David Madore's WebLog: astro

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., celle écrite en dernier est en haut). Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Cette page-ci rassemble les entrées de la catégorie astro : il y a une liste de toutes les catégories à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the latest written is on top). Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. This page lists entries in category astro: there is a list of all categories at the end of this page, and an index of all entries. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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(dimanche)

Et pendant ce temps-là, la CGPM fait des bêtises et décide de casser le temps sur Terre (ou pas)

Youhou, deux entrées dans mon blog cette semaine ! Mais quand ce n'est pas Elon Musk qui fait des bêtises, c'est la CGPM. Décidément, je ne peux pas laisser l'Univers une seconde sans qu'il se mette à déconner !

La 27e Conférence Générale des Poids et Mesures, donc, s'est réunie cette semaine. Elle a adopté sept résolutions (le texte de celles-ci est disponible au lien précédent) : les nº1 (Sur le rapport préparé par le Comité international des poids et mesures sur l'évolution des besoins dans le domaine de la métrologie) et nº2 (Sur la transformation numérique mondiale et le Système international d'unités) sont du blabla qui sert juste à faire jeune, la nº6 (Sur l'adhésion universelle à la Convention du Mètre) est du blabla politique, la nº7 (Sur la dotation du Bureau international des poids et mesures pour les années 2024 à 2027) est de l'administration interne, mais les nº3 à 5 méritent qu'on s'y attarde un peu plus, notamment parce que la nº4 pourrait représenter une révolution dans la gestion du temps (vous pouvez sauter la description des 3 et 5 si ce sont les secondes intercalaires qui vous intéressent ainsi que la question de savoir si le temps va être cassé, mais je vais quand même en dire un mot).

La résolution nº3 (Sur l'extension de la liste des préfixes du SI) crée quatre nouveaux préfixes SI : ronna (‘R’) pour 1027, ronto (‘r’) pour 10−27, quetta (‘Q’) pour 1030 et quecto (‘q’) pour 10−30. On a donc, par exemple, maintenant le droit de dire que le Soleil pèse 1988 quettagrammes tandis que la Terre, elle, pèse 5.972 ronnagrammes, ou encore que la masse de l'électron pèse 911 quectogrammes tandis que le proton, lui, pèse 1673 rontogrammes. C'est complètement ridicule, mais ça ne fait pas vraiment de mal. Ceci dit, je serais vraiment curieux de savoir qui a vraiment pris ces décisions et les a fait avaler aux délégués nationaux à la CGPM, et pourquoi : le moins qu'on puisse dire est que le processus est assez opaque, on ne semble pas avoir accès aux vrais documents préparatoires aux décisions. La seule explication que je trouve quant au nom et symbole des préfixes est ici, et elle n'explique pas grand-chose. Personne n'utilise ces préfixes farfelus (en vrai, la masse du soleil s'exprime en kilogrammes, comme 1.988×1030 kg, la masse des objets astronomiques s'exprime en… masses solaires ; et la masse du proton s'exprime en MeV) ; le plus proche que je trouve d'une explication, c'est que les préfixes « grands » seraient utiles pour des quantités de données (apparemment il y a des gens qui parlent vraiment de zettabytes et qui envisagent déjà quelques ordres de grandeurs au-dessus ?) ; reste donc aussi à ce que quelqu'un (qui ?) formalise les préfixes binaires équivalents robi (préfixe ‘Ri’) pour 290 et quebi (préfixe ‘Qi’) pour 2100, et on pourra dire qu'un quebi-octet vaut 1.268 quetta-octets et le ridicule sera achevé. Mais bon, au moins, ce ridicule ne tue pas, et même, honnêtement, ne fait guère de mal.

La résolution nº5 (Sur la future redéfinition de la seconde) prépare le terrain à une redéfinition de la seconde SI, probablement pour utiliser des fréquences optiques (des fréquences de l'ordre de 1015 Hz ou de la centaine de térahertz) au lieu de la transition hyperfine de l'atome de césium-133 (qui se fait à environ 1010 Hz, très exactement 9 192 631 770 Hz). Il paraît que ces horloges optiques devraient atteindre des précisions encore supérieures aux meilleures horloges atomiques (à fontaine d'atomes de césium ou de rubidium) et possiblement dépasser des précisions de l'ordre de 10−16 partie par partie (de l'ordre de 1 seconde par milliard d'années). Je ne m'y connais pas, mais là, c'est clairement du domaine d'attribution du BIPM (et de la CGPM qui le contrôle) de s'occuper de ça, et c'est très bien.

Reste la résolution nº4 (Sur l'utilisation et l'évolution future de l'UTC), et c'est là que je tique vraiment. Des journalistes ont résumé la chose en disant que la décision avait été prise d'abolir les secondes intercalaires d'ici 2035. Dit comme ça c'est faux[#], comme d'habitude avec les journalistes, ce n'est pas ce que dit le texte de la décision votée, mais ce qui a vraiment été décidé et là où ils veulent en venir n'est pas super clair. Commençons par rappeler le contexte.

[#] Je cite le premier paragraphe de l'article du International Business Times : Scientists and government representatives meeting at a conference in France voted on Friday to scrap leap seconds by 2035, the organisation responsible for global timekeeping said. — À peu près tout est faux là-dedans : sans compter que le terme a conference in France suggère vraiment autre chose qu'une organisation internationale établie depuis 147 ans, ce n'est certainement pas the organisation responsible for global timekeeping, et la décision n'a pas été prise to scrap leap seconds by 2035, ce n'est pas ce que dit la résolution, et même si c'est peut-être l'intention, ce n'est pas clair, comme je vais le dire.

