David Madore's WebLog: Ce qu'on écrit — en maths — et ce qu'on pense

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(samedi)

Ce qu'on écrit — en maths — et ce qu'on pense

L'autre jour, dans le cadre de mon cours d'Analyse à Télécom, j'énonce un résultat sur le changement de variable dans les intégrales multiples. Quelque chose comme ceci : si φ:UV est un C¹-difféomorphisme entre des ouverts de ℝn, et si f est une fonction mesurable sur V, alors l'intégrale sur V de f est égale à (et converge dans les mêmes cas que) l'intégrale sur U de (fφ)×|J| où J désigne le déterminant de la différentielle de φ. L'ennui d'un tel énoncé, c'est qu'il est peut-être mathématiquement impeccable, mais ce n'est pas la manière dont on pense à un changement de variable, ça ne montre pas la manière dont on mène en pratique le calcul, parce qu'avec un tel énoncé on ne sait pas où écrire les φ et les J.

La manière dont on fait les choses en pratique, c'est qu'on écrit les variables y1,…,yn sur V en fonction de celles x1,…,xn sur U, on calcule les différentielles dyi, on exprime l'« élément de volume » sur V dy1∧⋯∧dyn en fonction de celui dx1∧⋯∧dxn sur U (le rapport étant justement J), et on remplace simplement ça dans l'intégrale. Par exemple, pour passer des coordonnées cartésiennes aux coordonnées polaires dans une intégrale double, j'écris x = r·cos(θ) et y = r·sin(θ), donc dx∧dy = (cos(θ)·drr·sin(θ)·dθ) ∧ (sin(θ)·dr + r·cos(θ)·dθ) = r·dr∧dθ et je sais tout de suite où et comment placer le facteur r sans me tromper.

Mais expliquer ça, c'est autrement plus difficile qu'énoncer un théorème bien propre. Comme mes élèves ne savent pas ce que c'est qu'une forme différentielle (même sur ℝn), on ne peut pas vraiment expliquer quel sens aurait cet élément de volume dy1∧⋯∧dyn, ni les subtilités sur l'orientation (autrement qu'en dimension 1) : on écrit juste dy1⋯dyn pour l'élément d'intégration, mais du coup on n'explique pas vraiment le mystère (et on n'oriente pas les intégrales).

Bref, j'ai essayé de donner une idée de ce qui se passait, mais je ne sais pas si j'ai réussi à faire passer quoi que ce soit. C'est malheureusement assez fréquent, en maths, qu'on soit tiraillé, pour la pédagogique, entre donner un énoncé rigoureux auquel se rattraper, ou donner une explication utile pour le calcul ou pour l'intuition, avec parfois un peu de mal à faire le lien entre les deux.

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