David Madore's WebLog: Fragment littéraire gratuit #33 (Quiksilver et Homère)

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(dimanche)

Fragment littéraire gratuit #33 (Quiksilver et Homère)

On va encore m'accuser de faire commerce de mes fantasmes, parce que je parle de skaters… Ben oui. ☺️

Un groupe de skaters, dont j'étais plus ou moins devenu le protecteur, avait élu point de rassemblement dans la cour de la résidence, où ils avaient une rampe pour s'exercer. La seule autre personne qui utilisait cet endroit autrement que pour aller d'un point A à un point B était un vieux monsieur d'autour je pense de quatre-vingts ans, un dénommé Lucien, qui venait chaque jour là sur un banc pour lire. Il était agrégé de lettres classiques, et les vicissitudes du sort l'avaient réduit à habiter un studio à peine salubre aux Peupliers.

Ils auraient pu se côtoyer sans se voir pendant une éternité. Mais un jour, Kévin, le plus jeune des skaters, s'est assis à côté de lui, et lui a adressé un sourire. Lucien a fait au garçon un compliment timide sur la figure qu'il venait de réaliser, Kévin lui a demandé ce que l'autre lisait, et la conversation s'est nouée. C'était un accident, une erreur du sort, cela n'aurait pas dû durer, chaque côté aurait dû trouver en l'autre le sommet de l'ennui, et pourtant, le miracle a eu lieu, et rapidement Lucien a été adopté par la bande.

Ils l'ont intéressé à leurs planches, à leurs codes et à leur langage, il leur a présenté Homère, dont il leur traduisait chaque jour un court extrait, et une langue qu'ils ont élue presque comme un code de reconnaissance. Vision incongrue que cette jeune faune urbaine qui mêlait çà et là un mot de grec ancien à sa façon de parler !

Quand Lucien est tombé malade, lui qui n'avait ni famille ni autre ami, ils ont été à ses côtés à l'hôpital, ils l'ont soutenu jusqu'au bout, et le vieil homme n'est pas mort dans la solitude qui lui semblait promise.

Eh bien je pense que cet épisode m'a redonné foi en la nature humaine. Si l'amitié arrive à nouer des liens au-delà de différences si importantes d'âge, de milieu et de culture, c'est que tout n'est pas vain, c'est qu'il restera toujours de l'espoir…

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