❀✿❀ Les secondes intercalaires ❀✿❀

Historiquement, la seconde était la partie 1 / 86 400 du jour solaire moyen (parce qu'un jour fait 24 heures de 60 minutes de 60 secondes, et 24×60×60 = 86 400). Mais la rotation de la Terre autour d'elle-même est légèrement irrégulière quand on y regarde de très près, et pour plus de précision, la seconde a été redéfinie sur la base de la révolution de la Terre autour du Soleil, puis sur la base d'horloges atomiques, considérablement plus précises, donc sur la base d'une certaine vibration de l'atome de césium-133 : je ne rentre pas dans les détails de ces redéfinitions (voir cette entrée passée), mais en gros, parce que les valeurs ont été basées sur des tables astronomiques établies à la fin du XIXe siècle et elles-mêmes basées sur des observations réalisées entre environ 1750 et 1850, la seconde correspond à la partie 1 / 86 400 du jour solaire moyen non pas maintenant mais grosso modo autour de l'année 1800, et la rotation de la Terre a un peu ralenti depuis. Donc, maintenant que la seconde SI a été définie de façon très très très (très !) précise (et, désolé, il n'est vraiment plus possible de la changer maintenant), le jour solaire moyen fait actuellement plutôt autour de 86400.002 secondes, avec plein d'irrégularités autour de cette valeur (voir ici pour un graphe de l'excès de la durée du jour par rapport à 86 400 s, en millisecondes, sur l'intervalle 1964–2002, avec la décomposition des divers effets : je ne sais pas où trouver des données plus récentes, mais actuellement on est provisoirement retombé en-dessous de 86 400 et je vais y revenir).

Bon, alors, si la seconde SI est telle que la durée du jour moyen fait 86400.002 secondes et qu'on veut diviser le jour en 24 heures de 60 minutes de 60 secondes, il n'y a pas besoin d'être très fort en maths pour se rendre compte qu'il va y avoir un problème. Que fait-on ?

Il y a plusieurs approches imaginables, suivies par différentes échelles de temps : ignorer le problème et compter juste les secondes SI, ou suivre vraiment le Soleil, ou essayer de faire un compromis entre les deux. Respectivement :

  • L'approche j'ignore le problème, je compte juste le temps en secondes est celle suivie par le temps atomique international (TAI) : le temps TAI est simplement un décompte de secondes à la surface de la Terre réalisé par les meilleures horloges atomiques, et il ignore le jour solaire. Il se décale donc progressivement du temps solaire mesuré au méridien de référence (en ayant tendance à avancer puisque le jour solaire moyen est plus long que les 86400s exactement d'un jour TAI, donc TAI avance). Actuellement, TAI est en avance d'environ 37s par rapport au temps solaire qui fait l'objet du point suivant.
  • L'approche j'ignore la seconde, je regarde le vrai temps solaire est celle suivi par le temps universel (astronomique observé), disons UT1. Bon, c'est compliqué, il y a plein de temps universels astronomiques différents (UT0, UT1, UT2, mais plus personne n'utilise UT2 et UT0 est une mesure brute bruitée, donc celui qui importe est UT1 qui apporte des corrections de la nutation et du mouvement des pôles), mais pour simplifier, UT1 est le temps solaire observé par les astronomes au méridien de référence (le 0° de longitude). Du coup, son écoulement n'est pas exactement régulier (parce que la Terre tourne plus ou moins vite selon le moment), ni même prévisible à l'avance, et il ne compte pas en secondes SI, ce n'est même pas vraiment un temps, c'est plutôt un angle de rotation de la Terre. Ce n'est pas non plus un temps pratique à utiliser, parce qu'on ne le connaît vraiment que a posteriori, et il faut faire des observations astronomiques pour ça.
  • Et l'approche faisons un compromis entre les deux. Le compromis actuellement en vigueur, qui porte le nom de temps universel coordonné, UTC (autrefois GMT ou heure de Greenwich), consiste à dire : on compte le temps en secondes SI, mais on ne s'écarte pas trop de UT1 (le vrai temps solaire observé), et si on va s'en écarter trop, on introduit une seconde en plus ou en moins appelée seconde intercalaire pour revenir proche de UT1.

Le temps universel coordonné UTC est la base de l'heure légale partout dans le monde, donc c'est lui qui importe le plus. (L'heure légale en France, par exemple, est UTC plus une heure en hiver, et plus deux heures en été, cf. cette entrée-là sur le sujet. Il y avait un doute sur le Danemark, je crois, qui peut-être utiliserait UT1 et pas UTC comme base pour son temps légal, mais si je me rappelle bien c'est sur la base d'une interprétation assez hasardeuse d'un texte de loi et je pense que personne ne prend ça très au sérieux. On peut aussi faire valoir des différences minuscules — quelques nanosecondes — entre les horloges atomiques maîtresses des différents pays dans la réalisation d'UTC, l'heure UTC finale définitive étant connue a posteriori par un travail de synchronisation très fin entre ces horloges, mais là c'est vraiment du coupage de cheveux en quatre alors que la différence entre TAI, UT1 et UTC, elle, ne l'est pas, 37 secondes ce n'est pas un truc qu'on peut juste ignorer.)

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(samedi)

Les petits machins qui tournent dans notre système solaire

Je me rappelle en commençant cette entrée que j'ai créé une catégorie astro sur ce blog, qui ne me sert franchement pas beaucoup. D'ailleurs, je suis assez nul en astronomie sauf peut-être dans ses aspects les plus mathématiques (genre, la mécanique céleste), et comme je suis trop myope pour voir les étoiles même quand je ne suis pas à Paris où c'est essentiellement impossible de toute façon, regarder le ciel nocturne a assez peu d'intérêt pour moi. Mon papa m'a montré Saturne à travers un télescope emprunté à l'Université de Toronto quand j'étais petit, mais ma pratique de l'observation directe s'est arrêtée là.

