David Madore's WebLog: Faut-il communiquer sur l'intuition en mathématiques ? — ici : le corps de classes

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(lundi)

Faut-il communiquer sur l'intuition en mathématiques ? — ici : le corps de classes

Une question qui fait régulièrement débat en ce qui concerne la rédaction mathématique est de savoir si l'auteur d'un livre ou article mathématique doit se contenter de définir des concepts et démontrer leur propriété ou si (ou plutôt, dans quelle mesure) il doit tenter de proposer une façon de les visualiser intuitivement et guider le lecteur sur la manière d'y penser.

Il va de soi qu'avec une formulation aussi générale, la réponse est difficile à donner. Tout le monde sera sans doute d'accord sur le fait qu'une définition vraiment bizarre ou surprenante, une clause qui risque particulièrement de prêter à confusion, une subtilité dans une démonstration qui pourrait ne pas être remarquée, etc., méritent d'être signalées ou expliquées. À l'inverse, tenter de communiquer toute intuition vague n'est pas forcément bénéfique et peut même être néfaste à la compréhension (car l'intuition qu'on se forge soi-même peut être meilleure que celle qu'on reçoit d'un autre mathématicien), ou à la détection d'erreurs de raisonnement (si on fait confiance à l'intuition d'un autre, on risque de faire les mêmes erreurs que lui, et donc de ne pas détecter celles-ci). Quelque part entre les deux, je trouve toujours irritant, quand un objet mathématique est défini dans un texte, de ne pas trouver la réponse aux questions les plus naturelles qu'on peut se poser sur ses propriétés (ou simplement l'affirmation que l'auteur ne sait pas si telle ou telle propriété est vraie) : par exemple, si un auteur devait définir un concept appelé para-anneau, je trouve qu'il serait de son devoir d'expliquer le rapport entre ce concept et celui d'anneau (et même si c'est complètement évident, écrire qu'un anneau est un para-anneau, ou attirer l'attention sur le fait que ce n'est pas le cas, ou peut-être dire qu'on ne sait pas et que de toute façon on n'en aura pas besoin, ou ce genre de choses) ; et si on met plusieurs clauses dans une définition, je trouve qu'il est généralement de bon ton d'expliquer pourquoi chacune est nécessaire et ce qui se passerait si on omettait celle-ci ou celle-là.

Je vais maintenant me plaindre de la façon dont est présentée la théorie globale du corps de classes. [Je suis sûr qu'il devait y avoir un rapport entre ce qui suit et ce qui précède, mais plus j'écris moins ce rapport est clair… enfin, ce n'est pas bien grave.]

En bref : la théorie du corps de classes prétend « expliquer » (c'est-à-dire décrire, classifier, permettre de comprendre) les extensions abéliennes finies (extension abélienne = extension [de corps] galoisienne de groupe de Galois commutatif) de certains corps. « Certains corps », à savoir, les « corps locaux » (auquel cas on parle de théorie locale du corps de classes) et les « corps globaux » (auquel cas, on l'aura deviné, on parle de théorie globale du corps de classes, qui est beaucoup plus intéressante et profonde que la théorie globale locale). Les corps locaux sont des choses comme les corps des réels et des complexes (mais sur ceux-ci la théorie est vraiment triviale), les corps des nombres p-adiques (et les extensions finies de ceux-ci) et les corps de séries formelles sur un corps fini. Des exemples de corps globaux sont le corps des rationnels (ou plus généralement toute extension finie de celui-ci, dit « corps de nombres ») et le corps des fonctions rationnelles sur un corps fini (ou plus généralement le corps des fonctions d'une courbe algébrique sur un corps fini).

J'essaie de décrire un peu plus précisément de quoi cette théorie parle, en me plaçant pour simplifier sur le corps (global) ℚ des rationnels. (Pour ceux qui veulent un vrai cours sur le sujet, je recommande les notes de cours par J. S. Milne qui, comme d'habitude avec cet auteur, sont très bien écrites.)

D'abord, l'ensemble des complétés de ℚ est la famille suivante de corps (locaux) : le corps ℝ des réels, et le corps ℚp des p-adiques pour chaque nombre premier p (on dit aussi dans ce contexte que p est un nombre premier fini ou place finie, par opposition au symbole ∞ (place infinie ou place archimédienne) pour lequel on pose ℚ=ℝ).

