Jeune, il avait vécu dangereusement : il semblait appeler la mort dans chacun des défis qu'il se lançait — mais la mort n'avait jamais répondu. Puis son attitude avait évolué : il traversa une période où, alors qu'il ne prenait plus guère de risque, il était régulièrement persuadé de vivre ses derniers jours. Aussi, quand il atteignit le seuil mordoré de la vieillesse, ce fut avec l'étonnement d'être toujours de ce monde. Et ce n'est qu'à ce moment-là, lui qui était mort mille fois (en possibilité ou en esprit), qu'il consentit à faire sa paix avec la vie. Ceux qui l'ont connu vieillard, peinant déjà à percer le brouillard de légende qui l'entourait, rapportent tous que dans son visage au front auguste, aux pommettes usées par le temps et à la bouche qui ne savait plus sourire, deux grands yeux d'enfant brillaient de joie de vivre.