Pour autant, je ne peux pas nier que, parmi d'autres objets monstrueux qu'il est intéressant de s'exercer à imaginer, les planètes et autres corps du système solaire exerçaient et exercent toujours sur moi une certaine fascination et si j'ose dire une certaine collectionnite. Soit en raison de leur similarité avec la Terre qui les rend au moins vaguement imaginables : Mars, maintenant, on en a tellement de photos en très haute résolution, de vidéos, et de toutes sortes de mesures, que ce n'est même plus drôle de l'imaginer (enfin bon, si par hasard la NASA lit mon blog, j'aimerais bien voir des vues d'Olympus Mons depuis une bonne distance, et de Valles Marineris depuis son bord). Titan est, de nos jours, ce que Mars était quand j'étais petit, et j'ai déjà mentionné que cette photo, la seule que nous ayons prise depuis la surface d'autre chose que la Terre, la Lune, Mars ou Vénus, est, à mes yeux, l'image la plus extraordinaire de l'astronomie et peut-être de toute la science, parce que ces cailloux d'apparence banale (et qui sont d'ailleurs essentiellement de la glace d'eau) ont été photographiés à plus d'un milliard de kilomètres d'ici, sur un astre qui a une surface solide, une atmosphère de pression semblable à celle de la Terre (certes pas très respirable pour nous), et même des vrais lacs et mers (d'hydrocarbures). Je rêve de voir une vidéo des lacs de Titan (y a-t-il des vagues dessus ? [ajout : apparemment non et c'est un peu un mystère]). Mais si on écarte cet intérêt pour ce qui ressemble au moins formellement à la Terre, j'ai tendance à trouver que c'est la taille qui compte, et (comme Randall Munroe) j'aimerais bien voir des photos de près des nuages des planètes géantes. Ou d'ailleurs, des bonnes photos d'Uranus et Neptune, parce que franchement celles qu'on en a ne sont pas terribles : à tel point que quand on cherche Uranus dans Google Images, une bonne partie des images renvoyées sont, en fait, celles de Neptune (bizarrement, celles renvoyées pour Neptune ont bien l'air d'être de Neptune — mais c'est aussi un peu toujours la même).

Au rayon c'est la taille qui compte, d'ailleurs, bien avant que Pluton ne soit dégradé au rang de planète naine, je militais pour qu'on arrête d'appeler par le même nom les satellites sérieux qui ont une forme bien ronde (ceux qui sont à peu près en équilibre hydrostatique sous l'effet de leur propre gravité) et les autres petites merdes qui tournent autour des différentes planètes. Non, dis-je fermement, Jupiter n'a pas 67 lunes (nombre qui change d'ailleurs régulièrement, quand j'étais petit c'était évidemment beaucoup moins, et il ne peut que tendre vers des quantités colossales quand on en sera à répertorier chaque molécule de son système d'anneaux), il en a exactement 4, à savoir celles, Io, Europe, Ganymède et Callisto, connues depuis Galilée, et les autres cailloux qui orbitent autour méritent à peine qu'on les compte, pas qu'on les range dans la même catégorie, et certainement pas qu'on leur donne des noms individuels (je sais que Zeus était gros coucheur, mais au bout d'un moment, l'arrachage de cheveux pour trouver la nymphe violée après laquelle on va nommer le caillou du mois, ça devient ridicule). Évidemment, quelle que soit la définition, il y aura des cas tangents (comme Mimas ou Encélade, si bien que je ne sais pas combien de lunes « sérieuses » a Saturne), mais au moins si on convient de ne nommer que les objets ronds sous l'effet de leur propre gravité, on a un espoir que le système solaire ait un nombre d'objets localement exhaustible, c'est-à-dire, dont on puisse énumérer la totalité jusqu'à une distance donnée du Soleil.

À ce titre-là, la consultation de cette page Wikipédia ou de celle-ci est assez intéressante comme catalogue des objets sérieux du système solaire. La liste des transneptuniens, notamment, c'est-à-dire des objets du même genre que Pluton et qui ont fait qu'on a dû déclasser ce dernier parce que sinon on arrivait à un nombre ridicule de planètes, est très rigolote, et on peut légitimement s'interroger sur ce que peut être la taille du plus gros objet qui tourne autour du Soleil au-delà de l'orbite de Neptune. Je ne comprends pas parfaitement le diagramme de Venn des différentes classifications d'objets transneptuniens (ceinture de Kuiper, disque épars, plutinos, objets à orbites classiques ou résonantes, objets « détachés », objets intérieurs du nuage d'Oort), et les définitions ne sont peut-être pas très bien établies, mais ce qui est sûr c'est qu'il y a beaucoup plus d'objets ronds connus dans le système solaire que quand j'étais petit, et qu'ils ont des caractéristiques rigolotes. Dites bonjour à : Éris, à peu près de la taille de Pluton mais avec une orbite bien excentrique et très inclinée qui l'emmène nettement plus loin que lui ; Haumea, qui tourne incroyablement vite sur lui-même et qui du coup est déformé en un ellipsoïde très aplati ; Makemake, le plus gros connu après Pluton et Éris et dont l'orbite ressemble à celle de Haumea ; Orcus, qui a une orbite sembablable en taille, excentricité et inclinaison à celle de Pluton (on dit que c'est un Plutino) ; 2007 OR₁₀, qui n'a même pas encore été nommé, et qui a une orbite semblable à Éris ; Quaoar, qui a une orbite bien classique (ronde et peu inclinée) et qui est apparemment la première du lot à avoir été découverte ; et Sedna, dont l'orbite extrêmement elliptique l'entraîne à plus de 900 unités astronomiques du Soleil (pour mémoire, Neptune est autour de 30 ; actuellement, Sedna est autour de 90UA — c'est bien sûr parce qu'il est vers son périhélie qu'on a pu le détecter), ce qui pose plein de questions sur le nombre d'objets de ce genre. Si comme moi vous avez du mal à vous y repérer, voyez ce diagramme ou celui-ci pour les orbites (demi-grand-axe et inclinaison) ou si vous voulez voir Sedna dans le tas, et pour une idée de la taille, forme et couleur de ces objets.

Tout ça pour dire que je suis content qu'on ait enfin de jolies photos de Pluton, mais que maintenant je voudrais en avoir d'Éris et autres (voire une vidéo de Haumea en train de tourner ?), et en tout cas j'ai plein d'images que je rêve d'avoir du système solaire. Par comparaison, les planètes extrasolaires, je n'arrive pas du tout à m'y intéresser, même quand on nous pipote qu'elles ressemblent à la Terre.

