Voici un petit mystère à résoudre, sans aucune importance, mais néanmoins intrigant. Hier, j'ai corrigé un paquet de copies, principalement d'étudiants étrangers : sur 18 copies, il y en avait 9 d'étudiants chinois (je juge par le nom), 9 d'autres nationalités (plusieurs russes, plusieurs hispaniques — je ne sais pas bien d'où —, un ou deux français, un vietnamien, et ça doit être à peu près tout). Les deux tiers des étudiants chinois (6 sur 9, donc) ont rédigé leur copie en commençant par ce qui, pour un Français, est la dernière page. Ma première réaction a été de penser qu'ils sont habitués au chinois écrit en colonne de haut en bas et de droite à gauche, mais il semble que ce mode traditionnel d'écriture soit devenu rare en Chine continentale (or je suis quasiment sûr que ces étudiants ne viennent ni de Taïwan ni même de Hong Kong), donc ce n'est probablement pas la bonne explication. En fait, à y regarder de plus près, il semble[#] qu'ils prenaient les pages de la copie dans 4-1-2-3 (en numérotant les pages comme un Français le ferait, i.e., 1 est la page de droite extérieure, 2 est le verso de 1, 3 est de l'autre côté de la pliure par rapport à 2, et 4 est le verso de 3). Ce n'est pas illogique : cela peut vouloir dire qu'on déplie la copie double, qu'on écrit sur une face, d'abord à gauche puis à droite, puis sur l'autre face, d'abord à gauche puis à droite ; ce n'est qu'une fois la copie pliée que ça devient bizarre. Les 12 autres étudiants, dont la totalité des non-Chinois, ont utilisé leurs copies dans l'ordre 1-2-3-4.
À la réflexion, je crois avoir déjà vu ce phénomène (mais, comme je n'avais pas un gros nombre d'étudiants chinois dans les autres tas de copies que j'ai pu corriger, j'ai dû penser à une inattention et ne pas bien prendre note du phénomène ni de la corrélation avec la nationalité).
Seulement, ce qui est étrange, c'est qu'une amie chinoise (enfin, la femme d'un ami) se dit tout aussi surprise et assure qu'elle aurait écrit les pages de la copie de la même façon que moi. Bon, ce n'est pas extraordinaire : la Chine, c'est grand, il se peut que cette habitude soit particulière à une région, je ne sais quoi. Sauf qu'en fait, la Chine est certes grande, mais les endroits et milieux sociaux d'où nous viennent des étudiants chinois doivent être extrêmement rares et peu représentatifs de la diversité chinoise (et l'amie dont je parle doit venir sensiblement du même ensemble[#2][#3]).
Bref, les lumières de mes lecteurs sinophiles (il me semble qu'il y en a beaucoup) sont bienvenues.
[#] Non, ce n'est pas aussi clair qu'on peut l'imaginer : leurs copies sont de toute façon présentées de façon complètement bordélique, ils ne numérotent pas les pages, et à peine les exercices, donc ce n'est pas évident de retrouver dans quel ordre les choses ont été écrites ou sont censées être lues.
[#2] Dans le même genre, mon père s'était fait un jour la réflexion qu'il connaissait un certain nombre d'Indiens (hindous ou d'origine hindoue), et que 100% d'entre eux étaient des brahmanes.
[#3] J'allais dire :
par exemple, il est certain, vu le nombre de noms comme Xu ou Zheng,
que ce ne sont pas des Cantonnais, mais en fait, je ne suis pas sûr du
raisonnement — quand les Cantonnais vont en France, est-ce qu'ils
transcrivent leur nom depuis la prononciation cantonnaise ou
mandarine ? Je vois que le nom du maire de Canton, 万庆良, n'est
jamais transcrit Maan Hingloeng
mais toujours comme Wan
Qingliang
, ce qui accrédite la deuxième hypothèse.