La trace de la matrice générique[#] d×d nilpotente d'ordre n est elle-même nilpotente d'ordre d·n−d+1.
(C'est-à-dire : le plus petit k tel que sur n'importe quel anneau (commutatif) A, si t est la trace d'une matrice d×d nilpotente d'ordre n alors t est elle-même nilpotente d'ordre k, ce plus petit k vaut exactement[#2] d·n−d+1.)
Ça ne vous fait peut-être pas des masses d'effet, mais moralement, une affirmation comme ça ne devrait pas être difficile à démontrer (sur un corps, le fait qu'une matrice nilpotente soit de trace nulle, c'est de niveau math. sup.). Il devrait juste s'agir de développer (x1,1+⋯+xd,d)k, réorganiser les termes pour faire apparaître des xi,j de façon à mettre en évidence les entrées de la matrice puissance n-ième, et conclure que pour k assez grand tout s'annule. Eh bien non, bizarrement, il semble qu'on ne sache pas faire comme ça (en tout cas, moi, je ne sais certainement pas), pour n et d quelconques.
Il semble
que Bernard
Mourrain ait une démonstration (les deux endroits où j'ai trouvé
une référence à ce problème, ce Monsieur était nommément cité comme
ayant expliqué la solution), et que ça utilise des
bases SAGBI (Subalgebra Analog of
Gröbner Bases for Ideals
), je n'en sais pas plus : mais c'est
scandaleux que quelque chose comme ça ne soit pas plus facile.
Où est-ce qu'on envoie les pétitions pour réformer les mathématiques ?
Mise à jour : Une démonstration élémentaire de cet énoncé est l'objet de l'article Gert Almkvist's Generalization of a Mistake of Bourbaki de Doron Zeilberger (il attribue le résultat à Almkvist (1973)).
[#] Précision
() : Le terme générique
n'est sans doute
pas approprié : il faudrait plutôt dire universel
, en fait.
(La matrice universelle d×d nilpotente
d'ordre n, c'est celle dont les d² entrées sont
les images des indéterminées de l'anneau des polynômes à d²
variables dans son quotient A par les relations algébriques
qui expriment le fait que la matrice puissance n vaut
zéro ; la matrice générique correspondante, ce serait la même
matrice vue sur le corps des fractions au lieu de l'anneau
quotient A — mais cet anneau n'est pas intègre, donc
on ne peut pas vraiment parler de matrice générique ; on peut
cependant réduire l'anneau A et ensuite passer au corps des
fractions — mais évidemment, à ce moment-là, la trace est nulle,
comme celle de n'importe quelle matrice nilpotente sur un corps.)
[#2] Plus exactement : montrer que tout exposant de nilpotence k de la trace vaut au moins d·n−d+1 est facile en considérant une matrice diagonale de coefficients diagonaux nilpotents d'ordre n ; montrer que la trace est nilpotente (sans déterminer k) est également facile en utilisant le cas des corps : ce qui est difficile, c'est de voir que l'exposant d·n−d+1 annule effectivement la trace.