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(samedi)

Comment lire un diagramme d'éclipse ?

[Diagramme de l'éclipse du 2015-03-20]Si vous avez cherché à vous renseigner précisément sur l'éclipse solaire qui a eu lieu hier, ou sur quelque éclipse solaire que ce soit, vous êtes certainement tombé sur un diagramme tel que celui ci-contre (cliquez pour agrandir) et que je tire en l'occurrence d'un site de la NASA [note : l'image est dans le Domaine Public, comme le sont généralement les productions des organismes du gouvernement fédéral des États-Unis], on trouve aussi l'image centrale sur Wikimedia Commons. L'apparence de la carte n'est pas toujours la même (regardez notamment la forme des courbes rose / magenta, qui est une des choses dont je veux parler) : comparez par exemple les diagrammes pour l'éclipse solaire totale du 2016-03-09, l'éclipse solaire partielle du 2018-02-15, l'éclipse solaire annulaire du 2019-12-26, l'éclipse solaire hybride du 2031-11-14 et l'éclipse solaire totale du 2041-04-30 (regardez bien la forme de la courbe magenta de gauche : elle est séparée de celle de droite, et elle a un nœud) — ces exemples donnent une idée de la diversité des formes possibles.

Je ne peux pas tout expliquer parce qu'il y a des choses que je ne sais pas exactement, ou même si je devine quelque chose, je n'en suis pas sûr et je ne sais pas forcément le dire de façon simple. Par exemple, la magnitude d'une éclipse est définie notamment sur Wikipédia comme la proportion recouverte par la Lune du diamètre angulaire du Soleil selon l'axe qui relie les centres géométriques des deux astres, sauf que Wikipédia se contredit immédiatement en disant que pendant une éclipse totale cette quantité peut dépasser 1 (alors qu'une proportion de diamètre recouverte, elle ne va certainement pas dépasser 1), et de même, cette page donne deux définitions adjacentes qui ne sont pas compatibles l'une avec l'autre, avec une phrase bizarre (this could also apply to a total solar eclipse : il faudrait savoir, on utilise quoi ? si mes spéculations ci-dessous sont correctes, il faut simplement ignorer cette parenthèse) ; du coup, je ne sais pas avec certitude quelle est la définition exacte. L'astronomie est pleine de petites subtilités comme ça où on peut assez bien comprendre l'idée générale, mais dès qu'on commence à couper les cheveux en quatre on n'y comprend plus rien.

Si des gens veulent couper les cheveux en quatre avec moi pour cette histoire de magnitude d'une éclipse, voici comment je vois les choses : mettons qu'on mette des coordonnées affines sur la droite reliant les centres géométriques du Soleil et de la Lune de sorte que les deux bords du Soleil aient les coordonnées 0 et 1, et ceux de la Lune a et b (je peux bien sûr supposer a<b). Il semble que si 0<a<1<b (situation d'éclipse partielle, donc), la magnitude de l'éclipse vaille 1−a (ce qui colle bien à la fois avec la définition donnée par Wikipédia et la première formule de la page néerlandaise citée ci-dessus) ; et si 0<a<b<1 (éclipse annulaire), on doit utiliser la formule ba (ce qui colle à la fois avec la définition de Wikipédia et la seconde formule de la page citée ci-dessus). Pour des raisons de symétrie, si a<0<b<1, la magnitude doit valoir b. Les formules 1−a et b respectivement peuvent encore resservir dans les cas où 0<1<a<b et a<b<0<1 respectivement (pas d'éclipse), ce qui colle avec la première formule de la page néerlandaise mais pas avec la définition de Wikipédia qui dit juste 0 (pour se contredire après en parlant des near miss). La question est surtout de savoir quelle formule prendre si a<0<1<b (éclipse totale), et je pense que la bonne formule est, en fait, min(1−a, b) (qui se recolle continûment avec les autres formules), ce qui coïncide effectivement avec la première formule (½ + ½(ba) + |½(a+b) − ½|) donnée par la page néerlandaise, pas la seconde (ba), qui causerait des discontinuités. Tous ces cas se rassemblent sous une seule formule : min(1−a, b, ba) (toujours sous la condition a<b). Maintenant, je ne sais pas s'il y a une façon simple de le dire (le mieux que je trouve est : la plus petite des mesures (algébriques) des trois intervalles, portées sur le diamètre solaire passant par le centre géométrique de la Lune, entre le bord gauche du Soleil ou de la Lune, et le bord droit du Soleil ou de la Lune, au moins l'un des deux bords devant être celui de la Lune). Toujours est-il que c'est un exemple de ce qui m'énerve souvent en astronomie, les définitions approximatives qu'on ne sait pas comment prolonger à tous les cas.

Pour les généralités sur les éclipses (la notion de ligne des nœuds, de mois et d'année draconitiques, de saros, etc.), je renvoie à cette vieille entrée. Ici, je veux parler avant tout des figures comme ci-dessus, et de l'aspect géographique des éclipses. Je me contenterai donc de rappeler, à tout hasard, que le cône de pénombre à un instant donné est le cône des points de l'espace d'où on voit le Soleil partiellement éclipsé par la Lune, c'est-à-dire le cône tangent simultanément au Soleil et à la Lune dont le sommet est entre les deux, tandis que le cône d'ombre est celui des points d'où on voit le Soleil totalement éclipsé, c'est-à-dire le cône tangent simultanément au Soleil et à la Lune dont le sommet est situé approximativement au niveau de la Terre, la partie située de l'autre partie de ce cône étant le cône d'annularité, qu'on peut aussi considérer comme faisant partie du cône d'ombre. Venons-en à la figure. Sous réserve d'erreurs et d'incomplétudes de ma part, donc :

