Je ne sais toujours pas bien quoi penser des nouveaux variants britannique et sud-africain du SARS-CoV-2, mais je me sens un peu comme le personnage de Bill Murray dans Groundhog Day, Phil, condamné à revivre les mêmes événements d'un éternel hiver : si ces variants viraux sont ne serait-ce que vaguement aussi contagieux que la plupart des experts pensent qu'ils sont, il va se répandre sur essentiellement toute la planète aussi inévitablement que la forme ancestrale allait le faire : je me revois comme début 2020, à expliquer qu'il fallait au minimum prendre la chose au sérieux et se préparer mentalement à la possibilité d'un désastre à l'horizon d'environ deux mois.
Alors, certes, comme Phil dans Un jour sans fin, nous avons au moins un peu d'expérience tirée de 2020 et pouvant peut-être aider à rendre 2021 moins désastreux que 2020. Nous avons des vaccins (qui marchent vraisemblablement encore contre les nouveaux variants, et même si ce n'est pas le cas il ne faudra pas énormément de temps pour les « mettre à jour »), mais au rythme où la plupart des pays vaccinent, il faudra bien toute l'année pour qu'ils aient un rôle épidémiologique vraiment important (pour ne pas parler de la France, qui est pour l'instant tellement mauvaise pour vacciner que ça en devient un scandale national, comme les masques il y a un an, là aussi j'ai des vibrations de jour de la marmotte qui me viennent) : en attendant, au mieux, les vaccins diminueront la létalité du virus, atténueront l'hécatombe chez les personnes âgées, mais je vais y revenir. Et certes, nous avons maintenant une certaine préparation psychologique à la crise : je sais maintenant que la létalité de la covid est beaucoup plus faible que ce que nous craignions il y a un petit peu moins d'un an ; et je suis raisonnablement confiant que la civilisation ne va pas s'effondrer pour le moment (je n'ai jamais cru ça immensément probable, mais comme je l'écrivais ici, même si ça n'a que 5% de chances de se produire et que ça tue 99.9% de l'humanité si c'est le cas, c'est toujours plus inquiétant qu'un virus qui, dans le pire des cas, en tuera bien moins que 2%).
Et puis il y a l'outil préféré du gouvernement français : les confinements autoritaires. Ce qui me terrifie bien sûr avec ces nouvelles variantes, c'est que (de nouveau : si elles sont ne serait-ce que vaguement aussi contagieuses que ce qu'on craint) suivant la logique d'un gouvernement shadok qui ne sait que pomper, pomper plus fort, et pomper encore plus fort tant que ça ne marche pas, on soit partis pour aller vers un confinement extraordinairement brutal et dystopien tant ils n'arriveront pas à stabiliser l'épidémie, et chercheront toujours à appliquer les mêmes méthodes, encore et toujours plus fort, encore et toujours plus répressives. Et même si on arrive à stabiliser l'épidémie, on voit mal comment ce confinement pourrait être levé ou relaxé : le gouvernement n'ose même pas relaxer le couvre-feu, au contraire, il l'étend, toujours selon la logique shadok que quand quelque chose ne marche pas c'est sans doute qu'il faut en faire plus. Va-t-on donc passer l'essentiel de l'année 2021 emprisonnés ? Comme il y a un an, ce qui contribue à ma très désagréable impression de répétition, je ne vois pas d'issue au dilemme.
La moindre des choses serait d'avoir un débat sur la question un
peu à l'avance, et, comme l'an dernier, malgré la quantité de palabres
qui sont dépensées autour du covid, le débat n'a jamais vraiment lieu.
Le débat ne peut pas avoir lieu tant que les confinementistes, à
commencer par ceux qui sont au pouvoir en France, refusent d'exposer
une position claire (ils ne sont pas obligés d'avoir tous la même,
bien sûr, mais chacun devrait en avoir une, et je n'en connais pas un
seul qui en ait donné une) : qu'est-ce qu'ils
préconisent exactement ? (i.e., qu'est-ce
qu'un confinement
? dans quelles conditions l'applique-t-on ?
