Mais était-ce de l'amour ?
Esther répéta la question plusieurs fois dans sa tête, en variant le ton : la réponse ne venait pas pour autant. Comment savoir ? Ce n'était pas un problème dont ses lectures l'avaient avertie, et jamais elle n'avait anticipé une difficulté à cet endroit. Elle avait toujours cru que les moyens seraient détournés mais que les fins seraient claires : qu'il pût en être autrement elle ne l'avait pas même envisagé. Pourtant…
Était-ce de l'amour ? Esther n'aimait pas l'introspection, elle préférait agir à l'intuition. Or ici il fallait bien s'examiner. Certainement elle trouvait dans la compagnie d'Alix un plaisir qu'elle recherchait et qui allait au-delà de l'amitié. Mais toute tendresse qui dépasse l'amitié devait-elle être cataloguée comme de l'amour ? Il n'y avait pas de désir sexuel, de cela du moins elle était sûre. Ou vraiment ? Se pouvait-il qu'elle le refoulât ? Fermant les yeux, Esther évoqua mentalement l'image d'Alix. Non, pas de désir : seulement une sorte de satisfaction sereine provoquée par la contemplation d'un physique parfait. Une présence rassurante, aussi. Une étreinte réconfortante ? Peut-être.
Finalement, la nécessité de savoir ne provenait que de la nécessité d'agir : s'il y avait moyen de demeurer dans la tranquillité de l'ignorance, elle s'y complairait volontiers.
Alix, pendant ce temps, dormait d'un sommeil paisible.