  • Ce qu'on appelle le moment d'éclipse maximale pour un lieu donné (resp. le lieu d'éclipse maximale pour un moment donné), c'est le moment (resp. le lieu) où le centre géométrique de la Lune est le plus rapproché de celui du Soleil à cet endroit (resp. à cet instant). S'il existe (à un instant donné) un endroit, dit lieu de centralité d'où les centres géométriques du Soleil et de la Lune coïncident, il s'agit du lieu d'éclipse maximale pour cet instant (le contraire n'est pas vrai : si l'éclipse n'est pas / plus / pas encore centrale, elle a quand même un lieu d'éclipse maximale). D'autre part, comme le diamètre angulaire de la Lune ou du Soleil ne change essentiellement pas au cours de l'éclipse, l'éclipse maximale correspond aussi de très très près au moment (ou au lieu) où la magnitude de l'éclipse, définie plus haut, est maximale, si bien qu'on peut considérer que c'est la même chose (si on ne veut pas faire cette approximation, je ne sais pas exactement ce qu'il faut changer dans ce qui suit : voici encore un exemple de définition approximative que je ne sais pas rendre exacte).
  • Les courbes en bleu clair marquent les lignes d'égale magnitude d'éclipse maximale au lieu en question (par intervalles de 0.2). Les grandes courbes en bleu foncé marquent les bords de la région de totalité (région où on on voit à un certain moment une éclipse totale), et coïncident avec la ligne de magnitude 1 de l'éclipse. Les lignes vertes marquent les lignes de moment d'éclipse maximale au lieu en question (par intervalles de 30min). Les petites lignes bleu foncé (en forme approximative d'ellipse) marquent les régions de totalité (=intersection du cône d'ombre aver la Terre) figurées toutes les 10 minutes (on peut deviner l'heure en question en comparant aux étiquettes des lignes vertes).
  • Le point global d'éclipse maximale est le double maximum de magnitude dans le temps et dans l'espace. Le moment correspondant d'éclipse maximale est celui qui est choisi pour dessiner la Terre : la Terre est représentée en projection orthographique centrée sur ce point d'éclipse maximale, la division jour/nuit est faite au moment d'éclipse maximale, et le point subsolaire marqué (c'est-à-dire, le point où le Soleil est au zénith) est celui du moment d'éclipse maximale. (Je ne sais pas pourquoi le point sublunaire au même moment n'est pas également donné — si je ne m'abuse, il doit être quelque part sur l'arc de grand cercle reliant le point subsolaire au temps d'éclipse maximale et le point d'éclipse maximale.)
  • Le point et instant P1 est le lieu et le moment où se produit la première tangence externe du cône de pénombre de la Lune sur la Terre. C'est donc l'endroit où en premier on aperçoit une quelconque partie de Soleil éclipsée par la Lune : ceci se produit forcément à l'horizon (et normalement au — commencement du — lever du Soleil puisque l'ombre de la Lune se déplace plus vite sur la Terre que la Terre ne tourne dans le même sens). Symétriquement, le P4 est le lieu et le moment où se produit la dernière tangence externe (point où en dernier on voit un bout d'éclipse).
  • Le point et instant P2 et le lieu et le moment où se produit la première tangence interne du cône de pénombre de la Lune sur la Terre. C'est donc le point où on aperçoit en dernier un bout de Soleil éclipsé juste à l'instant où il traverse l'horizon (ou quelque chose de ce goût-là : je n'ai pas les idées claires sur la bonne description à faire). Le point P3 est symétrique (dernière tangence interne). Les points P2 et P3 n'existent pas si le cône de pénombre n'est jamais complètement limité par la Terre (c'est notamment le cas pour une éclipse partielle — au sens nulle part totale ni annulaire).
  • Les courbes magenta extérieures marquent les endroits où l'éclipse se produit au lever ou au coucher du Soleil : mettons pour simplifer qu'on soit dans un cas comme celui-ci où les courbes sont bien séparées. Celle qui passe par P1 est celle des endroits où le premier point du Soleil à être éclipsé est au niveau de l'horizon (l'éclipse commence à ces endroits au moment où le premier point éclipsé du Soleil se lève). Celle qui passe par P2 est celle des points où le dernier point du Soleil à être éclipsé est au niveau de l'horizon (sur cette courbe, on ne voit donc essentiellement pas l'éclipse, parce qu'elle finit au moment où le dernier point éclipsé du Soleil se lève). Les courbes passant par P4 et P3 sont symétriques.
  • La courbe magenta à peu près médiane entre celles passant par P1 et P2 (et sur laquelle par convention on termine les courbes bleu clair) correspond aux endroits où le moment d'éclipse maximale se produit au lever astronomique du Soleil (c'est-à-dire, le moment où le centre géométrique du Soleil franchit l'horizon), et symétriquement, on marque la courbe des points où le moment d'éclipse maximale se produit au coucher astronomique du Soleil. Les extrémités nord et sud des courbes magenta marquent les endroits où l'éclipse n'affecte qu'un point du Soleil (magnitude maximale 0) et où le moment où elle se produit coïncide avec le moment où ce point est sur l'horizon (et qui doit aussi coïncider avec le moment où le centre du Soleil franchit lui aussi l'horizon — de nouveau, je n'ai pas les idées très claires sur les niveaux d'approximation impliqués).
  • Lorsque la courbe magenta a un point double (comme pour l'éclipse d'hier), forcément dans les régions polaires, le nœud en question correspond à l'endroit où l'éclipse commence et finit sur l'horizon (et aussi en bonne approximation(?) atteint aussi son maximum sur l'horizon). L'éclipse d'hier était particulièrement remarquable en ce qu'elle s'est aussi produite quasiment à l'équinoxe, donc le point en question coïncide presque avec le pôle nord : au pôle nord on a pu voir le Soleil, coupé en son milieu par l'horizon, traversé par la Lune de part en part, elle aussi suivant l'horizon, l'éclipse a donc commencé et fini sur l'horizon.
  • Comme expliqué sur cette page, la ligne des points où le moment d'éclipse maximale se produit le plus tôt (en temps absolu) pour une magnitude donnée ne coïncide pas, comme on pourrait le croire, avec celle des points où le moment l'éclipse maximale se produit au lever du Soleil. Si vous arrivez à visualiser ça intuitivement, vous êtes plus doué que moi. De même, si vous arrivez à visualiser à quoi devrait ressembler la courbe des points où le moment d'éclipse maximal se produit au début (resp. à la fin) du lever, ou du coucher, du Soleil. (Un des problèmes avec le terminateur jour/nuit est qu'on figure celui qui marque les endroits où le centre géométrique du Soleil est à l'horizon, alors qu'on devrait en figurer trois : en ajoutant les endroits où le Soleil commence à se lever/coucher, et ceux où il finit de se lever/coucher ; à moins que j'aie mal compris, P1 et P2 sont sur l'un et l'autre pour les instants correspondants. Bref, il y a plein de courbes subtilement différentes[#] qu'on pourrait figurer, et je ne suis pas certain d'avoir trouvé exactement les bonnes définitions.)
  • De même qu'on définit quatre endroits et instants P1, P2, P3, P4 de tangence de la sphère avec le cône de pénombre, on peut en définir quatre, U1, U2, U3, U4, avec le cône d'ombre. Les temps sont indiqués, mais pas les lieux correspondants, qui sont proches des (mais pas identiques aux) points marquant les extrémités de la bande de totalité — par exemple, U1 correspond au premier endroit qui voit une éclipse totale, cette éclipse se produisant au lever du Soleil, et plus exactement le point où le disque lunaire vient toucher intérieurement le disque solaire traverse l'horizon quand ça se produit (tandis que pour U2, c'est quand l'éclipse totale se finit que le point correspondant du Soleil se lève, donc en U2 on ne voit essentiellement pas l'éclipse totale). On pourrait faire des courbes analogues aux courbes magenta pour l'éclipse totale (le lieu, passant par U1, des points où le dernier point du Soleil à être éclipsé, i.e., le « premier point d'éclipse totale », est au niveau de l'horizon, etc.), mais ces courbes seraient toutes petites et quasiment confondues avec les extrémités de la bande de totalité (ceci dit, pour l'éclipse d'hier, la courbe en question passant par U3 et U4 aurait un nœud, ce qui est extrêmement rare — enfin, je crois, parce que je m'embrouille de nouveau un peu).

