.org. Je ne compte pas vraiment m'en servir pour communiquer (comme je l'ai dit plus haut, le serveur a l'air d'être tellement surchargé que je n'ai toujours pas réussi à suivre qui que ce soit), mais surtout pour tester la plateforme, mais évidemment si je fais un choix définitif, je l'annoncerai depuis ce compte-là (ainsi que sur Twitter si Twitter existe encore, et ici sur mon blog en éditant cette entrée, et dans les liens en bas de chaque page, et tous les autres moyens évidents qui me viendront à l'esprit).

Mais pour suivre le vrai contenu que j'écris hors de mon blog, pour l'instant, pour les raisons que je viens de passer un nombre invraisemblable de pages à exposer, je n'ai pas mieux à proposer que Twitter tant qu'il marche encore et tant que je n'ai pas pris de décision sur Mastodon. (Je rappelle cependant, comme ça a été évoqué récemment, que pour ce qui est des liens vers des tweets, pour les lire de façon anonyme et sans avoir de compte, si le lien direct ne marche pas, vous pouvez remplacer twitter.com par nitter.it sans rien changer au reste de l'adresse.)

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