à quel moment ? quel en est le but précis ?) quelle est
l'évaluation des bénéfices attendus de cette stratégie ? quelle est
l'évaluation de ses coûts ? quelle est la fonction d'objectif
utilisée ? (et il faudra bien passer par la question inconfortable :
à combien de morts supposés évités un jour de confinement national
est-il considéré comme bénéfique, ou comment juge-t-on cela ?) quels
sont les raisons de penser que la stratégie sera bénéfique ? et quels
seront les critères permettant de conclure après coup que la stratégie
aura réussi ? Répondre à toutes ces questions (au moins au mieux de
leur connaissance — je ne demande pas l'infaillibilité) est, il me
semble, la moindre des choses qu'on peut exiger de quelqu'un
qui propose une mesure, surtout une mesure aussi radicale que
l'emprisonnement de tout un pays. Malheureusement, aucun
confinementiste (et certainement pas ceux du ministère de la santé ou
du conseil scientifique du gouvernement français) n'a fait ne
serait-ce qu'un effort honnête pour répondre à ces questions (sauf
peut-être très vaguement celle de prédire un bénéfice en nombre de
morts évités — avec un modèle insultant de simplicité
qui supposait toujours que
l'épidémie continuerait sa progression exponentielle en l'absence de
confinement). Ni avant le premier confinement, ni pendant, ni entre
les deux, ni pendant le second, ni maintenant que le risque d'un
troisième est très sérieux.
Je suis donc perpétuellement laissé devant ces questions face à un
grand néant faute de matière à débattre : j'en suis réduit à répondre
à des arguments indigents
comme la
comparaison entre la Suède et la Norvège (dont je ne comprends pas
bien comment elle se glisse dans le débat vu que, de ce que je
comprends, ni la Norvège ni le Danemark, non plus que la Suède, n'ont
jamais pratiqué de confinement consistant à abolir la liberté de
circulation : on peut certainement discuter du bien-fondé de ce qu'ils
ont fait, mais je n'appelle pas ça un confinement
, et en tout
cas ça n'a rien à voir avec les emprisonnements tels que pratiqués
dans des pays comme la France, et ça ne peut donc rien nous apprendre
à leur sujet). Ou à affronter les pinaillages des gens qui
s'offusquent que
j'utilise le
mot emprisonnement
(ce que je trouve incroyablement
malhonnête : si les confinementistes croient vraiment au bien-fondé de
leur outil, ils doivent assumer pleinement le fait que c'est, selon
eux, un moindre mal de retenir des dizaines de millions de personnes
enfermées contre leur volonté, et que ça s'appelle emprisonner
,
au lieu d'utiliser ce stupide euphémisme qu'est confiner
, qui a
pourtant bien le même sens ; la seule motivation à vouloir absolument
distinguer emprisonner
et confiner
est si on pense qu'il
est normal que les personnes incarcérées pour purger une peine
doivent, en outre, être maltraitées pour pouvoir être vraiment
en prison
, et je trouve ça profondément inhumain).
Le problème est qu'en laissant le débat ainsi moisir, on en arrive
au pied du mur, et qu'au pied du mur il est si facile d'invoquer des
arguments purement émotionnels, comme le
fameux pas de choix !
. Ce
n'est pas le débat qu'on souhaiterait avoir.
Essayons donc de structurer un peu les différents buts qui ont été proposés pour justifier les confinement, et de comprendre comment ils se relient. (Ceci est donc une sorte de pendant de l'entrée précédente où je m'interrogeais sur la genèse de l'idée du confinement.)
Je crois que j'ai entendu essentiellement les arguments suivants comme buts pour les confinements :
- éliminer complètement l'épidémie (viser le zéro covid), ou au moins aussi complètement qu'on le pourra ;
- aplatir la courbe, c'est-à-dire ralentir l'épidémie en diminuant sa vitesse de reproduction, pour la rendre tenable par le système de santé ; ce qui est peut-être la même chose que :
- limiter le nombre de morts en général ; mais il faut probablement distinguer :
- limiter le nombre de morts chez les personnes âgées ou les plus vulnérables ;
- éviter le débordement des hôpitaux (notamment des services de réanimation) et le risque de refus de soins qui va avec ;
- limiter le nombre de malades, y compris chez les jeunes, par crainte des formes graves de la maladie ; ou simplement :
- gagner du temps, à un moment précis de l'épidémie, le temps de mettre en place une stratégie différente.
Tout ça n'est pas forcément incompatible, mais il faut être précis dans ce qu'on dit, et les confinementistes se gardent bien d'expliciter clairement leur position, laissant croire que tout ça est la même chose, ou que le confinement va faire tout ça à la fois dans une sorte de mélange heureux de tout ce qui est pour le mieux. Mais dès qu'on critique une de ces positions, ils se réfugient sur une autre, ce qui rend la stratégie finalement impossible à réfuter (et c'est pour ça que je demande un débat où ils expliqueraient, ou du moins où le gouvernement expliquerait, clairement quelle est sa position).