Voir aussi cette page pour une description des sigles divers et variés utilisés dans les cartes.

J'aimerais bien faire un programme qui calcule ce genre de diagrammes (il ne semble pas en exister qui soit libre), mais je n'ai vraiment ni le temps ni la patience pour ça.

D'autre part, je n'ose même pas essayer d'imaginer à quels endroits j'ai fait la supposition abusive que la Terre est sphérique, ou que la vitesse de la lumière est infinie, et ce qu'il faut changer (if anything) quand on ne le suppose plus.

[#] Exemple : ce que je crois avoir compris (et que j'explique ci-dessus), c'est que la courbe magenta passant par P1 est la courbe des endroits où le point du Soleil éclipsé en premier par la Lune se situe au niveau de l'horizon quand ceci se produit (i.e., le point du Soleil par lequel l'éclipse commence se lève justement quand l'éclipse commence). Mais je peux aussi considérer la courbe des endroits où le point le plus bas du Soleil au niveau de l'horizon au moment où l'éclipse commence (i.e., le Soleil finit de se lever quand l'éclipse commence), ou bien où le point le plus haut du Soleil au niveau de l'horizon au moment où l'éclipse commence (i.e., le Soleil commence à se lever quand l'éclipse commence), ou encore où le centre géométrique du Soleil au niveau de l'horizon au moment où l'éclipse commence (i.e., le Soleil se lève astronomiquement quand l'éclipse commence). Ceci fait quatre courbes différentes, les deux premières passant par P1. Et puis je peux considérer les mêmes choses en remplaçant quand l'éclipse commence par quand l'éclipse finit ou quand l'éclipse atteint son maximum (ça ça ne fait que trois courbes). Donc j'ai défini onze courbes différentes d'éclipse au lever du Soleil, et franchement, je me mélange un peu entre elles, parce que je n'y vois pas grand-chose. Mais aucun texte d'astronomie ne semble s'exprimer suffisamment clairement pour qu'on puisse vraiment être sûr que j'ai bien identifié laquelle de mes onze courbes, ou du moins des deux passant par P1, est celle marquée en magenta.

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(dimanche)

Méditations sur la taille de la Terre

Supposons que je sois perdu tel Robinson Crusoë sur une île déserte, sans aucun instrument de mesure précis : aurais-je un moyen d'estimer la taille de la Terre, ou au moins d'en connaître l'ordre de grandeur ?

On connaît sans doute la fameuse expérience d'Ératosthène qui consiste à mesurer la différence d'angle entre la position du Soleil au même moment à deux villes passablement éloignées et dont la distance est connue : cette expérience donne une bonne précision, mais évidemment, sur mon île, je n'ai pas le moyen de la mener. Comment faire ?

L'observation la plus classique permettant de démontrer que la Terre est ronde consiste à regarder un bateau apparaître à l'horizon et remarquer qu'on en voit le sommet du mât avant (ou après, si le bâteau s'éloigne) la coque. Mais si je vois un bâteau à l'horizon, je serai plus intéressé à l'appeler à l'aide qu'à mesurer la taille de la Terre.

h R R α α

Ce que je peux faire en principe, en revanche, c'est utiliser un coucher de Soleil. Le principe, où l'on suppose la Terre parfaitement ronde, est le suivant : si un point à l'infini est exactement sur l'horizon au niveau du sol, alors quand on le regarde depuis une hauteur h, ce point apparaît au-dessus de l'horizon d'un angle α tel que cos(α)=R/(R+h) où R est le rayon de la Terre, c'est-à-dire, plus exactement, que l'horizon est plus bas de cet angle α. Cet angle α est aussi l'angle, mesuré au centre de la Terre, entre la base du point d'où l'on observe, et la limite de visibilité (le point le plus loin qu'on puisse voir). Lorsque h est très petit devant R, ceci donne α=√(2h/R). Si on arrive à mesurer α, on connaît donc h/R.

