J'ai une vision d'un coucher de soleil. Je ne sais pas si cet instant a réellement existé, s'il a été peint par Lorrain, ou s'il est le résultat du syncrétisme de différents crépuscules réels, mais il est, pour moi, le coucher du soleil — l'archétype auquel je pense quand j'entends ces mots.
Les adeptes du zen pensent que le langage nous empêche de percevoir l'unité profonde de l'existence. Mon coucher de soleil est le mien, je ne peux pas le partager avec d'autres. Mais à tout moment, dans l'obscurité de la nuit ou bien perdu dans la tempête quand ciel et mer se confondent, je peux évoquer la sérénité de l'instant par le pouvoir incantatoire de cette simple formule,
coucher de soleil; le Petit Prince lui-même ne peut pas dire mieux. C'est là la véritable magie du Verbe : il ne vaut que par ce que nous lui associons.