Si je dois définir de façon très rapide ce que sont les p-adiques, ce sont des écritures en base p finies à droite et infinies à gauche (c'est-à-dire, n'ayant qu'un nombre fini de chiffres à droite de la virgule et un nombre infini à gauche), l'addition et la multiplication se faisant exactement de la même façon qu'on le fait pour les réels écrits en base p. Il se trouve que ces opérations forment un corps noté ℚp (et on note ℤp ceux des nombres p-adiques, appelés entiers p-adiques, qui n'ont aucun chiffre après la virgule) ; et ℚp contient tous les rationnels, au sens où il y a une façon naturelle d'écrire un rationnel quelconque sous cette forme en base p (par exemple, 1/3 s'écrit …0101010101010101010101011 comme 2-adique parce que quand on ajoute trois fois cette chaîne binaire on tombe sur 1) ; ℤp, lui, contient les rationnels dont le dénominateur réduit n'est pas divisible par p (en tant qu'entier usuel). La valuation vp(x) d'un p-adique x≠0 est l'emplacement du chiffre non-nul le plus à droite (strictement négatif s'il est après la virgule, positif ou nul si x est dans ℤp ; zéro si c'est le chiffre des unités, strictement positif si le nombre se finit par des zéros, c'est-à-dire s'il est divisible par une puissance non-triviale de p) ; et la valeur absolue p-adique de x est le nombre réel positif défini comme |x|p = pvp(x) (et |0|p=0), par exemple on a vp(pi)=i donc |pi|p = pi, et ℤp est l'ensemble des p-adiques de valeur absolue ≤1. On notera aussi |x| la valeur absolue usuelle d'un réel x.

Une idèle de ℚ est la donnée d'un élément non-nul xv de chacun des complétés ℚv (i.e., un nombre réel non nul, et un nombre p-adique non-nul pour chaque p : ici, v parcourt les « places » de ℚ, c'est-à-dire les nombres premiers p et le symbole ∞), avec la condition que presque tous (=tous sauf un nombre fini) des xv vérifient |xv|v = 1. La valeur absolue de l'idèle (xv) est définie comme le produit de tous les |xv|v. Les idèles forment un groupe sous la multiplication (dont l'élément neutre est l'idèle 1 qui vaut 1 en chaque place v) : on notera ce groupe J.

Un cas particulier d'idèles est celui des idèles diagonales : l'idèle diagonale définie par un rationnel x non nul est celle dont toutes les composantes xv valent x (i.e., on considère le même rationnel x vu comme un nombre réel et comme un p-adique pour chaque p). On peut se convaincre qu'une idèle diagonale est bien une idèle (car seul un nombre fini de nombres premiers divise le numérateur ou le dénominateur du rationnel considéré), et de plus, toujours de valeur absolue 1. Les idèles diagonales, bien sûr, forment un sous-groupe. On va être amené ci-dessous à évoquer certains sous-groupes du groupe J des idèles de ℚ qui contiennent le sous-groupe ℚ× des idèles diagonales : il revient au même de parler des sous-groupes du groupe quotient C := J/ℚ× des idèles modulo les idèles diagonales (c'est-à-dire dans lequel on identifie deux idèles dont le rapport est une idèle diagonale). Ce groupe C s'appelle aussi le groupe des classes d'idèles (une classe d'idèle est donc par définition une idèle modulo les idèles diagonales).

Un autre type d'idèles importantes est les idèles locales en la place v, c'est-à-dire celles dont toutes les composantes valent 1 sauf celle pour la place v (et pour chaque v fixé, elles forment aussi un sous-groupe.