La difficulté, évidemment, c'est que mesurer α va être très technique. On peut essayer d'attendre un coucher du Soleil, mettre ses yeux au niveau de l'eau (puisqu'on est sur une île), attendre l'instant exact où le Soleil a fini de disparaître à l'horizon, puis se redresser de toute sa hauteur et estimer la fraction du disque solaire qu'on voit remonter au-dessus de l'horizon (ce sera vraiment très grossier parce que l'angle α sera de l'ordre de 2′, ou quelque chose comme un quinzième du diamètre apparent du Soleil ; on peut aussi l'estimer en se faisant une idée du temps qu'il faut pour que le Soleil disparaisse de nouveau complètement depuis la hauteur qu'on a prise — ce sera de l'ordre d'une dizaine de secondes — mais ceci dépend bien sûr de la latitude de l'île, encore qu'on peut estimer celle-ci en cherchant l'élévation du pôle céleste autour duquel les étoiles semblent tourner ; une autre source d'imprécision sera la réalisation du niveau de la mer, parce qu'une erreur de quelques centimètres sur celui-ci donne facilement une erreur de quelques fractions de minute sur l'angle α). Tout de même, si on cherche simplement à avoir un ordre de grandeur très grossier sur R (ou plutôt, sur R/h), c'est déjà quelque chose. Peut-être qu'une meilleure mesure consisterait, si l'île est dotée de falaises, à regarder à quelle vitesse l'ombre de la nuit monte sur la falaise.

Je ne sais pas bien dans quelle mesure la valeur assez précise trouvée par Ératosthène pour la taille de la Terre était encore connue au Moyen-Âge ou à la renaissance. On s'imagine parfois que les gens au Moyen-Âge croyaient que la Terre était plate, c'est complètement faux et je ne sais pas d'où est sortie cette légende urbaine, qui va parfois jusqu'à suggérer l'idée totalement saugrenue que Christophe Colomb aurait navigué vers l'ouest pour prouver — ou parce qu'il était le seul à savoir — que la Terre était ronde, ce qui est tout de même assez stupide comme idée. Ce qui est sans doute plus vrai, c'est que Colomb croyait pour une raison ou une autre à une valeur fausse (i.e., nettement plus petite) de la taille de la Terre, alors que tout le monde voyait bien que c'était déraisonnable, sauf à supposer rencontrer un providentiel continent en chemin, de partir de Palos de la Frontera pour arriver à Cipango (qui mûrit le fabuleux métal en ses mines lointaines) par l'ouest.

Dans cet ordre de question, je me suis toujours demandé si lors de l'expédition de Magellan on avait pensé que les membres de l'expédition verraient s'écouler un jour de moins que ceux restés en Espagne. (L'article Wikipédia suggère que ce fait a causé une grande excitation et qu'on en a même fait part au pape : ça ne dit pas vraiment si on y avait pensé avant, si le fait était controversé, si c'était une véritable découverte, ou quoi encore.) Je pense que c'est la première manière dont on a pu se rendre compte, concrètement, de l'existence d'un décalage horaire entre les parties du globe (parce que les premières horloges suffisamment précises pour permettre d'estimer correctement la longitude ne sont venues qu'assez tard — en fait, la question qui se pose concrètement est de comparer d'une part la vitesse du bateau par rapport à la vitesse de la Terre et d'autre part la précision des meilleures horloges : ce n'est que quand le premier devient supérieur au second qu'on peut apercevoir concrètement un décalage horaire sans faire le tour de la Terre).

J'ai toujours trouvé assez fascinant de me demander quels phénomènes astronomiques, ou quels ordres de grandeur, on peut réussir à estimer, au moins grossièrement, par des expériences extrêmement simples. Notre Robinson Crusoë sera peut-être plus intéressé à estimer sa latitude (ou déjà à chercher, s'il ne le sait pas, dans quel hémisphère il se trouve, en voyant si le Soleil va plutôt de la gauche vers la droite ou de la droite vers la gauche dans le ciel) qu'à mesurer la taille de la Terre, mais admettons. Peut-on estimer d'autres choses ? Il semble qu'historiquement la taille de la Lune ait été estimée — par Aristarque de Samos — lors d'une éclipse de Lune : on peut alors remarquer que l'ombre de la Terre est très grossièrement trois ou quatre fois plus grosse que la Lune, ce qui donne à la fois un ordre de grandeur de sa taille et de sa distance (puisqu'on connaît son diamètre apparent) ; je ne vois pas trop d'autre moyen d'y arriver sans connaître les lois de Newton. Quant à la distance ou la taille du Soleil, je ne vois qu'une façon d'en obtenir une minoration (très très grossière) en constatant que lors d'un quartier de Lune (c'est-à-dire lorsque l'angle Soleil-Lune-Terre, mesuré à la Lune, est droit) la séparation angulaire entre le Soleil et la Terre (c'est-à-dire l'angle Soleil-Terre-Lune, mesuré à la Terre) est à peu près aussi droit qu'on peut le juger : ceci ne permet que de se rendre compte que le Soleil est beaucoup plus loin de la Terre que ne l'est la Lune, mais il semble que la première détermination à peu près précise de la distance Soleil-Terre n'a été faite qu'en 1672 par Cassini et Richer (par mesure du parallaxe de Mars entre Paris et Cayenne).