Le (1) (éliminer complètement l'épidémie
), qui ne se limite
pas aux confinements, mais dont les confinements sont un outil
important, est la stratégie choisie par la Nouvelle-Zélande et
l'Australie, ainsi que la Chine, Taïwan, et peut-être quelques autres
pays comme la Corée du Sud (avec moins de succès, mais aussi moins de
confinements). J'ai au moins un certain respect pour la cohérence de
cette stratégie : le confinement est reconnu comme un mal qui permet,
justement, d'éviter qu'il dure. C'est ce que j'avais autrefois
appelé Charybde
ou la
stratégie ① : je pensais à l'époque que c'était essentiellement
impossible de tenir une telle stratégie dans la durée, i.e., jusqu'à
avoir vacciné suffisamment de la population pour pouvoir relâcher la
vigilance — il semble bien que certains pays soient en passe de
réussir à accomplir cet exploit. Je reste cependant très sceptique
quant à l'applicabilité de cette stratégie de façon générale (hors de
pays qui ne sont pas des îles ou quasiment des îles, pouvant
facilement fermer leurs frontières, ou des dictatures, pouvant
soumettre de très larges régions à des confinements très durs et à une
surveillance dystopienne) : beaucoup de pays auraient voulu supprimer
complètement la covid, et il me semble plus naturel de penser que les
pays qui ont réussi ont été aidés par des circonstances géographiques
ou temporelles que qu'ils aient été exceptionnellement doués et
compétents. Et même avec des conditions favorables, il peut y avoir
aussi une large part de chance : rien ne dit que ça continue à marcher
(comme le fait que quelqu'un arrive à bon port après avoir roulé à
200km/h sur l'autoroute ne signifie pas que ce soit une idée à
imiter), et si le système se laisse déborder, tous les efforts
dépensés à supprimer l'épidémie auront été pour rien. Mais au moins
dans le cadre de cette stratégie (1), je suis raisonnablement
convaincu que les confinements peuvent fonctionner (savoir si
la stratégie dans son ensemble a un bénéfice supérieur à son coût est
une autre question que je n'aborde pas ici). Toujours est-il qu'aucun
pays européen ne peut sérieusement se targuer d'avoir fait (1), ni de
pouvoir crédiblement y arriver maintenant, donc si c'était le but, il
est raté, et il faut peut-être revoir la copie.
Le (2) (aplatir la courbe
) contient un peu une arnaque :
aplatir la courbe, certes, mais jusque quand ? Autant si on vise
le zéro covid on a un critère clair de levée des restrictions :
c'est quand il n'y a plus de cas de covid ; mais si on cherche à
aplatir la courbe, combien de temps l'aplatit-on et sous quelles
conditions lève-t-on les restrictions qu'on a mises en place ?
- jusqu'à avoir vacciné une proportion suffisante de la population pour atteindre l'immunité collective ?
- jusqu'à atteindre l'immunité collective par l'infection elle-même (au moins conditionnellement à des mesures maintenues comme au point précédent) ?
- pendant un pic épidémique ?
Le problème avec (a) c'est que même si on peut sérieusement garder certaines mesures en place pendant deux ans (de début 2020 à fin 2021), par exemple le port du masque dans les lieux publics clos, on ne peut pas sérieusement envisager de garder un pays entier confiné pendant période aussi longue, je crois que même les plus enragés des confinementistes ne le pensent pas. Même un couvre-feu, ou un confinement un mois sur trois, ce n'est pas sérieux. En tout cas, je n'entends personne le proposer sérieusement. (Et du reste, s'il s'agit de confiner un mois sur trois, peut-être vaut-il mieux trouver un confinement trois fois moins fort plutôt que de jouer au yoyo.)
Le problème avec (b), c'est que les confinementistes ne veulent pas entendre parler d'immunité collective autrement que par vaccination (même pas en complément d'autres mesures, comme les masques, c'est-à-dire en ne cherchant à atteindre qu'une immunité conditionnelle à ces mesures) : et en pratique, viser (b) demanderait de garder un nombre de reproduction toujours légèrement supérieur à 1 (mais aussi près de 1) que possible, et ce n'est visiblement pas du tout ce que cherchent les confinementistes (sinon ils seraient très contents de la situation actuelle en France, qui est pile-poil ce qu'il faut, donc on devrait applaudir la courbe joliment aplatie plutôt que de lamenter un plateau — si, si, je vous assure, une courbe aplatie ça s'appelle un plateau).
