David Madore's WebLog: Encore des aventures avec le commerce en ligne

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(vendredi)

Encore des aventures avec le commerce en ligne

Bienvenue sur ce blog pour un nouveau numéro de First World Problems dans le grand cycle des ronchonneries de Gro-Tsen.

Acheter des choses sur Internet (quelque chose que je fais beaucoup) marche merveilleusement bien quand ça marche : tout est automatisé, on va sur un site marchand, on cherche le produit qu'on veut, clic clic clic on saisit son adresse, un numéro de carte bancaire (dans mon cas, comme je le disais récemment, toujours un numéro de carte temporaire à usage unique valable pour le seul montant que je dois payer, ça apporte une grande tranquillité d'esprit si on décide d'acheter des choses sur des sites chinois suspects), et le produit arrive quelque temps plus tard. Mais le revers de ce système totalement automatisé, c'est que s'il y a un problème, on est vite pris dans un monde kafkaïen où il est impossible de communiquer avec un humain. (Une des choses, d'ailleurs, qui fait le succès de l'employeur de mon poussinet auprès de leurs clients, c'est justement qu'ils mettent les ressources humaines nécessaires pour répondre aux mails des gens qui ont un problème. Au lieu de, par exemple, déléguer ça à un call-center outsourcé très loin. Mais ils sont l'exception et pas la règle.)

Alors certes, on est facilement remboursé. Depuis le temps que j'achète des choses en ligne, y compris, je le disais, parfois sur des sites un peu suspects et mal traduits depuis le chinois, il ne m'est encore jamais arrivé que je paie, que le produit n'arrive jamais et que je n'obtienne pas de remboursement. Il m'est arrivé que le produit soit merdique, ne colle pas avec sa description, que la réexpédition soit trop chère et que je me dise que tant pis autant prendre ce qu'on m'a envoyé. Mais quand je ne reçois rien, je suis toujours remboursé (au moins jusqu'à présent : peut-être que j'ai eu énormément de chance, après tout ; d'un autre côté, les choses que j'achète ne sont jamais très chères, donc même si ça m'arrivait, ce ne serait pas un drame).

Et de fait, il arrive relativement souvent que je ne reçoive rien. Parce que le problème avec le processus tout automatisé du commerce en ligne, c'est la dernière étape : la livraison. Dans la course effrénée à diminuer les coûts, on s'est mis à faire appel à des transporteurs dont l'incompétence s'apparente véritablement à de l'escroquerie (ils ne font aucun effort pour livrer le colis, ne passent pas sonner chez vous ni laisser un avis de passage, ils décident simplement que vous n'êtes pas là et renvoient le colis à l'expéditeur qui en est quitte pour les frais de livraison). Dans le meilleur des cas il faut passer la journée chez soi, dans le pire, même ça ne suffit pas : c'est pour ça que je préfère, quand c'est possible, faire livrer à un point de retrait (commerçant du quartier ou bureau de poste), mais ce n'est pas toujours, justement, possible. Bon, je vais éviter de réécrire ce que j'ai déjà raconté, tout le monde sait déjà ça.

Le truc, c'est qu'être remboursé n'est généralement pas ce qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est le produit qu'on achetait : si on a fait la démarche de l'acheter, c'est qu'on estime que ce produit avait une valeur (une utilité, au sens microéconomique) supérieure au prix demandé par le vendeur plus le temps consommé à passer la commande. Donc si on reçoit le remboursement au lieu du produit, on n'est pas content du tout. À cela s'ajoute un effet psychologique : dès lors qu'on a passé commande et payé pour quelque chose, on passe dans le modèle mental où on en est propriétaire, et il y a un attachement qui se crée qui fait qu'on donne à l'objet une valeur plus grande que celle qu'on a payée — du coup, on ne sera plus prêt à le revendre pour le même prix. Le scénario suivant sera peut-être éclairant : si on organise une vente aux enchères d'un artefact historique inestimable (disons, le gobelet MacDonalds dans lequel Jésus a bu son Coca-Cola lors de son dernier repas avec ses douze potes préférés), que les enchères atteignent des niveaux stratosphériques, et que finalement on annonce que c'était une blague et que l'objet n'existe pas, celui qui pensait avoir remporté l'enchère sera furieux d'être privé de la victoire qu'il pensait avoir reportée.