L'estimation, extrêmement grossière, de la distance à une étoile proche, a été faite une vingtaine d'années plus tard par Huygens en partant du principe que les étoiles avaient la même luminosité intrinsèque que le Soleil (ce qui est complètement faux en général, et assez faux pour l'étoile qu'il avait choisie, mais pas déraisonnable comme principe si on veut se faire une idée des distances cosmiques) : il a cherché à réaliser un trou dans un disque de métal d'une taille telle que le Soleil vu à travers ce trou soit à peu près de la même luminosité, jugée à l'œil, que Sirius ; c'est une estimation incroyablement difficile à faire, et de fait, Huygens s'est trompé d'un ordre de grandeur : il a trouvé que Sirius vu depuis la Terre était environ 30000² fois moins lumineux que le Soleil (i.e., qu'il fallait faire un trou de 1/30000 du diamètre apparent du Soleil pour obtenir la même luminosité) alors qu'en fait il est plutôt 100000² (c'est-à-dire 1010) fois moins lumineux ; comme en plus il ne savait pas que Sirius est intrinsèquement 25 fois plus lumineux que le Soleil, il a trouvé une distance Terre-Sirius de 30000 unités astronomiques (distances Terre-Soleil) au lieu de 540000 : mais peu importe, le principe de l'idée est absolument génial, et je ne vois pas comment on aurait pu faire mieux à son époque. (On a pu commencer à mesurer vraiment la distance aux étoiles en observant leur parallaxe, mais ça a été plus compliqué que prévu parce que Bradley, en cherchant à y arriver vers 1725, est d'abord tombé sur le phénomène d'aberration de la lumière.)

Je redescends sur Terre, ou du moins, plus près d'elle.

Parlons un peu de la station spatiale internationale. Beaucoup de gens s'imaginent sans doute qu'elle est très loin de la Terre, et que la raison pour laquelle les astronautes à l'intérieur sont en état d'impesanteur est que cette distance est suffisamment grande pour que la gravité soit très faible. C'est tout à fait faux : la station spatiale internationale est à une altitude très faible par rapport au rayon de la Terre (autour de 400km : c'est certes 50 fois la hauteur de la plus haute montagne du monde — le K2 — mais c'est à peine 6% du rayon de la Terre) : l'accélération de la gravité y est donc quasiment la même qu'à la surface (plus exactement, elle est 11% plus faible). La raison pour laquelle l'intérieur de l'ISS est en impesanteur est simplement le principe d'équivalence : la station spatiale est en chute libre (au sens où elle n'est soumise qu'à la gravitation), et plus exactement, en orbite, ainsi que tout ce qui est à l'intérieur.

Quelle est la vitesse (horizontale, bien sûr) de la station spatiale par rapport au sol ? En fait, l'altitude n'a guère d'importance vu qu'elle est faible, on pourrait se poser la question au niveau du sol : à quelle vitesse faut-il se déplacer à la surface de la Terre pour être en orbite au niveau du sol, c'est-à-dire, ne plus sentir de poids ? La réponse est simplement, à la vitesse v telle que l'accélération centrifuge ressentie du fait de parcourir le tour de la Terre à vitesse v compense justement l'accélération g de la pesanteur. C'est-à-dire v²/R = g ou v=√(R·g). Comme R vaut environ 6400km (soit 6.4×106m) et g vaut 9.8m/s², on en déduit une vitesse de 7900m/s (ou 28000km/h) : juste en allant tout droit à cette vitesse on est en état d'impesanteur. (Pour la station spatiale, c'est un chouïa moins, 7700m/s.) C'est amusant parce que, à un chiffre significatif, le calcul se fait vraiment de tête, sans rien savoir : je pense que c'est un bon test pour savoir si quelqu'un a compris sa physique de lycée, « quelle est la vitesse de la station spatiale internationale ». On peut aussi y arriver avec la troisième loi de Kepler ou avec le principe que, pour un objet en orbite circulaire, l'énergie cinétique égale −½ fois l'énergie potentielle gravitationnelle.

Et il y a un rapport avec la première chose que je racontais. En effet, mettons que je monte à une certaine hauteur h (très petite devant le rayon R de la Terre) : depuis cette hauteur, je vois le sol jusqu'à une distance d=√(2R·h) (c'est-à-dire R·α avec mes notations précédentes) ; eh bien cette distance est justement celle v·t que parcourt la station spatiale (ou du moins un objet en orbite au niveau du sol) dans le temps t=√(2h/g) qu'il faut pour qu'un objet en chute libre (sans frottements) tombe depuis la hauteur h. Pour dire ça de façon plus imagée : si je monte en haut d'une tour et que quand la station spatiale est à mon niveau je fais tomber une balle du haut de cette tour, la balle touche le sol au même moment que la station arrive au niveau de mon horizon de visibilité. Ce n'est pas un hasard : c'est justement ce que fait la station : de façon très imagée, elle est en chute libre et, pour compenser cette chute libre, elle doit se déplacer à juste la distance qu'il faut pour que la convexité de la Terre crée la même hauteur sous ses pieds.

Ça me fait penser à une autre égalité astucieuse un peu dans la même ligne de pensée : si la Terre s'arrêtait brutalement sur son orbite, combien de temps faudrait-il pour qu'elle tombât dans le Soleil ? (Je pose la question avec la Terre et le Soleil plutôt qu'avec un objet qui orbiterait la Terre au niveau de la surface, parce qu'il faut que la source de gravité soit ponctuelle.) La réponse est : à peu de choses près, trois mois. Pourquoi ? parce que la troisième loi de Kepler s'applique encore pour décrire la trajectoire elliptique dégénérée de la chute en question, dont le demi-grand-axe est quasiment le même que la trajectoire orbitale précédente, c'est-à-dire une distance Terre-Soleil, donc la période orbitale doit être la même, et le temps de tomber dans le Soleil correspond à un quart de période, i.e., le quart de douze mois. (Cette question avait été posée au Concours général de physique l'année où je l'avais passé, et j'avais été assez content de trouver cette réponse.) [Correction () : Je dois mal me rappeler la question, parce que, comme on me le signale en commentaire, j'ai mélangé grand-axe et demi-grand-axe dans cette histoire : la trajectoire de chute a un grand-axe égal au demi-grand-axe (rayon) de la trajectoire normale de la Terre (et par ailleurs le temps de chute est une demi-période), donc on ne peut plus rien dire d'intelligent (à moins d'invoquer la relation précise dans la troisième loi de Kepler, ce qui fait 3/√2 mois, mais n'est clairement pas l'esprit donc le problème devait être différent ; peut-être qu'il s'agissait simplement de trouver un ordre de grandeur).]

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