Et le problème avec (c), c'est que les pics épidémiques
ne
sont pas des choses comme des tempêtes où on peut s'abriter chez soi
et attendre qu'elles passent et espérer ressortir quand les choses
vont mieux : le virus, lui, n'a pas de mémoire du temps qui passe,
donc si quand vous levez votre confinement l'épidémie ne repart
pas immédiatement, c'est que c'est autre chose que le confinement qui
freinait sa progression : donc, soit l'épidémie repart et vous
n'avez fait que retarder le pic épidémique en question ce qui n'est
pas très utile (sauf pour gagner du temps, mais cf. le point (7)),
soit elle ne repart pas et votre confinement, en fait, n'était pas ce
qui freinait l'épidémie, et alors il faut plutôt utiliser cette
chose-là qu'un confinement. Bon, il est vrai qu'il y a sans doute
quelques facteurs exogènes qui participent à la propagation
épidémique, comme la météo : donc ça peut logiquement avoir un sens de
mettre en place un confinement uniquement pendant les périodes,
disons, les plus froides (ou je ne sais quelle condition climatique
est la plus propice à la propagation des coronavirus), mais de
nouveau, ce n'est clairement pas la stratégie qui a été suivie.
Les options (3) à (6) sont un peu des avatars de (2), donc je
pourrais dire voir ci-dessus
, mais il y a quand même un peu
plus à dire.
S'agissant de (3) (limiter le nombre de morts
) et (4)
(limiter le nombre de morts chez les personnes âgées ou les plus
vulnérables
), l'idée que le confinement puisse avoir ce but me
semble presque absurde : la mortalité (= proportion de la population
qui décède) est le produit de deux facteurs, le taux d'attaque
(= proportion de la population infectée) fois le taux de létalité
(= proportion des infectés qui décèdent), on a ici affaire à une
infection dont la reproduction est difficile à contrôler, mais qui a
une caractéristique très heureuse, c'est que son taux de létalité
varie de façon gigantesque avec l'âge, et on nous propose une
mesure (le confinement de tout le monde, quel que soit son
âge) qui ne cherche même pas un tout petit peu à exploiter cette
caractéristique. Si on confinait parfaitement la population
de ≥50 ans, mais uniquement celle-ci, en laissant les autres se faire
infecter, on atteindrait l'immunité collective avec quelque chose
comme 50 fois moins de mortalité : c'était vaguement le plan initial
envisagé au Royaume-Uni avant qu'ils fassent demi-tour avec le succès
confinementesque qu'on a vu ; ce n'est certainement pas idéal de
confiner les vieux, et ça pose des problèmes pratiques et d'équité,
mais refuser de même envisager des mesures de protection différenciée
alors qu'on a un facteur 50 à gagner sur la létalité, c'est plus qu'un
crime, c'est une faute. (Ma proposition à moi, qui cherche à éviter
de mettre brutalement tous les vieux en
prison, est là : elle n'est
certainement pas idéale non plus, mais elle cherche à réaliser un
compromis entre freiner la reproduction du virus et baisser sa
létalité.) En tout état de cause, les confinements non-différenciés
sont indiscutablement responsables d'une létalité beaucoup plus élevée
que ce qu'elle pourrait être, et ça ressemble à une blague de dire que
leur but est de chercher à diminuer la mortalité, surtout chez les
personnes âgées ou vulnérables : au contraire. (Et si c'est
vrai qu'une variante beaucoup plus contagieuse va nous arriver dessus,
c'est peut-être le moment de regretter de ne pas s'être donné au moins
un peu d'immunité barrière chez les jeunes.)
Le problème avec (5) (éviter le débordement des hôpitaux
)
et (6) (limiter le nombre de malades même chez les jeunes
),
c'est qu'ils sont assez directement contredits par la stratégie de
vaccination qui a été choisie à peu près partout (et qui est, à mon
avis, clairement la bonne : vacciner les plus âgés en premier).
S'agissant de (6), qui est une réponse parfois proposée à l'objection
qu'on devrait protéger les personnes âgées au lieu de confiner tout le
monde, typiquement sous la forme moi, trentenaire, je n'ai pas
envie de me faire infecter pour participer à l'immunité collective :
même chez les jeunes, il y a des formes graves de covid
, le
problème c'est que c'est exactement ce qu'on va faire en
vaccinant en premier les personnes âgées (et on a raison de le
faire) : baisser la létalité en protégeant les plus vulnérables
et laisser l'épidémie circuler chez les autres (à moins de penser
sérieusement qu'on va continuer à confiner tout le monde un mois sur
trois jusqu'à la fin des campagnes de vaccination ? qui croit ça ?).
