David Madore's WebLog: Fragment littéraire gratuit #149 (trois moments)

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(samedi)

Fragment littéraire gratuit #149 (trois moments)

La première scène se situe la veille de Noël 1557 au monastère de Yuste en Estrémadure, où Titien est en secret venu rendre visite à l'empereur abdiqué. Charles Quint, mi-assis mi-allongé, fiévreux et presque défiguré par la douleur, a les yeux fixés sur une immense horloge. Les notes d'un orgue résonnent confusément entre les murs. Sur la table, une carte du monde sur laquelle une bible a été posée de façon que la tranche du livre soit exactement alignée sur le méridien défini par le traité de Tordesillas. Le peintre contemple intensément cette image, gravant dans sa mémoire une toile qu'il ne peindra jamais.

La seconde scène a lieu le 28 juin 1915 à Göttingen, dans le bureau du grand Felix Klein. Les événements turbulents du monde extérieur ne paraissent avoir aucune prise dans cet espace feutré où le temps semble s'être arrêté. Le professeur émérite pose un regard interrogateur sur ce brillant jeune homme tout juste arrivé de Berlin pour donner une série de cours ; Klein a un air de vieux chat, il est impossible de savoir ce qu'il pense. Albert Einstein — le jeune professeur de Berlin — montre à David Hilbert, qui l'a invité ici, une lettre qu'il a reçue de Padoue quelques mois plus tôt.

La troisième scène se déroule le 25 juin 2004 à Paris, dans un petit appartement du sixième arrondissement. Umberto Eco vient d'y rentrer et pose sur l'étagère le livre qu'il a lu en chemin depuis Bologne, d'où il arrive : un roman sur lequel on ne cesse de lui demander son avis sous prétexte qu'il s'agirait d'un mauvais pastiche du Pendule de Foucault. Eco jette un regard sur l'église Saint-Sulpice par la fenêtre et place le Da Vinci Code à côté d'un exemplaire de Là-bas de Huysmans. Puis il murmure : Et si ce Dan Brown était lui-même un personnage de fiction ?

Bon, je dois admettre que mes textes en viennent parfois à ressembler à des caricatures d'eux-mêmes, et que le grand Felix Klein c'est un peu facile comme blague. Néanmoins, mon lecteur s'amusera peut-être à essayer de retrouver ce qui est vrai et ce qui est inventé là-dedans, parce que je n'en ai moi-même pas une idée totalement claire (c'est bien ça qui est intéressant, non ?).

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