David Madore's WebLog: La tentation de la déprime

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(mercredi)

La tentation de la déprime

Je navigue en ce moment entre des périodes de bonheur radieux et des moments de profond abattement, que je n'expliquais pas. Tout à l'heure, en rentrant chez moi, je suis passé en dix minutes de l'un à l'autre, donc je me suis forcé à une petite introspection pour comprendre ce qui n'allait pas.

Je peux trouver des prétextes pour être triste ou, du moins, anxieux. Je me suis convaincu que je n'avais à peu près aucune chance auprès de tel garçon (laissons-le anonyme) sur lequel j'aurais eu, disons, des vues. D'un autre, dont je me remets progressivement d'être tombé amoureux : je m'inquiète de ne pas arriver à construire juste la relation que nous recherchons tous deux (et j'ai peur que des choses se soient perdues quand il reviendra, dans trois mois, d'un stage qui va nous séparer). L'été arrive avec son lot de solitude et d'inaction malsaine ; après lui, l'avenir est incertain. Le contrôle de mon temps semble m'échapper (indépendamment de complications variées ; on vient de me rappeler à l'ordre pour une chose que j'avais promis de faire avant la mi-mai et que j'avais totalement oubliée ; et les exigences de travail mathématique se font plus pressantes). Je me noie dans un verre d'eau.

En vérité, même si toutes ces raisons jouent certainement un rôle (mais je peux aussi me trouver plein de raisons d'être heureux…), il y a surtout que je me complais dans le sentiment d'être malheureux, dans la self-pity. Être heureux, cela consomme une certaine énergie ; être malheureux, se dire qu'on a toutes les raisons du monde d'être désespéré, que personne ne nous aime (ce qui est profondément insultant pour ceux qui prouvent sans arrêt le contraire), que le monde est vraiment méchant, c'est — dans mon cas du moins — une paresse facile. De même, il m'est plus aisé de me dire que je suis un nul qui ne sait rien faire et que je ne me trouverai jamais de copain parce que personne ne m'aimera, que de prouver le contraire. Il est plus tentant de se persuader que, de toute façon, tout ira toujours mal, et de se délecter dans le plus profond pessimisme, que de travailler pour avoir des raisons d'espérer dans l'avenir.

Et ce n'est pas tout : quand on geint, les gens qui vous entourent, s'ils sont de bons amis, prêtent parfois une oreille sympathique, se montrent réconfortants, etc. Je voudrais bien avoir une épaule sur laquelle pleurer : cela est tellement doux et rassurant. Mais quelle facilité d'exagérer (même vis-à-vis de soi-même) ses malheurs, pour susciter la compassion ; ou ses défauts, pour appeler les compliments !

Or en vérité, cela ne me rend pas aimable. Même avec la meilleure volonté du monde, on finit toujours pas s'énerver de quelqu'un qui ne fait que se plaindre (et accessoirement, mon opinion épouvantable de moi-même me laisse paraître — paradoxalement — insupportablement égoïste et imbu de moi-même). Donc non seulement je m'enferme dans la déprime, mais en plus je mets en danger mes bonnes relations avec les autres — qui me sont indispensables pour un bonheur véritable. (Et, globalement, on ne peut pas aimer vraiment quelqu'un qui se déteste. Moi-même, je n'apprécie guère les esprits torturés : j'aime les gens qui ont un naturel confiant et une certaine aptitude au bonheur.) Il faut donc que je trouve des réponses idoines à cette tentation du malheur.

Il n'est pas facile de trouver l'énergie pour résoudre un problème, quand une partie du problème est justement qu'on manque d'énergie et de confiance en soi. Je me suis souvent heurté à ce cercle vicieux. Un élément de solution réside sans doute dans le fait que, quand je suis avec des amis, finalement, je suis plutôt enclin à être heureux — c'est vraiment la solitude qui me pèse vite. Je devrais aussi sans doute tenter d'affronter une par une mes vraies-fausses raisons d'être malheureux, pour les empêcher de me miner intérieurement.

Ah zut, tout ça je le savais déjà.

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