Supposons maintenant qu'on considère une extension abélienne finie de ℚ : comme je n'ai pas trop envie d'entrer trop dans les détails, je vais juste prendre l'exemple du corps ℚ(√−1) des rationnels gaussiens (c'est-à-dire des nombres de la forme a+b√−1 avec a et b rationnels) ; à une telle extension est associée une norme, et dans le cas de ℚ(√−1) il s'agit de N(a+b√−1) = a²+b² (produit de a+b√−1 et de son conjugué complexe ab√−1), et cette norme est multiplicative. Je peux aussi définir les idèles de ℚ(√−1) comme des familles d'expressions de la forme av + bv·√−1 où v parcourt les places de ℚ, avec av et bv dans ℚv sujets à la condition que la norme locale av² + bv² ne vaille jamais 0, et vaille 1 pour tous les v sauf un nombre fini. (Normalement les choses seraient plutôt définies en termes des places de ℚ(√−1) plutôt que celles de ℚ comme je viens de le faire, mais ma définition est bien équivalente à la définition usuelle. En la place ∞, il va de soi que l'expression a + b·√−1 sera vue comme un nombre complexe.) La famille de ces valeurs av² + bv², du coup, définit bien une idèle de ℚ, qu'on appelle la norme idélique de l'idèle de ℚ(√−1) qu'on considérait (i.e., la norme idélique s'obtient en formant la norme place par place). Bien sûr, les différentes places n'interagissent pas, donc une idèle de ℚ est une norme idélique si et seulement si elle est une norme locale en chaque place (i.e., sur mon exemple, si et seulement si chaque xv est une somme de deux carrés : par exemple, en la place ∞, ceci signifie précisément que x est un nombre réel (strictement) positif) — je vais donner ci-dessous les conditions exactes pour les autres places ci-dessous.

Ce qui intéresse la théorie du corps de classes, c'est le sous-groupe des idèles de ℚ (ou du corps de base, mais je me suis limité à ℚ) engendré par (A) les idèles diagonales, et (B) celles qui sont des normes pour l'extension abélienne finie considérée (norme idélique, c'est-à-dire en chaque place comme je viens de le dire). Et le contenu essentiel des théorèmes centraux de la théorie globale du corps de classe est que (1) ce sous-groupe des idèles détermine complètement l'extension abélienne, et on sait décrire exactement les sous-groupes qu'on obtient (ce sont les sous-groupes ouverts d'indice fini du groupe des idèles contenant les idèles diagonales), et (2) mieux, le quotient du groupe des idèles par le sous-groupe en question s'identifie au groupe de Galois de l'extension considérée.

Plutôt que de considérer les sous-groupes des idèles contenant les idèles diagonales, on peut aussi considérer, cela revient au même, les sous-groupes des classes d'idèles (qui sont, rappelons-le, définies comme les idèles modulo les idèles diagonales) : dans ce cas, le résultat s'énonce en affirmant que (1) le sous-groupe des classes d'idèles qui sont des normes détermine complètement l'extension abélienne, et on sait décrire exactement les sous-groupes qu'on obtient (ce sont les sous-groupes ouverts d'indice fini du groupe des classes d'idèles), et (2) le quotient du groupe des classes d'idèles par le sous-groupe des normes s'identifie au groupe de Galois de l'extension considérée.

Sur mon exemple de l'extension abélienne ℚ(√−1) de ℚ, on considère donc les idèles de ℚ qui sont produit (A) d'une idèle diagonale (:=qui vaut le même rationnel non nul en chaque place) et (B) d'une norme idélique (=idèle qui, en chaque place séparément, est somme de deux carrés). Je commence par considérer (B). Or un élément xv du complété ℚv est une norme locale (=somme de deux carrés) si et seulement si :

  • en la place ∞ (nombres réels) : lorsque x > 0 ;
  • en la place 2 : lorsque x2 divisé par 2v2(x2) est congru à 1 modulo 4, autrement dit, lorsque les derniers bits non nuls du nombre 2-adique x2 sont 01 (plus précisément dit : le bits immédiatement à gauche de son 1 le plus à droite est 0) ;
  • en une place p avec p≡1 (mod 4) : c'est toujours le cas ;
  • en une place p avec p≡3 (mod 4) : lorsque sa valuation p-adique vp(xp) est paire.

Les idèles de ℚ qui sont une norme idélique sont donc par définition celles dont la composante xv vérifie la condition correspondante ci-dessus en chaque place v.

