David Madore's WebLog: Qu'est-ce que la culture générale ?

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(mercredi)

Qu'est-ce que la culture générale ?

Il est assez délicat de savoir où placer la limite entre la « culture générale » et la connaissance spécialisée : tout le monde a, je crois, tendance à considérer que la culture générale est formée de choses qu'il connaît effectivement, ou, en tout cas, que s'il en sait beaucoup plus sur un domaine que sur un autre (ou s'il s'y intéresse plus, ce qui va souvent de pair) ce qui doit s'appeler « culture générale » dans ce domaine va nettement plus loin.

Sommairement, je serais tenté de dire qu'il y a trois niveaux : les connaissances de base, la culture générale, et l'érudition. Les connaissances de base, ce sont surtout des choses que tout le monde (au-delà d'un certain âge) est censé savoir sous peine de subir un handicap sérieux dans la vie quotidienne, et que, de fait, pratiquement tout le monde a : ainsi, savoir énumérer l'alphabet (latin, dans le monde qui l'utilise et même probablement ailleurs) fait partie des connaissances de base ; de même, connaître les noms des jours de la semaine ou des mois de l'année. Il y a aussi des connaissances un peu plus locales et plus transitoires, comme savoir qui est le président ou premier ministre en exercice du pays où l'on réside.

En revanche, connaître l'alphabet grec (sauf pour les Grecs, évidemment), c'est de la culture générale mais plus une connaissance de base. Il s'agit surtout d'un nombre considérable de listes et de tables d'association : l'homme « cultivé » (mais pas nécessairement « érudit » pour autant) est censé savoir lister (outre les vingt-quatre lettres de l'alphabet grec, donc) les sept merveilles du monde, les sept péchés capitaux, les sept collines de Rome, les douze signes du zodiaque, les empereurs romains d'Auguste à Septime Sévère, les noms des figures d'un jeu de carte, les quatre Beatles, les quatre parties de la Tétralogie, les trois premières lignes de la table périodique, les (192 ou alentours) pays du monde et leur capitale, les prénom, dates approximatives (ou, pour certains, exactes), nationalité et « qualité » d'un nombre hallucinant de personnes célèbres, j'en passe et des meilleures. En vérité, personne n'a une connaissance parfaite même de cette « culture générale » : il y a seulement des gens qui font plus ou moins bien illusion — même sur les quelques exemples que je donne, je pense que la proprition des gens qui seraient capable de tout énumérer correctement est très réduite — le tout n'est pas tant d'avoir une bonne culture que de bien savoir la maîtriser. (J'avoue que j'avais été un peu surpris, par exemple, par la faiblesse des scores des gens qui avaient tenté le test de culture général que j'avais mis sur mon site il y a longtemps.)

Au-delà de la culture générale, il y a le savoir spécialisé, dont l'érudition fait partie, et, cette fois, il n'y a pas de limite et il va de soi que personne ne peut avoir une proportion plus qu'infinitésimale de la connaissance du monde — mais il est vrai que là aussi certains arrivent assez remarquablement bien à faire croire qu'ils savent vraiment tout (disons qu'il m'est arrivé de rencontrer des gens que je n'ai jamais réussi à mettre en défaut dans quelque domaine que ce soit, et c'est très impressionnant).

Chose curieuse, à l'intérieur d'une discipline précise — en l'occurrence, je pense aux mathématiques, mais je suppose que c'est la même chose pour d'autres domaines — le même schéma se reproduit : il y a des connaissances de base, une culture générale, et de l'érudition au-delà. On demande au candidat qui passe l'agreg de maths d'avoir une bonne « culture générale mathématique », donc connaissance de tout un tas de choses aussi arbitraires et éclectiques que la culture « générale générique ». D'un certain point de vue, c'est assez absurde.

Je me demande s'il existe des bons manuels de culture générale (le fait qu'il en existe est une évidence, l'accent est mis sur le bon), dans lesquels tout serait bon à apprendre et bien présenté. Ou bien est-ce qu'il y a une raison quasi-mystique de penser que la transmission de cette forme de savoir ne peut se faire qu'oralement ?

Je ne sais plus bien pourquoi je raconte tout ça, moi, d'ailleurs.

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