Et s'agissant de (5), je pense que personne n'y croit vraiment, parce
que si c'était ça le but, on ne vaccinerait pas en priorité les
personnes les plus âgées, qu'on envoie rarement en réanimation, on
commencerait par les personnes d'environ 70 ans, ce que personne ne
propose.
Ajout () : On me signale que j'ai été rapide sur (5) (le débordement des hôpitaux). Il mériterait sans doute une analyse plus approfondie. (Y a-t-il véritablement eu risque de débordement des hôpitaux en France ? J'avais cru comprendre que les autorités régionales de santé avaient réquisitionné des moyens de cliniques privées — les obligeant à tout déprogrammer — pour finalement ne pas les utiliser, parce qu'ils avaient largement surestimé la demande de soins, et que c'était encore plus le cas pour la seconde vague ; j'ai entendu parler de scandales du même genre au Royaume-Uni avec des déprogrammations massives qui finalement n'ont pas servi ; mais tout ceci mérite vérification. Et surtout, il faudrait savoir : dans combien d'endroits dans le monde y a-t-il vraiment eu débordement des hôpitaux, et de combien ? et quelles en ont été les conséquences, à commencer par la multiplication de la létalité covid, et la surmortalité due à d'autres maladies ? Et il faudrait enfin faire une analyse un peu précise du triage optimal des malades en cas de débordement des hôpitaux : le principe de donner la priorité aux cas covid graves n'est pas forcément le bon si leurs chances de survie sont faibles.) Tout ceci mériterait une analyse plus poussée, donc… que je n'ai pas été capable de trouver, et de nouveau, la charge de cette analyse devrait porter sur ceux qui réclament des confinements pour sauver les hôpitaux. ⁂ Je suis globalement assez sceptique de la sincérité de cet argument, parce que les hôpitaux sont de façon chronique dans une situation catastrophique et dans une indifférence générale de la société. Et aussi, a contrario, parce que les confinementistes ont beaucoup qualifié la gestion suédoise de l'épidémie de désastre, alors que (au moins la dernière fois que je m'étais renseigné, et alors que ces accusations florissaient) il n'y avait pas eu de débordement des hôpitaux en Suède. Bref, il me semble surtout que les hôpitaux servent de prétexte commode pour justifier n'importe quelle mesure (dont je rappelle qu'elle n'a donné aucune preuve de son efficacité, encore moins de son bénéfice-risque).
Reste le but (7), gagner du temps
. Sur le principe, c'est
tout à fait raisonnable : c'est d'ailleurs ce que je proposais
initialement, un confinement le temps de mettre tout le système de
santé en ordre de marche pour affronter l'épidémie (voir
dans ce billet et chercher les
mots un mois ou deux le temps d'arriver à faire ça
: je pensais
surtout à la fabrication de nouveaux respirateurs artificiels, mais
apparemment ce n'est pas vraiment la ressource limitante). Le
problème, là, c'est qu'on n'arrête pas de nous refaire le même
coup :
- en mars :
il faut confiner le pays le temps d'avoir suffisamment de masques et de tests
, - en novembre :
il faut confiner le pays le temps de mettre en place une nouvelle politique de suivi des malades, et d'avoir les tests rapides
, - en février ?
il faut confiner le pays le temps de mettre en place la vaccination à grande échelle
,
— ça commence à suffire, là ! J'ai récemment comparé les confinements autoritaires à la lutte contre l'addiction aux drogues par la répression, mais là ce sont les confinements eux-mêmes qui sont l'addiction. Oui, on peut toujours espérer faire mieux en gagnant du temps, mais si ça se reproduit sans arrêt, ce n'est plus gagner du temps de façon ponctuelle et exceptionnelle qu'on fait, c'est aplatir la courbe, et retourner à la case (2) à ce sujet.