Il se trouve d'ailleurs que pour cette extension (et plus généralement pour toute extension cyclique, mais pas toute extension abélienne), on a, en marge de la théorie du corps de classes, un principe local-global qui affirme : un rationnel x≠0 est une norme globale (=somme de deux carrés de rationnels) si et seulement si il est une norme en chaque place (i.e., l'idèle diagonale qu'il définit est une norme idélique, i.e., elle est une norme locale en chaque place) : autrement dit, concrètement dans mon cas, les conditions ci-dessus caractérisent exactement les rationnels non nuls qui sont sommes de deux carrés de rationnels ; à savoir : un rationnel non nul est somme de deux carrés si et seulement si il est positif, que l'exposant vp dans la décomposition en facteurs premiers est paire pour chaque p≡3 (mod 4), et que son l'écriture 2-adique se termine par 01 (puis uniquement des 0). (Il se trouve d'ailleurs qu'on peut omettre une de cette infinité de conditions — par exemple celle peu commode en la place 2 — parce qu'une idèle diagonale qui est une norme en chaque place sauf au plus une est encore une norme en cette dernière place.) Mais ce résultat sur les normes globales n'est pas celui dont je voulais parler.

Maintenant qu'on sait à quoi ressemble le groupe N(Jℚ(√−1)) des idèles de ℚ qui sont une norme idélique pour l'extension, à quoi ressemble le sous-groupe ℚ×·N(Jℚ(√−1)) engendré par (A) le groupe ℚ× des idèles diagonales (quelconques) et (B) le groupe des normes idéliques (N(Jℚ(√−1)), qu'on vient de décrire) ? En considérant séparément le nombre −1 et les nombres premiers p, chacun vu comme un rationnel non nul donc une idèle diagonale, et en utilisant la décomposition en facteurs premiers, on peut se convaincre que les idèles du sous-groupe ℚ×·N(Jℚ(√−1)) engendré par (A) et (B) sont celles qui « commettent un nombre impair d'infraction » aux conditions locales listées ci-dessus, i.e., les idèles telles que le nombre de places v où l'idèle ne vérifie pas la condition ci-dessus (équivalente à être somme de deux carrés en cette place) est impair. Le quotient J/(ℚ×·N(Jℚ(√−1))) du groupe J des idèles de ℚ par ce sous-groupe est le groupe cyclique à deux éléments (il n'y a que la « parité du nombre d'infractions » qui survit), et s'identifie bien au groupe de Galois de ℚ(√−1) sur ℚ.

Bref, de façon générale, la théorie du corps de classe « explique » les extensions abéliennes d'un corps global, ici ℚ, au moyen des sous-groupes du groupe des idèles de ce corps global contenant les idèles diagonales (les extensions abéliennes finies correspondent aux sous-groupes ouverts d'indice fini ; on peut aussi dire des choses sur les extensions infinies). Ou de façon équivalente, si on préfère, au moyen des sous-groupes du quotient C = J/ℚ× des idèles par les idèles diagonales (dit groupe des classes d'idèles).

Ce dont je me plains, c'est que les textes sur la théorie du corps de classe prennent rarement la peine de traiter des exemples un peu en détail, ne serait-ce que comme je viens de le faire, et surtout ne se fatiguent pas à expliquer comment « sont faits » les sous-groupes du groupe des idèles contenant les idèles diagonales (ou du groupe des classes d'idèles).

Le problème, c'est que quand on lit les choses un peu rapidement, et comme personne n'attire l'attention sur une difficulté, on se dit certainement oh, le groupe des idèles, c'est une sorte de produit, les idèles diagonales elles ne doivent pas peser très lourd dans l'histoire, donc les sous-groupes du groupe d'idèles contenant les idèles diagonales (ou les sous-groupes du groupe de classes d'idèles) ils doivent ressembler à des sous-groupes d'un groupe produit. Or un sous-groupe d'un groupe produit (fût-il ouvert d'indice fini), en général, ce n'est pas forcément un produit de sous-groupes des différents facteurs. Mais ici, les normes idéliques elles se calculent composante par composante : donc, vu qu'un sous-groupe ouvert d'indice fini du groupe des classes d'idèles est forcément donné par la norme d'une extension abélienne, il se voit bien composante par composante ! De là une certaine confusion, qui m'a beaucoup tracassé.

