— J'en ai marre de cette foutue ville où il fait froid et moche.
— Je te connais, Tristan. Quand tu te plains du temps qu'il fait, c'est quelque chose d'autre qui ne va pas. Qu'est-ce qu'il y a cette fois-ci ?
— Rien. Enfin, si, tout, mais rien de précis. Gimerlund me sort par les narines. J'en ai assez de vivre dans ce trou du cul du monde où il ne se passe rien.
— Ah ! Je sais ce qui se passe : tu as dix-sept ans. Et tu as probablement baisé tout ce qu'il y a de baisable à Gimerlund. Enfin, tous le garçons.
— Fous-toi. Mais j'en ai ras-le-bol de jouer au chat et à la souris avec la garde : les poursuivre pour les mettre dans mon lit le soir et le matin être traqué. Marre aussi de ces marchands qui me font foutre au trou parce que j'ai chouré une babiole, mais s'ils savaient ce que j'ai fait avec leur fils…
Clémence grince des dents.
— C'est bon, j'ai compris. Et tu voudrais aller… ? À Lyash-Balder, je suppose ?
— Évidemment ! Et je te parie que si un jour j'y arrive, trois mois après j'aurai couché avec l'héritier du trône. Comment tu crois qu'il est arrivé à son poste, le gouverneur de Gimerlund ?
— Tiens, je ne te pensais pas ambitieux comme ça.
Tristan sort de sa manche une pièce à l'effigie du prince Stéphane et la montre à Clémence.
— Qui te parle d'ambition ? Regarde sa tête ! C'est lui que je veux, pas le pouvoir qu'il a. Et tout fils d'empereur qu'il est, je l'aurai. Et je ne le lâcherai pas.
— Aïe ! Tristan, mon Tristan, c'est pire que je croyais. Ce n'est pas l'ambition, ce n'est pas la bougeotte que tu as. Tu as dix-sept ans, Tristan, et tu veux ton prince charmant. Azan ait pitié de toi !
Le jeune homme haute les épaules et fait la tête boudeuse qu'il fait quand son amie le devine trop bien.
À ce moment précis, Azan ayant apparemment entendu la prière de Clémence, et le dieu de la fortune étant connu pour un certain sens de l'ironie, un homme entre dans l'auberge et annonce à qui veut l'entendre :
— Son altesse impériale le duc de Lyash-Balder, le prince Stéphane, héritier apparent de l'Empire, vient d'arriver à Gimerlund.
Le visage de Tristan s'illumine d'un sourire qui en dit long. Clémence secoue la tête et soupire :
— Et le pire, c'est qu'il serait bien foutu d'y arriver. Azan, je crois qu'il va vraiment avoir besoin de ta protection, mon Tristan.
Bon, d'accord, c'est facile, c'est banal (surtout que j'ai déjà exploré ce genre de thème), mais c'est rigolo à écrire alors j'aurais tort de me priver. En fait, j'avais vaguement pensé, à un moment, écrire soit une série récurrente soit une histoire un peu longue (plus qu'une nouvelle, quoi) mettant en scène trois personnages dont deux ont été présentés ci-dessus (Clémence, l'héroïne, son ami Tristan, et le petit frère de ce dernier, Dimitri), dans un monde de type heroic fantasy (pas pour y mettre de la magie — au contraire, il n'y en aurait pas eu du tout — mais juste parce que je ne peux pas trouver un endroit de l'espace-temps réel où pourraient se réaliser les situations que j'envisageais). Bref, ceci était juste un échantillon de ce à quoi vous avez échappé.
Il semble que ce monde soit déjà apparu dans un fragment antérieur (encore que je ne me prive pas pour reprendre les mêmes noms dans des situations très différentes), mais rien ne dit quel est l'écart temporel entre ces deux fragments.