Je suis du genre qu'on a tendance à appeler maniaque, ou psychorigide, voire dictatorial ; mais j'ai le sentiment, lorsque je rentre dans une discussion avec quelqu'un où nos points de vue s'opposent, de toujours faire un effort honnête et sincère pour arriver à comprendre la position adverse (et me dire que ce n'est pas juste pour m'embêter qu'il le tient) et pour rechercher le compromis. Car j'ai peut-être des opinions souvent tranchées, mais j'ai, encore plus, une mentalité irénique qui me fait rechercher les arrangements pacifiques : la vraie victoire, dans une discussion, ce n'est pas de gueuler plus fort que l'autre, c'est de s'arranger pour tomber d'accord sur une position commune. Évidemment, il est mieux que la position commune soit plutôt proche de celle qu'on avait au départ (mais les gens qui me connaissent reconnaîtront qu'il m'arrive de capituler complètement).
Ce que je supporte très difficilement, en revanche, ce sont les
gens qui se refusent à la discussion, soit parce qu'ils sont sûrs de
leur bon droit, soit parce qu'ils n'acceptent pas le principe de
pouvoir céder sur un point ou compromettre leur position de principe.
Enfin, à la limite, je peux céder sur tout à partir du moment où mon
interlocuteur a manifesté sa bonne volonté dans le sens de
chercher à comprendre ce que je veux ou ce que je pense (par exemple,
je suis facilement attendri par des formulations telles que je
comprends ce que tu veux, mais ce n'est pas possible…
— je pense que je me laisserais facilement avoir par un bon
acteur qui utiliserait cette fibre-là). Mais quelqu'un qui reste
braqué sur son attitude initiale finit par provoquer chez moi une vive
colère, car je ne supporte pas d'être ignoré.
Le cas concret qui me conduit à ces réflexions, c'est un débat causé par le fait que j'ai posé une Webcam en un endroit public (à l'ENS). D'aucuns s'en sont scandalisés (on n'a pas à être filmé, et d'ailleurs c'est illégal) : ils ont peut-être raison, et peut-être que ce que j'offrais comme assurances pour les satisfaire n'était pas suffisant (que l'URL de la page soit en accès restreint à l'intérieur de l'École, qu'un papier avertisse de l'existence de cette Webcam et suggère à celui qui ne veut pas être filmé de placer un cache devant elle, et qu'aucune archive ne soit gardée des photos prises, pas même quelques secondes), peut-être même qu'on ne doit pas transiger sur le principe et ne pas se contenter de ce genre de compromis, mais l'arrogance commence lorsqu'il y a refus même de dialoguer ou de chercher à comprendre pourquoi d'autres, loin de se scandaliser, pensent que c'est une bonne idée. Devant la sommation, je réagis en affirmant ma position avec plus de fermeté, et on arrive à une impasse.
Et je ne comprends pas comment des gens, par ailleurs sensés, en viennent à réagir de la sorte.