Si encore les gouvernements se présentaient couverts de cendres en
disant (en se prosternant en excuses) nous avons complètement merdé
sur les masques, c'est de notre faute parce que nous n'avons pas mis à
profit les quelques mois depuis lesquels on sait que cette épidémie
existe, nous devons confiner le pays et nous en assumons l'entière
responsabilité
, puis (en se prosternant encore plus bas) nous
avons encore merdé notre politique de suivi des malades, c'est encore
notre faute parce que nous n'avons pas mis à profit les quelques mois
depuis le début du précédent confinement, nous devons reconfiner le
pays
et maintenant (en creusant un trou sous terre pour pouvoir
s'y prosterner) nous nous sommes complètement chié sur la
logistique de la distribution des vaccins, c'est toujours notre faute
parce que nous n'avons rien prévu alors que nous savions que ce vaccin
allait arriver et qu'il faudrait vacciner des dizaines de millions de
personnes aussi vite que possible, nous sommes vraiment trop nuls,
nous ne nous représenterons plus jamais à une élection
, ce serait
une chose. Mais leur attitude est toujours sur l'air de les
comportements se relâchent ! c'est la faute des jeunes qui font la
fête !
pour tenter de défléchir la responsabilité sur quelqu'un
d'autre, et le but (7) ne tient vraiment pas avec ça.
Plus généralement que les gouvernements, c'est le problème avec les
confinementistes, en fait, qu'ils n'assument pas vraiment leurs
opinions : le confinement est toujours présenté comme une solution
temporaire ou de repli parce que la vraie
solution
(l'éradication complète du virus, son controle par traçage de
contacts, la vaccination massive) n'a pas marché comme prévu ou n'est
pas encore prête ou prend plus de temps que prévu ; mais à force de
persister à ne pas marcher, les vraies
solutions commencent à
ressembler à un mirage dont la poursuite nous mène de plus en plus
profondément dans le désert. Et c'est à cause de ça que les
confinementistes repoussent toujours la discussion sur les coûts de
leur mesure, qu'ils ne ressentent pas vraiment comme la leur mais
comme un éternel pis-aller, et du coup ils refusent donc de sentir
l'odeur de leur merde. Une des conséquences de ce déni est qu'en plus
d'être incapables d'articuler la raison précise du confinement (ce
dont j'ai parlé longuement ci-dessus), ils refusent de reconnaître la
souffrance que leur remède cause : or s'ils étaient vraiment persuadés
que c'est le moindre mal, ils n'auraient pas besoin de faire du
négationnisme quant aux dommages qui vont avec. (Pour faire une
comparaison qui vaut ce qu'elle vaut, c'est une chose de penser que le
bombardement atomique de Hiroshima en 1945 était la solution qui
minimisait la mort et la souffrance globales de la fin de la guerre ;
ç'en est une tout autre de nier les morts et souffrances que ce
bombardement a causés.)
Pour donner un exemple que je trouve assez criant de cette mauvaise foi, je tombe sur une interview d'Arnaud Fontanet (donnée tout à l'heure) dans laquelle il oppose les vaccins à l'infection naturelle. Alors, à part pour les antivax (qui sont, certes, malheureusement bien nombreux en France, et peut-être que l'autoritarisme parfois mensonger dont le gouvernement a fait preuve dans tout cet épisode n'y est pas pour rien), c'est un peu enfoncer une porte ouverte de dire qu'il vaut mieux se faire vacciner que se faire infecter naturellement : présenter un « choix » entre vaccin et infection, c'est aussi honteusement malhonnête que si je prétendais démontrer, moi, que les confinements ont toujours été une connerie en le justifiant par le fait que le vaccin c'est un bien meilleur moyen de lutter contre l'épidémie : le problème c'est de savoir ce qu'on fait quand on n'a pas (ou pas encore, ou pas assez) de vaccin, sinistre personnage ! C'est vraiment trop facile pour les confinementistes comme lui de se faire passer pour des hérauts de la vaccination, moi aussi je veux qu'on vaccine tout le monde aussi vite que possible et j'enrage complètement de la lenteur à laquelle la France s'y met : ce n'est pas là qu'est le débat, le débat est de savoir ce qu'on fait si on a dans quelques mois une nouvelle vague semblable à celle de mars 2020 alors que la proportion de la population vaccinée sera toujours bien faible. (Je remarque au passage un autre exemple assez hallucinant de mauvaise foi de Fontanet dant cette interview, où il explique que quand 5 à 10 millions de Français seront vaccinés ça aura un vrai impact sur la circulation du virus… alors que c'est justement à peu près l'ordre de grandeur du nombre qui ont déjà été immunisés naturellement, et il y en aura encore plus à ce moment-là, mais dont il nous assure régulièrement que ça, ça ne sert vraiment à rien parce qu'on est tellement loin du fabuleux 60%.)
Bref, ce serait bien si les confinementistes avaient le minimum de bonne foi pour tenir un débat sérieux, à commencer par expliquer quel est leur stratégie précise au lieu de se réfugier dans le déni à son sujet. Malheureusement, je crois qu'ils n'y sont pas prêts.