Il n'y eut, bien sûr, pas de témoins à cette première rencontre, qui devait déterminer une hostilité durable, mais une hostilité empreinte d'un sincère respect mutuel, une hostilité qui parfois ressemblait étrangement à de l'amitié. Une relation, aussi, dont les répercussions portèrent à travers les siècles et dont les conséquences se lisent encore aujourd'hui. Il n'y eut pas de témoins à cette rencontre, mais je me plais à l'imaginer néanmoins telle qu'elle a pu se dérouler.
On venait de mener le Libérateur dans les appartements privés du Consul. Ce dernier était — tous les témoignages concordent sur ce point — un fin lettré, un hédoniste raffiné, et par ailleurs un homme conciliant, aucunement imbu de l'importance de sa fonction. Tout à l'inverse de la personnalité inflexible du Libérateur, lequel n'admettait comme connaissances que ce qu'il définissait comme la Loi. L'un et l'autre avaient cependant deux points communs qui ont été remarqués : l'âge (trente-neuf ans) et une honnêteté scrupuleuse aussi bien dans leurs propos que dans leurs actions.
Les appartements du Consul, donc, affichaient la splendeur élégante de la résidence d'un grand de cette époque. En y faisant référence, la première phrase que le Libérateur lui aurait adressée aurait été :
Sais-tu combien ont souffert pour que tu puisses en profiter ?Et son hôte de rétorquer :Y renoncer maintenant ne leur retirerait pas cette souffrance. Tâchons au moins de ne pas la rendre inutile.
PS : Ce fragment fait peut-être suite à celui-ci, mais c'est, bien sûr, au lecteur d'en décider.