Je suis tombé un peu par hasard sur cette vidéo d'un exposé de vulgarisation du physicien Lawrence Kraus [durée : 1h05′], donné à l'invitation de Richard Dawkins, sur la cosmologie et notre compréhension actuelle de l'Univers. C'est de la vulgarisation bien faite, et j'ai moi aussi appris des choses (par exemple comment on mesure la constante cosmologique), même s'il y a des points sur lesquels je trouve qu'il aurait pu trouver de meilleures explications (il soulève la question du fait que la constante cosmologique est 10120 fois plus petite que celle que prédisent les fluctuations quantiques du vide, mais il laisse ensuite ce problème en plan, même quand il explique qu'elle est effectivement non-nulle). Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus, l'article de Wikipédia sur le modèle standard cosmologique n'est pas mal fait, ainsi que celui sur la métrique de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker (je souligne notamment qu'il n'y a pas besoin de connaître la relativité générale pour comprendre les équations de Friedmann-Lemaître — d'ailleurs elles peuvent même plus ou moins apparaître en mécanique newtonienne —, ce sont des équations différentielles assez simples et assez transparentes) ; pour quelque chose de plus poussé, cette review et dans une moindre mesure celle-ci sont bien faites.
Je cite ce talk notamment parce qu'il fait le lien avec mon entrée précédente où je discutais du problème du « cerveau de Boltzmann », de la faiblesse de l'entropie de l'Univers et de son rapport avec le principe anthropique. Kraus évoque ce problème à la fin en réponse à une question d'un spectateur (sur l'infini), en considérant apparemment qu'il n'y a rien à expliquer. Mais il dit des choses intéressantes sur le principe anthropique et sur la spécialité de l'Univers : c'est-à-dire sur la question de savoir si l'Univers est le seul Univers possible (les constantes fondamentales de la physique sont absolument et mathématiquement fixées) ou au contraire s'il est tel qu'on l'observe parce que l'Univers doit permettre la vie (la réponse anthropique, donc). En fait, il s'agace de la « manie anthropique », mais il se moque aussi de la théorie des cordes (dont l'agenda est censément, justement de montrer que les constantes de la physique sont les seules possibles, mais qui n'a pas l'air vraiment capable de remplir cet agenda, ni même de sortir la moindre prédiction expérimentalement testable). Il y a des domaines où le principe anthropique est certainement correct (e.g. : nous ne vivons pas sur Jupiter parce qu'il n'y a pas de vie sur Jupiter), mais appliqué à l'Univers il est certainement plus douteux (et comme j'expliquais dans mon entrée précédente il n'explique pas que l'Univers soit si spécial), ce qui donnerait effectivement envie que l'Univers soit « le seul mathématiquement possible » dans un certain sens.
Ce qui m'amène à soulever l'idée farfelue suivante : celle que j'appellerais l'ultradéterminisme. Le déterminisme (sur lequel je veux écrire une autre entrée prochainement [ajout : c'est la suivante]) est l'idée que l'état présent de l'Univers détermine, en théorie, l'état à tout instant futur (ou passé, d'ailleurs, ce qui est une remarque plus insidieuse qu'il n'y paraît). L'ultradéterminisme serait l'idée que l'état de l'Univers à n'importe quel temps peut être, en théorie, déterminé sans aucune donnée. Autrement dit, que non seulement les constantes fondamentales de la physique seraient les seules mathématiquement possibles, mais même que les conditions initiales de l'Univers (ou, du coup, ses conditions à n'importe quel moment) seraient aussi les seules vérifiant des règles mathématiques simples, et que du coup il serait possible de tout savoir de l'Univers sans même aller l'observer. La seule chose qu'il faudrait savoir, c'est où on regarde dans l'espace et dans le temps, ce qui n'est pas forcément une mince affaire, surtout si l'espace est compliqué et présente des Univers naissant dans d'autres Univers et autres fantaisies de ce genre. Cela fait penser à mes vidéos de zoom sur l'ensemble de Mandelbrot où, justement, en choisissant uniquement où je regarde, j'arrive à produire une grande variété de formes entre les petits ensembles de Mandelbrot et de Julia qui naissent de l'ensemble de Mandelbrot. Et quiconque a assez joué avec l'ensemble de Mandelbrot ou avec des mondes générés de façon procédurale en informatique sait bien que ceux-ci peuvent être très riches : pourquoi l'Univers ne serait-il pas de la sorte ?
Cela ferait, au moins, de la science-fiction rigolote (si quelqu'un découvre une règle simple qui permet de prédire tout le passé et l'avenir à n'importe quel endroit de l'Univers, et si cette règle est effectivement calculable…).