Pour célébrer le fait qu'aujourd'hui l'APNIC (l'autorité des réseaux Internet pour la région Asie-Pacifique) n'a plus d'adresse IPv4 à fournir (pour l'Europe, notre tour viendra dans quelques mois), je me pose la question : existe-t-il des sites Web accessibles uniquement en IPv6 ?
(Il existe beaucoup d'adresses accessibles uniquement
en IPv6, par
exemple ipv6.google.com
[#]
ou www.v6.facebook.com
,
mais ce sont simplement des accès différents à des sites qui sont, de
toute façon, accessibles sur le vieil Internet v4. Je pense que mes
lecteurs qui vivent encore sans accès au nouvel Internet v6 n'auront
pas de difficulté à deviner vers quoi ces deux liens pointent. Je
parle, ici, de contenus qui ne seraient vraiment
accessibles que par IPv6 — sauf à utiliser
un service de proxy comme celui consistant à
ajouter .ipv4.sixxs.org
au nom du domaine.)
Évidemment, aucune entreprise ayant quelque chose à vendre, aucun site qui recherche de l'audience en nombre, n'aurait intérêt à ça. Non seulement parce que le nombre d'internautes ayant actuellement une connectivité v6 est autour de 0.3%, mais aussi et surtout parce que le robot Google ne va chercher les sites que par IPv4 (du moins je crois — je me propose justement de tester cette hypothèse), donc un site v6-only, en plus d'être visible par seulement un internaute sur 300, n'est même pas trouvable par Google (et probablement encore moins par les autres moteurs de recherche). Mais bon, il y a toujours des gens sur Internet pour faire des choses bizarres, donc cela existe forcément. La difficulté, c'est de les trouver.
J'ai essayé de dépouiller automatiquement les 1200 premiers (enfin,
derniers, i.e., plus récents) sites de cette
liste de sites Web accessibles par IPv6, mais la
difficulté est que si on trouve bien une centaine de domaines n'ayant
qu'une adresse IPv6, il s'agit le plus souvent d'une
simple copie du domaine accessible ailleurs en IPv4
(comme j'en ai donné l'exemple pour ipv6.google.com
).
J'ai bien réussi à trouver un ou deux sites apparemment vraiment
accessibles uniquement en IPv6,
mais la moisson est très
décevante.
(Fort logiquement, le lien précédent est lui-même accessible
uniquement via IPv6. Si vous ne pouvez pas y aller, vous
ne ratez pas grand-chose puisque, de toute façon, vous ne pourrez pas
non plus consulter les liens qui s'y trouvent, et que de toute façon
ils n'ont aucun intérêt. M'enfin, si vous voulez vraiment voir la
liste, essayez d'ajouter .ipv4.sixxs.org
à la fin du nom
de domaine, c'est-à-dire après .org
.)
On peut donc dire qu'il n'y a, actuellement, essentiellement aucun site Web accessible uniquement en IPv6. La question est : quand y en aura-t-il vraiment ? (Il y avait eu des gens qui avaient envisagé de prendre d'énormes quantité de porno et de les rendre accessibles gratuitement mais uniquement sur IPv6, histoire de motiver les internautes à demander un accès IPv6 à leur fournisseur d'accès. Je ne sais pas pourquoi ce projet a, euh, capoté.)
On peut espérer que le fait que l'Asie n'ait plus
d'adresses IPv4 poussera un peu ce genre de sites à se
créer. J'imagine que ce qui va arriver à l'avenir le plus souvent, à
part pour des boîtes assez riches pour se payer à prix d'or
une IPv4 grapillée quelque part, c'est que des sites
auront un serveur accessible en IPv6 et publieront un
enregistrement DNS IPv4 (A
)
vers une machine proxy qui acceptera les requêtes HTTP
en IPv4 et les transmettra en IPv6 vers le
vrai serveur (un peu comme fait SixXS, mais en conservant le nom de
domaine). Du coup, ces sites seront bien accessibles
en IPv4 comme en IPv6, mais la connexion
sera bien meilleure en IPv6, et il faut espérer que c'est
ça qui motivera les gens à bouger. Et évidemment, quelqu'un finira
par décider de se passer de ce service de proxy forcément coûteux et
malcommode. Mais dans combien de temps ?
En attendant, les choses bougent lentement : environ 9.5% des réseaux autonomes dans le monde (11% en Europe et 18% en France) avertissent un préfixe IPv6. Les fournisseurs ADSL (et fibre optique) français s'y mettent lentement ou le promettent maintenant pour « bientôt ». Pour la téléphonie mobile, en revanche, je crois qu'il va falloir retenir sa respiration encore un bon moment (mon téléphone mobile, comme sans doute tous les Android récents, et j'imagine aussi les iPhone, gère parfaitement IPv6, mais avant qu'Orange ait ça sur son réseau…).
[#] En fait, la totalité
des sites de Google est accessible en IPv6, et depuis
bien longtemps, mais ils ne publient pas ces adresses par
le DNS, sauf si on (on
étant ici l'administrateur
d'un réseau suffisamment gros pour que Google ait envie de leur
parler) leur assure qu'il n'y aura pas de problème à les recevoir.
Autrement dit, quand on interroge les serveurs DNS de
Google pour connaître l'adresse de www.google.com
, on ne
reçoit que les adresses IPv4 sauf si on a été
spécialement « whitelisté ». Un particulier comme moi n'a pas moyen
de se faire whitelister, donc je contourne le problème en
interrogeant, pour le domaine google.com
(ainsi
que youtube.com
, gmodules.com
, gmail.com
et 1e100.net
), les serveurs DNS de Hurricane
Electrics (dans la config BIND, ça ressemble
à : zone "google.com" { type forward; forwarders { 74.82.42.42;
2001:470:20::2; }; };
— et de même pour les autres
domaines cités), ce qui me permet d'avoir tout Google, GMail et
YouTube en IPv6 sous le nom normal (et depuis, la
majorité du trafic IP échangé par ma machine est v6). Je
regrette juste que Google ne fournisse pas un tel
serveur DNS spécial et que je doive passer par ceux
de HE.