S'agissant de ℚ, on peut pourtant décrire assez bien le groupe C = J/ℚ× des classes d'idèles (:=idèles modulo les idèles diagonales). En effet, (la composition de facteurs premiers permet de voir que) toute idèle de ℚ s'écrit de façon unique comme le produit d'une idèle diagonale par une idèle dont la composante réelle est strictement positive et la composante p-adique est, pour tout p fini, de valuation p-adique nulle (i.e., appartient au groupe ℤp× des inversibles de ℤp). Il s'ensuit que le groupe C des classes d'idèles est vraiment isomorphe (en tant que groupe et en fait, même, en tant que groupe topologique) au produit du groupe des réels strictement positifs par chacun des groupes ℤp× des p-adiques de norme 1 (=valuation 0). La théorie du corps de classes global sur ℚ peut donc être vue comme mettant en correspondance les sous-groupes ouverts d'indice fini de ce groupe produit et les extensions abéliennes finies de ℚ. Sur mon exemple de ℚ(√−1) sur ℚ, le groupe des classes d'idèles qui sont des normes (pour cette extension) correspond (par cet isomorphisme) au sous-groupe de ce produit donné par le même produit mais où ℤ2× (=ensemble des 2-adiques congrus à 1 ou 3 modulo 4) a été remplacé par son sous-groupe (1+4ℤ2) des 2-adiques congrus à 1 modulo 4 (c'est un sous-groupe d'indice 2).

Bref, il y a deux façons assez différentes de voir un sous-groupe du groupe des classes d'idèles (ou, de façon équivalente, un sous-groupe du groupe d'idèles contenant les idèles diagonales) :

  • Dans une approche, on impose des conditions locales en chaque place pour demander que la classe soit une norme. La théorie du corps de classes nous apprend, justement, qu'on pourra toujours décrire un sous-groupe ouvert d'indice fini du groupe de classes d'idèles comme la norme d'une extension abélienne finie, ce qui impose une condition sur chaque place indépendamment des autres. (Si on veut, il s'agit des classes des idèles locales en cette place-là — c'est-à-dire valant 1 partout ailleurs — qui appartiennent au sous-groupe considéré.) Avec cette approche, on va avoir une condition sur chaque place, donc une infinité au total (comme je l'ai montré sur omn exemple), mais elles ne peuvent pas être n'importe quoi.
  • Dans l'autre approche, on voit le groupe des classes d'idèles comme un vrai groupe produit (au moins dans le cas de ℚ c'est facile comme je l'ai expliqué ; en général, il faudra chercher un supplémentaire au sous-groupe des idèles diagonales). Il s'agit de nouveau d'un produit de facteurs locaux, mais cette fois la vision est différente parce qu'on peut prendre un sous-groupe quelconque du produit — et pas forcément un produit de facteurs locaux. Par ailleurs, cette fois, on n'impose des conditions qu'en un nombre fini de places, mais elles peuvent être n'importe quoi.

(La raison pour laquelle ces deux approches arrivent quand même à coïncider est que les idèles diagonales ne sont pas du tout innocentes dans l'histoire : à cause de résultats d'approximation, qui sont ici assez faciles à voir, les idèles diagonales permettent de « contrôler » simultanément n'importe quel nombre fini de places.)

Ainsi, sur mon exemple de l'extension ℚ(√−1) de ℚ, selon la deuxième approche il n'y a qu'une condition locale à la place 2 (être congru à 1 modulo 4), alors que selon la première approche, il y a des conditions locales aux places ∞, 2, et tous les p congrus à 3 modulo 4. Les choses sont compliquées par le fait que ce que j'ai appelé la « deuxième approche » n'est pas entièrement bien définie, il y a plusieurs façons de voir le groupe des classes d'idèles — déjà on peut le décrire comme les idèles vérifiant un certain nombre de conditions locales modulo les idèles diagonales vérifiant les mêmes conditions locales, et c'est dans cet ordre d'idées qu'on voit les groupes de classes de rayons comme des quotients du groupe de classes d'idèles : mais l'idée générale reste qu'il faut faire bien attention à ce qu'on appelle une « condition locale » définissant un sous-groupe des classes d'idèles, et en tout cas, qu'on ne peut pas prétendre avoir compris la théorie du corps de classes si on croit pouvoir faire l'économie d'une réflexion sur ce que sont les sous-groupes du groupe de classes d'idèles.

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