Or quand j'achète des choses en ligne, souvent le problème n'est pas le prix, c'est la disponibilité. La loi de la distribution logarithmique fait que dans l'ensemble des prix de l'Univers il y a essentiellement deux catégories : les choses qui sont trop chères pour que je puisse me les payer, et les choses qui sont tellement peu chères que le prix m'importe très peu — évidemment, il arrive qu'on tombe entre les deux, mais c'est finalement assez rare. Ce qui limite mes achats en ligne, c'est donc souvent d'autres choses que l'argent : l'espace de stockage dans mon appartement, ou la disponibilité des produits en ligne (ou parfois, aussi, la flemme de passer commande, ce qui implique souvent de créer une adresse mail pour le site, générer un mot de passe bidon, etc.).

Récemment j'avais acheté un foobar bleuté dont j'étais particulièrement content. Je voulais en acheter un deuxième, si possible exactement identique. Malheureusement, entre temps, beaucoup des sites marchands vendant des foobars avaient cessé d'avoir ce modèle. Et le problème quand on cherche un terme dans Google c'est qu'on tombe sur plein de pages qui décrivent le produit en question juste pour dire qu'il n'est plus disponible : on a beau ajouter -"épuisé" -indisponible -"sold out" -"out of stock" -unavailable -ausverkauft -"nicht verfügbar" et plein d'autres choses comme ça à la fin de la recherche, ça ne marche jamais complètement. Quand on ajoute la difficulté à filtrer uniquement les sites qui veulent bien livrer dans l'Union européenne, les choses se compliquent encore. J'ai donc passé un temps considérable à dénicher le site qui avait encore mon foobar bleuté : une petite entreprise familiale appelée Amazon.fr. (Je ne plaisante pas, le produit était bien sur Amazon, enfin, ce n'est pas Amazon qui le vend, ils font juste les intermédiaires-qui-se-sucrent-au-passage, mais je ne sais pas pourquoi c'était très difficile à trouver chez eux.) J'ai passé commande en mettant mon adresse professionnelle comme adresse de livraison, espérant qu'elle soit un peu plus fiable (l'avantage est qu'il y a toujours quelqu'un pour réceptionner). Mais le colis n'est quand même pas arrivé. Je n'ai aucune explication, bien sûr : le site Web de Colissimo me dit juste successivement Votre colis est arrivé sur son site de distribution (le 19 avril) puis Votre colis n'a pas pu être livré, il est retourné à l'expéditeur (le 20 avril), et enfin Votre colis est livré à l'expéditeur suite à un retour (le 21 avril) ; je n'ai aucune idée de ce qui s'est passé. Peut-être la poste a-t-elle buggué, peut-être l'expéditeur a-t-il mal imprimé mon adresse, peut-être est-ce un gag comme ceci (j'ai donné mon adresse professionnelle avec un cedex, ne sachant pas que l'expéditeur était en Allemagne : peut-être que ça embrouille les choses). [Mise à jour : Il semble que le problème était dans le transfert de l'adresse entre Amazon et l'expéditeur.]

Je vais sans doute être remboursé. Je m'en fous, ce n'est pas ça mon problème. Mon problème est que je voulais le foobar bleuté. Et que le temps que je m'aperçoive de l'échec de la livraison, il est passé de très difficile à trouver en ligne à quasiment impossible à trouver en ligne.

