Aujourd'hui on a eu la visite du ministre
(enfin, on
… moi je ne suis pas venu voir ça : je n'aime
pas quand l'entrée de l'École est fliquée). Je suppose que notre
directrice voulait attirer son attention sur les grosses difficultés
de budget de l'établissement. Il est passé au département de maths,
alors on a rameuté un certain nombre de médailles Fields françaises,
les autres étant présentes sous forme de photos sur les murs
(transportées de la salle où elles sont normalement vers la salle où
le ministre est passé), et un des profs a même pris le soin de garnir
les tableaux noirs de jolis dessins mathématiques. Sinon, c'est
amusant, on remarque qu'il va passer quelqu'un d'important, à
l'ENS, quand toutes les affiches dans le hall d'entrée
disparaissent du jour au lendemain. Bizarre coutume.
L'info, absolument révoltante, a déjà beaucoup circulé (y compris dans la presse), mais à tout hasard je la relaie ici : un proviseur de lycée a été révoqué (c'est-à-dire, renvoyé de la fonction publique) pour avoir tenu un blog sur lequel il faisait état de son homosexualité et où figuraient quelques photos de lui partiellement nu (mais en aucun cas pornographiques ou obscènes, m'assure un ami qui lisait ce journal — excellent semble-t-il — avant que le scandale n'arrive).
J'espère qu'une mobilisation forte se fera pour le soutenir et lui
permettre de retrouver son travail. Mais au-delà de ce cas
particulier (avec ses circonstances particulièrement répugnantes
— outre qu'elles me menacent assez directement), c'est la
question du devoir de réserve
des fonctionnaires qui se pose
plus généralement : un principe qui n'a aucune justification et aucune
raison d'être, un principe d'un autre temps qui m'a toujours semblé
odieux mais dont, bizarrement, on ne voit pas trop d'appel à la
suppression. (Indépendamment de ce que vaut sur le principe ce
devoir de réserve
, il fait partie des règles appliquées aléatoirement, donc
injustement, qui peuvent tomber complètement au hasard : rien que pour
ça il faut le supprimer.)
(Évidemment, il est normal qu'on interdise à un fonctionnaire de tenir dans le cadre de ses fonctions des propos qui engageraient l'État au-delà de son mandat. Le devoir de réserve devrait être ça et uniquement ça.)
La liberté d'expression, ce n'est pas seulement celle de la presse : c'est aussi celle du simple citoyen. Fût-il serviteur de l'État.
Régulièrement, je me mets à plancher sur des questions mathématiques qui ne sont pas (voire, pas du tout) de mon domaine de recherche. Aujourd'hui j'ai fait de l'analyse, par exemple (à l'origine à cause de la remarque innocente de quelqu'un sur les fonctions et les distributions). Et en ce faisant, j'ai redécouvert tout un tas de choses connues par ailleurs, dont, essentiellement, l'intégrale de Denjoy-Khintchine. Ça c'est quelque chose qui m'arrive souvent, de redécouvrir des choses qui, en fait, sont connues depuis longtemps. D'un côté on est content de voir qu'on était sur une bonne voie, de l'autre, on se rend compte qu'elle a déjà été parcourue depuis belle lurette, ce qui est décevant. Il y a quelques années, par exemple, je croyais avoir trouvé quelque chose de vraiment beau, et en fait, sous le nom d'anneau de Mal'cev-Neumann, c'était connu depuis longtemps (comme mon directeur de thèse sut me le dire presque immédiatement). L'impression d'arriver trop tard, dans un monde déjà vieux…