Je suis régulièrement confronté au dilemme suivant : je cherche à
me renseigner sur un sujet scientifique, disons la frobnication des
foobars bleutés. Une petite recherche bibliographique me suggère une
demi-douzaine d'articles, entre l'article historique (comment
dit-on seminal
en français ?) de John Bazqux de
1965 publié dans Annals of Foobarology et
une petite note publiée l'année dernière par David Corge-Grault
dans The Journal of Foo and Bar. Ces
articles se réfèrent les uns les autres
(parfois incomplètement) et
probablement s'améliorent les uns les autres. Dans quel ordre les
lire ?
Si on commence par le plus récent (et a priori le résultat
le plus fort), on risque de découvrir qu'il fait référence à un
autre : il m'est arrivé plus d'une fois de me plonger dans un article
parce qu'il me semblait assez court pour que je puisse en affronter
les aspects techniques, et de découvrir qu'en fait essentiellement
tout était renvoyé à un article plus ancien et dix fois plus long
(nous indiquons maintenant les modifications à apporter à la
procédure de frobnication de Bazqux
). Inversement, si on commence
par le plus ancien, on va certainement lire des choses dans une
description sous-optimale que des articles postérieurs auront à la
fois améliorées et reformulées de façon plus claire.
Bon, si c'est un domaine avec lequel je suis passablement familier, je vais réussir sans trop de mal à naviguer entre ces articles, parce que je comprendrai assez vite quel est le graphe de dépendances entre eux : je fais une première lecture en survol pour repérer ce qui fait quoi, et une fois que j'en déduis un Leitfaden, je n'ai plus qu'à suivre le Faden. Mais comme je suis très touche-à-tout, souvent, je ne suis pas si familier que ça avec le sujet, j'essaie justement de comprendre ce qu'on sait dire sur la frobnication des foobars bleutés (voire violacés), peut-être sans entrer jusque dans les moindres détails. Et là, je vais maudire les auteurs qui oublient que tous leurs lecteurs ne sont pas forcément spécialistes de la frobnication des foobars bleutés (ni même de la frobnication des foobars tout court, ni peut-être de la frobnication dans son ensemble), et autres spécialistes de la théorie des équations aux dérivées partielles pseudo-paraboliques dans les domaines quasi-convexes qui ne s'abaissent pas à être compréhensibles par les spécialites des équations aux dérivées partielles quasi-paraboliques dans les domaines pseudo-convexes.
On ne saurait donc trop prier les auteurs d'articles scientifiques
de prendre le temps de remettre leurs résultats dans le contexte,
d'expliquer un peu ce qu'on sait déjà et en quoi le résultat présenté
en diffère (et pas seulement en faisant référence à la procédure de
Bazqux
, mais si possible en rappelant les grandes lignes de ce en
quoi elle consiste).