J'ai bien sûr essayé d'écrire à l'expéditeur pour demander s'ils pouvaient renvoyer le colis ou me le mettre de côté, au lieu de simplement me rembourser. Mais bien sûr, ce n'est pas possible « pour des raisons techniques » (je suppose qu'ils ont une organisation extrêmement compartimentée, et les gens qui gèrent les retours et l'inventaire ne parlent jamais aux gens du support client : c'est précisément ce type d'organisation qui conduit à des situations ubuesques ; en tout cas, retour⇒remboursement, il n'y a pas d'autre solution). J'ai demandé si le produit redeviendrait disponible lorsque mon retour serait pris en compte, j'ai eu une réponse très vague dont la signification était sans doute que celui qui m'écrivait n'en savait pas plus que moi : est-ce qu'il a déjà été acheté par quelqu'un d'autre ? est-ce qu'il s'est perdu dans leur stock ? mystère. Il faut dire aussi que ma communication avec l'expéditeur passe obligatoirement par Amazon, qui fait tout son possible pour nous empêcher de nous parler directement ou simplement (par exemple, il nous est interdit d'échanger une adresse mail, il faut passer par un formulaire sur le site d'Amazon, accompagné d'un gros avertissement comme quoi tout ce que je dirai sera censuré par Amazon pour ma protection — tout ceci a un côté délicieusement kafkaïen).

Du coup, j'ai essayé de développer un plan B, ou plutôt des plans B, C et D.

Plan D : j'ai trouvé un foobar identique, mais pas de la bonne couleur (il est bleu au lieu d'être bleuté) ; bon, j'ai quand même passé commande de ça, on verra bien si ça arrive, même si je suis un peu sceptique parce que la version en français du site Web marchand avait tellement d'erreurs de traduction et de liens cassés que j'ai dû manuellement changer trois fois d'URL juste pour commander, il y a des bonnes chances que mon paiement soit parti dans l'espace. (Le site original doit être en suédois. Moi je n'ai pas de problème pour commander sur un site en suédois, sauf qu'il refuse de me laisser entrer une adresse de livraison en France : il faut passer par le site en français pour ça.) Plan C : j'ai mis en place des scripts Perl qui téléchargent régulièrement la page décrivant le foobar bleuté sur le site d'Amazon et le site principal du vendeur qui n'avait pas réussi à me l'expédier, et qui m'enverront un mail s'il redevient disponible. Mais j'y crois assez peu.

Plan B : j'ai quand même trouvé un site marchand, ça semble être une toute petite boutique, qui prétend encore avoir le foobar bleuté ; seulement, ils ne livrent qu'en Allemagne, Suisse, Autriche et Luxembourg. (Je n'ai jamais compris la raison de ce genre de choses : est-ce pour des raisons légales ? parce qu'ils ont la flemme de faire un site Web en autre chose qu'en allemand ? mais même dans ce cas, pourquoi interdire aux germanophones qui habiteraient en France de passer commande ?) Plan B₁ : je leur ai envoyé un mail dans mon meilleur allemand en leur demandant s'ils pouvaient quand même m'autoriser à passer commande chez eux et en disant que je suis bien sûr prêt à payer tous les frais supplémentaires qui pourraient en résulter. Pour l'instant, ils n'ont pas répondu, et je commence à douter qu'ils le feront. Plan B₂ : trouver quelqu'un habitant dans un de ces pays qui veuille bien recevoir et réexpédier le foobar bleuté ; seulement, en fait, je ne connais personne qui habite dans un pays germanophone et à qui je pourrais raisonnablement demander ce service, donc peut-être que je devrais aller passer une petite annonce sur Reddit (avec des chances de tomber sur quelqu'un de malhonnête, mais bon, ce n'est pas non plus un drame). L'arbre des plans et sous-plans se divise sérieusement. À ce stade-là, ce n'est plus une question de combien je veux avoir mon foobar bleuté, c'est un peu un défi de voir si je vais m'en sortir.

(Pour ceux qui sont vraiment curieux de savoir ce que je cherche à acheter, ce n'est pas vraiment passionnant : voyez ici, , ou . Oui, d'accord, bleuté veut dire gris et noir. Et tous ces liens s'autodétruiront certainement dans quelques mois vue la fugacité du Web marchand — ceci dit, pour des produits de toute façon indisponibles, ce n'est pas forcément un mal.)

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